^pffâ
tV '.JUA* . U.* »’^t
V.
■
FRONTISPrCE.
ATHÈNES
DÉCRITE ET DESSINÉE
PAR
ERNEST BRETON
DE LA SOCIÉTÉ IMPÉRIALE DES ANTI Q^U AIRES DE FRANCE, ETC.
suiv;e D un
VOYAGE DANS LE PÉLOPONÈSE
DEUXIÈME ÉDITION
Ttjv oî itd/.EWv i^a-îôiv oirotraç o Ziu;
àvaçaivât -cà; ’AO'fJva^
« Je VOUS le dis, la plus brillante de toutes
les villes que nous montre Jupiter, c’est
Alhfmes. »
Athf.nke, Deipn., T.. I.
PARIS
L. GUERIN ET C'G EDITEURS
the:odore morgand, libraire dépositaire
t
5 — RUE BONAPARTE — 5
1868
Tous droits réserves.
A
SA MAJESTÉ
OTHON
ROI DE GRÈCE
HOMMAGE DE PROFOND RESPECT
DE SON TRÉS-HUMBIE ET TRÈS-OBÉISSANT SERVITEUR
ERNEST BRETON.
Paris, juin 1861.
1
Magnmi iter ad doclas proficisci cogor Athenas.
PnoPEucE. L. III. El. 21.
O MME le poëte, « j’entreprends
le grand voyage de la docte
Athènes; » an pied des colonnes
de ses temples, sons ses porti¬
ques, an sommet de ses collines,
je retrouverai les nombreuses
traces des archéologues, des artistes qui m’y ont précédé; elles
me guideront dans une carrière qu’éclaireront, comme autant
de phares lumineux, les grands noms de Pausanias et d’Hérodote,
ceux des Stuart, des Chaiidler, des Dodwell, des Peurose, des
Bôttiger, des Ottfried Müller, des Brôiidsted, des Pittakis, des
Baugabé, des Raoul -Rochette, des Letroiiiie, des Lenormaiit,
des Beulé, et tant d’autres non moins justement estimés.
Si les antiquités de la reine des arts ont déjà trouvé tant de
fois de dignes interprètes, nous avons osé croire pourtant que,
même après leurs savants ouvrages, il pouvait rester place pour
une entreprise plus modeste, mais non moins utile peut-être.
Il y a peu d’années, je m’efforçais de populariser la connais¬
sance des ruines si curieuses de Pompéi en publiant une descrip¬
tion qui, par son format, par son plan, fût à la portée de toutes
les intelligences, de tous les âgés, de toutes les fortunes. Le bien¬
veillant accueil fait à cet ouvrage, dont deux éditions ont dû
paraître dans la même année, m’a prouvé que je ne m’étais i)as
trompé en croyant répondre à Pnii des besoins de notre époque.
La pensée qui me guidait alors m’inspire encore aujourd’hui.
Les antiquités d’Athènes, plus belles et aussi intéressantes que
celles de Pompéi, sont beaucoup moins connues ; car si d’innom¬
brables voyageurs foulent chaque année le pavé de la rue des Tom-
beau.Vj, les mosaïques de la villa de Diomède, bien peu traversent les
mers pour aller admirer les chefs-d’œuvre de Mnésiclès, d’Ictinus
et de Phidias. D’ailleurs, pour Athènes comme pour Pompéi, si
les ouvrages spéciaux abondent, la plupart sont d’un format
incommode et d’nn prix très -élevé; beaucoup sont écrits en
langue étrangère, remplis de citations grecques et latines, ou
même accompagnés de simples renvois aux écrits des anciens;
5
ceux-ci ne s’adressent qu’aux savants de profession; d’antres,
destinés exclusivement aux architectes, présentent une foule de
détails inutiles, sinon inintelligibles pour la plupart des lecteurs.
Nous aussi, nous avons mis à contribution les écrivains de l’anti¬
quité, mais partout, à moins qu’ils ne fissent répétition, nous
avons transcrit entièrement en notes et traduit les passages ayant
trait à notre sujet; nous avons profité des recherches faites par les
voyageurs français, anglais, danois, allemands, italiens, par les
archéologues de la Grèce moderne; nous avons enfin puisé des
renseignements positifs et précieux dans les magnifiques travaux
des architectes pensionnaires de la France.
Un excellent ouvrage, paru en 1853, nous a été d’un puissant
secours dans une partie de notre tâche, mais aussi plus d’une fois
il a fait notre désespoir. En lisant les pages à la fois si doctes et
si élégantes tracées par M. Beulé, souvent nous nous sommes
senti découragé. Pourtant, si nous ne pouvons faire mieux que
le brillant professeur, nous pouvons foire autre chose : nous pou¬
vons décrire les monuments d’Athènes entière, au lieu de nous
renfermer, comme lui, dans l’enceinte de l’Acropole; nous pou¬
vons rendre notre livre plus accessible aux gens du monde ; nous
pouvons, par des dessins nombreux et scrupuleusement exacts, en
faciliter l’intelligence; nous pouvons enfin, grâce à nos propres
observations, émettre peut-être quelques idées nouvelles et ap¬
porter ainsi quelques pierres à l’édifice dont nos devanciers ont
posé les fondements.
La science est un champ ouvert à d’incessantes conquêtes dont
6
Dieu seul peut fixer les limites. Obscur soldat marchant k la
suite de tant de chefs illustres, nous n’ambitionnons d’autre
récompense que l’espoir d’avoir contribué , pour notre faible
part, k frayer le chemin à de nouveaux conquérants qui peut-
être eussent reculé devant les cailloux et les ronces que nous
avons essayé d’écarter.
PLAN DE LACROPOLE
Porte do l’Acropole.
CHAPITRE PREMIER
ACROPOLE.
MURAILLES. ENTRÉE.
Acropole, ce lieu si célèbre
dans l’histoire d’Athènes et dans
celle de l’art est un rocher
formé d’une sorte de marbre
grossier blanc et rouge ; ce rocher
se dresse au milieu de la plaine,
entouré seulement de ciuelciues
collines moins élevées, le Pnyx,
l’Aréopage, le Musée, la colline
des Nymphes, produites évidem¬
ment par un même soulèvement à une époque dont les hommes n’ont
1. Un Athénien nommé Héliodore avait écrit sur l’Acropole quinze livres aujourd’hui perdus et
que nous ne connaissons que par la mention qu’en fait Athénée, Deipnosoph. L. VI.
10
ATHÈNES.
pas conservé le souvenir. Platon prétend même qu’avant le déluge de
Deucalion ces diverses élévations n’en formaient qu’une seule, et que
ce fut un tremblement de terre qui opéra leur séparation. Cette suppo¬
sition ne nous semble admissible qu’en ce qui touche le rocher de l’Aréo¬
page, qui n’est séparé de celui de l’Acropole que par une très -étroite
vallée et dont la constitution géologique est d’ailleurs complètement
identique.
Le rocher de l’Acropole, élevé de 154 mètres au-dessus du niveau de la
plaine, est à pic et entièrement inabordable de trois côtés ^ ; au couchant
seulement, en regard de l’Aréopage, il était moins abrupt, et avait
été rendu sans doute encore plus accessible par la main de l’homme
qui, à plusieurs époques, dut aussi aplanir le plateau qui le surmonte.
Ce plateau, d’une surface cependant encore fort inégale, forme un poly¬
gone irrégulier s etendant de l’est à l’ouest, sur une longueur d’environ
300 mètres, tandis que la plus grande largeur du nord au sud n’est que
de 135 mètres. Le développement de l’enceinte dépasse 800 mètres.
Acropole fut le berceau d’Athènes; ce fut sur ce rocher, si favorable
à la défense, gue Cécrops vint s’établir avec la colonie égyptienne qu’il
amenait de Sais, la capitale du Delta, et qu’il fonda une ville à laquelle
il donna son propre nom, celui de Cecropia, et aus^i le nom égyptien
d'Asty^. Bientôt, à Athènes, comme vingt siècles plus tard dans toute
l’Europe du moyen âge, la ville habitée descendit dans la plaine, et la
ville haute, l’Acropole, ne fut plus qu’une citadelle qui ici, par exception,
resta en même temps le sanctuaire le plus vénéré. Ce fut sous Thésée
seulement (1350 à 1300 avant Jésus-Christ) que cette révolution fut
définitivement consommée, et que toute habitation particulière disparut
de l’enceinte de l’Acropole. C’est là aussi que Cécrops avait fondé le
premier temple consacré à la vierge victorieuse, à la divinité égyptienne
Neth o\\ Netha dont les Grecs, par inversion, firent Athen, et qui fut
1. « La citadelle a’a qu’une seule entrée, tous les autres côtés étant très-escarpés ou fortifiés de
murs. ))
Pausanias. Attic.
2. « Ce que l’on appelle proprement AXTV est un rocher qu’environnent les maisons de la ville
assises dans la plaine. C’est sur ce rocher que s’offre l’enceinte consacrée à Minerve, contenant
l’ancienne chapelle de Minerve Poliade, où brûle une lampe qui ne s’éteint jamais, et le Parthénon
bâti par Ictinus, où se voit la statue en ivoire de la déesse, travaillée par Phidias. »
Strabon. Géogr. L. IX.
ACROPOLE.
4r
adoptée par les Romains sous le nom de Minerve ^ Plus tard, les Athé¬
niens repoussèrent cette origine étrangère, et pour eux-mêmes et pour
leur divinité ; si Diodore, Théopompe, Pausanias, Hérodote et autres his¬
toriens persistèrent à soutenir l’authenticité de la tradition primitive , il
ne manqua pas d’écrivains qui s’efforcèrent de prouver que Cécrops était
Grec, et même que Sais avait été, au contraire, fondée après Athènes par
une colonie grecque qui y avait introduit le culte de Minerve. C’est
alors que fut inventée cette fable poétique de la lutte de Minerve et de
Neptune, se disputant l’honneur de nommer et de protéger la ville
naissante
Dispute de Neptune et de Minerve, d'après un vase
italo-grec.
La première fortification de l’Acropole ne fut qu’une enceinte formée
de pièces de bois, entrelacées avec les oliviers sauvages qui couvraient
alors les flancs de la colline.
1. « Minerve avait à Sais un temple révéré dans lequel on ensevelissait les rois d’Égypte, de même
que Cécrops et Érechthée furent ensevelis^ contre l’usage général de la Grèce, dans le sanctuaire de
Minerve Poliade. » Beucé. Acrop. C. I,
2. « Neptune vint donc le premier dans l’Attique, et, ayant frappé le sol de son trident, fit jaillir
au milieu de l’Acropole la mer (le flot ou la source salée) que l’on nomme Èrechthéide. Après lui
vint Minerve , qui fit naître l’olivier. Un débat s’étant élevé entre ces deux divinités au sujet du
12 AT NE S.
Enceinte pélasgique. Vers l’an ilOO avant Jésus-Christ, moins d’un
siècle après la prise de Troie, des Pélasges venus de la Béotie selon la
plupart des historiens, de la Sicile si l’on en croit Pausanias, ayant trouvé
un asile dans l’Attique, payèrent cette hospitalité en aplanissant le pla¬
teau de l’Acropole, en l’entourant d’une de ces murailles cjui ont rendu
leur nom célèbre dans l’Italie comme en Grèce, et en défendant le côté
accessible de la citadelle par une suite de travaux avancés, dont les
neuf portes valurent à leur ensemble la désignation à' Ennéapyle. Pau¬
sanias nous a conservé les noms d’ Agrolas et d’Hyperbius, architectes qui
présidèrent à cette entreprise^. Les Athéniens, après leur avoir concédé,
comme récompense de cet important service, les terres comprises entre
l’Acropole et la base du mont Hymette, en vinrent plus tard à craindre
pays, Jupiter les fit transiger et leur donna pour juges les douze dieux. Ceux-ci prononcèrent et
l’Attique fut adjugée à Minerve; la ville s’appela donc Athènes du nom de Minerve. »
Apoi.i.odoiip;. III. li.
Cecropia P allas scopulum Mavortis in aree
Pinyü et antUpmm de terrœ nomine lüem.
Bis sex eœlesles, medio Jove, sedibus al lis
Aujusla (jravitale sedenl; sua quemque deonmt
Inscribil fades : Jovis est reyalis imago.
Slave deum pelagi, longoque ferire tridenle
Aspera saxa facit, medioguc e xmlnere saxi
Exsiluisse frctum, quo pigtiorc vindicet urhem.
Al sibi dal dgpemi, dal acutœ cuspidis haslam;
Dal galeam cajuti; defendilur œgide pectus :
Pereussamque sua simulai de cuspide lerram
Prodere curn baeds fœlum canentis olivœ ;
Mirarique Deos : opevi viclovia finis.
Ovide. Mélam. L. VI, v. 09.
« Minerve peint (sitr sa tapisserie) le rocher de Mars, dans la citadelle de Cécrops, et l’anticjue
lutte pour le nom du pays. Les douze dieux, assis autour de Jupiter sur des sièges élevés, brillent
d une auguste majesté. Chacun d’eux se fait reconnaître à ses traits, mais la grandeur royale rayonne
au front de Jupiter. Le dieu des mers est debout; il frappe de son long trident le dur rocher, et, de
son sein entr’ouvert faisant jaillir une mer, revendique l’empire de la contrée. La déesse se repré¬
sente elle-même armée de son bouclier et de sa lance à la pointe acérée; elle met un casque sur sa
tête, couvre sa poitrine de l’égide; elle frappe la terre de sa lance et en fait sortir l’olivier avec ses
fruits et son pale feuillage. Les dieux sont transportés d’admiration, et la victoire de Minerve cou¬
ronne son oeuvre. »
Les premiers mots d’Ovide renferment une erreur manifeste, puisqu’il place la colline de Mars
(l’Aréopage) dans l’enceinte de l’Acropole.
1. « Les murs de la citadelle, excepté la partie que Cimon, fils de Miltiade, a fait construire, sont
1 ouvrage des Pélasges qui demeuraient jadis au-dessous de la citadelle; ils se nommaient, dit-on,
Agrolas et Hyperbius; j’ai voulu savoir qui ils étaient, mais je n’ai pu apprendre autre chose, si ce
n est que, Siciliens d origine, ils étaient allés s’établir dans l’Acarnanie. »
Paisamas. Allie. C. XXVUI.
ENCEINTE DE L’AGIIOEÜLE.
13
leurs hôtes, dont la population toujours croissante, dont la richesse,
fruit de leur industrie, commencèrent à leur porter ombrage. Ils les
accusèrent d’avoir commis, envers de jeunes Athéniennes, près la fontaine
Ennéacrounos , un crime qui ne fut jamais bien prouvé; ils leur suppo¬
sèrent, sans plus de certitude, l’intention de se rendre maîtres d’Athènes,
et ils les chassèrent de ces terres qu’ils avaient reçues incultes et stériles
et qu’ils laissaient défrichées et fertiles^. « Mais les dieux eux-mêmes
semblèrent punir leur ingratitude et leur mauvaise foi en rendant inutiles
contre l’ennemi ces murs, ouvrages de leurs victimes, et en les faisant
servir aux projets des ambitieux contre leur liberté. Cylon , Pisistrate,
Isagoras, commencèrent par se saisir de l’Acropole, lorsqu’ils voulurent
se faire tyrans de leur patrie , tous trois , il est vrai , avec un succès bien
différent. Lorsqu’au contraire Xerxès en fit le siège, Mtnerve chercha en
vain à fléchir, par ses prières, Jupiter vengeur de l’hospitalité 2. »
Lorsc^u’en l’an 480 les Perses, repoussés dans plusieurs assauts par
quelques vieillards, cjaelques prêtres, quelques citoyens enfermés dans
la citadelle sur la foi d’un oracle^ mal interprété, pendant que les guer¬
riers niontés sur les navires se préparaient à la victoire de Salamine,
lorsque les Perses, dis-je, furent parvenus à pénétrer par un point qu’on
avait négligé de défendre, ils mirent les temples au pillage, et tous les
monuments de l’Acropole devinrent la proie des flammes^. Après la fuite
1. Les Athéniens frappèrent même d’anathème le lieu où les Pélasgos avaient demeuré, et défen¬
dirent, sous les peines les plus sévères, de jamais bâtir ou semer en cet endroit. Cette prohibition
paraît avoir subsisté jusqu’à la guerre du Péloponèse. A cette époque, les habitants de l’Attique
ayant été forcés de se réfugier tous à Athènes, « il n’y eut pas, dit Thucydide (L. II, § 18), jusqu’au
lieu appelé Pelasgicon, au-dessous de l’Acropole, qui ne fût occupé, vu l’urgence du moment; et
cependant ce lieu était maudit, et il était défendu de l’habiter. La fin d’un vers de la Pythie l’inter¬
disait même en ces termes ; Il vaut mieux que le Pelasgicon soit désert. »
2. Belle. Acrop, C. L
3. Suivant cet oracle, le salut dos Athéniens était derrière des murailles de bois. Thémistocle fit
comprendre à la majorité que, par ces mots, l’oracle désignait la flotte, mais quelques-uns s’obsti¬
nèrent à rester dans l’Acropole en ajoutant à ses murailles des palissades de bois. Voici quelles avaient
été les paroles de l’oracle de Delphes : « Quand l’ennemi se sera emparé de tout ce que renferme
le pays de Cécrops et des antres du sacré Cithéron, Jupiter, qui voit tout, accorde à Pallas une
muraille de bois qui seule ne pourra être prise ni détruite; vous y trouverez votre salut, vous et vos
enfants. « (Hérodote, L. VII, c. 141.) La destruction d’Athènes avait déjà été prédite à la première
nouvelle de l’expédition des Perses par un autre oracle de la Pythie : « Athènes, avait-elle dit, sera
détruite de fond en comble, tout sera renversé, tout sera la proie des flammes; et le redoutable
Mars, monté sur un char syrien, ruinera vos tours et vos forteresses. » Id. L. VU, c. 140.
4. Dans une expédition des Ioniens contre les Lydiens, « le temple de Cybèle, déesse du pays, avait
<4 ATHÈNES.
honteuse de Xerxès, les Athéniens, revenus dans leur patrie, n’avaient
pas encore commencé à réparer leurs désastres, quand ils furent forcés
de l’abandonner de nouveau. Les Perses, commandés par Mardonius,
devenus, dix mois après, une seconde fois maîtres d’Athènes déserte,
complétèrent les dévastations commencées par Xerxès, « et, dit Hérodote,
lorsque Mardonius sortit d’Athènes, il y mit le feu et fit abattre tout
ce qui subsistait encore, murs et édifices, tant sacrés que profanes L » Il
est vrai qu’Hérodote semble lui-même se contredire lorsqu’il dit ailleurs
que, de son temps (vers 460 avant Jésus-Christ), on voyait encore les
fers dont les Athéniens avaient chargé les prisonniers chalcidiens et béo¬
tiens, suspendus aux murailles de l’Acropole, en partie brtilées par les
Mèdes^. Quoi qu il en soit, il est certain que ce fut à l’époque de la
guerre médique que disparurent presque entièrement les murailles de
l’Acropole, ouvrage des Pélasges.
Enceinte de ruÉMiSTOCLE et de Cimon. Dès que les Barbares eurent
évacué l’Attique, les Athéniens se disposèrent à relever leur ville et leurs
murailles. Les Lacédémoniens et leurs alliés du Péloponèse, jaloux du
rôle brillant qu’Athènes avait joué dans la guerre des Perses, virent avec
peine cette détermination, et envoyèrent une ambassade pour engager
les Athéniens à renoncer à leur entreprise. Ceux-ci ne donnèrent d’abord
(jue des réponses évasives, puis Thémistocle demanda à être envoyé
lui-même en ambassade à Sparte pour en conférer, et avant de partir il
été consumé avec la ville de Sardeâ, et cet incendie servit dans la suite de prétexte aux Perses pour
mettre le feu aux temples de la Grèce. » Hébodote. L. V, c. 102.
« Les Barbares, tombant sur l’Attique, dévastèrent la campagne, renversèrent Athènes de fond en
comble et li VI ei eut aux flammes les temples des dieux. » Diooobe de Sicn.E, L. XI, ^ II
(I Ne pouvant rien contre les hommes avec le fer, Xerxès s’en prit aux édifices avec le feu. »
JUSTIX. L,. 11 , C. VI.
^ « Les Perses sont réservés aux dernières infortunes, digne prix de leur insolence et de leurs sacri¬
lèges desseins. Ils n’ont pas craint, dans cette Grèce envahie, de dépouiller les dieux, d’incendier
leurs temples. Les autels sont détruits; les statues ont été arrachées de leurs hases et brisées en
” Eschyi.e. Les Perses.
« Quant au héraut qui estoit venu de la part de Mardonius, Aristides lui monstra le soleil et lui
dit: Tât que cest astre tournera à l’entour du monde, les Athéniens seront mortels ennemis des
Perses, pource qu’ils leur ont destruit et gastc leur pais et qu’ils ont poilu et bruslé les temples de
leurs dieux. » Peutarque. Aristides.
1. Hérodote. L. IX, c. 13.
2. Id.
L. V, c. 77.
Ex\CElNTJi DE L’ACROEOLE. 15
traça aux Athéniens la marche à suivre pour mener à bonne fin la ruse
qu’il avait imaginée. « On devait ensuite, dit Thucydide^, lui choisir
des collègues; mais au lieu de les faire partir sur-le-champ, on devait
les retenir jusqu’à ce que la muraille eût atteint la hauteur strictement
nécessaire pour la défense. Tout ce qu’il y avait d’habitants dans la
ville, hommes, femmes, enfants, devait se mettre au travail, sans épar¬
gner ni édifices publics, ni maisons particulières; tout ce qui pouvait
offrir quelque utilité pour la construction du mur devait être démoli. »
Cependant Thémistocle, amusant les Lacédémoniens par de belles
paroles, parvenait à gagner du temps; le bruit des travaux exécutés à
Athènes étant arrivé à leurs oreilles, il leur persuadait d’envoyer véri¬
fier le fait par des délégués que les Athéniens, à leur tour, retenaient
sous divers prétextes et dont ils se faisaient des otages pour garantir la
sûreté de leur ambassadeur 2. « C’est ainsi, ajoute Thucydide, que les
Athéniens fortifièrent leur ville en peu de temps; aussi reconnaît-on,
aujourd’hui encore, que les constructions furent élevées à la hâte; les
fondements sont formés de pierres non appareillées, souvent tout à fait
brutes et jetées là au hasard, comme on les apportait; on trouve même
des cippes funéraires efi des sculptures mêlés à la maçonnerie^. »
1. L. I, yo.
2. 11 essaya incontinent de rebastir la ville et les murailles d’Athènes, en corrompant par argent
les officiers (éphores) de Lacédémone, afin qu’ils ne lui donnassent point d’empescliement à ce faire,
ainsi comme escrit Theopompus ; ou, comme tous les autres disent, en les ayant abusez par vne telle
finesse : il s’en alla à Sparte, comme ambassadeur despéché exprès sur ce que ceux de Lacédémone
se plaignoyent que les Athéniens renfermoyent leur ville de murailles, et les en accusoit enuers le
côseil de Sparte vn orateur nommé Polyarchus, y ayant expressément esté enuoyé pour ce fait par
les Æginètes. Thémistoclcs leur nia fort et ferme, et leur dit que, pour s’en informer à la vérité, ils
enuoyassept de leurs gens sur les lieux, voulant par ce delai gagner tousiours autât de temps au
parachèvement des murailles, et aussi que les Athéniens retinssent pour ostages de la seureté de sa
personne ceux qui seroyêt enuoyez à Athènes pour en faire le rapport : comme il auint. »
Plütauque. Thémistocle.
« Thémistocle trompa les Lacédémoniens de la manière suivante. Il arriva à Lacédémone en qualité
d’amhassadeur, et nia qu’on relevât les murs. Si vous ne me croyez pas, dit-il, envoyez les citoyens
les plus distingués d’entre vous pour s’assurer du fait et retenez-moi. Les envoyés lacédémoniens
partirent et Thémistocle donna scci'ètement l’ordre aux Athéniens de les retenir jusqu’à ce que les
murailles fussent relevées; après quoi ils ne devaient les laisser aller que lorsqu’il serait lui-même
de retour. La chose se passa comme Thémistocle l’avait dit ; les murailles furent relevées; Thémis¬
tocle revint à Athènes, et les envoyés de Sparte furent rendus. » Polyen. Stratag. 1 , 30.
Cf. Diodore de Sicile. L. XI, §§ 39 et 40. Cornélius Népos, Thémistocle, 6 et 7. Justin. L. II,
c. 14. Frontin. Stratag. L. I, 10.
3. L. I, 93.
15
ATHÈNES.
Cimon, à son tour, entreprit de compléter ou de remplacer les mu¬
railles qui venaient d’être élevées à la hâte; il put alors construire à
loisir et avec soin le rempart méridional de l’Acropole, et sans doute il
eût terminé l’enceinte entière si le temps ne lui eût manqué. « Cimon,
dit Plutarque , avait acquis honorablement une grande fortune sur les
Barbares et l’employa plus honorablement encore^. » Et en effet ses
propres richesses ne contribuèrent pas moins que le trésor de l’Etat aux
grands travaux qui furent exécutés sous son administration.
En /j05, à la fin de la guerre du Péloponèse , Lysandre, maître
d’Athènes, en fit démolir les fortifications, et ce fut sans doute à cette
époque que furent détruites les parties de l’Ennéapyle épargnées sous
Périclès, lors de la construction des Propylées.
Murailles de Conon. Enfin, les murailles d’Athènes et celles de
l’Acropole furent relevées ou réparées encore une fois par Conon dans
la première année de la 97® olympiade (392 avant Jésus- Christ) .
Lorsqu’en l’an 87 avant Jésus-Christ Sylla s’empara d’Athènes, il
fit démanteler l’entrée de la citadelle 2. Nous dirons plus tard comment
elle fut remplacée à la hâte sous Yalérien, lorsque l’Orient se vit menacé
par les premières invasions des Goths.
Enceinte de l’Acropole au moyen âge. Les murailles en partie rui¬
nées furent plusieurs fois restaurées par les seigneurs d’Athènes, français
1. « C’est, dit ailleurs le meme historien, avec le produit de son expédition contre les Perses qu’on
bâtit notamment la muraille de l’Acropole qui regarde le midi. » Vie de Cimon.
2. Les historiens latins ne sont guère d’accord sur le rôle que les Athéniens jouèrent dans cette
guerre :
(( Vainqueur des généraux de Mithridate, dans l’Attique, la Béotic et la Macédoine, Sylla reprit
Athènes, détruisit à grand’peine les fortifications du Pirée, tua plus de deux cent mille ennemis, et
en prit un pareil nombre. Ce serait ignorer Thistoire et la vérité de croire qu’Athènes était révoltée
contre nous lorsque Sylla en fit le siège. Les Athéniens se sont toujours conduits à notre égard avec
une fidélité si inaltérable que la foi attique était passée en proverbe à Rome pour exj)riinor une fidélité
à toute épreuve. Au reste, accablés sous la puissance de Mithridate, les Athéniens avaient le double
malheur de voir leur ville occupée par leurs ennemis et assiégée par leurs amis. Leurs affections
étaient hors des murs où la nécessité les retenait captifs. »
Vecueios Pateuculus. Hist. rom. L. II, c. 23.
» Sylla fait d’abord le siège d’Athènes; il la presse par la famine, et, qui le croirait? il réduit cette
ville, la mère des moissons, à se nourrir de chair humaine. Il ruine bientôt le port du Pirée, renverse
plus de six enceintes de murailles, et, après avoir dompté les plus ingrats des hommes (c’est ainsi
qu’il appelait les Athéniens), il leur pardonne cependant en considération de leurs ancêtres, de leurs
cérémonies sacrées et de leur célébrité. »
Florüs. Hist. rom. L. III, c. G.
ENCEINTE DE L’ACROPOLE.
17
OU florentins , mais de nouveaux travaux de défense furent rendus indis¬
pensables par l’invention de l’artillerie, et lorsqu’en j/i56 Mahomet 11
se fut emparé de la ville et de la citadelle, il dut protéger celle-ci,
surtout du côté de l’ouest que commandait la colline de Musée, et il
éleva alors cet énorme bastion sous lequel, à ili mètres de profondeur,
M. Beulé a su retrouver l’entrée antique. Depuis lors enfin, des restau¬
rations plus ou moins grossières, des additions plus ou moins considé¬
rables, ont eu lieu, surtout à l’occasion du siège de l’Acropole par les
Vénitiens en 1687, et aussi à l’époque de la guerre de l’indépendance,
lorsque les Grecs et les Turcs s’y assiégèrent tour à tour.
L’enceinte de l’Acropole suivait les inégalités du rocher, ce qui fait
que si sa partie supérieure était à peu près horizontale, la hauteur de
la muraille n’en était pas moins très-variée.
Mur de Cimon. Le mur du midi, Notium (de Notoç, sud), ou Cimonium,
c|ui se composait de deux lignes à peu près droites (Pl. PL AB et B G), a
disparu en grande partie sous les reconstructions turques. A l’intérieur,
près des brèches, on en voit encore quelques traces, mais le fragment le
mieux conservé , et resté presque vierge de toute restauration , est celui
qui forme extérieurement l’angle sud-est de l’enceinte^. Quelques pierres
seulement ont éclaté sous le choc des boulets. Les assises sont en retraite
l’une sur l’autre d’environ 0"‘,02, ce qui donne à la muraille une incli¬
naison légèrement pyramidale. L’appareil n’est pas très -grand et les
pierres les plus longues n’atteignent pas un mètre. G’est au pied de cette
muraille que se trouvent les deux théâtres, le portique d’Eumènes, et
le monument choragique de Thrasyllus.
Le mur oriental (Pl. PL CD) a été reconstruit en entier à l’extérieur;
mais à l’intérieur, au pied du Belvédère situé à l’angle nord-est (Pl.PL D)
de l’esplanade, on reconnaît à fleur de terre cinq assises de fondat'ons
de plus de 3 mètres d’épaisseur, qui peut-être ont appartenu à la muraille
antique. Sous le rempart oriental s’ouvre une vaste grotte, effrayante
par ses éboulements qui ont couvert de blocs et de débris tout le flanc
du rocher.
Mlr de Tuémistocle. Le rempart du nord (Pl. PL DGI), composé
d’une longue ligne brisée formant de nombreux angles saillants ou ren-
1. Voy. la lettre en tète du chapitre.
■O
ATHENES
18
trants, et faisant face à la partie la plus considérable de la ville moderne,
avait conservé le nom de muraille pélasgique, même après sa destruc¬
tion par les Perses « qui, dit Diodore de Sicile^, ne laissèrent pas pierre
sur pierre à Athènes. » Il ne faudrait pas prendre l’assertion de l’his¬
torien complètement à la lettre. Nous signalerons dans l’intérieur de
l’Acropole, non loin des Propylées, un reste de construction cyclo-
péenne à polygones irréguliers; et dans le côté de l’enceinte qui nous
occupe en ce moment (Pl. P*. E), au-dessous de la petite maison servant
de musée dans l’Acropole, et au-dessus d'une petite grotte creusée dans
le roc, nous croyons retrouver un reste considérable de la muraille pélas¬
gique. Les blocs sont de très-grand appareil, à joints verticaux et assez
bien parementés, mais les assises sont de hauteur inégale. Il en est de
même de la longueur des blocs qui est très-variable, de sorte que rare¬
ment les joints des assises supérieures tombent au milieu des blocs des
assises inférieures, et que quelquefois plusieurs joints descendent sur
une même assise^.
Mur pélasgique*
Plus à l’ouest (Pl. l'\ F), on voit un très-curieux fragment de la
muraille reconstruite à la hâte pendant l’ambassade de Thémistocle à
1. L. XI, c. 28.
2. Il est une remarque singulière, mais que les faits confirment et qui appartient à M. Blouet,
l’habile architecte auquel on doit la plus grande partie des travaux publiés dans le grand ouvrage de
ï Expédition scientifique de Morée; c’est que, dans les temps les plus reculés, on a employé le système
d’appareil par assises horizontales et joints verticaux, et qu’on est ensuite revenu à un autre mode
de construction moins régulier et plus élémentaire en apparence, lequel pourtant a souvent passé
pour avoir précédé le premier.
ENCEINTE DE L’ACROPOLE.
19
Sparte. Des tambours de colonnes, les uns lisses, les autres dont la can¬
nelure est seulement commencée^, d’autres enfin conservant encore les
tenons réservés par l’ouvrier pour faciliter leur mise en place, ont été
employés comme matériaux. On en trouve d’abord, à gauche, quatorze
disposés deux par deux, à deux niveaux différents, puis huit seuls sur
une même ligne. A un angle saillant de la muraille (Pl. V\ G), se trou¬
vent deux autres tambours superposés-.
Mur de Thémistocle.
Continuant à marcher vers l’ouest, au-dessus de la grotte d’Aglaure
(Pl. F®. H), on avait employé également comme matériaux deux fragments
d’un ancien entablement dorique, ayant peut-être appartenu au vieux
Parthénon, fondé probablement par Pisistrate et détruit par Xerxès^.
Le fragment principal est une longue portion d’entablement, composée
d’une architrave, d’une frise et d’un reste de corniche. La frise conserve
encore cinq tri gly plies ^ de pierre, séparés par des métopes lisses de
1. On sait que chez les Grecs, afin d’éviter les accidents qui pouvaient arriver pendant la construc¬
tion d’un édifice, ce fut un usage constant de ne canneler les colonnes que lorsqu’elles étaient en
place. Les cannelures étaient seulement indiquées en haut et en has du fût, dont toute la partie
intermédiaire restait comme enveloppée dans une gaine que l’achèvement de la colonne faisait dispa¬
raître. Tel est l’état dans lequel se pi’ésente le temple entier de Sélinonte, en Sicile.
2. A Pompéi, l’angle sud-ouest du mur du périhole du temple de Vénus est construit de même en
partie de tronçons de colonnes provenant d’édifices plus anciens. Ce mur, comme celui d’Athènes,
avait été relevé à la hâte après avoir été renversé par le tremblement de terre de l’an 63.
3. Voy. la vignette à la fin du chapitre.
4. Triglyphes, TpiY)voçoi, de vpeîç, trois, et graver, ornement caractéristique de la frise
dorique, ainsi nommé parce qu’il présente trois canaux parallèles gravés en creux. Les triglyphes
représentent l’extrémité des solives qui faisaient saillie au-dessous du toit, dans la cahane, type
primitif du temple grec. Dans le principe ils laissaient entre eux des espaces vides, témoin ce passage
d’Euripide : « J’ai échappé au fer meurtrier des Argiens, et je fuis avec la chaussure phrygienne, en
traversant les lambris de cèdre de la chambre nuptiale et les triglyphes doriques. » (Oreste). Plus
tard, ces vides furent remplis et devinrent les métopes, p.£xÔ7îat, metopæ, qui souvent furent décorées
de sculptures.
20
ATHÈNES.
marbre blanc qui avaient été insérées à coulisses par le même procédé
que nous verrons plus tard avoir été employé également au Parthénon.
La corniche fort simple est en pierre comme les triglyphes.
L’autre fragment, placé dans la construction à quelque distance du
premier, n’est composé que de deux triglyphes.
Tel se présente dans son ensemble le mur de Thémistoclè, s’élevant
au-dessus des rochers de Cécrops, Kex,po7uiaç irsTpaç, des longs rochers,
ptazpàç TTÉTpaç, comme les appelaient les Grecs. Son irrégularité même,
expliquée par les témoignages de l’histoire , le rend la partie la plus
intéressante de l’enceinte de l’Acropole.
Müii DE Conon. Une faible portion paraît avoir été refaite plus tard,
avec le soin et la précision qui caractérisaient les plus parfaites con¬
structions helléniques; elle n’est visible qu’à l’intérieur de l’Acropole,
près de l’Erechthéion ; elle est formée de blocs de moyenne dimension,
taillés avec la plus parfaite régularité, superposés pleins sur joints, et
présentant sur tous ces joints une sorte de gorge étroite, une bande
en creux qui la garantissait de tout choc, en encadrant chaque bloc dont
la surface plane et légèrement saillante se trouvait former une sorte
de bossage qui à la fois présentait plus de résistance, et, comme dit
M. Beulé, « une réminiscence du puissant bossage qu’aimaient les âges
les plus reculés. »
! |i ■
II
. . L
- Ifl -
II
Fragment de la muraille de Conon.
Cette construction dilférant de celle de la muraille de Cimon, nous
pensons qu’elle a dû appartenir au commencement du iv® siècle avant
Jésus-Christ, et faire partie de la restauration exécutée alors par Conon 2.
1. Cette différence de matériaux a fait croire à Hermann Hettner {Athen und der Pelopones) que
dans l’ancien Parthénon les métopes étaient encore ouvertes, et que c’est seulement lorsque ce frag¬
ment de frise fut employé par Thémistoclè, qu’on les ferma par des plaques de marbre. Le savant
allemand eût évité cette erreur par un simple rapprochement avec les métopes du Parthénon de
Périclès.
2. « Conon (après le combat naval de Gnide) revint dans sa patrie avec une partie des vaisseaux,
fit relever à la fois les murs d’Athènes et ceux du Pirée, détruits par Lysandre. »
Cornélius Népos. Conon, 4.
« Conon prend le chemin d’Athènes où il est reçu avec des transports de joie. Le plaisir de
ENTRÉE DE L’ACROPOLE.
•21
Nous sommes d’autant plus porté à le croire, c^ue nous retrouverons
exactement le même appareil aux deux tours cjui, à l’occident, accom¬
pagnent l’entrée de l’Acropole, et que, selon toute apparence, ces tours
sont l’œuvre de Conon.
Ce ne peut être que faute d’un examen suffisant, que le savant auteur
de V Acropole d’Athènes a pu attribuer à la même époque un autre frag¬
ment de muraille, qui se voit également à l’intérieur de l’Acropole, mais
plus à l’est (Pl. !'■% E), derrière une casemate turque. Cette muraille,
qui est le revers de celle que nous avons déjà signalée comme un reste
de la construction pélasgique, est d’un tout autre appareil.
Entrée de l’Acropole. Nous arrivons enfin au côté occidental de
l’Acropole, le seul accessible, et celui où de tout temps se trouva son
entrée (Pl. P^ K). Cette entrée avait disparu, et en 1852 encore, comme
au temps de l’expédition des Français en Morée, ce côté ne présentait
qu’un énorme bastion sans aucune ouverture, et à droite, vers l’angle
sud-ouest, une petite porte moderne percée dans un massif de con¬
struction turcjue et conduisant à une porte (Pl. P^ a) percée dans la
muraille du sud. Avant d’arriver à cette porte, on laisse à droite un
espace qui surmonte l’Odéon. Legrand vit encore en cet endroit les
ruines d’une mosquée, qui avait dû remplacer l’ancien temple d’Escu-
lape, mentionné par Pausanias C’est encore par ce chemin qu’on
pénètre aujourd’hui dans l’Acropole; nous verrons qu’il suit le tracé
du passage réservé dans l’antiquité aux animaux destinés aux sacrifices.
En 1852, par l’examen des lieux et l’étude approfondie des textes,
M. Beulé , alors élève de l’Ecole de France à Athènes, fut amené à
penser qu’il était impossible qu’un monument magnifique, tel que les
Propylées, eût fait face à un simple rempart qui le masquait entière¬
ment, et n’eût été accessible que par un chemin détourné. C’était dans
l’axe des Propylées qu’avait dû exister une entrée conciliant les besoins
de la défense et la nécessité de permettre à l’œil d’embrasser dès l’abord
le chef-d’œuvre de Mnésiclès; mais une question restait à résoudre :
rentrer dans son pays, après tant d’années d’exil, lui fut toutefois moins sensible que la douleur
d’avoir vu Athènes brûlée et détruite par les Spartiates. Aussi répara-t-il les ravages du fer et du
feu avec les dépouilles de l’ennemi et par la main des Perses. » Justix. L. VI, c. 5.
1 . « Le temple d’Esculape mérite d’être vu à cause des statues du dieu, de ses enfants et des pein¬
tures dont il est orné. Il renferme la fontaine près de laquelle Ualirrbotius, fils de Neptune, fut tué
par le dieu Mars. » Pai satvias. Alt., c. XXL
22
ATHÈNES.
l’entrée antique existait-elle encore sous les fortifications modernes? en
avait-elle même jamais occupé l’emplacement, ou s’était-elle éltevée en
avant, ayant depuis longtemps disparu ? Des fouilles seules potuvaient
donner la solution de ce problème; elles furent commencées par M. Beulé
au printemps de la même année C’était à tort qu’avant M. Beulé on
avait cru devoir chercher l’entrée de l’Acropole ailleurs que dans l’axe
des Propylées. « Le plan des Propylées, dit M. Guigniaut^, la forme des
terrains et des rochers, le caractère même du génie grec visant à l’har¬
monie dans ses créations, indiquaient à l’avance que le grand escalier
devait descendre à l’occident vers la plaine, et non pas s’arrêter au pied
du temple de la Victoire sans ailes , sur le rocher du midi. Ce n’est
toutefois qu’après avoir rouvert la tranchée pratiquée autrefois de ce
côté par feu Titeux^, et s’être assuré qu’il avait fait fausse route aussi
bien que son successeur, que M. Beulé a entrepris sa première fouille,
précisément dans l’axe de la porte principale des Propylées, espérant
trouver ainsi du même coup le mur d’enceinte, la porte d’entrée, le
grand escalier et la continuation , s’il se continuait , du chemin creux
qui le sépare en deux moitiés. Après avoir défoncé le bastion moderne
sur sa longueur qui est de 68 pieds, après s’être avancé dans les
profondeurs du sol exhaussé de près de 30 pieds, et à travers les
constructions diverses des âges successifs jusqu’aux murailles byzantines,
il a enfin découvert la partie inférieure de l’escalier à lii pieds en avant
du temple de la Victoire. »
(( Il faut donc, bon gré mal gré, ajoute M. Guigniaut, renoncer à cette
hypothèse gratuite qui, terminant l’escalier un peu en avant du temple
de la Victoire, cherchait la porte d’entrée de la citadelle sur son flanc
droit et en faisait une sorte de porte dérobée complètement indigne
1. Dans son excellent ouvrage sur l’Acropole d’Athènes, M. Beulé, par une modestie louable sans
doute, mais regrettable, n’a pas cru devoir donner l’bistorique de sa précieuse découverte; mais on
trouvera dans le IIP volume des Archives des Afissions scientifiques les rapports qu’il avait adressés
alors au ministre de l’instruction publique, ainsi que ceux faits à cette occasion par M. Guigniaut.
2. Rapport fait le 12 novembre 1852, à l’Académie des inscriptions, sur les travaux des membres
de l’École d’Athènes. {Archives des Missions scientifiques. T. III, p. 267.)
3. M. Titeux, architecte, pensionnaire de l’École de Rome, en étudiant les Propylées, avait voulu
rechercher l’escalier qu’il avait bien pensé aussi devoir les précéder. Il avait fait ouvrir une tran¬
chée en avant du soubassement du temple de la Victoire Aptère; mais, n’ayant rencontré que le
rocber, il avait renoncé à des fouilles qui furent reprises au même lieu et sans plus de succès par
M. Desbuisson. Les traces de ces travaux ont été effacées par les fouilles de M. Beulé.
ENTRÉE DE L’AGROPOLE.
23
de la majesté des Propylées, complètement en désaccord avec leur plan
et leur orientation. »
Ce fut au mois de juillet 1852 que M. Beulé envoya à l’Académie
un mémoire^ qui fit connaître le résultat de ses premières fouilles. Au
mois d’août, sur un rapport de l’Académie, un crédit de û,000 francs ^
lui fut alloué pour continuer les fouilles aux frais du gouvernement fran¬
çais. A l’aide de cette subvention, les travaux furent repris le 18 octobre
1852 ; ils occupèrent tout l’hiver de 1852-1853, et, au printemps de cette
dernière année, ils étaient terminés; M. Beulé put dès lors faire placer
la grille et auprès d’elle l’inscription constatant sa précieuse découverte.
Un nouveau crédit de 1,000 francs avait été accordé avant l’achève¬
ment des travaux, en prévision de la nécessité de reconstruire la partie
inférieure du grand escalier; cette partie ayant été retrouvée presque
entière , ce crédit devint inutile et l’argent fut restitué par M. Beulé.
L’Ennéapyle ou l’entrée aux neuf portes successives, construite par les
Pélasges, avait dû subir déjà quelques modifications, d’abord lors de
la destruction des monuments de l’Acropole par Xerxès et Mardonius,
et de la restauration de l’enceinte par Thémistocle et Cimon, puis lors
de la construction des Propylées sous Périclès. Il est probable que le
plan adopté à cette époque ne dut guère s’éloigner de celui que nous
voyons aujourd’hui. Lorsque, après la guerre désastreuse du Péloponèse,
Lysandre renversa les murailles d’Athènes au son des instruments de
musique qui célébraient la gloire de Sparte et la honte des vaincus, il
paraît avoir à peu près respecté l’enceinte de l’Acropole, et probablement
il se contenta de détruire les fortifications qui, du seul cpté accessible,
protégeaient la citadelle. Conon, en relevant les murailles d’Athènes au
commencement du iv* siècle avant Jésus-Christ, ne pouvait manquer de
commencer par rétablir l’entrée de l’Acropole et la remettre en état de
défense. C’est donc à lui qu’avec toute vraisemblance nous croyons
pouvoir, ainsi que l’a fait M. Beulé, attribuer la construction des deux
tours que ses fouilles ont mises à découvert. Conon, probablement, imita
la porte qui avait été élevée par Périclès en même temps que les Pro-
1. On doit regretter que ce premier mémoire n’ait point été publié, non plus que les dessins de
M. Garnier qui l’accompagnaient.
2. 1,200 francs par le ministère de l’instruction publique, et 2,800 francs par le ministère de
l’intérieur, section des beaux-arts.
ATHÈNES.
24
pylées, et dont le souvenir était trop récent encore pour s’être effacé.
Alors, comme aujourd’hui, les deux tours étaient réunies par une mu¬
raille en retraite dans laquelle s’ouvrait la porte Telle était l’entrée de
l’Acropole au moment où Sylla s’empara d’Athènes, mettant fin à son
indépendance et à son existence politique. Rasant à 3 mètres environ du sol
les deux tours qui accompagnaient la porte, il détruisit la porte elle-
même et la muraille dans laquelle elle était ménagée; et pendant toute
la longue période de la domination romaine, l’intervalle des deux tours
ne fut plus fermé. Enfin, Valérien (253-260 après Jésus- Christ), crai¬
gnant l’invasion des Goths, voulut remettre l’Acropole en état de défense,
et fit relever à la hâte la muraille et la porte que nous voyons aujour-
d’hui^. Telles paraissent être les données les plus probables de l’histoire;
voyons maintenant si elles sont confirmées par l’inspection du monument.
La porte A se trouve dans l’axe et à 36 mètres en avant des Propylées,
dont le soubassement est à 15 mètres environ au-dessus du niveau du seuil.
Le mur, haut lie 6'",7/|. et large de 7‘",20, dans lequel elle est percée, est
composé, à l’exception de l’une des assises inférieures qui est de tuf, de
blocs de marbre disposés par assises horizontales, mais de hauteur inégale.
Les blocs tirés de divers monuments plus anciens sont grossièrement assem¬
blés et leurs joints ne sont pas toujours verticaux. Cependant une sorte
d’intention décorative paraît avoir présidé à cette construction, souvenir
lointain sans doute de celle qui l’avait précédée. Un bandeau de marbre
noir d’Éleusis règne à 1™,65 du sol. La porte, à l’imitation des portes
1. A l’Acro-Corinthe, ou Acropole de Corinthe, une porte bien conservée, et appartenant à la plus
parfaite construction hellénique, présente la môme disposition.
2, Voy. la vignette en tête du chapitre.
ENTRÉE DE L’ACROPOLE.
25
doriques qui, elles-mêmes, avaient eu pour modèle la porte égyptienne,
est plus étroite dans sa partie supérieure ; son chambranle est formé de
deux pieds-droits, chacun d’un seul morceau de marbre portant un linteau
de 2'", 80 de longueur. Ce linteau et ces pieds-droits proviennent, comme
le reste de la muraille, d’édifices plus anciens, ainsi que l’indiquent des
trous de scellement sans objet dans la nouvelle construction. La hauteur
de la baie est de 3'", 87 ; sa largeur, dans la partie inférieure, est de
i'",89, et dans sa partie supérieure de L",73 seulement. « Le seuil de la
porte, dit M. Beulé, le dallage sur lequel il repose, les trous carrés où
les gonds s’engageaient, le conduit ménagé pour l’écoulement des eaux,
tout s’est retrouvé ; il y avait même encore dans les trous des gonds du
plomb qui avait servi à les assujettir. »
Le mur est surmonté d’une sorte d’entablement haut de 2'", 57, formé
de pièces rapportées. « Ce soiiL en effet, ajoute M. Beulé, des entable¬
ments d’édifices doriques placés de la même manière que les débris du
vieux Parthénon sur le mur de Thémistocle. Les architraves de marbre
pentélique supportent une frise en pierre de tuf ; des métopes en marbre
blanc ont été glissées dans les coulisses des triglyphes. Ce sont des pla¬
ques sans traces de sculptures ni de couleurs. Au-dessus de la frise, on a
mis une corniche de marbre qui appartenait à un autre monument, car
les mutules sont d’une proportion sensiblement plus petite et ne s’arran¬
gent point avec les triglyphes » Enfin, on a surmonté le tout d’un
attique composé d’une espèce de seconde architrave terminée par une
petite moulure très-peu saillante, en forme de corniche. Cette décoration
pourrait bien être un lointain souvenir de la décoration primitive de l’en¬
trée de l’Acropole, et ce n’est pas sans vraisemblance que M. Beulé sup¬
pose que les tours elles-mêmes ont pu se terminer par une rangée de
triglyphes, comme celle dont nous voyons encore que Mnésiclès avait
couronné les murs des ailes des Propylées.
Tous les fragments qui ont servi à composer la muraille appartiennent à
des époques différentes, et qu’il ne serait pas impossible de déterminer,
approximativement pour quelques-uns , avec certitude pour quelques
autres. En examinant les triglyphes de la frise, on leur trouve la même
proportion ramassée et les mêmes caractères archaïques que l’on recon-
I
I 1. E. Beulé. Acropole d'Athène.^. T. I, p. 101.
26
ATHÈNES.
naît à ceux de l’ancien Parthénon ou au temple d’Égine, et on peut en
conclure que cette frise décora quelque ancien édifice de l’Acropole,
détruit par Xerxès, et remontant au vi® siècle avant notre ère. Pour l’ar¬
chitrave, nulle incertitude; les blocs qui la composent proviennent d’un
monument choragique^, et furent apportés, soigneusement numérotés
avec des lettres dont la forme appartient au iii® ou iv® siècle après Jésus-
Christ. Sur ces marbres, longs d’environ 2 mètres, on lit encore une
inscription qui en fixe la date :
... APISTO AHMOÏ SrnETAIQN ANE0HKEN
NIKHSA2 XOPH] QN KEKPOniAI HAIAtlN
EAIAAXKE liANTAAEQN SIKÏ
QNIOS HÏAEI AISMA EAnHNlîP
TIMOOEOr NEAIXMOS HPXE
(( N***, fils d’Aristodème du dème de Xypété (dans la tribu cécropide),
a consacré ce monument, ayant remporté la victoire comme Chorége des
enfants de la tribu cécropide. Pantaléon de Sicyone a composé le chœur;
Elpénor, fils de Timothée, a joué le chant sur la flûte. Néæchmus était
archonte. »
L’archontat de Néæchmus répond à la 115* olympiade, l’an 316 avant
Jésus-Christ. Nous verrons, lorsque nous décrirons le monument de Thra-
syllus, que celui-ci fut vainqueur dans la même année, au concours des
hommes faits.
Quant à la partie inférieure de la muraille , plusieurs des blocs qui
la composent portent des inscriptions visibles à l’intérieur, qui ont été
publiées par M. Beulé , et dont les plus modernes appartiennent au
11* siècle après Jésus- Christ.
11 n’est plus permis aujourd’hui de douter de l’emploi que firent les
Grecs de la peinture dans la décoration de leur architecture 2 ; les
travaux des Hittorlï, des Kugler, des Raoul Rochette, des Letronne,
des Brôndsted , les recherches récentes sur les temples doriques de
la Grèce et de la Sicile, ne laissent plus aucune incertitude; elles ont
1. Voy. c. VII.
2. Nous savons même, par des témoignages antiques, que tous les sculpteurs célèbres avaient sous
leurs ordres un peintre habile chargé de peindre leurs oeuvres; plusieurs noms de ces artistes sont
parvenus jusqu’à nous.
ENTRÉE DE L’ACROPOLE.
27
confirmé d’une manière positive l’assertion de Vitruve^, au sujet de la cire
bleue, cera cœrulea, qu’il indique comme étant la couleur d’usage pour
les trigly plies ; les métopes paraissent avoir été généralement rouges
La frise de la porte de l’Acropole était une preuve de plus de l’ancienneté
de l’architecture polychrome. Au moment de sa découverte, M. Beulé
a reconnu sur les triglyphes et sur les mutules des restes de couleur
bleue, et sur les entre-mutules des vestiges de rouge; aujourd’hui, on
en retrouverait difficilement quelques traces.
Les Romains , avons-nous dit , avaient rasé à la hauteur de 3 mètres
environ au-dessus du sol les deux tours B G qui protégeaient l’entrée. Lors
de la restauration hâtive, exécutée par ordre de Valérien, on pensa qu’il
serait à la fois plus prompt et plus économique , au lieu de relever les
tours, d’abaisser le sol et de mettre à découvert les substructions qui
descendaient à une assez grande profondeur. C’est ainsi que les tours
atteignirent une hauteur suffisante, et que la base du mur qui les réunit
se trouva placée environ i'",65 plus bas que celle du mur qui l’avait
précédé , et dont l’ancien niveau , probablement par hasard , se trouve
justement indiqué sur la nouvelle muraille par le bandeau de marbre
noir d’Eleusis dont nous avons parlé.
Les deux tours pyramidaient légèrement. La partie supérieure de ce
qui en subsiste aujourd’hui et qui dans l’origine était seule visible est
formée d’assises régulières de pierres du Pirée, longues de i"‘,25 environ
et hautes de O"’, âO, superposées pleins sur joints. Ces assises reposaient
sur une sorte de soubassement formé de blocs de même longueur, mais
élevés de 1 mètre. Celui-ci est séparé de l’assise qui le surmonte par une
1. L. IV, c. 2, s 2.
2. « Il n’y avait pas, dans toute la Grèce, un seul temple construit avec soin qui ne fût plus ou
moins coloré, c’est-à-dire peint de manière à contribuer à l’effet et au riche aspect du monument par
la couleur harmonieuse des parties symétriques, et surtout des parties supérieures de la construction.
L’application était de trois espèces : 1“ la couleur était employée comme couche et sans aucun effet
d’illusion pour soutenir l’architecture proprement dite, c’est-à-dire pour relever la teinte insignifiante
et monotone de la pierre; 2“ la couleur servait pour produire de l’illusion dans certaines parties de
la construction, c’est-à-dire pour l’effet des ombres et des jours, des reliefs et des enfoncements sur
un plan uni, en un mot pour faire de véritables tableaux, et par conséquent pour remplacer la
sculpture; enfin, on employait la couleur comme achèvement des parties proprement plastiques.
Dans ce cas, l’application des couleurs, entièrement subordonnée aux lois de la sculpture polychrome,
n’appartenait à l’architecture qu’autant que ces ouvrages y tenaient comme décoration essentielle. »
Buondsted. Voyages et recherches dans la Grèce.
28
ATHÈNES.
bande en creux, semblable à celles c|ue nous avons signalées à la portion
de la muraille de l’Acropole que nous avons dit avoir fait partie de la
restauration par Conon, nouvelle preuve à l’appui de l’opinion c|ue nous
avons émise sur l’époque de la construction des tours qui nous occupent.
Un autre rapprochement, qui n’a point échappé à la sagacité de M. Beulé,
est tiré de ce c^ue les murailles des tours ont une épaisseur de O™, 56,
exactement égale à celle du pan de mur voisin de l’Érechthéion.
La partie inférieure des tours, qui autrefois était cachée dans le sol
et formait les fondations, n’est composée que de blocs grossièrement
équarris, rangés par assises, dont la hauteur varie de 0"‘,A0 à 0’",90.
Comme, dans le principe, ces fondations ne descendaient qu’à une
assez faible profondeur, il devint indispensable, lorsqu’on les mit à
découvert, de les reprendre en sous-œuvre pour les conduire jusqu’au
roc ; il en résulta un troisième mode de construction plus grossier encore
dans la partie la plus basse des tours. « On la revêtit, dit M. Beulé,
de larges assises pour que l’appareil extérieur de la nouvelle construction
ressemblât à l’appareil ancien; mais la négligence du travail, l’état des
matériaux, la forme des scellements trahissent la différence des époques;
le mortier qui double le revêtement apparaît çà et là; on en voit même
une couche épaisse de plusieurs centimètres unir la partie supérieure
de la tour à la partie nouvelle; car le dernier rang du revêtement n’arri¬
vait point à soutenir la base ancienne, et l’on glissa dans cet intervalle
tout un lit de mortier^. »
En avant des deux tours antiques s’élèvent deux contre -tours E F,
deux espèces de contre-forts simplement appuyés contre elles sans les
pénétrer.
La contre-tour E est composée d’assises en retraite de 0'",07 à 0'",08
les unes sur les autres, et par conséquent sa face présente une incli¬
naison beaucoup plus marquée encore que celle de la tour antique. Les
assises horizontales et assez régulières sont formées de grands blocs de
pierre ou de marbre blanc assez mal appareillés. Cette tour est pare-
mentée du côté du sud regardant l’espace cju’elle enferme en avant
de la porte, et du côté du nord elle se relie à un mur de même style,
faisant partie de l’enceinte septentrionale.
1. E. Beulk. Acropole d’Athènes. T. I, c. IV.
ENTRÉE DE L’ACROPOLE.
^29
Quant à la contre-tour de droite F, appuyée contre la tour antique C,
sa construction est toute différente et bien plus barbare ; elle n’est pas for¬
mée d’assises en retraite comme celle du nord-ouest, et sa face présente
une ligne un peu moins éloignée de la verticale ; elle est composée d’une
réunion de matériaux de nature et de grandeur diverses, grossièrement
assemblés. A 3 mètres environ du sol, elle présente un cordon en saillie
d’une forme usitée au moyen âge et qui, n’existant pas sur l’autre contre-
tour, se retrouve au contraire sur un contre-fort K, attenant à la première.
Cette contre-tour n’est pas parementée du côté G, donnant sur l’entrée,
et, si on eût voulu la revêtir d’un parement, celui-ci se fût trouvé tout
entier en saillie sur celui de la tour antique, comme nous l’avons indiqué
par une ligne ponctuée. Il nous semble donc hors de doute que la
muraille de face de la tour de droite se prolongea toujours jusqu’à la
tour de gauche , contre laquelle elle venait s’appliquer sans s’y incor¬
porer, au moins dans sa partie inférieure et ancienne, et qu’elle fut
toujours dans l’état où M. Beulé la trouva, lorsqu’il démolit ce pro¬
longement pour faire reparaître au jour le mur et la porte de Valérien,
la partie H, comprise entre les deux murs et les deux tours, ayant été
comblée pour la métamorphoser en bastion. Le raccordement des deux
contre-tours ne put être parfait, leur mode de construction étant différent
et leur inclinaison n’étant pas tout à fait la même. M. Blouet, dans la
planche de V Expédition de Morée, n’a pas reproduit cette particularité,
omettant aussi le cordon que nous avons dit régner sur la contre-tour
et le contre-fort de droite. M. Beulé ne paraît pas non plus avoir remarqué
la différence de construction des deux avant-tours ; aussi leur assigne-t-il
une seule et même date, celle de la conquête d’Athènes par Mahomet II.
Nous croyons, au contraire, qu’elles doivent appartenir à deux époques
peu éloignées peut-être l’une de l’autre, mais aussi à deux civilisations
différentes. L’avant-tour E, dont la construction plus régulière et à
assises en retraite rappelle, de loin à la vérité, celle de la muraille de
Cimon, pourrait être, selon nous, l’œuvre d’architectes ayant encore
conservé quelque vague souvenir des saines traditions de l’art. La tour
de droite F et la muraille attenante I indiquent au contraire l’oubli com¬
plet de toutes les règles et paraissent l’œuvre de la barbarie. Nous ne
croyons donc pas nous tromper en supposant que vers le milieu du
XV® siècle, un des ducs d’Athènes de la famille florentine des Acciajuoli,
30
ATHÈNES.
peut-être l’infortuné Francesco, le dernier d’entre eux, avait entrepris
d’augmenter les défenses de l’entrée de l’Acropole et avait élevé la
contre-tour de gauche; il n’avait pas eu le temps de construire celle
de droite quand Athènes tomba, en 1^56, dans les mains de Mahomet IL
Ce conquérant continua alors l’entreprise, en modifiant le plan précé¬
demment adopté ; il éleva la contre-tour de droite et la réunit à celle de
gauche , renfermant dans ce nouveau bastion la muraille et la porte de
Valérien. Celles-ci n’avaient guère pu d’ailleurs être masquées beaucoup
plus tôt, et avaient dû rester à découvert jusqu’à une époque postérieure
à celle de l’invention de la poudre; car M. Beulé, avec sa sagacité ordi¬
naire, a reconnu sur leurs marbres des traces de balles aplaties. Tout
l’intervalle compris entre le rempart turc et la muraille de Valérien fut
rempli de terre et forma une plate-forme armée de canons. Ceux-ci y
étaient amenés par un plan incliné qui, à l’intérieur de la citadelle,
commençait au palier central des Propylées , palier où, comme nous le
verrons, s’ouvrait la porte méridionale dont nous allons parler.
A dater de la clôture de la principale entrée antique, on ne pénétra
plus dans l’Acropole que par une porte moderne située au sud, qui avait
dù remplacer une porte antique dont il ne reste plus de traces, mais
qui, dominant les ruines de l’Odéon, conduisait au passage que nous
verrons avoir été destiné aux victimes.
Intérieur de l’ Acropole. Entrés dans l’Acropole, et observant à
revers la muraille de Valérien, nous la verrons se prolonger sur une
étendue de 22 mètres, et fermer le côté oriental des tours antiques qui
primitivement était resté ouvert. Ce prolongement est, comme le mur
lui-même, formé de grands blocs dont plusieurs, entourés d’une bande
creuse, proviennent de constructions helléniques de la plus belle époque.
Nous remarquerons que, dans toute l’étendue de cette muraille, les blocs
qui la composent avaient été choisis et ajustés avec moins de soin, les
faces les mieux conservées et formant l’appareil le plus régulier ayant
été réservées pour l’extérieur de l’enceinte. Aucune entrée ne fut alors
ménagée à la tour du sud qui dut être remplie, et dont la plate-forme,
à laquelle on arrivait du sommet des remparts, fut utilisée pour les
besoins de la défense; mais cette tour, à l’époque où elle était ouverte
d’un côté, avait eu un dallage dont les traces ont été constatées par
M. Beulé, et qui se trouvait de niveau avec le premier palier des Pro-
INTÉRIEUR DE L’ACROPOLE. 31
pylées, avant que son niveau eût été abaissé. C’est à l’extrémité de ce
palier, près de la tour méridionale, que sont déposés deux bas-reliefs,
trouvés et publiés par M. Beulé^; ils sont d’un assez bon style et repré¬
sentent, l’un une danse pyrrhique, l’autre un chœur cyclique.
A la tour du nord est une porte L que M. Beulé croit être moderne;
je ne partage pas son opinion à cet égard, et je pense au contraire que
cette porte fut ménagée dès l’époque de Valérien. Un de ses jambages est
formé en partie par un cippe de marbre gris du mont Hymette, qui porte
une inscription grecque et romaine 2; et un autre bloc du même marbre,
orné de deux couronnes de laurier et engagé plus loin dans la muraille
même, me paraît avoir dû appartenir au même cippe. Je trouve une autre
preuve à 1 appui de mon opinion dans la longueur du linteau de la porte
qui, faisant parfaitement corps avec la muraille, ne me paraît pas avoir pu
y être introduit après coup. Il était du reste assez naturel qu’au moins
1 intérieur de 1 une des tours fût resté accessible afin de servir de corps
de garde ou de logement aux portiers de l’Acropole, aux À/.po(piiXa>c£ç,
ainsi qu ils sont nommés dans les inscriptions grecques des époques de
décadence.
Lors de la construction de 1 avant-tour du nord-ouest et du grand mur
attenant au nord, on agrandit ce réduit B aux dépens du mur septen¬
trional de la tour antique. Celui-ci fut démoli, et non-seulement son em¬
placement fut ajouté à l’étendue du corps de garde, mais en outre un
renfoncement fut ménagé dans la nouvelle muraille qui, de ce côté, fut
revêtue de matériaux antiques provenant de la démolition de l’ancienne.
On comprit que, minces comme elles étaient, les murailles de la tour
n eussent pu supporter la voûte dont on voulait couvrir le réduit ménagé
dans sa partie inférieure, voûte qui devait ensuite être surchargée de
I terres ou de matériaux quelconques pour l’amener à former terre-plein ;
aussi quatre pilastres d’angle et quatre autres appliqués aux parois les
plus longues divisèrent-ils la pièce en trois espèces de travées voûtées,
celle du milieu à plein cintre et les deux autres en ogive. Cet emploi de
la voûte ogivale est une preuve de plus à l’appui de notre opinion sur
1 époque de cet agrandissement sous les Acciajuoli, au même temps où
1. Acropole d’Athènes. T. II.
2. Ibid. T. II, p. 34G.
32
ATHÈNES.
furent construits la contre-tour du nord, et le mur septentrional attenant.
Cette tour sert aujourd’hui d’abri aux chèvres que nourrissent les invalides,
gardiens de l’Acropole.
En avant de la porte de cette tour est un petit puits D, en maçonnerie
sèche, dont la construction, au moins dans sa partie supérieure, ne
paraît pas antique et ne doit pas remonter au delà du moyen âge. Ce
puits, qui était entièrement comblé, a été déblayé par M. Beulé, et
l’eau douce et abondante qu’on y a retrouvée, à 16 mètres de profondeur,
sert aujourd’hui aux besoins de l’Acropole. « Si cette découverte eût été
faite trente ans plus tôt, peut-être, dit M. Beulé, le général Fabvier et
ses braves Philhellènes n’eussent-ils pas été forcés ‘de rendre l’Acropole
aux Turcs. »
Nous n’avons point parlé dans ce chapitre des traces de l’ancien che¬
min de l’Ennéapyle que M. Beulé a découvertes dans l’intérieur de l’Acro¬
pole, non plus que de quelques pans de murailles pélasgiques qu’il croit
avoir appartenu aux défenses de cette entrée primitive ; nous dirons dans
le prochain chapitre notre opinion à ce sujet.
Fragment du mur de Thémistoclo
Portique oriental des Propylées.
CHAPITRE II
PROPYLÉES.
PIÉDESTAL d’aGRIPPA. TEMPLE DE LA VICTOIRE APTÈRE.
PIÉDESTAUX. AUTELS.
ENCEINTES DE DIANE BRAURONIA
ET DE MINERVE ERGANÉ.
Ennéapyle, avenue fortifiée de
neuf portes c|ui servait d’entrée à
l’ancienne Acropole des Pélasges,
paraît avoir suivi une sorte de ligne
serpentine dont le tracé serait au¬
jourd’hui bien difficile à détermi¬
ner d’une manière certaine. Des
fouilles faites par M. Beulé au pied
du soubassement du temple de la Victoire Aptère et devant la porte
méridionale A ouverte au moyen âge, et par laquelle encore aujourd’hui
3
34
ATHÈNES.
on pénètre dans l’Acropole, ont fait découvrir au-dessous d’un pavage
moderne et d’une couche de sable et de débris un vestige incontestable B
de cet antique passage. Le rocher mis à nu présente les traces évidentes
du pas des bœufs destinés aux sacrifices^; leurs sabots, posés toujours
à la même place, ont creusé dans la pierre ces sillons transversaux que
l’on remarque dans tous les chemins parcourus fréquemment par ces
animaux. Ce chemin, large au plus d’un mètre, semble s’être dirigé
rlan des Propylées.
vers le piédestal d’Agrippa et de là s’être replié, toujours en montant,
vers la partie antérieure des Propylées où M. Beulé croit en reconnaître
encore quelques vestiges. Nous sommes porté à croire que de là il se
redressait vers l’esplanade à peu près dans l’axe des Propylées, qui,
bien entendu, n’existaient pas encore. Nous dirons pourquoi nous ne pen¬
sons pas, avec notre savant confrère, qu’il soit venu passer devant la
muraille cyclopéenne dont nous signalerons l’existence derrière l’aile droite
des Propylées.
Double niche. Bevenons à la porte moderne de l’Acropole. En la fran¬
chissant, on trouve à droite, au-dessus du petit chemin B que nous avons
décrit, le soubassement qui porte le petit temple de la Victoire Aptère D.
Dans ce soubassement sont ménagées deux niches carrées, i et 2, hautes
de 2"',32, mais de largeur et de profondeur inégales Celle de droite, 2,
1. Voy. TL. IL
‘2. Ibid. , à droite.
DOUBLE NICHE.
3o
a de profondeur sur l'",67 de largeur; celle de gauche, i, seule¬
ment i'",22 sur Elles avaient été remplies par de la maçonnerie i;
aussi Leake2, les prenant pour des portes condamnées , a prétendu
qu’elles conduisaient à un souterrain dans lequel il croyait reconnaître le
double sanctuaire de Cérès-Chloé et de la Terre nourricière dont la fonda¬
tion remontait à Érichthonius. Les deux portes, selon lui, eussent répondu
aux autels des deux divinités, et la position du sanctuaire, à droite du
voyageur entrant dans l’Acropole, eût bien été celle indiquée par Pausa-
nias^. Bien que, même après qu’il eut été reconnu que les prétendues portes
n’étaient que des niches, pouvant contenir à peine un autel et une statue,
MM. Ross, Schaubert et Hansen^, M. Raoul Rochette ^ et M. Pittakis^
aient persisté à y voir les sanctuaires de Gérés et de la Terre, nous
croyons, avec M. Beulé, que ces sanctuaires étaient situés en dehors de la
citadelle, ainsi que le dit formellement Thucydide, qui, parmi les temples
hors de l’Acropole, cite ceux de Jupiter Olympien, d’Apollon et de la
Terre C’est aussi avant d’entrer dans la citadelle que Pausanias parle
des temples de Gérés et de la Terre ; enfin, dans la Lysistrate d’Aristo¬
phane, les femmes maîtresses de la citadelle voient accourir un homme :
« Où est-il? dit l’une d’elles. — Près du temple de Cérès-Chloé, » répond
Lysistrate. Cet homme, Cinésias, est encore loin, puisque, malgré sa
course rapide, il n’arrive qu’après un assez long dialogue entre Lysistrate
et MyiThine, et que la première, placée en sentinelle près de la porte, lui
refuse l’entrée. Quant à la position réelle des deux sanctuaires, une seule
chose nous paraît établie, c’est qu’ils étaient, ainsi que le dit Thucydide
dans le passage que nous avons déjà invoqué, situés au sud de l’Acropole
et en dehors de son enceinte.
1. Les Turcs croyaient que l’intérieur du massif était rempli de sable et que, si l’on venait à
ouvrir ces portes, le sable en s’écoulant laisserait à, découvert une entrée de la citadelle.
Ross, Schaubert and Hansen. Die Akropolis von Athen, p. 4.
2. Topography of Athens.
3. « Vous trouvez ensuite le temple de la Terre Courotrophos (qui nourrit ses enfants) et celui
de Cérès-Chloé (Verdoyante). Ceux qui veulent comprendre ces surnoms peuvent interroger les
prêtres. » Pausanias. Att. C. XXII.
4. Die Akropolis von Athen.
5. Journal des Savants^ 2 mai 1845.
6. Ancienne Athènes.
7. TnucymuE. II, 15.
36
ATHÈNES.
Dirigeons-nous à gauche, vers la porte de Valérien, I; nous y verrons
adossée la dalle de marbre sur laquelle M. Beulé a fait graver cette in¬
scription :
H TAAAIA
THNrYAHNTH^ AkPoroAEn^
TA TE I XH TOY^ PYP ro Y:^ \< A \
Tl-IN ANAB A^l N KEXXl^MENAE
TEl*: A A Y Y EN
XPHHHP P E I- BE-ŸAE EYPEN
« La France a déblayé la porte de l’Acropole, les murs, les tours, et l’escalier qui étaient ensevelis. »
MDCCCLIII. « Beulé a découvert. »
Tournant le dos à la porte de Valérien, nous avons devant nous l’en¬
semble des monuments célèbres qui formaient intérieurement la décora¬
tion de l’entrée de l’Acropole ^ A gauche se dresse l’immense piédestal
d’ Agrippa G; en face se développent les Propylées E et leur large esca¬
lier F, que domine à droite l’élégant petit temple de la Victoire Aptère D.
CoNSTiiucTiON DES Phopylées. Daiîs la quatrième année de la 85® olym¬
piade, l’an ù-36 avant Jésus-Christ, sous l’archontat d’Euthymènes 2, Péri-
clès, voulant donner à l’Acropole une entrée digne de ce sanctuaire de la
religion et des arts^, chargea l’architecte Mnésiclès de la construction de
1. Planche II.
2. Harpocuation. Lex., au mot ITpoicOI.aia.
3. Si nous ne pouvons, avec Spon et Wheler, voir dans les Propylées un ou plusieurs temples,
nous ne pouvons non plus admettre, avec MM. Leake et Burnouf, qu’ils aient jamais pu être autre
chose qu’une magnifique décoration , et qu’ils aient été destinés à remplacer les fortifications ren¬
versées par les Perses. Leur plan, leur caractère, la richesse des matériaux, la beauté de l’architec¬
ture nous paraissent se réunir pour repousser cette opinion. D’ailleurs, connaît-on dans l’antiquité
ou dans les temps modernes un seul exemple d’enceinte fortifiée ornée d’une entrée monumentale
de ce genre? Au contraire, dès les siècles les plus reculés, nous voyons de gigantesques pylônes
précéder les temples et les palais de la Perse et de l’Égypte, et Hérodote nous apprend qu’à Sais
Amasis éleva des propylées devant le temple de Minerve. Devant celui de Gérés, à Eleusis, nous
retrouvons des propylées copiés sur ceux d’Athènes, et, certes, là il n’était point question de fortifi¬
cations; nous savons par les auteurs qu’il en existait au cap Sunium, à Corinthe, à Priène; nous en
verrons à la nouvelle Agora d’Athènes, et nous avons pu dessiner nous-mème ceux qui , à Pompéi ,
annoncent le forum triangulaire et le temple de Neptune, le plus ancien et le plus grec des édifices
de la ville campanienne. On trouvera d’ailleurs les diverses autres considérations qui militent en
faveur de notre opinion, développées avec autant de sagacité que de force par M. Beulé, dans son
Acropole d’Athènes. T. I, c. VII.
ESCALIER DES PROPYLÉES.
37
ces Propylées^ qui devaient partager avec le Parthénon l’honneur d’être
regardés dès lors 2 et à jamais comme le plus haut type de la perfection
architecturale. Ils purent être livrés au public, bien que non entièrement
achevés, en cinq années sous l’archontat de Pythodore, et ne coûtèrent
pas moins de 20P2 talents (10,86/i,800 francs) , somme prodigieuse pour
l’époque
Composés d’un corps central E et de deux ailes- en saillie G et H, les
Propylées s’élèvent à l’entrée de l’esplanade de l’Acropole, à une hauteur
de i3™,25 au-dessus du seuil de la porte primitive et de lû'",90 du
niveau du seuil abaissé de la porte de Valérien, à laciuelle ils font face et
dont ils sont séparés, comme nous avons déjà eu occasion de le dire, par
une distance de 36 mètres prise horizontalement, et de 39 mètres en sui¬
vant la déclivité du sol.
Escalier des Propylées. Pour gravir cette pente, dont l’inclinaison
n’est pas moindre de 2à degrés (0“,û0 par mètre), il est évident qu un
escalier fut toujours indispensable, et que jamais, en aucun temps,
pente ou escalier ne purent être gravis par des cavaliers, ni par des
chars, encore moins par des chariots chargés des immenses blocs de
marbre destinés aux constructions monumentales de l’Acropole. Pourtant,
il n’a pas manqué d’archéologues qui aient soutenu que les chars, les
cavaliers de la procession des Panathénées, la barc{ue même qui, mue par
des moyens invisibles, partait du stade panathénaïc{ue portant à son mât
le peplos sacré, montaient jusqu’au sommet de l’Acropole. Le principal
argument mis en avant par les partisans de cette opinion, c est que ces
chars et ces cavaliers se retrouvent dans la frise qui, entourant le Par-
1. npo7t0),aia, avant^ortes ou portes en avant.
2. « Épaminondas, sans craindre d’offenser la majesté d’Athènes, ne criait-il pas à la populace de
Thèbes qu’il fallait transporter les propylées de notre Acropole dans le vestibule de la Cadmée
(citadelle de Thèbes)? » Eschine. Procès de l ambassade.
3. « Voilà pourquoi les ouurages que fist alors Périclès sont plus esmerueillables , attendu quils
ont esté parfaicts en si peu de temps et ont duré si longuement; pource que chacu d iceux, dès lors
qu’il fust parfaict, sentoit desia son antique quant à la beauté , et neatmoins quant à la grâce et
vigueur, il semble jusques auiourdhui qu’il vienne tout freschement destre faict et parfaict. »
Pletarqüe. Périclès.
4. « Les Propylées, cette magnifique entrée de l’Acropole, ressemble à une grande ouverture musi¬
cale. Ils forment une œuvre d’art entièrement indépendante, complète, intelligible en elle-même et
ayant sa signification propre; cepiendant ils sont destinés en même temps à préparer le spectateur
à quelque œuvre plus haute et pllus saisissante dont ils nous font déjà pressentir le but et les prin¬
cipaux traits. » Hermann Hettner. Athen und der Pelopones.
38
ATHÈNES.
thénon, représente la procession des Panathénées, telle quen réalité elle
se développait autour du temple. M. Beulé a combattu ces assertions par
des raisonnements qui nous paraissent sans réplique. « Je n’ai pas besoin
de dire cependant que ce n’était pas vers le Parthénon, mais vers
l’Érechthéion que se dirigeait le cortège ; que le péplum n’était point
destiné à Minerve Parthénos, mais à Minerve Poliade ; qu’on voit sur la
frise de Phidias des dieux, des déesses, des êtres allégoriques qui ne
figuraient évidemment point dans la procession ; qu’on y remarque des
scènes qui ne pouvaient se passer à l’Acropole : ce n’est point à l’Acropole,
par exemple, que les jeunes Athéniens équipaient leurs chevaux, gour-
mandaient leurs esclaves, nouaient leurs sandales ou passaient leurs
tuniques^. »
Ceci posé, reste une dernière objection. Comment ont pu être trans¬
portés au sommet de l’Acropole les matériaux des Propylées, du Parthé¬
non ou de l’Érechthéion? Peut-on douter un instant que les architectes
qui ont su mettre en place des blocs gigantesques, tels que ceux que
nous trouverons servant d’architrave aux Propylées eux-mêmes, eussent
été assez habiles en mécanique pour établir des apparaux capables d’éle¬
ver ces matériaux par l’un des côtés à pic du rocher de l’Acropole? Ce
procédé n’était-il pas le plus simple, le plus praticable? D’ailleurs, en
supposant que, par impossible, des attelages innombrables de bœufs
ou de chevaux eussent pu à la rigueur hisser à grand’peine, par la pente
occidentale de l’Acropole, les immenses blocs destinés aux parties supé¬
rieures des Propylées, de l’Érechthéion et des autres édifices de la cita¬
delle, à quelles dégradations,^^ à quels dangers n’eussent pas été exposés,
lors de leur passage, les soubassements, les stylobates, les bases des
merveilleux portiques des Propylées?
Il dut donc exister de tout temps un escalier monumental conduisant
de la porte fortifiée aux Propylées et placé dans leur axe. Si l’on est
aujourd’hui d’accord pour reconnaître que celui dont M. Beulé a décou¬
vert les restes ne peut remonter au delà de l’époque romaine, il ne
nous semble pas moins évident c|u’il en a remplacé un plus ancien, con¬
temporain sans doute des Propylées et ayant fait partie du plan de
Mnésiclès, ainsi que d’ailleurs l’indiquent surabondamment les restes des
1. Beulk. Acropole d'Athènes. T. I, c. V, p. 140.
ESCALIER DES PROPYLÉES.
39
murailles à assises inclinées 3 ^, qui encadraient cet escalier à droite et
à gauche, et montaient avec lui de la porte aux Propylées.
(( Les traces de l’escalier, dit M. Beulé, sont écrites bien clairement
sur les substructions qui supportent les deux ailes des Propylées. Ces
substructions sont partie en pierre, partie en marbre : en pierre tout
ce qui était caché par l’escalier, en marbre tout ce c|ui paraissait. La
ligne de séparation de matériaux si différents forme «elle -même des
degrés qui accompagnent le mouvement de l’escalier 2. »
Une autre remarque bien importante n’a point échappé à la sagacité
du savant monographe de l’Acropole. On sait que dans les monuments
grecs, et en parlant du Parthénon nous aurons occasion de revenir sur
cette particularité singulière, les lignes horizontales décrivent toujours
une certaine courbe. Or, aux Propylées, cette courbe ne se retrouve
que dans l’entablement, tandis que le soubassement reste parfaitement
horizontal. Cette exception unique ne put être motivée que par la néces¬
sité de raccorder ce soubassement avec l’escalier cjui ne pouvait être
convexe.
Les fouilles ont mis à découvert, dans l’axe même de la partie infé¬
rieure de l’escalier, un pan de muraille pélasgique ff, de petit appareil
à polygones irréguliers, cjui doit avoir fait partie de l’enceinte primitive
de l’Acropole. Lorsque Mnésiclès traça son escalier, il dégrada le som¬
met de ce mur, et, lui donnant l’inclinaison nécessaire , il en fit un des
supports de sa nouvelle construction.
Voici donc la disposition de l’escalier, telle qu’elle nous a été révélée
par les fouilles. Dans le principe, après avoir franchi la porte I, on
trouvait un premier palier 5, large de 2'", 75, de plain-pied avec le
seuil; mais lorsque sousYalérien celui-ci eut été abaissé de i“,65, force
fut de pratiquer dans cet étroit palier le petit escalier de sept marches 6,
qui existe encore aujourd’hui, et dont la ligne précipitée forme un angle
obtus avec celle de l’escalier primitif. Sa marche inférieure approchait
même tellement du seuil, qu’elle a dù être entaillée pour que les deux
battants de la grille pussent s’ouvrir.
1. L’inclinaison de ces assises est un peu moindre que celle de l’escalier lui -même; elles sont
surtout visibles au bas de l’escalier. Devant elles est déposé le bas-relief de la danse pyrrhique dont
nous avons parlé.
2. Beulé. Acropole d’ Athènes. T. I, c. V, p. 135.
40
ATHÈNES.
Si l’abaissement du seuil de la porte avait encore besoin d’être prouvé,
il suffirait de remarquer que le spectateur, debout sur ce seuil, ne peut
embrasser d’un coup d’œil ni l’escalier antique ni les Propylées, tandis
que lorsqu’il s’élève à la hauteur du palier primitif, hauteur calculée
par Mnésiclès, les Propylées se développent devant lui dans toute leur
splendeur, dans toute leur majesté.
Au premier palier succèdent 26 degrés^, occupant toute la largeur
et dont les trois premiers sont encore presque entiers. De quelques
autres, il ne reste que de faibles parties; la plupart enfin ont complè¬
tement disparu. La hauteur des marches est de O'^iO à 0'",21; leur
profondeur varie de O'^hO à Le côté droit de cette rampe est
le mieux conservé , parce qu’il reposait sur le rocher même. Vers le
nord au contraire , où le rocher ne se trouvait qu’à une assez grande
piofondeur, les marches avaient été plus facilement dérangées et par
suite enlevees, et le sol avait ete converti en un cimetière où les fouillns
de M. Beulé ont mis à découvert d’innombrables ossements.
La piemiere rampe conduisait a un second palier 8, primitivement
large de 3'", 20, mais qui ne subsiste plus que sur une largeur de 2‘",4i,
soutenu dans sa partie centrale par une construction en bricjue, due à
M. Beulé 2. Son extrémité droite répondait à cette entrée méridionale A
dont 1 existence depuis les temps les plus reculés est signalée sur le
rocher par les traces de pas de bœufs. L’extrémité gauche du palier
aboutissait à l’escalier de Pan J, autre entrée située au nord et taillée
dans le roc, sur laquelle nous aurons occasion de revenir.
A partir du palier central, l’escalier des Propylées se trouvait partagé,
au milieu, par un chemin creux 9 qui, revêtu de dalles striées, offrait
une voie accessible aux victimes et correspondait au grand passage E
et à la porte principale des Propylées K, dont il avait la largeur (3'", 65) .
L escalier de droite 10, longeant le soubassement du temple de la Vic¬
toire xlptère et dont il ne restait en place que cinq fragments , avait été
lefait assez imparfaitement avant les decouvertes de M. Beulé, aux frais
de la Société archéologique d Athènes, sur une largeur de 3 mètres, avec
1. Pour économiser une partie du marbre, les degrés avaient été formés de blocs taillés en biseau.
Cette circonstance, jointe à l’exécution moins soignée des scellements et dé l’appareil, est une
preuve que 1 escalier n’est point celui de Mnésiclès et l’a seulement remplacé à l’époque romaine.
2. Pr,. II.
PROPYLÉES.
4t
des matériaux antiques, d’après les indications qu’avait laissées M. Des¬
buisson, architecte pensionnaire de l’École de Rome, indications que les
ouvriers grecs, malgré l’active et intelligente surveillance de M. Pittakis,
ont été incapables de suivre exactement. Cet escalier était interrompu
par une sorte de perron 11, qui conduisait au temple de la Victoire
Aptère. Ce perron , en partie détruit et devenu impraticable , n’a pas
été rétabli.
L’économie de l’escalier des Propylées étant connue, M.Beulé explique,
de la manière la plus satisfaisante, la destination de ses diverses parties
lors de la procession des Panathénées.
« Je me figure, dit-il, la pompe sacrée se divisant en trois troupes,
et suivant trois chemins différents. Les prêtres , les magistrats , les
vieillards, les jeunes vierges, se dirigent vers la grande entrée. Ils
dépassent les tours de la façade qui sont comme le vestibule de l’Acro¬
pole, et montent lentement le magnifique escalier de marbre. Pendant
ce temps, les sacrificateurs et les bœufs qu’ils conduisent, les métœques
chaj^'gés de leurs fardeaux, arrivent à la porte latérale du sud et se
présentent au-dessous du temple de la Victoire. Enfin, la jeunesse athé¬
nienne, qui a cjuitté ses chars et ses chevaux près de l’Aréopage avec
le vaisseau sacré, gravit l’escalier de Pan, qui touche presque à l’Aréo¬
page, et débouche par la porte latérale du nord, au-dessous de la Pina¬
cothèque. Les trois troupes se rencontrent sur le vaste palier qui forme
le centre de l’escalier; elles se réunissent et reprennent l’ordre accou¬
tumé pour franchir les derniers degrés et pénétrer dans la ville sainte^. »
Propylées. Arrivons enfin aux Propylées, prœclara ilia Propylœa^.
Après un troisième palier 12, large seulement de 0"’,60, nous voyons
s élever leurs colonnes sur quatre degrés de marbre qui, au portique
central L, ont 0‘",40 de profondeur sur 0'", 30 de hauteur, et aux ailes
seulement 0'",35 de profondeur. A celles-ci, le degré inférieur est en
marbre noir d’Éleusis^. Ces degrés présentent tous, dans leur angle
L Belle, Acropole d'Athènes. T. I, c. V, p. 152.
2. Cicéron. De offi,ciis. II, 15.
3. Le soubassement des Propylées menaçait ruine; M. Wyse, ministre d’Angleterre en Grèce,
proposa de le faire réparer aux frais de son pays, si l’on voulait permettre que cette restauration fût
signée du nom de l’Angleterre. Les Grecs refusèrent, et le mal continua de s’aggraver. Enfin, en 1857,
le gouvernement hellénique a fait exécuter des travaux de consolidation devenus indispensables.
42
ATHÈNES.
rentrant, un petit canal carré pour l’écoulement des eaux, de sorte
qu’ils offrent ce profil :
Coupe des degrés.
Chaque entre-colonnement , aussi bien que chaque base du stylobate, est
formé d’une seule pierre de i’",69 de largeur, mais dont la longueur
est pour les entre-colonnements de i‘", 56, et pour les bases de
Chaque colonne est inscrite dans un carré indiqué par une saillie ou
bandeau, de 0''%06 de hauteur et 0'",9 de largeur. Sur la face anté-
Plan d’une colonne.
rieure, ce bandeau présente une échancrure pour l’écoulement des eaux
qui , sans cette précaution , eussent séjourné, comme dans un bassin , au
pied du fût de la colonne.
Les colonnes sont cannelées à vive arête dans toute leur hauteur,
et les cannelures sont au nombre de 20. Pour les faire paraître plus
saillantes par le jeu des ombres, on ne les a point tracées en segment
de cercle , ce qui eût permis à la lumière de pénétrer également dans
toutes les parties de la concavité, mais on les a laissées presque plates
dans le fond, afin que leurs extrémités, en se relevant brusquement,
projetassent une ombre plus tranchée.
La largeur totale du portique, prise au degré supérieur formant sty¬
lobate, est de 23'", 81, et au degré inférieur de 21'", Û9. Cette dernière
étendue est partagée en deux parties par le passage central K E, réservé
aux victimes. Celui-ci est large de 3'", 65, ce qui laisse par conséquent,
PROPYLÉES.
43
pour la largeur de chaque portion du portique et de l’escalier qui y
conduit, 8'”, 92.
Les Turcs, après avoir couvert le corps principal des Propylées mem
d’une pesante coupole, en avaient fait un arsenal et un magasin de
poudre L Spon et Wheler racontent qu’en 1656, vingt ans avant leur
arrivée à Athènes, un aga nommé Isouf (lousouf?) se préparait à célé¬
brer une des grandes fêtes de sa religion, en détruisant à coups de canon,
du haut de la citadelle, l’église de Saint-Dimitri , située dans la plaine,
au pied de la colline de Musée. Dans la nuit qui précéda le jour fixé
pour ce sacrilège , la foudre tomba sur le magasin de poudre des Pro¬
pylées , et l’aga périt avec toute sa famille à l’exception d’une jeune
fille ; le plafond des Propylées et deux colonnes furent renversés ; les
autres colonnes et les murailles furent ébranlées , et les blocs qui les
composaient dérangés de leur place. Cependant, le fronton de la façade
occidentale soutenu par six colonnes doriques existait encore 2, et n’a
disparu que plus tard, ainsi que quatre chapiteaux et la partie supérieure
1. Le sol du vestibule était tellement exhaussé par les débris , que les petites portes du mur de
fond étaient bouchées jusqu’à leurs linteaux.
2. Il fut vu en place par Spon et Wheler, suivant lesquels cette partie des Propylées, que de leur
temps on appelait l'arsenal de Lycurgue, fut un temple. Aujoui'd’hui , des morceaux du fronton
gisent à terre, et M. Beulé en a retrouvé un angle. Les frontons des Propylées ne paraissent pas
avoir été ornés de sculptures, car aucun auteur antique n’en a fait mention.
Les Propylées en 1750, d’après Stuai't et Revett.
ATHÈNES.
des colonnes, par la double action du temps et des hommes^. Les cha¬
piteaux étaient encore tous les six en place, mais les deux colonnes à
gauche portaient. seules un morceau d’architrave, à l’époque où Revett
dessina les Propylées 2. Les entre-colonnements étaient alors fermés par
un mur percé de meurtrières, qui n’a été démoli que dans les premières
années du royaume hellénique, par M. Ludwig Ross, alors conservateur
des antiquités.
Le portique LL, par une disposition tout exceptionnelle, laisse au
milieu un entre-colonnement K beaucoup plus large que les autres,
comprenant dans sa frise deux triglyphes et trois métopes , au lieu d’un
' triglyphe et deux métopes. Des six colonnes, les deux des extrémités
ont seules conservé leurs chapiteaux, et encore sont-ils dans le plus triste
état de dégradation. On peut cependant voir encore que ces chapiteaux
ne le cédaient en rien, pour la beauté, l’élégance, la fermeté, la perfec¬
tion des profils, à ceux du Parthénon.
Le diamètre des colonnes à leur base est de i'”, 5/i3 et au sommet
de P", 205. La hauteur du fût est de 8‘^078 et celle du chapiteau de
ü'",722, ce qui donne un total de 8*", 80. La colonne a donc de hau¬
teur 5 diamètres 3//i. La largeur de l’entre-colonnement est de 2'", 10,
c’est-à-dire d’environ 1 diamètre 1/3; celle de l’entre-colonnement
central atteint 3"\ 51 ou environ 2 diamètres 1/3.
Derrière le portique s’étend, entre deux murailles parallèles, le grand
vestibule M E M que soutenaient six colonnes ioniques ^ ; toutes malheu-
n Un des chapiteaux est au British Muséum, Elgin saloon, n” 130, ainsi qu’une partie de l’enta¬
blement dorique, n“ 131.
2. Voy. la vignette, p. 43.
3. « Les colonnes qui soutionnent le temple (les propylées) par dedans, dit Spon, sont ioniques,
parce qu’étant plus hautes de toute l’épaisseur de l’architrave, pour en soutenir le lambris, la
proportion de l’ordre ionique, qui fait la colonne plus haute que le dorique, lui convenait mieux. »
PROPYLÉES.
45
reusement ont perdu leurs chapiteaux, et plusieurs ciuelques-unes de
leurs assises supérieures; la dernière à gauche n’en conserve même que
deux , y compris celle qui forme la base. De ce coté , les tambours des
trois colonnes ont été déplacés par la violence de l’explosion , et ce
dérangement permet d’apprécier la perfection de leur poli intérieur,
aussi bien que divers morceaux épars sur le sol. Les cannelures,, au
nombre de 24 , ne sont point à vive arête , mais séparées par des
baguettes, selon la règle de l’ordre ionique. Le diamètre de ces colonnes
est de 0'",97.
L’entre-colonnement a 2™, 63, environ 2 diamètres 2/3. Des fragments
assez importants des chapiteaux ont été retrouvés et ont permis aux
architectes d’en donner des restaurations exactes Ces chapiteaux sont
d’un style beaucoup plus simple et plus sévère que ceux que nous trou¬
verons à l’Érechthéion. On y reconnaît encore des traces très-visibles
de peintures, qui, circonscrites à la pointe, remplaçaient une partie des
ornements qui à l’Érechthéion étaient sculptés, bien qu’également colo¬
riés. Dans le siècle qui précéda celui de Périclès, les ornements d’archi¬
tecture ne sont parfois composés que de traits profondément creusés
et remplis de rouge, ainsi qu’on le fait pour les inscriptions antiques,
l’espace qu’ils circonscrivent restant incolore. On trouve des exemples
de ce genre de décoration dans le petit musée de l’Acropole; ce sont
des fragments découverts dans des fouilles faites autour de l’Acropole
en 1836; on ignore à quel monument ils ont pu appartenir.
Sous le vestibule des Propylées , sont déposés de nombreux fragments
d’architecture, de sculpture et d’inscriptions. On y remarque une des
poutres de marbre du soffite des Propylées , qui n’a pas moins de 6'", 40
de longueur 2. Dans les dalles que supportaient ces énormes poutres,
étaient creusés les caissons, ç^irvcoyaTa, lacunaria, à double rang, dont
le fond était occupé uniformément par des étoiles.
Nous avons dit que le portique principal était flanqué de deux ailes
\ . Revett, n’ayant pas vu ces restes de chapiteaux ioniques, a proposé la plus malheureuse des
restaurations, des colonnes sans chapiteaux, portées par des piédestaux.
Voy. Stuart et Revett. T, II, pl. 43.
2. « Les Propylées, dit Pausanias, ont leur faîte en marbre blanc, et c’est l’ouvrage le plus admi¬
rable qu’on ait fait jusqu’à présent, tant pour le volume des pierres que pour la beauté de l’exécu¬
tion- » AU. C. XXII.
46
ATHÈNES.
en saillie G et H qui, par une de ces heureuses hardiesses que présentent
si souvent les Propylées, offraient un petit ordre dorique à côté même
du grand ordre central, auquel Mnésiclès avait voulu conserver toute
son importance. Les ailes étaient en apparence symétriques, bien qu’elles
fussent en réalité de profondeur fort inégale. Chacune d’elles était ornée
de trois colonnes.
Pinacothèque. L’aile gauche est restée la partie la plus intacte
des Propylées, ayant conservé son architrave et sa frise, et par consé¬
quent ses colonnes et leurs chapiteaux. La frise avec ses triglyphes
se prolonge sur les murs qui forment les trois autres côtés de l’édifice,
murs qui, bien que criblés de boulets et de balles, ont conservé en place
toutes leurs assises. A cette aile, comme au portique central, les entre-
colonnements étaient murés à l’époque du voyage de Stuart et Revett 2.
1. Chandlcr, ainsi que Stuart et, d’après lui, Legrand, l’ont prise pour le temple de la Victoire
Aptère. « Le premier objet, dit-il, qui se présente au-dessous de Vaile droite des Propylées ou
temple de la Victoire, est une grotte consacrée autrefois à Apollon et à Pan, etc. »
Cbandler redescendait alors de l’Acropole, et par conséquent les monuments s’offraient à lui en
sens inverse; c’est pour cela qu’il nomme aile droite la partie des Propylées que nous appelons aile
gauche. Nous verrons que c’est en effet au-dessous de celle-ci que se trouve la grotte de Pan.
‘2; Voy. la vignette, p. 43.
PINACOTHÈQUE. 47
Ici, les colonnes sont inscrites dans un rond en creux, et non dans un
carré, comme au portique central, et on n’avait pas eu la précaution
d’y ménager le petit déversoir pour l’écoulement des eaux. Le diamètre
des colonnes est à la base de l''’,025, et au sommet de 0'", 784. La
hauteur du fût est de 5'", 366, celle du chapiteau est de 0'", 41;
total 5‘", 776, environ 5 diamètres 2/3.
L’entre-colonnement est de l‘ri45 ou 1 diamètre 5/6 environ. Entre
les colonnes sont les traces de scellement d’une grille, qui probablement
n’était qu’un simple garde-fou. Ce portique n’a en dedans des colonnes
que 4 mètres de profondeur sur 10'", 75 de largeur. Le mur du fond est
percé d’une grande porte 13 et de deux baies ou fenêtres 14. La porte est
large de 2'", 35 et haute de 4'", 60. Son seuil de marbre noir d’Éleusis
est élevé de 0'", 31. A 2'", 33 au-dessus du pavé du portique, règne un
bandeau de ce même marbre, large de 0'", 13, et s'ervant d’appui aux
deux fenêtres hautes de 2'", 40 et larges seulement de 0'", 85, accom¬
pagnées chacune de deux pilastres doriques ; les impostes portent encore
des traces d’oves peintes, dont les contours avaient été d’abord dessinés
à la pointe. Ces fenêtres, aussi bien que la porte, ouvrent sur une grande
salle N, de 10'", 75 de largeur sur 8"‘,92 de profondeur. On donne à
cette pièce le nom de Pinacothèque, et tout nous paraît justifier cette
dénomination*. Pausanias dit, en effet, qu’en regard du temple de la
Victoire Aptère, et par conséquent à la gauche des Propylées, se trouve
un petit édifice orné de peintures. Depuis la découverte du temple de la
Victoire , aucun doute n’est plus possible sur ce que Pausanias entend
par la gauche des Propylées, et par conséquent nous n’avons pas à nous
arrêter à discuter l’opinion de Stuart, qui place les peintures de Poly-
gnote dans une salle derrière l’aile droite, salle que nous prouverons
n’avoir jamais pu exister. Revenons donc à la partie gauche des Propy¬
lées. Les fouilles faites en 1845 et 1846, en avant de cet édifice et à
gauche du piédestal d’Agrippa, ont prouvé qu’en ce lieu il n’y avait
jamais eu aucune construction. Il ne reste donc plus que la grande salle
de l’aile gauche à laquelle puissent s’appliquer les paroles de Pausanias.
M. Beulé suppose que sa destination primitive ne fut peut-être pas de
servir de galerie de tableaux, et il en donne pour raison que les deux
1. Leroy {Monuments de la Grèce) avait déjà, en 1770, reconnu la Pinacothèque.
48
ATHÈNES.
fenêtres hautes et étroites dont nous avons parlé n’eussent pu suffire
pour éclairer les peintures , et en même temps eussent nui à leur effet,
si, comme il est probable, la salle eût été éclairée par le haut. Quel
eût alors été l’emploi de cette salle dans la pensée de Mnésiclès? Disons
avec M. Beulé lui-même : « Hypothèse pour hypothèse, ne vaut-il pas
mieux se figurer dans ces beaux murs de marbre, avec ces élégants
pilastres et cette corniche d’un profil si pur, une galerie de tableaux
qu’un corps de garde ou un dépôt d’armes ? »
Dans la supposition de M. Beulé, qui rapprocherait de nous l’époque
de la décoration de la salle des Propylées, nous trouverions une preuve
de plus à l’appui de notre opinion dans une autre controverse qu’a sou¬
levée le passage de Pausanias. Les peintures de la Pinacothèque étaient-
elles des tableaux portatifs ou des peintures murales ? Suivant notre
voyageur, plusieurs étaient dues au pinceau de Polygnote. Or, cet
artiste, le Giotto de l’école grecque^, qui avait peint le Pœcile d’Athènes
en l’an Û78 avant Jésus-Christ, devait avoir au moins quatre-vingts ans
lorsque en /iSO, ou plus tôt, il eût pu commencer la décoration des Pro¬
pylées; à plus forte raison n’eût-il pu y travailler, si la salle n’eût été
destinée que plus tard à recevoir des peintures. De plus, à l’époque de
la construction de la Pinacothèque, il y avait vingt-cinq ans au moins
que Polygnote avait quitté Athènes pour ce voyage triomphal à travers
la Grèce, pendant lequel il sema tant de chefs-d’œuvre sur son passage,
et qu’il termina par la décoration de la Leschè de Delphes. Nous croyons
donc, avec MM'. Raoul Rochette et Beulé, que les peintures que vit Pau¬
sanias étaient de véritables tableaux sur bois, sur marbre, ou sur toute
autre matière, qui avaient été rassemblés dans cette espèce de musée.
Harpocration^ nous apprend que Polémon le Périégète avait écrit un
ouvrage sur les peintures des Propylées^, et le titre de cet ouvrage,
1. « Les premiers peintres célèbres, dont les ouvrages ne se recommandent pas seulement par leur
antiquité, sont, dit-on, Polygnote et Aglaophon. Quoiqu’ils n’employassent qu’une seule couleur*, leur
peinture a encore aujourd’hui des amateurs si zélés qu’ils préfèrent ces ébauches presque grossières
et où l’on ne peut guère qu’entrevoir les germes de l’art, aux productions des plus grands maîtres
qui les ont suivis, mais sans autre raison, selon moi, que la prétention de passer pour habiles
connaisseurs. » Quintiuen. De l’Inst. or. L. -XII, c. 10.
2. Lex., au mot Aà(j.7ta;.
3. Ospi Twv èv lIpoîTuXaiot; Tîtvâxwv.
* Cette assertion est démentie par Pline : « Polygnote de Thasos , dit-il , le premier, peignit des femmes avec
des vêtements brillants, leur mit sur la tête des mitres de différenles couleurs, etc.» IJist. nul. L. XXXV, c. 2.5,
PINACOTHÈQUE.
49
malheureusement perdu , portait le mot Tvivaxs»; ^ (tableaux, peintures sur
bois) et non celui de ypaç-/i (peinture en général).
Des preuves plus concluantes encore naissent de l’examen attentif de la
salle même des Propylées. Sur ses murs, il est impossible de trouver la
moindre trace de peinture, tandis que nous en avons reconnu aux impostes
des fenêtres où elles ont réellement existé, aussi bien que sur les divers
membres d’architecture des autres édifices de l’Acropole. La muraille est
trop polie pour avoir retenu un stuc dont elle aurait été revêtue, pas assez
pour avoir reçu directement la peinture. Enfin, M. Desbuisson a fait
remarquer que cette muraille, non plus que bien d’autres parties des Pro¬
pylées, n’avait jamais été achevée. Selon l’usage des Grecs, la surface
de chaque bloc avait été laissée en saillie, et les angles en étaient abat¬
tus de manière à éviter les épaufrures pendant la durée de la construction ;
la surface entière de la muraille devait être ravalée et polie tout d’une
pièce après son achèvement. C’est ce dernier travail qui, pour une cause
demeurée inconnue, n’a jamais été exécuté, et aujourd’hui la surface non
abattue de chaque bloc est encore de niveau avec certaines moulures qui
devaient rester en saillie.
Les adversaires de cette opinion ont fait remarquer que l’on ne trouve
sur la muraille aucune trace des clous qui auraient servi à suspendre les
tableaux. Il eût été difficile, en effet, d’enfoncer des clous dans une mu¬
raille de marbre, mais rien au contraire n’était plus facile que d’établir
en avant un échafaudage mobile, ainsi que nous l’avons vu faire pendant
tant d’années dans la grande galerie du Louvre, à l’époque des exposi¬
tions annuelles.
Voici maintenant le passage de Pausanias qui nous a fait connaître les
peintures déjà fort endommagées qui, de son temps, étaient exposées dans
la Pinacothèque : « A gauche des Propylées est un petit édifice orné de
peintures. Parmi celles que le temps n’a pas entièrement effacées, on
remarque Diomède emportant de Troie la statue de Minerve, et Ukjsse à
1. Ce mot répond exactement au mot tabula des Latins qui veut dire en même temps pZanc/te et
tableau, et que justement Pline, ici beaucoup trop absolu, oppose à la peinture murale, lorsqu’il dit
qu’il n’y avait de gloire que pour les peintres de tableaux : nulla gloria nisi eorum qui tabulas
ÿinxerunt.
M. Beulé croit toutefois que le mot TcivaxEç avait pu passer dans l’usage pour désigner toute peinture
])ortative, quelle qu’en fût la matière, de même que chez nous on a étendu le mot tableau qui, dans
l’origine, voulait aussi dire petite table dm bois, aux peintures sur toile ou sur cuivre.
4
oO
AïliËNES.
Lemnos se saississant des flèches de Philoctète. On y voit aussi Oreste et
Pylade tuant, Fun, Egisthe, et le second, les fils de Nauplius qui étaient
venus au secours d’ Egisthe. Une autre partie de ce tableau représente
Polyxène quon va sacrifier sur le tombeau d’Achille. Homère a bien fait
de passer sous silence une action aussi cruelle. Il me semble aussi qu’il a
eu raison de dire qu’ Achille prit Scyros, au lieu de le représenter dans
cette île confondu avec des jeunes filles, comme l’ont fait d’autres
poètes, ce c{ue Polygnote a représenté dans l’édifice dont nous parlons U
Il a peint également Nausicaa et ses compagnes lavant leurs vêtements
dans le fleuve et Ulysse debout auprès d’elles, le tout d’après Homère. On
y remarque encore d’autres peintures, savoir : Alcibiade, avec les
emblèmes de la victoire qu’il avait remportée aux courses de Némée^;
Persée se rendant et Séryphe et portant à Polydecte la tête de Méduse.
Au-dessus de ces peintures, en laissant de côté l’Enfant qui porte des
urnes et le Lutteur, peint par Timœnète, on voit le portrait de Musée »
Cette énumération de peintures n’ayant entre elles aucune liaison, aucun
rapport, cette réunion A’ académies, de portraits, de compositions histori¬
ques, n’indiquent-elles pas évidemment un musée composé de tableaux
rapportés et non pas une salle revêtue de peintures murales qui nécessai-
1. Nous retrouvons ce sujet, Achille découvert par Ulysse au milieu des filles de Lycomède, dans
une des principales peintures de Pompéi. Cette composition, qui existait dans le tablinum de la
maison du Questeur ou de Castor et Pollux , pourrait bien être une réminiscence de celle de
Polygnote. La même donnée a inspiré l’auteur d’une mosaïque encore en place à Pompéi dans la
maison d'Apollon.
2. Alcibiade avait fait faire deux peintures à l’occasion de cette victoire; le nom de l’artiste nous
a été conservé par Athénée :
« Lorsqu’il revint d’Olympie à Athènes, il consacra deux tableaux dus au pinceau d’Aglaopbon.
Dans l’un, on voyait l’assemblée des jeux olympiques et pythiques couronner Alcibiade; dans l’autre
était représentée {la nymphe) Némée tenant sur ses genoux Alcibiade dont la figure surpassait en
beauté celle des plus belles femmes. » Satyrus, cité par Athéxée. Deipnos. L. XII.
Il y a dans ce passage plusieurs ei’reurs manifestes; ce fut à Némée qu’Alcibiade remporta la
victoire, ainsi que l’atteste la présence de la nymphe protectrice de ce lieu. En outre, comment
eût-on pu représenter à la fois l’assemblée des jeux olympiques et pythiques qui se célébraient, les
premiers à Olympie, les seconds à Delphes.
D’un autre côté, Plutarque n’est pas d’accord avec Satyrus sur le nom du peintre, et Amyot, son
traducteur, de son autorité privée, voit dans celui de Némée tout autre chose que la désignation de
la divinité protectrice de Némée :
« Et ayant le peintre Aristophon peint une courtisane nommée Nemea, qui tenait entre ses bras
Alcibiade assis en son giron, tout le peuple y accouroit et prenoit grand plaisir à voir ce tableau. »
PujTARQtE. Vie d’Alcibiade.
3. Paisvnias. Att. L. XXII. *
PINACOTHÈQUE. 51
rement eussent formé une suite, eussent eu une donnée commune, comme
nous verrons qu’il en avait été au Pœcile. Rappelons que, parmi ces pein¬
tures, Pausanias indique un portrait d’Alcibiade vainqueur aux jeux
Néméens, et que le brillant élève de Socrate n’était encore qu’un enfant
à la mort de Polygnote.
Dans la partie supérieure du mur septentrional ou de fond, partie qui
ne date que du moyen âge, est une petite fenêtre double et carrée 15. A
la même hauteur se trouve une autre fenêtre 16, dont le linteau sculpté
est évidemment byzantin. Dans la Pinacothèque, aussi bien que dans le
portique qui la précède, on voit les traces de poutres qui les avaient divi¬
sés en étages. Ces travaux, et sur ce point nous sommes d’accord avec
M. Beulé, nous paraissent devoir être attribués au premier duc d’Athènes,
Neri Acciajuoli, mort en 1393, et que les historiens nous apprennent
avoir enrichi sa nouvelle capitale de nombreux édifices. Il découvrit l’aile
gauche des Propylées, si toutefois la couverture existait encore à cette
époque, en fit surélever les murailles où l’on distingue encore des vestiges
de peinture du même temps, et, la partageant par des planchers, la rendit
habitable^. Aussi, après la conquête d’Athènes par Mahomet II, cette
partie des Propylées devint-elle la demeure de l’aga turc, commandant
la citadelle.
L’aile gauche des Propylées a été convertie également par les modernes
en une sorte de musée. Dans le portique, sur des tables de pierre, sont
scellés des pieds, des mains, des têtes et autres fragments de sculpture
provenant des fouilles de l’Acropole. La Pinacothèque est remplie d’in¬
scriptions, de stèles, etc. On y remarque plusieurs des tuiles de marbre
qui couvraient les Propylées, divers fragments des sculptures du Parthé-
non, un charmant bas-relief trouvé près de la grotte de Pan, représen¬
tant une matrone devant ce dieu, dont malheureusement la partie supé¬
rieure est brisée. Des inscriptions trouvées dans la Pinacothèque même
nous font connaître la part que chacun des peuples de l’Attique avait
prise au çopôç, cette contribution pour la guerre contre les Perses, dont
le produit était déposé dans l’opisthodome du Parthénon et qui fut
employé en partie par Périclès aux embellissements d’Athènes.
1. Ces murailles, d’une hauteur à peu près égale à celle de la construction antique, se retrouvent
encore avec leurs fenêtres et leurs créneaux dans le dessin de Revett que nous avons reproduit
à la page 43.
52
ATHÈNES.
Aile droite. L’aile droite des Propylées H ne se composait que du
portique seul, répétant, quoique avec un peu plus de profondeur (4™, 75),
celui de l’aile gauche, mais ne précédant pas comme lui une arrière-salle
telle que la Pinacothèque, bien que Stuart en ait indiqué une sur son
plan, prenant, comme nous l’avons dit, cette partie des Propylées pour
l’édifice que Polygnote avait enrichi de ses peintures. Cette aile fut en
partie démolie, probablement pour élargir la nouvelle entrée de l’Acro¬
pole, lorsque, les entre-colonnements du portique central ayant été
murés, on dut pénétrer dans l’enceinte par un passage ménagé entre les
Propylées et le temple de la Victoire Aptère.
La première colonne de 1 aile droite 17 n’a laissé que la trace de son
fut sur le stylobate. En avant, des pierres portant en creux la trace des
crampons, àyx.c6veç, qui les unissaient à d’autres pierres aujourd’hui ab¬
sentes, indiquent le prolongement de la face septentrionale jusqu’à l’angle
détruit, ainsi que le mur occidental qui a entièrement disparu. Les murs
du sud et de l’est existent seuls, et forment la base d’une tour haute d’en¬
viron 27 mètres qui servait de prison à l’époque où Leroy visita Athènes,
et qui fut construite probablement au commencement du xv® siècle par un
duc d’Athènes, peut-être Antonio Acciajuoli^; ces murs composés de mar¬
bres assemblés avec soin n’avaient pas été entièrement achevés, et les
blocs portent encore presque tous les tenons réservés en saillie pour les
élever et les mettre en place, aussi bien que la surface provisoire en
saillie qui, destinée à prévenir les accidents du transport et de la con¬
struction, ne devait être abattue que lorsque la muraille recevait la der¬
nière façon. Là malheureusement, comme aussi aux autres murailles des
Propylées, beaucoup de blocs ont été brisés pour extraire les crampons
(lui les unissaient à rintérieur.
Dans la muraille septentrionale de la tour sont renfermées l’ante et les
deux autres colonnes du portique, grossièrement mutilées et visibles seule¬
ment à l’intérieur, où l’on ne pénètre que par une très-petite porte 18,
percée à l’occident en face du temple de la Victoire Aptère.
Le mur méridional se termine par une ante 19, qui indique que dans
l’angle sud-ouest se trouvait une porte dont l’autre pied-droit devait être
attenant au mur occidental. C’est la présence de cette porte qui a pu
I. Hermann IIettner. Athen und der Pelopones.
AILE DROITE DES PROPYLÉES.
o.I
faire supposer à Stuart, et à Leake d’après lui, l’existence d’une arrière-
salle jouant ici le même rôle c{ue la Pinacothèque dans l’aile septentrionale.
11 suffisait cependant de jeter les yeux sur un plan exact de l’Acropole
pour reconnaître que l’espace eût manciué, et que près de la moitié de
cette salle se fût trouvée en dehors des murailles et suspendue sur le vide.
L’angle sud-est du soubassement de la tour est parfait et ne présente
aucun arrachement indicjuant la prolongation du mur oriental ; enfin, cet
angle s’appuie sur une antique muraille pélasgic^ue 00, qui se dirige
obliquement du sud-ouest au nord-est, et ciui eût traversé la salle. Il nous
semble donc évident que la porte percée au fond du portique méridional
des Propylées ne conduisit jamais c|u’à une petite enceinte irrégulière,
découverte, dont il serait difficile de préciser la destination.
Mur cyclopéen. Pénétrant dans ce réduit, nous trouvons le mur cyclo-
péen ou pélasgique 00 dont nous avons parlé; il est composé de blocs
irréguliers, aux angles généralement émoussés, et à la face grossière¬
ment aplanie. Il n’en reste qu’un petit nombre d’assises. Nous ne pensons
pas, avec M. Beulé, ciue ce mur ait pu faire partie des fortifications de
l’Eiméapyle; sa construction, beaucoup moins soignée c[ue celle des autres
restes pélasgiques de l’Acropole, nous porte à croire que cette muraille,
destinée seulement à soutenir la terrasse qui devint l’enceinte de Diane
Brauronia, dut être revêtue d’un parement de construction plus soignée
dont la partie supérieure pût servir de parapet.
A l’extrémité nord-est de la muraille cyclopéenne, derrière l’aile droite
des Propylées, se présente en saillie une ante de marbre blanc 20, ayant
évidemment formé l’un des côtés d’une porte dont l’autre pied-droit fut
détruit par Mnésiclès lorsqu’il construisit les Propylées. Cette porte, qui
paraît aj'ipartenir à une époque déjà avancée de l’art, sans doute à celle
ATHÈNES.
des Pisistratides, eût été, suivant M. Beulé, un ornement ajouté à l’Ennéa-
pyle. Nous croyons que ce ne fut que l’entrée d’une petite enceinte sacrée
dans laquelle s élevait l’édicule P, dont nous allons parler, et qui eût barré
le chemin, si de ce côté eût été l’entrée de l’Acropole. On a passé en effet
par là, comme nous l’avons dit, pendant tout le moyen âge, mais alors le
sol était exhaussé jusqu’au sommet du mur cyclopéen, et on arrivait de
plain-pied sur la terrasse de Diane Brauronia.
Dans l’enceinte en question, au pied du mur pélasgique, nous voyons
encore sur le sol les restes d’un soubassement de marbre P, en forme
d’équerre, dont le côté oriental est parallèle à la muraille, et devait s’ap¬
puyer contre son revêtement. Ce côté, aussi bien que celui du sud, vient
se perdre sous l’aile droite des Propylées. Ce devait être un petit édifice
sacré dont, contrairement à l’opinion de M. Beulé, qui en adosse le fond à
la muraille cyclopéenne pour en tourner l’entrée vers ce qu’il croit avoir
été le chemin de l’Ennéapyle, nous pensons que la façade regardait le
nord, et par conséquent la porte de marbre dont nous venons de voir un
des pieds-droits encore debout. Il est évident que les derniers restes de
cet edicule détruit à l’époque de la construction des Propylées devaient
disparaître entièrement; mais nous avons vu que la dernière main ne
fut pas mise au monument de Mnésiclès ; nous ne devons donc pas nous
étonner de retrouver encore cette ruine dans un lieu entièrement masqué
par le nouvel édifice.
Cet édicule, voisin du temple de la Victoire Aptère, ne pourrait-il pas
être le monument qui avait été consacré à Égée et dont parle Pau-
sanias ^ ?
Pour compléter l’examen des Propylées, nous reviendrons au grand
portique L, et au passage central KEQ; celui-ci a une longueur de mè¬
tres, égale à celle de tout le corps principal des Propylées ; il est dallé
en pierres fortement striées, unies entre elles par des crampons de cette
forme , dont on voit encore les traces. Les dalles formaient un plan
incliné présentant de loin en loin des degrés de 0'",15 seulement de hau¬
teur, comme dans les escaliers que les Italiens nomment cordonate ou
scale a cordoni, et accessible aux bœufs qui, en plusieurs endroits, ont
laissé dans la pierre la profonde empreinte de leurs sabots. Le sol du
\. Att. C. XXII.
INTÉRIEUR DES PROPYLÉES. So
vestibule, à droite et à gauche de ce chemin, étant horizontal, chacune
des portes qui en occupent le fond est précédée de cinq degrés. C’est pour
racheter peu à peu cette différence de niveau que le chemin central A B
Coupe du chemin central.
•
monte depuis son entrée. Aussi, à partir du troisième entre-colonnement,
voit-on une de ses dalles G s’elever déjà au-dessus du niveau du pave
D E du vestibule, et les suivantes devaient s’élever de plus en plus jus¬
qu’à la hauteur de la marche supérieure AF de l’escalier du fond.
Au delà des Propylées, le chemin se continuait dans la direction du
Parthénon, comme l’indiquent les stries taillées dans le roc.
Le passage des Propylées pouvait être fermé par une barrière, et l’on y
voit encore, en face du second entre-colonnement, dans une dalle du pavé,
un trou carré de 0'’hi5 qui dut recevoir le montant de cette barrière qui
sans doute était de bois et s’enlevait tout d’une pièce au lieu de s’ou¬
vrir. Nous verrons qu’une autre grille existait au portic{ue oriental.
La muraille de fond du vestibule était, comme nous l’avons dit, percée
de cinq portes RS T, d’inégale grandeur, aux quatre plus petites des¬
quelles on montait par cinq degrés. ‘Les quatre degrés inférieurs de marbre
blanc ont 0'",liO de largeur sur 0-",28 de hauteur; le cinquième, formant
seuil et haut de 0"‘,32, est en marbre noir d’Éleusis. Ces degrés présen¬
tent dans leur angle rentrant le même petit canal carré que nous avons
signalé à ceux du portique occidental
La porte centrale R, haute de 7"', 65, est large de à‘",80, et son linteau
n’a pas moins de 6"', 35 de longueur. Les deux portes S, qui flanquent
celle-ci à droite et à gauche, ont à"h96 de hauteur sur de largeur;
enfin les deux dernières T, beaucoup plus petites, n’ont ciue 3"', 62 sur
On voit encore dans les pieds-droits de ces portes les trous de
scellement des anciens chambranles de bronze. Toute la partie du pilier qui
était recouverte par eux n’est que grossièrement aplanie à la pointe du
1. Page 42.
ATHÈNES.
5()
pic, tandis que l’étroit pilastre resté visible et saillant de 0"’,07, au centre
des tiunieaux, est lisse et poli. On voit aussi, sur le seuil de marbre noir
large de des entailles destinées à recevoir le bas de ce revêtement
de bronze.
Ces chambranles, ainsi que les portes de même métal, ayant été enle¬
vés à une époque inconnue, avaient été remplacés par des pièces de
marbre grossièrement taillées et appliquées. Un savant philologue prus¬
sien, M. Bôckh, nous apprend ^ que, vers le lU siècle après Jésus-Christ,
un certain Flavkis Septimius Marcellinus restaura à ses frais les portes
de 1 Aciopole. M. Beule pense qu il s agit des cinq portes des Propylées,
et que ce fut Marcellinus « qui fit peut-être remplacer les bronzes par les
chambranles de marbre dont une partie existe encore aujourd’hui. » Nous
avons peine à nous ranger à cette opinion, et à ne faire remonter qu’au
second siecle de notre ere, c est-a-dire seulement au commencement de
la decadence, cette lestauration faite sans aucune espèce de soin et digne
des époques les plus barbares du Bas-Empire.
Après avoir franchi les portes, on trouve un autre portique hexa-
style VV, formant la façade postérieure des Propylées ^ et regardant
l’orient et l’intérieur de l’Acropole. Ce portique étant placé sur un terrain
plus élevé que le portique occidental, il en résultait que son fronton se
ti ouvait egalement a un niveau supérieur. Cette différence devait être peu
sensible poui le spectateur place au pied de l’escalier des Propylées, mais
elle devait être choquante pour celui qui se trouvait sur les collines de
l’Aréopage, des Nymphes ou du Pnyx. Ce n’est pas du reste la seule
bizaiieiie qui se présente dans la composition des Propylées, monument
non moins étonnant par l’audace de la conception qu’admirable par la
perfection de l’exécution.
Le portique oriental est profond de 6 mètres en dedans des colonnes et
sa longueui , égalé à la largeur du vestibule, est de 17'’\70. Plusieurs tam¬
bours des colonnes ont été déplacés par l’explosion, mais aucun n’a été
renversé, et l’avant-dernière colonne à gauche a seule perdu son chapi¬
teau. Les autres chapiteaux sont, il est vrai, tous plus ou moins endom¬
mages. I^a piemière colonne à droite, celle du nord, porte encore une
1. Die Staatshaushaltung der Athener. C. I, G. n" 521.
2. Voy. la vignette en tftte du chapitre.
57
PORTIQUE ORIENTAL DES PROPYLÉES.
])artie de l’angle de l’architrave avec les gouttes des triglyphes de la
frise. Les deux colonnes voisines soutiennent la pièce postérieure de l’ar¬
chitrave composée primitivement de trois blocs juxtaposés. Enfin, la
dernière colonne à gauche est réunie à l’ante par l’architrave, c{ui a
conservé deux de ses marbres adossés l’iin à l’autre; le troisième, qui
formait la face extérieure, a disparu.
Les six colonnes de ce portique reposent sur un stylobate large de
1"',67 composé de deux degrés, le premier de 0"‘,15, le second de 0"’,32
de hauteur. De même qu’au portique occidental, chaque colonne pose sur
une dalle entourée d’un bandeau saillant échancré d’un côté pour l’écou¬
lement des eaux. La proportion des colonnes est la même. Dans le
stylobate, entre les deux colonnes centrales, sont les trous de scellement
d’une grille.
Le travail intérieur des tambours de marbre composant les colonnes
des Propylées est fort remarquable ; il présente quatre zones distinctes :
Coupe horizontale il'uno colonne.
la première parfaitement polie ; la seconde légèrement piquée et la troi¬
sième fortement martelée ; la quatrième est un rond poli ayant au centre
un trou carré de 0"“,i0 de côté et 0"’,07 de profondeur. Afin de rendre
parfaite l’adhérence des assises de la colonne, on laissait légèrement en
saillie la zone extérieure i, et le centre 7i; dans le creux ménagé à cet
Pivots en bois.
efiét, était placé au bloc inférieur un dé de bois dur légèrement conique,
percé d’un trou rond qui recevait un pivot adhérent à un autre déplacé
58
ATHÈNES.
dans le bloc supérieur. On pouvait alors faire tourner ce dernier comme
une meule, et par le frottement on obtenait une adhérence telle qu’en bien
des endroits il serait impossible de distinguer le joint. Plusieurs de ces
pivots en bois sont conservés dans le petit musée de l’Acropole.
Piédestal de Vénus. Après avoir franchi le portique des Propylées
par le passage central, on trouve aussitôt à droite, presque au pied de la
première colonne, un piédestal rond 21, posé sur des chantiers, et qui
Piédestal de Vénus.
évidemment a été déplacé à l’époque de sa découverte. Brisé par le haut,
il a la forme d’un fut de colonne de 0'",75 de diamètre, conservant encore
une hauteur de 0'",55. On y lit cette inscription :
KAAAIA[i; ANE0EKEN]
NiK [Ei;Ai:]
OA [TMIl] lAÏI
nreiA aïs
IS0MIA IIENTAKIS
NEMEA TETPAKIS
ÏIANA0ENAIA METAAA
« Caillas a dédié (cette statue) ayant été vainqueur aux jeux olympiques, deux fois aux jeux
pythiens, cinq fois aux jeux isthmiques, quatre fois aux jeux néméens
et aux grandes panathénées. »
Or, Pausanias, parmi les monuments qui décorent l’Acropole, après
avoir indiqué la lionne de bronze, image symbolique de la fameuse
Léæna, l’amie et la complic’e d’Harmodius et d’Aristogiton, ajoute : « La
statue de Vénus que l’on voit auprès est, dit-on, une offrande de Cal lias
et a été^faite par Galamis. » Ne pouvons-nous pas, d’après ce passage
rapproché de l’inscription, regarder comme certain que nous avons sous
les yeux le piédestal de la statue consacrée à Vénus par Callias, athlète
célèbre qui vivait dans la 11'" olympiade (472 à 469 avant Jésus-Christ),
PIÉDESTAUX.
59
et sculptée par Calamis, ce vieux maître qui, le premier, si l’on en croit
Quintilien^ et Cicéron 2, commença à s’éloigner de la sécheresse archaïque
des artistes C[ui l’avaient précédé.
Piédestal de Nésiotès. En pendant avec ce piédestal, à gauche du
passage, en est déposé un autre 22, ou plutôt une plinthe sur la tranche
de laquelle on lit cette inscription en très-anciens caractères ;
« Alcibius le joueur de lyre a consacré. Nésiotès (a fait). »
A cjuelle divinité était consacrée la statue que portait ce piédestal ?
Nous l’ignorons ; mais le genre de talent du donateur ne semblerait-il pas
indicjuer un Apollon plutôt que toute autre divinité? Quant à son auteur,
Nésiotès, l’un des plus habiles sculpteurs de l’antiquité grecque, il est un
des quatre artistes cités par Pline comme ayant été les contemporains et
les rivaux de Phidias
Piédestal de Minerve Hygiée. Au pied de la dernière colonne du
portique oriental des Propylées est encore en place un troisième pié¬
destal 23, également de marbre pentélique, celui de Minerve Hygiée.
U II auint, dit Plutarque, pendant qu’on les bastissoit (les Propylées) ,
un accident merueilleux cjui monstra bien que la déesse Minerve ne
réprouvoit point cette fabrique, ains l’avoit pour bien agréable ; car le
1. « Les statues de Gallon et d’Hégésias sont d’un style dur et approchent de la manière étrusque.
Celles de Calamis ont déjà moins de roideur, et l’on trouve dans Myron un air encore plus aisé que
dans Calamis. » Qoiktilien. Inst. orat. L. XII, c. 10.
2. « Est-il un connaisseur qui ne sente que les statues de Canacus ont une roideur qui nuit au
naturel? Celles de Calamis, avec de la dureté, ont cependant quelque chose de plus moelleux. »
Cicéron. De Claris orat. XVIIL
3. « Dans le même temps, ses émules furent Alcamène, Critios, Nésiotès et Hégias. »
Pline. XXXIV, 19, 1.
La plupart des textes de Pline portent, par une erreur évidente, Critias et Nestoclès; cependant
on trouve ISésiotès dans l’ancien manuscrit de Bamberg, et cette correction a été reproduite dans
les classiques de Nisard.
ATIII^NES.
()0
plus diligent et le plus affectionné de tous les ouvriers qui y beson-
gnoyent tomba d’aventure du haut en bas, de laquelle cheute il fust si
malade, que les médecins et chirurgiens n’esperoyent pas qu’il en peust
échapper. De quoi Périclès estant fort desplaisant, la déesse s’aparut à
lui de nuit en dormant, qui lui enseigna une médecine ^ de laquelle il
guérit facilement le patient et en peu de temps : et fut l’occasion pour
laquelle il fist depuis fondre en cuyvre l’image de Minerve que l’on sur¬
nomme de Santé, laquelle il fist dedans le temple du Chasteau, auprès
de l’autel qui y estoit auparauant^. »
piédestal de Minerve Hygiée.
Telle fut l’origine de la statue de Minerve Hygiée ; nous croyons tou¬
tefois que la dernière phrase du récit de Plutarque contient une erreur,
et que le piédestal que nous voyons aujourd’hui est encore à sa place
antique; sa forme semble l’indiquer, et peut-être pourrait-on supposer
avec cjuelque vraisemblance que la statue de la déesse fut érigée par
Périclès au lieu même de l’accident.
Le piédestal, qui seul est arrivé jusqu’à nous, a la forme d’un autel
rond, mais coupé du côté adossé à la colonne; son diamètre est de 0'",87
et sa hauteur de 0'",70. Dans les trois cavités que présente sa surface sont
des traces de coloration par l’oxyde de cuivre laissées par les pieds et la
lance de la statue qui paraît avoir été légèrement colossale. Pline ^ cite
un sculpteur nommé Pyrrhus comme auteur d’une Minerve et d’une
1. Le parthénion, ynatricaria par thenium ou par iet aria diffusa de Linnée, sorte de pariétaire
très-commune encore sur le rocher de l’Acropole.
2. Vie de Périclès. XIll. Trad. d’Amyot.
3. L. XXXIV, 10, 31.
Cf. Pr.iNE. L. XXII, 20, et L. XXI, 104.
PIÉDESTAL D’AGKIPPA.
61
Hygie, mais cette indication serait insuffisante, et pourrait s’appliquer à
toute autre statue de la déesse de la Santé, si elle n’était précisée par
l’inscription meme gravée sur notre piédestal ;
A0ENAIOI TEI AOENAIAI TEl mEAJ
UÏPPOS EU01Hi:EN A0ENAIOS
« Les Athéniens à Minerve Hygiée. » v
« Pyrrhus, Athénien, a fait. »
Près de ce piédestal on en a trouvé un autre plus petit en marbre
gris de l’Hymette, déposé aujourd’hui dans le vestibule des Propylées
et que son inscription, dont les caractères appartiennent à l’époque
romaine, nous apprend avoir été également consacré à Hygie ;
iiEEA^THI ïl lEIAI
a A l’auguste Hygie. »
A droite de la statue de Minerve Hygiée est un passage X, qui sépare
les Propylées de l’enceinte de Diane Brauronia Y. Dans ce passage, au
pied de la muraille méridionale du vestibule des Propylées, on voit
gisants deux fragments 24 de l’entablement; sur une doucine sont
dessinées à la pointe des feuilles d’eau primitivement colorées; on y
reconnaît des traces évidentes de peinture, mais la couleur ne pourrait
être déterminée avec certitude.
Dans un angle de ce même passage, contre l’ante des Propylées, est
adossée la partie inférieure d’un grand bas-relief 25, qui, par son style,
paraît appartenir à la plus belle époque de l’art et présente beaucoup
d’analogie avec les métopes du Parthénon. Il ne reste malheureusement
que les deux jambes d’un homme qui paraît s’élancer, et dont la chlamyde
voltige derrière lui. M. Beulé suppose que ce bas-relief put être appli¬
qué au rocher qui, taillé verticalement, soutient au nord et près de là
une partie de la terrasse de Diane Brauronia.
Afin de ne pas interrompre la description des Propylées, nous avons
dû laisser derrière nous deux monuments qui accompagnent leur grand
escalier, le piédestal d’Agrippa et le temple de la Victoire Aptère.
Piédestal d’Agrippa. 11 est fort difficile de comprendre comment le
62
ATHÈNES.
piédestal d’ Agrippa C ^ se trouve placé obliquement par rapport à
l’escalier des Propylées 2. « Si le plan de l’escalier, dit M.. Beulé, eût
été tracé pour la première fois du temps des Romains, on eût tenu
compte évidemment du piédestal, et on eût amené l’encadrement de
l’escalier dans son prolongement. » Mais il nous semble au moins aussi
probable que, si l’escalier eût existé, on eût placé le piédestal en rapport
avec lui.
Il n’y a donc-, selon nous, aucune conclusion à tirer de ce rapproche¬
ment. Une supposition de Stuart, si elle était admise, pourrait donner
la clef de ce problème. Suivant lui, le piédestal n’aurait point été élevé
primitivement pour recevoir la statue d’ Agrippa, mais aurait existé long¬
temps auparavant. En ce cas, il pourrait être antérieur à l’escalier lui-
même et avoir été conservé lors de la construction des Propylées. Sa
forme pyramidale, que Stuart n’a pas remarquée, mais qui rappelle les
traditions de l’art archaïque, pourrait être une nouvelle preuve à l’appui
de cette hypothèse.
Chandler, Leroy, Stuart et Legrand croient qu’en pendant devait
être un autre piédestal portant la statue d’Auguste; ils se fondent sur
une phrase fort ambiguë de Pausanias qui, après avoir décrit le faîte
des Propylées, ajoute : « Je ne saurais dire au juste si les deux figures
équestres qu’on y voit représentent les fils de Xénophon, ou si elles n’ont
été faites que pour servir d’ornement. » Si Pausanias eût voulu désigner
le piédestal que nous voyons aujourd’hui, il n’eût pu avoir aucune incer¬
titude; il lui eût suffi de jeter un coup d’œil sur l’inscription qui y est
tracée en lettres onciales, et qui eût sans doute existé aussi sur le pié¬
destal de la prétendue statue d’Auguste. Ne pourrions-nous pas supposer
c{ue le voyageur grec a voulu parler plutôt de deux autres statues
équestres qui pourraient avoir été placées aux extrémités du fronton
central des Propylées? Il suffit du reste de jeter un coup d’œil sur
le plan de l’Acropole pour se convaincre de l’impossibilité d’une con¬
jecture, cjui toutefois était permise cà une époque où le temple de la
1 . Voy. planche II à gauche.
2. Leroy ne s’est point aperçu de cette irrégularité, et, dans son plan de l’Acropole, il fait le
piédestal d’Agrippa parallèle à la Pinacothèque. Cette erreur ne se retrouve pas dans le plan donné
par Legrand.
PIÉDESTAL D’AGRIPPA. 63
Victoire Aptère et l’escalier des Propylées n’avaient pas encore été
retrouvés et rétablis.
Le piédestal d’Agrippa est d’une hauteur disproportionnée qui ne peut
s’expliquer que par le désir de rendre la statue visible par-dessus les
murs de l’Acropole; mais la statue devait être du plus fâcheux effet,
écrasant par sa hauteur les Propylées eux-mêmes. L’inclinaison du sol
laisse à découvert sa partie inférieure sur une plus grande hauteur, au
nord et à l’ouest, et c’est peut-être cette circonstance qui explique son
inclinaison sensible vers le nord-ouest, mouvement que dut favoriser la
poussée des terres contre les côtés sud et est. De ce coté, M. Beulé a été
même forcé de reprendre les substructions en sous-œuvre pour prévenir
la chute du monument.
Le soubassement est composé de six assises de 0'",40 de hauteur
(total 2'",/i0) ; sa largeur est de 5 mètres et sa longueur de 5'", 38^. Au-
dessus sont trois degrés de même hauteur (total i'",20). Les deux
premiers ont 0''hi9 de profondeur, y compris un demi-rond ^ en saillie
qu’ils portent à leur angle.
J
5
c
Base et corniche du piédestal d’Agrippa.
Ce demi-rond n’existe pas au degré supérieur cjui venait presque
affleurer l’élégante moulure de marbre blanc, haute de 0'",60, qui porte
le dé du piédestal. Celui-ci, haut de il'",75, et composé d’assises alter¬
nativement plus basses et plus élevées, est, ainsi que nous l’avons dit,
1 . Le peu de différence de la longueur et de la largeur du piédestal nous porterait à croire qu’il
portait une statue colossale debout et non point équestre, comme l’ont supposé Stuart et la plupart
des autres voyageurs.
2. G est par ei’reur que Stuart, qui n’avait pu bien voir la base du piédestal en grande partie
ensevelie, indique cette moulure comme étant carrée.
64
A T H lîNES.
de forme sensiblement pyramidale ; il a pour mesure à sa base 3'", 35 sur
3'", 75, et au sommet 2'", 83 sur 3'",i4. Enfin, la corniche de marbre
blanc qui surmonte le dé a 0"’,80, ce qui complète, pour le piédestal,
une hauteur totale de 16'", 75.
Les deux faces du nord et de l’ouest regardant l’extérieur de l’Acro¬
pole sont broyées par les boulets, aussi l’inscription qui était gravée sur
le dé à l’ouest, bien que formée de très-grands caractères, est aujour¬
d’hui presque entièrement disparue; heureusement elle avait pu encore
être copiée par Stuart qui nous l’a conservée ^
O AHMOÏ
MAPKON A TPI 110 AN
AEYKIOr riON
TPIl rHATON TON EAYTOTi
ETEPEETHN
c Le peuple (honore) Marcus Agrippa, fils de Lucius, trois fois consul, son bienfaiteur^. »
Cette inscription nous donne la date de l’érection de la statue, le
troisième consulat d’Agrippa se rapportant à l’an 27 avant Jésus-Christ.
Un marbre trouvé près de là et déposé maintenant dans le chemin
central de la- montée des Propylées répète à peu près l’inscription du
piédestal ; on y lit ;
O A H MO A
MAPKON ArPIirilAN
AEYKIOr YION
TON EATOY (sic) EYEPIETHN
(( Le peuple (honore) son bienfaiteur, Marcus Agrippa, fils de Lucius, n
Le piédestal d’Agrippa avait été réuni au soubassement du temple de
la Victoire Aptère par une batterie, et à l’aile gauche des Propylées par
une courtine qui permettait d’arriver à son sommet qui avait été crénelé.
C’est ainsi qu’on le trouve dans le dessin de Stuart et Revett que nous
avons reproduit
1. Stuart a copié par erreur TON EAIOY « bienfaiteur de Caius, » ce qui n’a pas de sens.
2. Agrippa avait fait construire à Athènes le théâtre du Céramique auquel il avait donné son nojn,
et il avait, dans plusieurs autres circonstances, contribué à l’embellissement de la ville.
d. Page 43.
TEMPLE DE LA VICTOIRE APTÈRE.
65
Temple de la Victoire Aptère. Sur un grand soubassement qui
borne au sud l’escalier des Propylées et que les boulets ont fort mal¬
traité , s’élève le petit temple de la Victoire Aptère^ ou sans ailes T).
Temple de la Victoire Aptère.
Nous avons dit que de cet escalier partait un petit perron di, condui¬
sant à l’étroite terrasse qui s’étend entre la façade du temple et l’aile
droite des Propylées. Cette terrasse était garnie d’un garde-fou, composé
d’une suite d’admirables bas-reliefs déposés aujourd’hui dans la cella
du temple. Ces bas-reliefs furent découverts en 1835, par MM. Hansen
et Schaubert, lorsqu’ils détruisirent le bastion turc qui avait remplacé
le temple. On reconnut que ces dalles portaient sur les tranches latérales
la trace des scellements qui les réunissaient, sur leur tranche supérieure
l’indication d’une grille qui les surmontait, et sur la tranche inférieure
les trous des crampons qui les fixaient dans une feuillure encore bien
visible au bord de la terrasse.
« Le temple de la Victoire Aptère , dit Pausanias ^ , est à droite des
Propylées. La mer se découvre de cet endroit, et c’est de là, dit-on.
1. « Pour les Athéniens, dit M. Renié, Minerve était la Victoire même; ce n’était pas un surnom
c’était son nom: on ne disait pas Minerve victorieuse, mais, par la réunion énergique des deux
substantifs, Minerve-Victoire, AOTivâ-Ni'xr). »
2. Attic. C. XXII.
5
66
ATHÈNES.
qu’Égée se précipita et se tua lorsqu’il vit revenir avec des voiles noires
le vaisseau qui avait transporté les jeunes Athéniens dans l’île de Crète.
Thésée en effet, comptant sur sa valeur, était parti avec l’espoir de tuer
le Minotaure, et avait promis à son père de mettre des voiles blanches
au vaisseau s’il revenait vainqueur. Ariane lui ayant été enlevée ^ , il
oublia sa promesse, et Égée, croyant qu’il avait péri, se tua en se pré¬
cipitant du haut de la citadelle. On voit encore dans Athènes le monu¬
ment héroïque d’Égée »
La Victoire était ordinairement représentée avec des ailes; Wheler a
supposé ingénieusement que celle remportée par Thésée parut ne pas
en avoir, puisqu’elle ne fut pas connue à Athènes avant l’arrivée du
héros. De là serait venu le surnom à' Aptère^, qu’on lui eût donné en
érigeant un temple en son honneur. D’autres auteurs ont prétendu que
les Athéniens avaient représenté la Victoire sans ailes pour la fixer à
jamais parmi eux , de même que les Spartiates , au dire de Pausanias
1. Si Pausanias a pour lui l’autorité de Plutarque {Vie de Thésée), qui prétend qu’Ariane fut
enlevée à Thésée par Onarus, prêtre de Bacchus, et celle de Diodore de Sicile (L. IV, SCI), qui dit
qu’elle lui fut ravie par le dieu lui-même, il est en contradiction avec Ovide {Met. L. VIII, 3;
Héroides, ep. 10; Art d’aimer. G. I, v. 527, et G. III, v. 35; et Fastes. L. III, v. 458); avec Gatulle,
{Carm. LXIV) ; Properce (L. I, élég. 3); Tibulle (L. III, élég. 7); Stace (L. I, Silv- 2); Hésiode
{Théog., V. 947) ; et la plupart des mythologues, suivant lesquels ce fut Thésée lui-même qui volon¬
tairement abandonna Ariane dans l’île de Naxos, où elle fut trouvée par Bacchus qui l’épousa.
Enfin, nous lisons dans Homère {Odyssée. G. XI) une tradition toute différente : « Thésée, dit-il,
enleva de Grète la belle Ariane pour la conduire dans la ville sacrée d’Athènes; mais il ne put s’unir
à elle, car Diane, sur le témoignage de Bacchus, la perça de ses flèches dans l’île de Dia ( ancien
nom de Naxos). »
2. « Quand ils approchèrent de la coste d’Attique, ils furent tant espris de ioye, Theseus et son
pilote, qu’ils oublièrent de mettre au vent la voile blanche par laquelle ils dévoient doiîer signifiance
de leur salut à Ægeus, lequel voyant de loin la voile noire, et n’espérant plus de reuoir iamais son
fils, en eut si grand regret, qu’il se précipita du haut en bas d’un rocher et se tua. »
Plutarque. Thésée,
Ai pater ut summa prospecturn ex arce pelebal
Anxia in assidues absuynens lumina flelus,
Quum ]jrimum in/lati prospexit lintea veli,
Prœcipitem sese scopulorum e vertice jecit
Arnissum credens immiti Thesea fato.
« Et son père qui, du haut de la citadelle, plongeait au loin ses regards dans l’espace, consumant dans des pleurs
incessants ses yeux inquiets, dès qu’il aperçut les contours de la voile gonflée, se précipita du haut des rochers,
croyant Thésée moissonné par le cruel destin. » Catulle. LXIV. Epilhalame de Thétis et de Pélée.
Cf. Diodore de Sicile. L. IV, § 61 ; Ovide. Ibis, y. 495; Lucilius Junior. L’Etna, v. 578; Stace. Thébaïde.
L. XII, V. 625.
3. ’A privatif; Ttvepôv, aile.
4. Lacon. G. XV.
TEMPLE DE LA VICTOIRE APTÈRE.
67
avaient érigé à Mars une statue dont les pieds étaient enchaînés pour
que le dieu ne pût jamais les abandonner. Nous avons vu que Ghandler,
ainsi que Stuart et Legrand, ne trouvant point cet édifice qui de leur
temps n’existait plus , avaient pris pour lui l’aile gauche des Propylées,
et que du véritable temple de la Victoire , dont ils retrouvaient le souve¬
nir seulement dans Pausanias et dans les relations de Spon et Wheler,
ils avaient fait le temple d’Aglaure.
Le temple de la Victoire fut démoli par les Turcs, pour établir à sa
place une batterie lors du siège de l’Acropole par les Vénitiens en 1687,
et les matériaux amoncelés et couverts de terre composèrent l’esplanade
sur laquelle furent posées les pièces d’artillerie ; ceci explique comment
Spon et Wheler virent le temple intact en 1676, tandis que Stuart et
Ghandler n’en trouvèrent plus trace en 1751 et 1765.
En 1835, les architectes bavarois Schaubert et Hansen , démolissant
les constructions turques , retrouvèrent intacts presque tous les marbres
dont le temple était composé, et, avec une habileté et une patience dignes
des plus grands éloges, ils le relevèrent tout entier sur son ancien sou¬
bassement qui était resté en place , et au-dessus d’un magasin à poudre
qui avait été pratiqué par les Turcs dans le soubassement^.
plan du temple do la Victoire Aptère.
Ge petit temple, entièrement construit de marbre pentélique, est tétra-
style, amphiprostyle et d’ordre ionique. Son stylobate pose sur trois
degrés, dont l’inférieur n’avait que 0"‘,075 de saillie, et une hauteur
égale au-dessus du dallage. Les deux autres degrés ont 0"*, 22 de hau-
1. K Si, comme on l’a prétendu, le canon des Vénitiens eût renversé le temple, les colonnes et les
pierres conserveraient la trace des boulets. Si le magasin à poudre qu’on avait creusé sous ses
fondations l’eût fait sauter, MM. Hansen et Schaubert n’eussent pas trouvé intact ce magasin lui-
même. )) Beulé. Acropole d’Athènes. I, p. 71.
68
ATHÈNES.
teur sur 0™,3i de profondeur. L’élévation du stylobate est également
de 0"b22; sa longueur est de 8'", 26 et sa largeur On retrouve
ici, dans l’angle rentrant des degrés, le petit canal carré que nous avons
«
déjà signalé aux portiques des Propylées. Les chapiteaux des colonnes
sont simples et un peu lourds, étant larges pour leur hauteur qui n’est
que de 0"’,22 Ils portent encore des traces évidentes de la peinture
dont ils étaient décorés, de même que ceux du vestibule des Propylées.
Ici, comme aux autres temples ioniques d’Athènes, les architectes, afin
que le chapiteau d’angle offrît deux faces semblables, l’une dans le front
de l’édifice, l’autre en retour, avaient imaginé de prolonger, en la cour-
Chapiteau d'angle.
bant, la volute angulaire, de façon qu’en retour une volute semblable
pût s’accorder avec son pendant. Le besoin de donner deux volutes à
chacune des quatre faces du chapiteau les a conduits à introduire dans
le chapiteau ionique les doubles volutes qui plus tard devaient figurer
comme accessoires dans le chapiteau corinthien. Pour y parvenir, il a
fallu, en supprimant le balustre ou coussinet des faces latérales, évaser
et creuser chaque côté pour faciliter le doublement des volutes et leur
jonction. Cette particularité se retrouve aux Propylées du forum trian¬
gulaire de Pompéi^, ainsi cp’à l’un des plus anciens tombeaux de la
Sicile, celui de Théron à Agrigente.
Les fûts des colonnes sont d’un seul morceau et peu galbés; leur
diamètre à la base est de 0™, 52 , et au sommet de 0“', hS ; leur hauteur
est de 3"', kk, ce qui donne pour mesure totale de la colonne , compris
1. M. Beulé attribue cet effet à la diminution apparente de la force des colonnes par la destruction
d’une partie de leurs cannelures.
Une volute de l’un des chapiteaux est au British Muséum, Elgin Saloon, n° 404,
2. E. Breton. Pompeia, 2® édition, p. 25,
TEMPLE DE LA VICTOIRE APTÈRE.
69
la base et le chapiteau, 3"", 844- Les bases, au temple de la Victoire,
ne sont pas moins singulières que les chapiteaux ; elles ont 0"’, 184
de hauteur.
Les colonnes d’angle du portique A étaient réuniçs aux antes B , par
un mur à hauteur d’appui, un pluteus, dont la trace est encore visible,
sur les bases qui sont seulement dégrossies dans la partie qu’il couvrait.
Ce pluteus était surmonté d’une grille qui achevait de fermer le portique
par ses deux extrémités.
Tout l’édifice était couronné par une frise haute de 0'",45, et entière¬
ment couverte de bas-reliefs non interrompus. La corniche qui la sur¬
montait a disparu ainsi que les frontons. Malheureusement les côtés sud
et ouest de la frise n’ont jamais été entièrement perdus ; compris dans la
construction d’une poudrière turque, ils purent être dessinés en partie
en 1764 par Pars, compagnon de Revett et Chandler, et publiés par
Stuart^. C’est de là que lord Elgin les a enlevés pour les porter en Angle¬
terre 2, et ainsi, lors de la restauration du temple, ils n’ont pu, comme
les autres bas-reliefs, reprendre leur place primitive. Des copies en terre
cuite furent alors envoyées de Londres ; mais la frise du sud a seule
été mise en place; celle de l’ouest a été brisée par les ouvriers.
Placés à une faible hauteur, rendus fragiles par la petitesse même
de leurs proportions, ces bas-reliefs ont, plus que tous les autres, été
exposés aux injures des Barbares qui, tour à tour, ont été maîtres de
l’Acropole ; aussi toutes les saillies ont-elles été brisées et presque toutes
les figures ont-elle§ perdu leurs têtes, leurs bras et leurs jambes. Il
en reste cependant assez pour que nous puissions reconnaître que, par
leur style , ces sculptures simples et sévères ont la plus grande analogie
1. T. Il, pl. XLI.
2. British Muséum, Elgin Saloon, n"’ 158, 158*, ICO et ICI.
70
ATHÈNES.
avec celles du temple de Thésée. Cette observation peut nous fournir
un renseignement précieux sur l’époque de la construction du temple
de la Victoire Aptère.
Nous verrons^ que ce fut par ordre de l’oracle de Delphes que Cimon
rechercha et découvrit à Scyros les restes de Thésée, qu’il rapporta à
Athènes. A cette époque, dans la 77® olympiade (465 ans avant Jésus-
Christ) , fut élevé le temple de Thésée. Ne semble-t-il pas probable ,
surtout lorsque cette hypothèse est confirmée par la ressemblance des
sculptures des deux monuments, que ce dut être à la même époque que
les Athéniens, rendant au fils les honneurs qu’il attendait depuis 800 ans,
pensèrent aussi à cqnsacrer par l’érection d’un petit temple le lieu témoin
du désespoir et de la mort du père , tristes résultats de la plus brillante
victoire qui ait été remportée par le héros 2. M. Beulé a réuni, à l’appui
de l’opinion qui fait le temple de la Victoire antérieur au siècle de Péri-
clès et à la construction des Propylées, diverses autres preuves qui
ne nous paraissent pas moins concluantes, et qu’il tire de l’orientation
de l’édifice, de sa position bizarre sur la terrasse qui le porte, de la
construction de celle-ci, etc.
On n’a retrouvé sur les bas-reliefs du temple de la Victoire aucune
trace de peinture ; mais comme on en a reconnu avec certitude la pré¬
sence sur les sculptures du temple de Thésée et du Parthénon , il paraît
à peu près hors de doute qu’il en dut être de même ici.
La frise orientale semble représenter une assemblée des dieux, dont
le centre est occupé par Minerve , entre Neptune et Jupiter. Les côtés
nord et sud offrent des combats entre des personnages nus, des Grecs
et des Barbares, des Perses, facilement reconnaissables à leur costume,
le même que l’on retrouve dans la fameuse mosaïque de Pompéi ; enfin
à l’ouest, les adversaires sont nus de part et d’autre; il y a donc appa¬
rence que la bataille est livrée par les Athéniens à d’autres Grecs. Le
sujet de ces compositions a donné lieu à bien des conjectures, parmi
lesquelles il serait difficile de déterminer la véritable avec certitude.
1. Chap. V.
2, Hermann Hettner {Athen und der Pelopones) place, comme nous, à l’époque de Cimon la fon¬
dation de ce temple. Si cette conjecture était vraie, on pourrait attribuer à Micon les sculptures de
la frise, qui, ainsi que nous l’avons dit, ont, par leur caractère, beaucoup de rapport avec celles du
temple de Thésée dues au ciseau de ce grand artiste.
TEMPLE DE LA VICTOIRE APTÈRE.
Stuart, trompé par les longues robes des Perses et par un seul bouclier
échancré que porte l’un des personnages, a vu dans les frises latérales
des combats d’amazones; selon lui, la frise du posticum représente le
combat dans lequel furent tués Eumolpe et son fils. MM. Ross, Schau-
bert et Hansen voient dans cette suite de bas-reliefs la double victoire
remportée par Gimon à l’embouchure de l’Eurymédon, oubliant que l’une
de ces victoires fut remportée sur mer, et qu’on chercherait vainement
ici l’indication d’un navire. Leake enfin y reconnaît les batailles de
Marathon et de Platée, sans qu’aucun détail puisse préciser ces batailles
plutôt que toute autre victoire remportée sur les Perses.
Le posticum ou portique occidental ^ est en moins bon état de conser¬
vation que celui de l’est. La colonne de l’angle sud-ouest, longtemps
absente, même après la restauration du temple, n’a été relevée que
récemment, en y ajoutant une assise, un chapiteau et une partie d’archi¬
trave simplement massés. La colonne voisine de celle-ci a été complétée
de la même manière, au moyen d’une base et d’un tambour; enfin, une
petite portion de fût a aussi été rétablie à la troisième colonne.
Le portique de la façade orientale A n’est profond que de i'",50.
Son plafond ou soffite existe encore en totalité, aussi bien que celui du
posticum. Entre chacune des poutres de marbre qui le soutiennent, est
Caissoa du soffite.
une grande dalle' pércée de six petits caissons très -simples, et qui ne
sont autre chose que des trous carrés avec une petite moulure au
fond.
Au fond du portique, le mur de face de la cella est percé de trois
I. Voy. pl. II.
7? ATHÈNES.
baies D E D, séparées par deux piliers larges seulement de 0"’,25 et
profonds de 0”, 49
La baie centrale, la grande porte G, est large de Les deux
baies latérales D, larges seulement d’un mètre, ont un seuil élevé de
0"*, 22 , dans lequel sont des entailles carrées qui semblent indiquer
qu’elles étaient fermées par une grille en bois ou un volet. Lorsqu’on
a franchi la porte, on se trouve dans l’intérieur de la cella F, profonde
de 3'", 75 et large de 4'", 21. Le plafond est entièrement détruit. Ce
sanctuaire renfermait une très-ancienne statue de la déesse, un simulacre
de bois, qui, comme nous l’apprennent Suidas et Harpocration , tenait
de la main droite une grenade et de la gauche un casque.
Les murs de la cella ne conservent aucune trace d’ornement, mais
dans cette étroite enceinte sont déposés des bas-reliefs qui peuvent être
placés au nombre des plus merveilleuses productions de l’art grec, et
qui servaient, ainsi que nous l’avons dit, de garde-fous à la terrasse
du temple et d’ornement au grand escalier des Propylées.
Le bas-relief le plus considérable représente une Victoire retenant
victoires.
avec peine un taureau furieux que précède une autre Victoire ; sur la
ceinture des deux déesses , de très-petits trous indiquent l’ancienne
1. « Ces piliers, remarque M. Beulé, sont minces et paraissent grêles; mais l’architrave qu’ils
portent est assez légère pour qu’ils soient moins une nécessité de construction qu’un ornement qui
encadre 1 entrée, à droite et à gauche ; masqués du reste par les colonnes du portique, ils ne peu¬
vent être vus que de côté, et leurs côtés précisément ont beaucoup plus de largeur. »
TEMPLE DE LA VICTOIRE APTÈRE.
73
existence de quelque ornement de métal. Des trous du même genre
peuvent être observés sur d’autres fragments appartenant à la même
suite.
Une Victoire déliant ses sandales n’a malheureusement plus de tête,
mais on ne saurait assez admirer la grâce et la vérité de sa pose, l’élé¬
gance de ses draperies ; sur le fond un pinceau , moderne sans doute ,
a tracé hardiment au minium une mèche de cheveux qui a beaucoup
exercé la sagacité des archéologues qui ont oublié que, si ce trait eût
été antique et se fût conservé sur une surface plane que rien ne proté¬
geait, bien d’autres traces de peinture existeraient dans les plis de la
sculpture où ils eussent été à l’abri de la plupart des causes de destruc¬
tion. D’ailleurs, ce trait fort visible n’a été signalé que longtemps après
la découverte du bas-relief j et, s’il eût existé dès le principe, il n’eût
pu échapper aux regards des premiers investigateurs. Laissons donc de
côté cette mystification , œuvre de l’un des nombreux artistes qui chaque
jour viennent travailler dans l’enceinte de l’Acropole, et ne prêtons pas
à rire à son auteur qui probablement existe encore.
Signalons enfin une autre Victoire fort mutilée, qui paraît avoir pré¬
senté une couronne. D’autres fragments moins importants ont été décou¬
verts successivement, et quelques-uns sont dus aux fouilles de M. Beulé.
Dans ces bas-reliefs, on chercherait en vain la sévère simplicité des
74
ATHÈNES.
sculptures du temple de Thésée, du temple de la Victoire Aptère ou du
Parthénon. Des mouvements plus violents, des poses plus recherchées,
un fini plus précieux annoncent un art plus raffiné , plus voisin , comme
le dit M. Beulé, de l’époque de Lysippe^ que de celle de Phidias.
Adoptons donc avec lui l’opinion de M. Ross, qui croit que cette brillante
décoration de l’escalier des Propylées peut dater du gouvernement de
Lycurgue , cet orateur qui , prenant Périclès pour modèle , enrichit
Athènes d’un grand nombre de monuments.
Il serait bien difficile de préciser la pensée qui a présidé à la compo¬
sition de cette suite de bas-reliefs. Jouissons du charme de ces délicieuses
sculptures et restons dans ce doute poétique si bien exprimé par M. Beulé.
« Ces Victoires qui s’envolent, arrivent, se posent sur l’Acropole, délient
leurs sandales, sont levées, sont assises, tendent des couronnes, repré¬
sentent-elles un seul mythe, une seule action? ou bien accourent-elles
des différents points du monde , et viennent-elles se ranger autour de
la grande Victoire , de Minerve dont elles sont les messagères ? Quand
le peuple athénien monte l’escalier des Propylées, lui disent-elles, par
leur pose allégorique, par des inscriptions, ou par la seule force de la
tradition : Je suis Marathon, je suis Salamine, je suis l’Eurymédoii; je
viens de Thrace, je viens de Lesbos, je viens de Sphactérie, flatteurs
muets que l’on imitait moins éloquemment à la tribune du Pnyx ! »
Avenue du Parthénon. Lorsqu’on a franchi les Propylées, et qu’on
arrive sur l’esplanade de l’Acropole,, on trouve, faisant suite au passage
central, un chemin dont le sol a été strié pour faciliter la marche des
animaux. Ce chemin obliquait au sud vers le Parthénon , et sa direction
est indiquée, à droite, par un canal creusé dans le roc pour la conduite
des eaux, et par de nombreuses cavités carrées ou oblongues, également
taillées dans le roc, et ayant contenu des piédestaux et des stèles qui
bordaient cette espèce de voie sacrée. A gauche, rien ne trace la limite
de la chaussée dont la largeur ne peut être déterminée.
Piédestal. A droite du chemin, à 3"‘,60 en avant du piédestal de
Minerve Hygiée (plan de l’Acropole, c), senties ruines d’un autre pié¬
destal bien plus considérable, Il ne reste de ce monument que le
♦
1. 3C8 à 317 avant Jésus-Christ.
2. Voy. la lettre en tAte du chapitre.
SANCTUAIRE DE DIANE BRAURONIA.
75
socle long de 2’", 60 en tous sens, et du côté sud-est une faible partie
du revêtement de marbre du piédestal lui- même, composée de deux
dalles en équerre, ayant à partir du socle 0"’,88 de hauteur et réunies
par un crampon qui sans doute était caché par la plinthe de la statue.
Le piédestal n’occupait sur le soubassement qu’une superficie de i'",92
sur et laissait ainsi vers l’ouest une sorte de degré large de 0"’,8i.
Cette circonstance suffirait seule pour faire reconnaître dans le monu¬
ment un piédestal et non point un autel, comme l’ont avancé quelques
auteurs qui ont cru y voir celui qui, selon Plutarque, existait en effet
près du piédestal de Minerve Hygiée^. Un autel eût nécessairement fait
face à la statue de la divinité adossée aux Propylées, tandis qu’ici le
sacrificateur lui eût tourné le dos. Du reste, le style même des moulures
annonce une époque de décadence, à laquelle appartient aussi une tête
colossale trouvée en ce lieu , et qui doit provenir de la statue que portait
le piédestal. Cette tête, coiffée d’une grosse natte et déposée aujourd’hui
sous le portique de l’aile gauche des Propylées, près la porte de la Pina-
cothèciue, est, autant qu’on peut en juger, malgré la mutilation du nez,
une tête féminine. Sans être absolument mauvaise, cette sculpture ne
peut être l’œuvre d’un ciseau grec et nous semble évidemment romaine.
Sanctuaire de Diane Brauronia. Au sud et à quelques pas du pié¬
destal d, se trouve une muraille eh, de construction hellénique, faisant
un angle obtus avec la muraille cyclopéenne g, dont nous avons parlé,
et soutenant comme elle un terre-plein, une terrasse ayant formé le
sanctuaire de Diane Brauronia N. La muraille eh est continuée par le
rocher taillé verticalement vers la partie h f, et au pied de celui-ci on
voit encore dans le sol la trace de nombreuses stèles. En suivant le rocher
jusqu’au point f, où il est interrompu, on trouve à droite l’escalier i,
dont les huit marches très-douces, très-usées et taillées dans le roc,
conduisaient au sanctuaire N, et étaient bordées de piédestaux, de stèles,
dont on voit les creux dans le rocher. On arrivait aussi au bas de ce
perron par quelques degrés larges de 1'", 85 , une sorte de rampe
a cordoni, décrivant une courbe partant de la voie principale et taillée
également dans le roc.
Au delà de l’escalier, il ne reste presque plus de traces de l’enceinte
1. Vie de Périclès. XIII.
76
ATHÈNES.
da sanctuaire. « Les autres choses que j’ai remarquées dans la citadelle
d’Athènes, dit Pausanias^ sont un enfant de bronze fait par Lycius, fils
de Myron; il tient un vase d’eau lustrale; Persée venant de couper la
tête de Méduse, par Myron lui-même ; le temple de Diane Brauronia avec
la statue de la déesse, par Praxitèle. Ce surnom de Diane vient de
Brauron, bourg de l’Attique, où se trouve l’ancienne Diane en bois qui
était j dit-on, dans la Tauride^. Parmi les offrandes se trouve aussi le
cheval Durien^ en bronze. A moins de croire les Phrygiens absolument
dépourvus de bon sens , on sera convaincu que ce cheval était une
machine de guerre inventée par Épéus , pour renverser les murs de
Troie. Les Grecs les plus vaillants se cachèrent, dit-on, dans ce cheval,
et c est ainsi qu il est représenté en bronze , car vous en voyez sortir
Teucer, Ménesthée et les deux fils de Thésée. »
Bien que ce passage de Pausanias ne nous apprenne pas d’une manière
positive si les divers monuments qu’il indique étaient groupés dans la
même partie de l’Acropole, on peut cependant croire que, selon toute
apparence, il en était ainsi, d’autant plus que Pausanias suit dans sa
description un ordre méthodique , et qu’ordinairement il signale les
monuments à mesure qu’il les rencontre dans le cours de sa visite ,
commencée par le sud, et terminée par le nord de l’Acropole. La statue
de 1 enfant tenant un vase d’eau lustrale ne pouvait être mieux placée
qu’à l’entrée du sanctuaire"^. Cette figure et celle de Persée tenant la
tête de Méduse, ayant dans leur composition quelque analogie, appar¬
tenant à la même école, étant enfin toutes deux de bronze et l’œuvre
de Myron et de son fils, M. Beulé croit qu’elles durent se faire pendant,
et il les place au haut de l’escalier de l’enceinte , tandis qu’aux extré¬
mités de la marche inférieure je trouve l’indication de deux petits pié¬
destaux qui pourraient bien les avoir supportées. Du reste, j’ai peine à
1. Ait. c. XXIII.
2- « Brauron est à quelque distance de Marathon ; c’est là qu’Iphigénie, fille d’Agamemnon, fuyant
la Tauride avec la statue de Diane, arriva, dit-on; elle y déposa la statue et se rendit à Athènes,
puis à Argos. » Pausanias. Att. C. XXXIII,
« Pour toi, Iphigénie, tu dois, sur les hauteurs sacrées de Brauron, devenir prêtresse de la
déesse. » Euripide. Iphigénie en Tauride, v. 1435.
3. Aoupsioç ou Aoupioç, de bois, nom du cheval de Troie dont celui-ci rappelait le souvenir.
4. Le vase à eau lustrale qu’a remplacé notre bénitier est placé ainsi auprès de la porte du temple
d’Isis, à Pompéi.
PIÉDESTAL DU CHEVAL DURIEN.
77
admettre que les anciens, si curieux de la proportion et de la symétiâe,
aient pu placer en pendant un enfant et un homme deux fois plus grand,
ou un enfant de grandeur naturelle avec un homme de proportion réduite.
C’est dans l’angle sud-est de l’enceinte que, suivant M. Beulé, idut
exister le sanctuaire ou petit temple de Diane Brauronia 0^; l’inspection
des lieux confirme cette hypothèse, et on y voit encore un massif formé
de gros blocs rectangulaires de tuf qui ont du faire partie du soubasse¬
ment de l’édifice. i
Parmi les fragments trouvés dans cette enceinte, ou dispersés sur la
surface de l’Acropole, M. Beulé a retrouvé des chapiteaux ioniques très-
élégants, et divers tronçons de colonnes qu’il croit avoir pu appartenir
au petit temple de Diane Brauronia. Nous ne pouvons que nous associer
au vœu qu’il émet de voir ces débris réunis fournir les éléments d’une
restauration qui pourrait être tentée par l’un des architectes qui sans
cesse étudient les monuments de l’Acropole. i
Piédestal du cheval Durien. Dans la même enceinte, à l’ouest du
temple, gisent à terre deux blocs de marbre pentélique 0' de 0'“,85 de
large, i"',75 de longueur, et 0'",40 d’épaisseur ; ils ont été dérangés,
car l’inscription qu’ils portent est renversée, et, de plus, on remarque
sur leur surface supérieure actuelle, autrefois tournée vers la terre, des
traces de scellement qui prouvent que les blocs avaient été retournés
pour leur faire porter quelque autre monument. Un troisième bloc com¬
plétait le piédestal. Cette base était celle qui portait le cheval Durien,
ce bronze colossal consacré en mémoire du cheval de Troie. Rien dans
l’inscription ne nous l’eût appris, car on y lit seulement :
XAIPEAEMOS EYAriEAO EK
KOIAES ANE0EKEN
STPorrrAioN eiioiexen
« Chærédème, fils d’Évangélus de Cœlé, a consacré. Strongylion a fait 2. »
Mais à l’occasion de ces mots d’Aristophane : « Les murailles sont
1. Dans le temple de Diane, à Athènes comme à Brauron, on immolait une chèvre à la déesse, et
on lui présentait les jeunes filles avant leur mariage; il existait une loi qui leur défendait de se
marier sans avoir satisfait à cette cérémonie.
« A dix ans, revêtue d’une robe jaune flottante, je fus consacrée à Diane dans les Brauronies. »
Aristophane. Lysistrate, v. 645.
« Les Brauronies se célébraient tous les cinq ans, sous la direction de dix citoyens appelés
UpoTioioî. » PoLLux. Onomast. L. VIII, c. 9.
2. Ce sculpteur est bien connu par divers ouvrages cités par Pausanias et Pline, tels que la statue
78
ATHÈNES.
achevées ; telle est leur largeur que Proxénide le fanfaron et Théagène
y feraient passer deux chars de front, les chevaux fussent-ils aussi
grtlnds que le cheval de Troie, oaov 6 Aoupio; » le scholiaste ajoute :
(< Il y avait dans l’Acropole le cheval Durien avec cette inscription :
Chterédème, fils d’Évangélüs de Cœlé, a consacré. »
La comédie des Oiseaux fut jouée la deuxième année de la 91‘^ olym¬
piade (415 avant Jésus-Christ) ; l’érection du cheval Durien est donc
antérieure à cette époque.
« Tout l’espace qui entoure le cheval Durien, dit M. Beulé 2, est
couvert d’énormes fragments des Propylées lancés au loin par l’explo¬
sion, de piédestaux où se voient encore les empreintes des pieds et le
bronze du scellement, de morceaux de marbre qui n’ont plus de forme
ni de nom. »
Nous ne passerons pas ici en revue avec ce savant archéologue les
diverses inscriptions découvertes dans l’enceinte de Diane Brauronia;
Ohcore moins les monuments qu’avec sa sagacité habituelle il prouve
avoir dû y exister. Ce serait sortir du cadre plus modeste que nous nous
sommes tracé, et dans lequel rentrent seulement les monuments les
plus importants et ceux qui sont parvenus jusqu’à nous. Une statue de
femme et deux curieuses colonnes que M. Beulé indique comme existant
dans l’enceinte de Diane en ont été enlevées, et nous les retrouverons
au pied des degrés qui séparent l’enceinte de Minerve Ergané du
péribole du Parthénon. Un joli petit ours assis, en marbre, trouvé
également dans l’enceinte de Diane, est aujourd’hui déposé dans le
musée de l’aile gauche des Propylées. Enfin, nous ne décrirons pas non
plus les innombrables débris que l’on a amoncelés dans cette enceinte,
en en formant des espèces de murailles et laissant en vue les parties
sculptées. Ces fragments perdent beaucoup de leur intérêt par l’ignorance,
à laquelle on est condamné aujourd’hui , du lieu ou du monument
dont ils proviennent.
Enceinte de Minerve Ergané. A l’ouest du postieum du Parthénon
de Diane àMégare, trois muses à l’Hélicon, l’Amazone aux belles jambes, Eüxvy)(j.oç, que Néron
faisait porter partout avec lui, enfin un jeune enfant, statue favorite de Brutus de Philippes.
Paüsanias. Att. C. XL, et Bæot. C. XXX. Pline. Hist. nat. L. XXXIV, c. 19, § 32.
1. Aristophane. Les Oiseaux, v. 1128.
2. Acropole d'Athènes. 1 , c. XI.
ENCEINTE DE MINERVE ERGANÉ. 79
et à l’est de l’enceinte de Diane Brauronia, MM. Ross, Ulriclis, Raoul
Rochette et Beulé reconnaissent celle qui était consacrée à Minerve
Ergané (plan, P) , formant également une terrasse; elle était accessible
du côté du nord par un escalier ouvrant sur la voie qui conduisait des
Propylées au Parthénon.
« Les Athéniens, dit Pausanias ont les premiers donné à Minerve le
surnom d’ Ergané 2. » M. Beulé cite un grand nombre d’inscriptions
trouvées dans l’enceinte dédiée à cette déesse. Quant au sanctuaire lui-
même, on reconnaît seulement vers le sud de grandes dalles encore en
place (plan, Q), qui durent en former le soubassement, et, parmi les
débris innombrables qui jonchent le sol, on retrouve quelques frag¬
ments doriques de petite proportion qui ont pu lui appartenir. Au même
lieu, en 1839, on a découvert une base portant cette dédicace à
Minerve Ergané :
<I>IAHMOi\
ItI>IKAEOrS
OINAIOi:
A0HNAAI
EPTANEI
ANEOHKEN
« Philémon, fils dTphiclès, de la tribu Œnéide , a consacré à Minerve Ergané »
En avant du temple sont les restes d’une sorte de base commune, ou
plutôt de plate-forme qui portait les statues d’une famille inconnue,
mais sans doute fort riche, puisque les inscriptions à côté des noms
obscurs de Pasiclès, de Myron de leurs femmes, de leurs filles,
indiquent comme auteurs des statues de ces personnages deux des
grands sculpteurs de l’antiquité grecque, Sthénis et Léocharès, qui floris-
saient, l’un vêts la 114® olympiade (324-321 avant Jésus-Christ) et
l’autre vers la 102® (372-369 avant Jésus-Christ) , et dont les ouvrages
sont cités avec éloge par Pline. M. Beulé suppose que ces statues,
recommandables par le travail, sinon par la célébrité des modèles, furent
emportées à Rome dès le temps des premiers empereurs, comme la
1. Att. C. XXIV.
2. ’EpyàvY], ouvrière, qui préside aux travaux.
(( Les araignées ignorent et dédaigneraient d’apprendre l’art d’ourdir et de faire de la toile, ainsi
que les autres arts inventés par Minerve Ergané. » Ælien. Hist. div. L. I, c. 2.
3. Plusieurs autres inscriptions provenant également de l’Acropole, et publiées par M. Lebas dans
son Voyage archéologique, font mention de Minerve Ergané.
4. Ce Myron n’a, bien entendu, rien de commun avec le célèbre artiste du môme nom.
80
ATHÈNES.
plupart des statues da l’Acropole qui n’avaient point un caractère reli¬
gieux. « La preuve de ce fait, ajoute-t-il, est écrite sur leurs pié¬
destaux, qui ont été retournés pour recevoir de nouvelles inscriptions et
des statues romaines : ici César Auguste, là Germanicus César, plus
loin l’empereur Trajan , puis Adrien » Un piédestal plus grand que
les autres semble ne pas avoir porté la statue à laquelle il était destiné;
il était resté inachevé, et son dé de tuf n’avait pas même encore reçu
son revêtement de marbre.
Le côté oriental de l’enceinte était encore occupé naguère par une
grande citerne parallèle à sa muraille, et dont la construction rèmontait
seulement au xiv® siècle. La destruction de cette citerne en 1859 a mis
entièrement à découvert six degrés ou gradins taillés dans le roc que
surmontait autrefois un mur, sans doute à hauteur d’appui, formant la
limite de l’enceinte de Minerve Ergané et du péribole du Parthénon,
c{ui, du côté du posticum, ne conservait ainsi qu’une largeur de 7 mètres
seulement. Ces gradins, très-peu profonds, n’étaient point destinés à être
gravis ; ils formaient une sorte d’amphithéâtre, j’oserais presque dire
d’étagère, où étaient exposés de nombreuses stèles et des ex-voto dont
les cavités sont encore visibles dans chaque degré.
Colonnes d’Eortios et de Timothée. Aux extrémités du second gra¬
din, on a placé récemment les deux colonnes que nous avons dit avoir été
trouvées dans l’enceinte de Diane Brauronia, et leur sommet est de niveau
avec la plate-forme du péribole du Parthénon ; ces deux colonnes ^ sont
d’un seul morceau, mais les bases sur lesquelles on a érigé leurs fûts
appartiennent à l’époque byzantine. Les chapiteaux à peine dégrossis
sont du travail le plus barbare. La colonne de gauche porte gravée ver¬
ticalement sur son fût en caractères archaïques, que IVt. Beulé pense
pouvoir remonter à l’époque des guerres médiques, c’est-à-dire au
commencement du v® siècle avant Jésus-Christ, cette inscription qui
nous apprend qu’elle était surmontée d’une statuette de Minerve :
^ OfïTlO^ HA lOCD^ lAA^ A
Ata©^ czaAi
« Eortios et Opsiades ont consacré comme prémices à Minerve. »
1. Acropole d'Athènes. T. I, p. 320.
2. Voy. la vignette à la fin du chapitre.
COLONNES D’EORTIOS ET DE TIMOTHÉE.
81
L’inscription gravée, non sur la colonne, mais sur le chapiteau de la
colonne de droite, ne nous fait pas connaître à quelle divinité le monu¬
ment avait été dédié ; elle ne se compose que de ces deux mots :
Tl MOO
A/Va CD U y
« Timothée Anaphlystien , » désignation du donataire.
Non loin de là, on a dressé sur un piédestal une statue sans tête,
trouvée également dans l’enceinte de Diane Brauronia. Cette figure, en
marbre de Paros, est celle d’une femme debout ayant près d’elle un
enfant nu : le travail indique un artiste d’un talent médiocre, ou d’une
époque de décadence. On croit que ce groupe représente Pandrose et
Érechthée, mais rien ne prouve la réalité de cette conjecture, que
semble démentir le lieu fort éloigné de l’Érechthéion où il a été dé¬
couvert. '
Lorsque l’on sort de l’enceinte de Minerve Ergané, on trouve encore
en place, vers l’angle nord-ouest du Parthénon, un piédestal K, qu’une
inscription d’époque romaine nous apprend avoir porté la statue d’un
certain Flavius Gonon, fils de Gonon, peut-être un descendant du vain¬
queur de Pisandre, du conquérant de Cythère.
Colonnes d’Eortios et de Timothée.
f)
I ’ A Ç A 11 E O n I E N T A E E 0 V P A R T H lî N O i\ .
CHAPITRE 111
PARTHÉNON.
PARTIE ORIENTALE DE l’aCROPOLK. TEMPLE DE ROME ET ü’aUGUSTE,
MUSÉE DE l’acropole.
OU S voici enfin arrivé au Parthénon, ce chef-
d’œuvre inimitable de l’art antique, cette éternelle
étude, cet éternel désespoir des architectes de
tous les temps et de tous les pays.
(( Le Parthénon, dit Hésychius, était un
temple de cent pieds , É/.aTojjLTrs^oç vewç , bâti
dans 1 Acropole par les Athéniens, plus grand de
Chapiteau du Parthénon. ciiiquante plecls que celui brûlé par les Perses »
Hérodote ne parle pas de ce premier temple, mais nous verrons qu’il
I. Hesychii Lexic., in verb. 'E/aTÔ[j.7:£&oç.
Intérieur de l’Opisthodome.
84
ATHÈNES.
n’était point encore achevé à l’épocjue de sa destruction ; il n’était
sans doute pas consacré, et le célèbre historien a pu le passer sous
silence, se bornant à signaler le temple de Minerve Poliade, alors le
plus révéré des Athéniens, sanctuaire qui, en l’an /i.80 avant Jésus-
Christ, fut également incendié par les soldats de Xerxès, comme tous
les autres édifices de l’Acropole.
Le Parthénon avait reçu son nom, soit comme un hommage rendu
à la chasteté de la déesse, soit, comme l’ont cru quelques auteurs,
parce qu’il avait été consacré par les filles d’Erechthée, désignées sou¬
vent sous le nom de napôévoi, Yierges. Si cette dernière supposition
était vraie, il faudrait admettre que dès les temps fabuleux il existait sur
l’Acropole un sanctuaire qui, probablement à l’époqne de Pisistrate,
c’est-à-dire au vi® siècle avant Jésus-Christ, eût été remplacé par le
temple que détruisirent les Perses , et qui était resté inachevé, peut-être
par suite de l’expulsion des Pisistratides en l’an 510.
Nous avons dit ^ cjue le fragment d’entablement avec triglyphes
employé par Thémistocle dans la hâtive restauration du mur septen¬
trional de l’Acropole provenait , selon toute apparence , de l’ancien
Parthénon. M. Beulé assigne la même origine aux tronçons de colonnes
plus ou moins achevés, compris dans la même muraille. La plus sérieuse
objection contre cette hypothèse pourrait être tirée du diamètre de ces
tambours à peine inférieur à celui des colonnes du Parthénon de Péri-
clès, ce qui semble au premier abord s’opposer à ce qu’ils aient
appartenu à un temple moitié plus petit; mais M. Beulé fait remarquer
avec raison qu’à l’époque reculée de la construction du vieux Parthénon,
les colonnes avaient encore un diamètre hors de proportion avec le peu
d’élévation de leur fût et la grandeur du temple. L’ancien Parthénon
dut n’avoir, suivant l’usage du vi® siècle, cjue six colonnes à la façade
et treize ou quatorze colonnes sur les côtés.
Dans le petit musée de l’Acropole, nous verrons un grand nombre
d’objets qui appartinrent sans doute au vieux Parthénon, ainsi que
l’indique l’ancienneté de leur style, ou qui, du moins, ont été trouvés
autour de l’emplacement qu’il occupait.
Le nouveau temple que fit élever Périclès est le premier monument
i. Pages 19 et 32.
PARTHÉNON.
85
qui frappe les regards, de quelque côté qu’on arrive à Athènes; on
I aperçoit dès l’entrée du golfe d’Égine. Sous la direction de Phidias^,
les deux plus habiles architectes de l’époque, Ictinus et Callicrate, furent
chargés de son érection 2. On n’a point de renseignements positifs sur
l’époque de son achèvement, mais on sait que la Minerve colossale de
Phidias y fut placée en l’année 437 avant Jésus-Christ; il est facile
d’en conclure que le temple était alors terminé. Nous avons vu que les
Propylées n’avaient été commencés que l’année suivante.
Le Parthénon subsista longtemps presque intact. Au vu® siècle, les
chrétiens en avaient fait une église dédiée, comme la basilique de
Constantinople, à la Sagesse divine^, conservant ainsi sous le nouveau
vocable un souvenir de la consécration première du temple à la déesse
de la Sagesse. Plus tard, les Turcs, maîtres d’Athènes, bâtissant une
mosquée dans son enceinte, l’avaient respecté également ; seulement, de
temps à autre, les habitants broyaient quelques fragments de marbre
pour en faire de la chaux. Spon et Wheler, pendant leur séjour dans
l’Attique, en 1676, eurent le bonheur de le voir tout entier. Peu de
temps après, le provéditeur Morosini, qui, depuis, fut doge, et le feld-
maréchal suédois, comte de Kœnigsmarck, qui commandaient les Véni¬
tiens, alors en guerre avec la Turquie, vinrent assiéger Athènes'^. Les
Turcs avaient fait du Parthénon un magasin de poudres, et, les assié¬
geants ayant malheureusement appris cette circonstance de la bouche
d’un transfuge, le temple devint dès lors le point de mire dé toute leur
artillerie. Un lieutenant lunebourgeois , habile pointeur, s’offrit pour
diriger les mortiers, et bientôt, dans la soirée du 26 septembre 1687,
une bombe, partie du Pnyx, mit le feu aux poudres, et le pavé brisé du
Parthénon indique encore le lieu où elle tomba. L’explosion coupa, pour
ainsi dire, le monument en deux parties; tout le côté oriental de la
1. Phidias dut naître au début des guerres médiques, vers l’an 490 avant Jésus-Christ, et être par
conséquent âgé d’environ cinquante ans lorsqu’il commença les travaux du Parthénon.
2. Vitruve (L. VIL Préface) nous apprend qu’Ictinus avait composé avec Carpion un livre sur le
Parthénon, ouvrage dont on ne saurait assez déplorer la perte. C’est aussi à Ictinus qu’on devait le
temple d’Apollon Épicurius à Phygalic en Arcadie, temple qui a été retrouvé presque en entier
en 1812.
3. La sainte Sophie, 'Ayia Xoçia.
^ 4. M. Bründsted,.dans son Voyage en Grèce, donne un récit très-circonstancié de ce siège qui fut
si fatal aux monuments d’Athènes et surtout au Parthénon.
S(i
ATHÈNES.
cella, huit colonnes de l’aile septentrionale du péristyle, six de l’aile
méridionale, la plupart des murs, et enfin toutes les sculptures appar¬
tenant à ces différentes parties de l’édifice, furent anéantis ou ren¬
versés^.
Le fronton oriental avait déjà dû voir une partie de ses sculptures
endommagées lorsque les chrétiens, pour laisser pénétrer plus librement
la lumière dans l’abside du Parthénon transformé en église, en avaient
abattu la partie supérieure. C’est ainsi échancré que ce fronton se pré¬
sente dans le grossier dessin exécuté pendant le siège de 1687 par le
capitaine ingénieur Verneda^.
Morosini, dans le dessein d’enrichir sa patrie des dépouilles de ce
merveilleux monument, contribua encore à sa ruine, en voulant faire
enlever du fronton oriental la statue de Minerve, son char et ses che¬
vaux; par la maladresse des ouvriers, ces chefs-d’*œuvre furent précipités
et brisés en mille pièces^.
Depuis ce désastre, le Parthénon semble avoir cessé d’être regardé
comme un monument public. On éleva seulement dans la cella, un peu
vers le sud, une petite mosquée placée obliquement par rapport au
plan du temple, sans doute pour lui donner la direction de la Mecque
mais on brisa les marbres pour les employer à la construction de cette
1. « L’amas de matières explosibles était sans doute placé au centre de la cella, et un peu plus à
l’est qu’à l’ouest, si l’on en juge d’après les parties ruinées du bâtiment. Les murs du sanctuaire, y
compris celui qui le séparait de la salle de l’opistliodome, furent renversés, et avec eux les trois
quarts de la frise de Phidias, toutes les colonnes du pronaos, excepté huit colonnes du péristyle du
nord, et six au sud; mais, quand on parle d’un mur de 350 pieds de longueur sur 40 de hauteur,
formé de blocs de marbre de 3 pieds d’épaisseur et de 6 pieds de longueur, quand on dit vingt et une
colonnes hautes de plus de 30 pieds, composées chacune de onze tambours de marbre, on n'a donné
qu’une faible idée de cet épouvantable bouleversement. Il faut encore se représenter l’admirable et
énorme architrave cjui surmontait les colonnes, ces blocs de marbre sculptés en caissons, et ces dalles
assemblées en toit qui couvraient , les unes le péristyle , les autres l’intérieur du temple, et qui,
comme un coup de foudre, vinrent fondre à la fois sur le sol et s’accumulèrent en désordre. L’explo¬
sion fut si forte qu’elle lança des débris du temple jusque dans le camp des assiégeants, c’est-à-dire,
à l’est, jusqu’au pied de la forteresse. Quelque violente que fût la commotion, elle n’atteignit cepen¬
dant pas les statues des frontons; des parties seulement déjà altérées par le temps eurent à souffrir
de l’ébranlement. » L. de Laborde. Athènes aux xv% xvi'- ef xvii® siècles. T, II, p. 151.
2. Ce dessin a été reproduit par M. L. de Laborde dans le second volume d’Athènes aux xv% xvi®
et XVII' siècles.
3. Ce siège, si funeste à l’art, ne profita guère aux Vénitiens, qui furent obligés d’évacuer l’Acro¬
pole et la ville dès le 4 avril 1688.
4. La mosquée, ainsi que le minaret élevé également par les Turcs, à droite du poslicum, a été
démolie depuis la guerre de l’indépendance.
EXTÉRIEUR J)U PARTE RNON.
87
nouvelle mosquée, aux réparations des maisons et des murailles de la
forteresse. « Les petites maisons turques, grossières échoppes de bois et
de torchis, avaient envahi l’enceinte sacrée; s’appuyant aux colonnes^,
remplissant les portiques, elles étaient comme une lèpre hideuse atta¬
chée au divin édifice. On comptait jusqu’à quatre cents de ces baraques
informes au sommet de l’Acropole^. Dans cet état de désolation où se
trouvait le plus beau monument du monde, on ne pouvait contempler
ses frontons, ses métopes, ses frises sculptées qu’avec un embarras
extrême. Il fallait que la difficulté fût bien grande pour qu’un obser¬
vateur comme M. de Chateaubriand eût pu écrire dans son Itméraire^,
à propos du Parthénon, cette phrase inconcevable : « Des morceaux de
sculpture excellents, 7nais du siècle d’Adrien^ époque du renouvellement
de l’art, occupaient les deux frontons du temple » Une pareille
erreur, excusable jusqu’à un certain point chez un simple littérateur,
cesse de l’être chez un artiste, et pourtant elle avait déjà été commise
par l’architecte Leroy
Extéuielr du Parthénon. Le Parthénon est entièrement construit de
ce beau marbre blanc que fournissait la montagne du Pentélique qiii
s’élève à quelques milles seulement au nord d’Athènes. Il repose sur un
stylobate formé de trois degrés. Ces degrés ont tous une profondeur
égale de 0"’,70, mais les deux inférieurs ont 0'",52 de hauteur et le
supérieur' 0'", 55. On voit que par leur élévation ils étaient en quelque
sorte inaccessibles et n’avaient jamais pu servir de marches pour monter
au temple. Pour les rendre praticables, on avait formé à la façade
orientale trois escaliers, N, M, N, composés d’une marche intercalée
entre chaque degré en avant de l’entre-colonnement central et des deux
avant-derniers entre-colonnements. Les marches intercalées ont disparu,
1. Aujourd’hui l’Acropole u’a plus d’autres habitants que quelques invalides, ses gardiens. « La
chouette, dit Ed. About dans sa Grèce contemporaine, habite toujours la ville de Minerve, mais elle
n’y règne plus. L’Acropole est habitée en été par une charmante espèce d’épervier qu’on appelle la
cï’écerellette. Ce petit oiseau de proie ne poursuit pas d’autre gibier que les sauterelles; cependant
il ne manque pas de courage; lorsqu’il arrive au mois d’avril, il commence par délivrer l’Acropole de
tous les corbeaux dont elle est infestée. »
On disait : porter des chouettes à Athènes, comme nous disons ; porter de l’eau à la rivière. Cette
locution était devenue proverbiale. V. Lucien. Nigrinus. Aristophanf. Les Oiseaux, v. 302.
2. Itinéraire de Paris à Jérusalem. Partie I.
3. Rangabé. Antiquités helléniques.
4. Ruines des plus beaux monuments de la Grèce. In-folio. 1770.
88
ATHÈNES.
mais leur trace est encore parfaitement visible sur le marbre des degrés.
L’escalier principal M avait /i'",295, largeur égale à la distance d’un
centre de colonne à l’autre. Les deux petits escaliers N N n’avaient
que 1"', 50 de largeur.
Jlw
Plan antique du Parthénon.
Le Parthénon est dorique, octastyle périptère et hypœthre; sa lon¬
gueur, prise au sommet des degrés, est de 69 mètres ; sa largeur de
31 mètres. Les ailes GH et I K ont dix -sept colonnes en comptant
deux fois les colonnes d’angle , et les façades G K et H I seulement
huit, moins de la moitié, disposition qui paraît avoir été généralement
observée par les Grecs. Les Romains firent leurs temples beaucoup
moins longs.
La longueur extérieure de la cella A B CD, non compris les antes qui
font saillie à ses deux extrémités, est de /i7'",30; la largeur de 21"’, 70.
L’intérieur est divisé en deux parties d’inégale grandeur. La princi¬
pale E est le temple, ou vaà;; l’autre, à laquelle on entrait par la
façade postérieure et le posticum O était l’opisthodome, oTriGÔo^op; 2^
que Leroy et quelques autres ont pris pour le pronaos ^ P, trompés par
la nouvelle destination que lui avaient donnée les chrétiens, en chan¬
geant l’orientation du temple dont, suivant le rite, la façade était
1. Jusqu’au Parthénon, les temples grecs n’avaient eu au plus que six colonnes à la façade.
M. Beulé remarque que le temple octastyle de Sélinonte paraît de la même époque que le Parthénon.
2. ''OTuaÔev, derrière, et 86[J^oç, construction, salle, édifice.
3. IJpévao; ou npoSop-oç, vestibule ou porche du temple.
EXTÉRIEUR DU PARTHÉNON.
89
primitivement tournée au levant. Lorsqu’on entrait dans l’Acropole par
les Propylées, c’était la façade postérieure ou occidentale H1 qui se
présentait d’abord aux regards.
Autour du temple règne, ainsi que nous l’avons dit, le péristyle GH IR,
composé de quarante-six colonnes, huit à chaque façade et dix-sept à
chaque aile. Toutes ces colonnes sont légèrement inclinées vers l’in¬
térieur du temple, aussi bien que les murs mêmes de la cella; leurs
lignes verticales, en les supposant suffisamment prolongées, se. réuni¬
raient dans le ciel à un point imaginaire fort éloigné, il est vrai, et leur
ensemble constituerait une sorte de pyramide très-aiguë dont le temple
formerait seulement les assises inférieures.
Cette tendance vers la forme pyramidale, symbole de solidité plutôt
que type d’élégance; cette déviation de la perpendiculaire, très-prononcée
dans les édifices archaïques; cette disposition que nous trouvons dans
les portes de la trésorerie d’Atrée à Mycènes, édifice des temps
héroïques, et que nous signalerons encore dans celle de l’Érechthéion,
qui appartient à l’époque la plus raffinée^ sont une preuve de plus des
emprunts faits par l’architecture grecque à l’art égyptien, dont cette
forme fut toujours le caractère le plus saillant. M. Penrose^ cite, à l’appui
de la généralité de cette coutume, un passage de Cicéron qui serait fort
curieux, en effet, s’il était bien certain qu’il eût absolument le sens qu’il
lui attribue, mais nous croyons qu’il en a un peu forcé la traduction
pour les besoins de sa cause. Voici ce passage, tel que nous le compre¬
nons; on pourra comparer notre traduction au texte; nous la croyons
littérale. Chargé, comme préteur urbain, de l’entretien des édifices de
Rome, (( Verrès vient lui-même dans le temple de Castor; il le consi¬
dère; il voit partout le plafond richement orné et tout le reste de l’édifice
neuf et en parfait état. 11 se tourne et retourne, cherchant ce qu’il
pourrait faire. Un de ces limiers, dont il entretenait, comme il l’avait dit
à Ligur, une meute autour de lui, lui dit : Verrès, tu n’as rien à faire
ici, à moins que, par hasard, tu ne veuilles ramener les colonnes à la
perpendiculaire. Cet homme, profondément ignorant, demande ce qu’on
entend par ramener ci la perpencliculaire. On lui dit alors qu’il n’y a
prescpie aucune colonne qui puisse être parfaitement perpendiculaire.
1. Principles of Athenian Architecture.
90 AT H N ES.
Eh bien! dit-il, voilà ce qu’il faut faire. Rendons les colonnes perpendi¬
culaires^. »
Le mot presque [fere], en éloignant l’idée d’une règle générale,
nous semble rendre impossible la conclusion que M. Penrose tire du
passage dé la seconde Verrine. Il fait dire à l’interlocuteur de Verrès
que « dans un temple, il n y a pas d’ordinaire une seule colonne qui ne
soit ùiclinée, » et il voit dans la phrase ainsi traduite une allusion à
l’usage qu’il a constaté sur les temples grecs, mais que sans doute il
n’eût pas retrouvé appliqué au temple de Castor, édifice romain dont la
fondation remontait, il est vrai, à l’expulsion des Tarquins^, mais qui,
d’après la citation même alléguée ici, avait dû être reconstruit, puisque
toutes ses parties n’eussent point été neuves et intactes, nova atque
integra, après plus de quatre siècles. Et d’ailleurs la remarque du
satellite ne s’applique pas plus à ce temple c^u’à tout autre.
Dans le passage littéralement traduit ; <( Dans un temqole, il ny a
presque aucune colonne qui puisse être parfaitement perpendiculaire, »
nous ne pouvons voir autre chose que l’aveu de la faiblesse de toute
œuvre humaine qui ne peut jamais atteindre à la perfection absolue.
Cette interprétation ne rend que plus piquante la plaisanterie que l’igno¬
rant Verrès prend au sérieux.
Revenons au Parthénon, dont cette petite digression nous a éloigné
un instant; nous verrons que les colonnes d’angle ont une inclinaison
double, afin de contre-buter avec plus de force la poussée de l’édilice,
et, dans le même but, elles sont aussi moins éloignées des deux
colonnes voisines, qui semblent leur venir en aide; elles ont en outre,
suivant la règle formulée plus tard par Vitruve^, un diamètre plus fort,
1. Venit ipse in œdeni Castor is; considérât templum; videt undique tectum pulcherrime laquea-
tum, præterea cœtera nova atque integra. Versât se; quærit quid agal. Dicit ei quidam ex illis
canilms, quos iste Liguri dixerat esse circa se multos : Tu, Verres, hic quod moliare nihil habes,
nisi forte vis ad perpendiculum coluninas exigere. Homo omnium rerum imperitus, quærit quid
sit ad perpendiculum. Dicunt ei, fere nullam esse colurnnam quæ ad perpendiculum esse possit.
Nam, mehercùle, inquit, sic agamus : columnœ ad perpendiculum exigantur. »
CiCERO. In Verrem. Act. IL L. I, §51.
2. Tite-Live. L. II, 43. "
Canina. Indicazione topografica di Borna antica.
3. « Les colonnes placées aux angles doivent être grossies d’une cinquantième partie de leur
diamètre, parce qu’il semble que l’air et le grand jour, auxquels elles sont plus exposées que celles
du milieu, les mange et les rend plus petites; du moins elles paraissent telles aux yeux, et il faut
que l’art remédie è l’erreur de la vue. » Vitri ve. L. 111, c. 3.
KXTÉRrEUR DU PARTIIÉNON
91
afin que, lorsque se détachant sur le ciel elles se trouvent entièrement
noyées dans la lumière, elles ne paraissent pas plus grêles que les
autres.
La hauteur des colonnes , compris le chapiteau , est de 10'", 30 ;
leur diamètre est de 1"’, 70; celui des colonnes d’angle est de i"’,90.
Le chapiteau, fort simple^, formé d’un seul bloc de 0"‘,916 de hau¬
teur, n’a point d’astragale, et ce membre est remplacé par un anglet
qui ne fait que couper les cannelures sans les arrêter.
Le chapiteau est réuni au fût par quatre filets; le tailloir n’a point
de talon ; cette moulure eût paru mesquine dans une ordonnance aussi
sévère 2.
Les colonnes sans base reposent sur les trois degrés très-élevés qui
servent de stytobate à tout le monument^. Sur le degré supérieur, en
avant des colonnes, on peut reconnaître au nord, à l’ouest et au sud
des traces de stèles ou de petits piédestaux ayant porté des statues. Ces
ex-voto ajoutés après coup devaient nuire beaucoup à l’aspect du temple,
dont ils détruisaient la majestueuse simplicité.
C’est surtout dans le stylobate qu’est sensible une des données les
plus singulières de l’art grec, dont nous avons déjà eu l’occasion de
dire quelques mots à propos de l’escalier des Propylées. Aucune des
grandes lignes du Parthénon n’est absolument horizontale ; toutes
décrivent une courbe plus ou moins prononcée, peu considérable , il est
vrai, puisque, sur les 69 mètres de longueur du Parthénon, elle n’est
que de 0'",J23, et sur les 31 mètres de largeur de 0‘",072. On ne doit
pas s’étonner qu’une déviation aussi peu sensible de la ligne droite ait
échappé si longtemps aux regards des innombrables artistes et savants
qui ont étudié le Parthénon; mais aujourd’hui qu’on est prévenu, il est
facile de constater qu’un objet peu élevé posé à l’une des extrémités du
stylobate est invisible pour celui qui place son œil au niveau de sa sur¬
face à l’autre extrémité. Il est donc évident que cette surface s’élève
progressivement jusqu’au centre, présentant ainsi, en réalité, une ligne
convexe.
1. Voy. la lettre en tète du chapitre.
2. Un de ces chapiteaux, avec une portion du fût, est au British Muséum, Elgin saloon, n“ 212.
3. Sur ces degrés, en maint endroit, on trouve gravés par les Turcs des espèces de petits labyrin¬
thes qui leur servaient pour une sorte de jeu de dames.
Cette particularité, signalée d’abord au Parthénon en 1837, par
M. Pennethorne, architecte anglais, a été constatée par MM. Hofer,
Schaubert, Fuente, Travers, Paccard et autres architectes de tous les
pays, et reconnue depuis dans tous les autres temples grecs, et en par¬
ticulier à celui de Thésée, à Athènes même. Il est donc impossible de
voir dans ces courbes l’effet du hasard ou d’un vice de construction , et
force est d’y reconnaître le résultat d’une combinaison arrêtée, d’un
système profondément réfléchi. Un autre architecte anglais, après une
étude spéciale de huit mois (1846-1847) , à l’aide des instruments les
plus exacts, les plus précis, a fait de ces courbes le sujet d’un
ouvrage où se trouvent notés les résultats de ses patientes et infatigables
investigations^. 11 n’est pas facile de se rendre compte de la pensée
qui a conduit les Grecs à adopter un système en apparence si incom¬
patible avec toutes les autres règles de l’architecture.
M. Penrose établit, par des raisonnements que la science physiolo¬
gique appuie de toute son autorité, que l’esprit, guidé par l’expérience,
ne cesse de corriger les images que l’œil lui présente. C’est, selon
l’auteur anglais, ce travail que les architectes grecs ont voulu épargner
au spectateur, en donnant au monument des formes telles, que, dès
l’aboçd, elles paraissent, non pas telles qu’elles sont, mais telles qu’elles
devraient être. Cette hypothèse nous semble confirmée par un passage
deVitruve, qui renferme un précepte dont, jusqu’aux récentes décou¬
vertes qui nous occupent, personne n’avait pu comprendre le véritable
sens.
(( 11 faut faire, dit-il, la surface du stylobate de telle façon qu’elle
ait au milieu une surélévation au moyen de blocs (progressivement) iné¬
gaux, car si le stylobate était rigoureusement de niveau, il semblerait
à l’œil qu’il creuse au milieu^. »
Ces derniers mots nous paraissent établir de la manière la plus positive
la vérité du système de M. Penrose; cependant M. Beulé ne l’accepte
1. Penrose. Principles of Athenian architecture. London. 1851.
2. « Stylobaten ita oportet exœquari, uti haheatper medium adjunctionem per scamillos impures.
Si enirn ad libellam dirigetur, alveolatum oculo videbitur. » Vitr. L. III, c. 4.
Le mot scamillus veut dire ordinairement escabeau, mais paraît désigner ici les blocs rectangu¬
laires qui composent un soubassement et qui ont en effet quelque chose de la forme d’un escabeau.
MM. Quicherat et Daveluy {Dictionnaire latin-français) proposent de traduire scamillus par soc/e
de colonne.
EXTÉRIEUR DU PARTI! ÉNON.
93
pas. Quoique nous regrettions de ne pouvoir partager son opinion, nous
la reproduirons ici , tant pour mettre sous les yeux de nos lecteurs tous
les éléments de la cause, que parce que, dans une page du brillant
professeur, il y a toujours quelque profit pour l’imagination et pour
l’esprit :
« Les courbes horizontales peuvent être considérées comme une con¬
séquence des inclinaisons verticales. L’on sait à peu près l’époque où
elles commencèrent à être employées : elles n’existent pas encore au
temple de Corinthe ; on les voit déjà au plus récent des temples de
Pæstum. C’est le cas , à ce qu’il semble , de se rappeler le mot de
Vitruve : (( Blandimur voluptati visiis. » Charmer les regards, n’est-ce
pas le but le plus immédiat, sinon le plus élevé de l’art?
« La ligne droite, sur un long développement, a quelque chose de
sec et de froid; nous en avons des exemples frappants dans les monu¬
ments que les modernes ont copiés sur l’antique, avec plus de science
que de sentiment. La ligne droite est une abstraction toute géométrique,
que l’on ne retrouve jamais dans la nature. Les lignes mêmes des horizons
décrivent une double courbe, déterminée par la forme du globe. La
convexité du soubassement et des architraves donne au Parthénon
quelque chose de vivant et d’harmonieux qui nous pénètre à notre insu.
Il est si vrai que l’architecte n’a point prétendu redresser nos percep¬
tions, qu’il a dû compter au contraire sur leur naïve exactitude pour
nous transmettre la notion de ces belles courbes. Elles sont en effet
parfaitement sensibles, pour peu que le regard s’y arrête et cherche le
secret des impressions inconnues qu’un principe si nouveau éveille en
nous. C’est toujours ce qui m’a frappé dans les temples doriques où les
courbes existent, à Pæstum, en Sicile, en Grèce. Peut-être était-ce une
complaisance des yeux pour l’esprit prévenu; mais aujourd’hui, chacun
peut contrôler le témoignage de ses sens par les résultats que la science
démontre, et je ne crois pas qu’on trouve jamais en défaut leur sincé-
\
rité^. »
Un mot de cette citation a déjà appris à nos lecteurs que les courbes
observées au stylobate se reconnaissent également dans les parties supé¬
rieures de l’édifice, aux architraves, aux corniches, aux bases des
1. E. Beulé. V Acropole d’Athènes. T. II, p. 2f’,
!)4
AT HExXliS.
frontons. Nous trouvons également ce fait érigé en règle par Yitruve :
(( Les chapiteaux des colonnes , dit-il , étant terminés , et n’étant point
posés de niveau, bien qu’étant d’une égale proportion, les architraves
doivent être tracées de telle sorte que le renflement qui a été ménagé
dans le stylobate se retrouve dans les membres supérieurs de l’édifice^. »
Enfin, il est un troisième genre de courbes ([ui se trouve également
au Partbénon et dans les autres édifices grecs. La face de rentablement
forme une ligne concave sur chacun des côtés de l’édifice, de sorte
que les angles ne sont pas absolument droits, mais un peu aigus. Cette
disposition avait évidemment pour but d’ajouter encore à la solidité du
temple, en opposant à l’écartement une plus grande résistance vers le
centre des grandes lignes.
Les colonnes sont cannelées à vive arête dans toute leur hauteur, et
les cannelures sont au nombre de vingt. Elles ne viennent pas, comme
dans la plupart des autres temples grecs, se couper brusquement et
à angle droit aux filets du chapiteau ; elles se rapprochent plutôt du
système romain; seulement, au Partbénon, au lieu d’être terminées,
comme en Italie, par un demi-cercle, elles le sont par une sorte d’arc
surbaissé.
i.es joints des tambours qui composent les colonnes sont d’une telle
perfection, qu’il faut la plus grande attention pour les découvrir; ils
n’ont souvent pas l’épaisseur du cheveu le plus délié. Du reste, dans
tous ses détails, le Partbénon offre la même perfection.
Les colonnes soutiennent un entablement qui a 3”', 25 de hauteur et
(pii n’est pas moins admirable par la beauté des marbres dont il est
orné, que par le caractère mâle qui règne dans ses profils. Il paraît,
conformément à la règle posée par Vitruve^, avoir été décoré de têtes
de lion et d’antéfixes , dont on voit (iuel(:[ues échantillons au musée de
Londres
La face du triglyphe est exactement à l’aplomb de celle de l’architrave,
règle (pie Leroy pense avoir été suivie à Athènes jusqu’au temps d’Au-
1 . « CapituUs perfectis deinde columnarum , et non ad libeUam, sed ad æqualem modulum collocatis,
ut quæ adjectio in stylobaüs facta fuerit, in superioribus menibris respondeat, epistyliorum ratio
sic esthabenda . » Vitr. L. III, c. 5.
« In cymis capita leonina sunt scalpenda. » VniavE. L. III.
/prym Saloon. JN" .'591, trtc de lion. N"’ .'189 et Ü91), antéfixes.
EXTÉRIEUR DU l'ARTllÉNON.
1)5
guste , et dont les Grecs se seraient écartés alors , et après eux les
Romains, en faisant la surface du triglyphe en surplomb sur rarchitrave.
La hauteur des triglyphes du Parthénon est de leur largeur
de 0'*',85. On remarquera encore qu’ici, comme dans tous les temples
doriques grecs, l’angle de la frise est flanqué d’un triglyphe, tandis
que chez les Romains cet angle restait nu , et le triglyphe était placé
à l’aplomb de l’axe de la colonne.
Angle rie frise du Parthénon. Angle de frise romaine.
L’entablement du Parthénon ne suit pas la forme pyramidale des
murs de la cella et des colonnes; au lieu d’incliner, comme eux, vers
le centre, il se redresse et penche même légèrement vers l’extérieur du
monument. M. Renié nous semble avoir donné de cette particularité
l’explication la plus simple et en même temps la plus vraie. Si l’entable¬
ment renversé en arrière eût fui l’œil du spectateur, tout l’effet eût
été perdu; ces ornements fussent devenus invisibles, d’autant plus ([u’au
96
ATHÈNES.
Parthénon, comme dans tous les temples grecs, si tous étaient rehaussés
de peintures^, plusieurs étaient simplement peints et non sculptés, et
par conséquent sans saillie 2.
Nous avons déjà eu occasion de parler de l’emploi de la polychromie
dans la décoration des édifices grecs Certaines couleurs étaient, comme
par tradition, affectées à certains membres d’architecture : le bleu aux
triglyphes et aux mutules, le rouge aux métopes et à la bande creuse
qui sépare les mutules, etc.; les gouttes étaient dorées; le fond des
frontons était généralement bleu , ainsi que celui des caissons sur
lesquels se détachaient des étoiles ou des rosaces d’or. La frise de la
cella du Parthénon était surmontée de canaux alternativement rouges
et bleus ; au-dessous de la frise couraient un méandre sobrement peint
et doré^, et des rais de cœur distingués par des filets rouges sur un
fond bleu®; enfin, sur un chapiteau d’ante du posticum, M. Penrose dit
avoir vu des oves blancs séparés par des fers de lance rouges, et des
rangs de perles d’or sur un fond bleu
M. Paccard et quelques autres ont cru voir sur les fûts des colonnes
des traces d’ocre jaune. Nous croyons, après examen attentif de l’espèce
de croûte jaune qui recouvre en effet certaines parties du fût des colonnes,
qu’il ne faut y voir qu’une sorte d’oxydation du marbre produite par
l’ardeur du soleil , d’autant plus que les parties les plus abritées, et où
par conséquent la peinture eût dû le mieux se conserver, sont justement
celles où l’on en trouve le moins de traces.
Le portique est double à chacune des façades du Parthénon, et ce
ne sera peut-être pas sans cjnelque étonnement qu’on remarquera dans
le plan que les colonnes du second rang, exhaussées sur deux degrés
et d’un plus petit diamètre que celles du premier, ne correspondaient
pas toutes parfaitement à leur axe. Ces irrégularités, que la théorie de
1. Hittorff. Architecture polychrome chez les Grecs.
2. Nous avons un curieux exemple de cet emploi simultané de la sculpture et de la peinture dans
la décoration de la voûte du tepidarium des anciens Thermes de Pompéi.
E. Breton. Pompeia, 2® édit., p. 150.
3. Page 26.
■ 4. Mæander, MaCavSpo;.
5. Un fragment de ce méandre peint est au British Muséum, Elgin Saloon, n“ 99.
G. E. Beulé. Acropole. T. II, p. 54 et suiv.
7. Penrose. Principles of Athenian architecture.
[ NT É RI EUR DU PARTlif^NÜN. 97
l’art ne saurait admettre, sont insensibles clans l’exécution et pourtant
concourent à l’effet de l’ensemble. Ces colonnes plus sveltes, paraissant
converger vers un point de vue central, donnent au péristyle une profon¬
deur apparente plus grande que celle qu’il a réellement C
La hauteur des colonnes du second rang, compris le chapiteau , est
de 10"’, 25, et leur diamètre est de 1’", 70. La hauteur totale du cha¬
piteau est de 0"’,55, dont 0"’,286 pour le tailloir, et 0“,26/i pour l’échine
et les filets qui ne sont qu’au nombre de trois. Ici, les cannelures du fût
sont formées de segments de cercle.
Intérieur du Partiiénon. L’intérieur du temple E, long de 30"’, 60
sur 19"’, 35 de largeur, avait une disposition analogue à oelle des basi¬
liques élevées plus tard par les Romains. En 1676, Spon et Wheler y
virent encore la galerie QRST, large de 5"', 40, qui entourait de trois
cotés la partie centrale du naos, et qui était composée de deux ordres
superposés; en 1765, époque du voyage de Chandler, toutes les colonnes
avaient disparu; mais si on n’a «que des données très-vagues sur l’ordre
supérieur dont on n’a retrouvé aucun fragment authentique, on a pu
réunir assez d’éléments pour relever le plan de l’ordre inférieur. Si l’on
en croyait Stuart et quelques autres auteurs, il y eût eu également des
colonnes au quatrième côté du naos, celui de l’est. Cette assertion nous
semble inadmissible; les colonnes, ainsi qu’on peut s’en assurer par la
largeur des entre-colonnements, eussent nécessairement été en nombre
impair et celle du milieu se fût trouvée juste dans l’axe de la porte. En
outre, le petit stylobate légèrement exhaussé, qui portait les colonnes
des trois autres côtés, n’existe pas au quatrième. Du reste, il serait
impossible aujourd’hui de vérifier le fait, le sol étant couvert par d’énormes
débris, et par les restes du sanctuaire chrétien.
Suivant MM. Paccard et Penrose, le portique était soutenu par vingt
et une colonnes, et aux angles par deux piliers U U, avec pilastres
saillants. Ces piliers nous paraissent une restitution difficile à justifier
par des exemples anticfues. Dans la basilicfue de Pompéi, qui présente
avec l’intérieur du Partiiénon plus d’un point de ressemblance, les angles
du portique sont occupés par des colonnes et non point par des piliers 2.
1. C’est cette même pensée qui, poussée à ses dernières conséquences, a guidé le Borromini dans
la construction du curieux porticiue en perspective du palais Spada, à Rome.
‘2. E. Breton. Pompeia. — Voy. le plan de la basilique, page suivante.
7
98
ATHÈNES.
Laissant donc de côté cette supposition (jue n’avait point faite
M. BrôndstecU qui, à la vérité, ne compte dans rintérieur du Parthénon
que seize colonnes, ce qui est évidemment une erreur, nous dirons que
le portique était formé de dix colonnes de chaque côté et cinq colonnes
au fond, en comptant deux fois les colonnes d’angle, total ; 23 colonnes.
Nous nous trouvons ainsi d’accord avec Spon, Wheler et Chandler, .sui¬
vant lesquels le portique inférieur était composé de vingt-deux colonnes,
tandis que l’ordre supérieur en comprenait vingt-trois. La colonne impaire
se trouvait au-dessus de l’entrée, qui, par cette disposition, était dégagée
et spacieuse 2. Spon et Chandler eussent dû ajouter que la vingt-troisième
l’iiin de la Basilique de Pompéi.
colonne Y, de l’ordre inférieur, avait été enlevée à l’époque de la trans¬
formation du Parthénon en église, afin de donner un libre passage par
la nouvelle entrée transportée à l’occident. On avait dû en même temps
substituer aux deux morceaux d’architrave restés sans appui, une archi¬
trave d’une seule pièce et de la largeur de deux entre-colonnements.
Les savants et les architectes sont loin d’être d’accord sur une question
bien importante, dont aujourd’hui on demanderait en vain la solution
au monument lui-même. Le Parthénon était-il couvert? L’existence de
la galerie ejui de trois côtés régnait le long de la muraille n’est pas
douteuse.; il ne reste donc d’incertitude que sur la partie centrale. Les
exemples antiques ne mancpieraient pas à l’appui de l’opinion de ceux
qui, comme M. Paccard, pensent qu’elle était entièrement hypœthre ou
découverte. Pourtant, ici, il nous répugne de croire que cette statue d’or
et d’ivoire, chef-d’œuvre de Phidias pour la conservation duquel on
avait pris de si minutieuses précautions, soit restée exposée à la pluie et
1. Voyages et recherches dans la Grèce.
2. Spon et Wheler. Voyage en Grèce, 1G76. Chandler. Voyages. T. II, p. 390.
OPISTHODÜME.
99
au soleil, dont les effets désastreux n’eussent pas tardé à se faire sentir.
Nous serions donc tenté de croire que la partie du temple en avant de
la statue était seule hypœthre. Il est probable aussi que les chrétiens
achevèrent de couvrir la nef centrale lorsc^u’ils la transformèrent en
église; cela expliquerait la nécessité dans laquelle ils se trouvèrent de
periîer une fenêtre dans l’abside qu’ils substituèrent au pronaos. Bien
C{u’il y ait peu de foi à ajouter aux dessins des voyageurs du xvii® siècle,
on pourrait cependant en tirer un indice en faveur de notre hypothèse.
Dans le plan d’Athènes, dessiné par les capucins français vers 1670,
aussi bien que dans la vue générale donnée par Spon en 167/|. et dans
celle cpii accompagne la relation de Wheler nous trouvons le Parthénon
couvert dans toute son étendue. Notre conjecture se trouverait encore
confirmée par cette obscurité du temple, qui étonna La Guilletière et que
remarquèrent aussi Spon et Wheler.
Opisthodome. Nous avons dit que la partie occidentale ou postérieure
de la cella était occupée par l’opisthodome F. Dans celui-ci, outre l’argent
provenant des revenus publics et des contributions des villes de la Grèce,
du çopoç, destiné primitivement à soutenir la guerre contre les Perses 2,
on conservait toujours au moins mille talents (5,400,000 francs), poul¬
ies dépenses imprévues de l’État^.
Au commencement de la première guerre du Péloponèse (432 avant
1 . Ces planches sont reproduites dans le bel ouvrage de M. de Laborde, Athènes aux xv% xvP et
xviP siècles.
2. « Les Athéniens, investis du commandement que les alliés leur avaient déféré en haine de Pau-
sanias, fixèrent l’apport de chaque ville dans la lutte contre le barbare; aux uns, ils demandèrent de
l’argent, aux autres des vaisseaux. Le prétexte était de ravager les terres du roi de Perse, en repré¬
sailles de ce qu’on avait souffert, C’est alors que fut instituée chez les Athéniens la magistrature des
hellénotames chargés de percevoir le phoros. On désignait sous ce nom la contribution en argent. Le
premier phoros fut fixé à 400 talents. Ce trésor était déposé à Délos, et les assemblées se tenaient
dans le temple. » Thucvoide. L. 1, § 90.
« Aristide conseilla à tous les alliés de convoquer une assemblée, et d’y proposer le transfèrement
et le dépôt du trésor général à Délos. Cet argent était le fruit de l’Impôt que chaque ville, pour faire
face aux dépenses d’une guerre probable avec les Perses, devait payer selon ses moyens. La somme
totale de ce trésor était de 560 talents. Chargé lui-même de la fixation de cet impôt, il en fit la répar¬
tition avec tant d’exactitude et d’équité qu’il s’attira l’estime de toutes les villes. »
Diodore de Sicile. L. XI, 46-47.
Cf. Cornelils Nepos. Aristide, 3.
Nous avons vu, déposées dans le musée des Propylées, les curieuses inscriptions qui ont fait con¬
naître la part que chacun des peuples de la Grèce prenait à cette contribution.
3. « Les Athéniens décrétèrent que, sur les sommes déposées a l’Acropole, 1,000 talents seraient
prélevés pour être mis à part sans qu’on pût les dépenser, et que le reste serait consacré aux frais
100
AT H k N E S.
Jésus -Christ), époque de la plus grande puissance d’Athènes, six mille
talents (32,A00,000 francs), selon Thucydide, étaient déposés dans
ropisthodome Quelques années auparavant, le dépôt avait atteint
l’énorme somme de 10,000 talents (5A millions de francs 2), mais on
sait qu’une partie de ces trésors avait été détournée de sa destination et
employée par Périclès à rembellissement d’Athènes ^ Là aussi étaient
inscrits les noms de tous les débiteurs de l’État , nommés pour cela
£Yy£yp(j^(/,f7^£voi £v T'fl AîcpoTcoT^si, inscrits (IciHS l Aci opolc^ et, api es 1 acquitte¬
ment de leur dette, ÀxpoTirolew; i^ak-nki[jp.é'Joi, efjacés de l Acropole. Les
particuliers mettaient en dépôt dans ropisthodome les sommes d argent
et les objets précieux qu’ils n’osaient garder chez eux L On y conservait
de la guerre (du Péloponèse). La peine de mort fut prononcée contre quiconque parlerait de toucher
à ces 1,000 talents ou proposerait un décret dans ce sens, à moins que ce ne fût pour repousser une
armée d’invasion venant par mer attaquer la ville. » Thucydide. L. Il, § 24.
Cependant, en l’an 412, après les désastres de l’expédition de Sicile et de la guerre du Péloponèse,
les Athéniens se servirent de cette réserve pour reconstruire leur flotte.
Le trésor du temple de Minerve fut, plusieurs siècles après, pillé par Verrès, et ce sacrilège est
Tun des crimes que Cicéron ( Verr. II, or. I, 17) reproche à 1 avide proconsul.
1. « Périclès dit aux Athéniens qu’il fallait avoir toujours les alliés sous leur main; car, disait-il,
c’est d’eux que dépend la puissance de la république, grâce au tribut qu ils payent; et à la guéri e, c est
la prudence et l’abondance d’argent qui, en général, assurent la supériorité. Comme motif de con¬
fiance, il leur dit que le tribut payé à la république par les alliés s’élevait en moyenne à 600 talents,
sans compter les autres revenus, et qu’il restait encore à l’Acropole 6,000 talents d argent monnayé.
( Le maximum avait été de 9,700 talents, dont une partie avait été employée aux Piopylées de 1 Acro¬
pole, à d’autres constructions et au siège de Potidée. ) Il ne comprenait pas, dans cette somme, 1 or
et l’argent non monnayé, résultant des offrandes privées ou publiques, les vases sacrés affectés aux
cérémonies et aux jeux, les dépouilles des Mèdes et d’autres richesses du même genre qui n’allaient
^ pas à moins de 500 talents. » Thucydide. L. II, 13.
2. « Ces hommes, vos pères, qui ne caressaient pas leurs orateurs, qui non étaient pas cbéiis
aussi tendrement que vous l’êtes des vôtres, commandèrent quarante-cinq ans à la Grèce, libiement
soumise, et déposèrent au delà de 10,000 talents dans la citadelle. » Démosthènes. 3" Phihpp-
Le mot opisthodome était devenu synonyme de trésor^ et c’est dans ce sens qu’il est employé par
Démosthènes, lispi (tuvtoEsw;, et dans son discours contre Timocratc.
3. Le <pop6; avait été apporté de Tîle de Délos à Athènes sous prétexte de le mettre plus en sùicté;
Périclès crut pouvoir en disposer. « Il remonstroit aux Athéniens qu ils n estoyent point tenus de
rendre conte de ces deniers à leurs alliez, attendu qu’ils combatoyent pour eux et qu ils tenoyent
les Barbares loin de la Grèce, sfns qu’eux contribuassent pour ce faire vn seul homme, vu seul
cheval ni vn seul vaisseau, ains seulement de l’argent, lequel n’est plus à ceux qui le payent, ains
à ceux qui le reçoivent, et qu’estant leur ville bien prouueuë de toutes choses nécessaires pour la
guerre, il estoit honneste d’employer le surplus de ces finances en choses qui, à l’avenir, quand
elles seroient paracheuées, leur apporteroyent gloire sempiternelle. » Plutarque. Périclès.
4. « Nous les mettrions en dépôt dans l’Acropole, sous un sceau, comme, on fait pour l’or. »
Platon. Dial. Menon.
11 paraît qu’il y avait aussi des trésors déposés dans d’autres temples, d’après ce passage de 1 hu-
cydide, qui fait suite à celui que nous avons cité ci-dessus, note \ ;
« Il énuméra aussi les ricliesses des autres temples, qui étaient assez considérables, et dont ils
OPISTHODOMH.
1 01
les offrandes faites à la déesse, les ex-voto, àvaOvijj.aTa^^ enfin les dépouilles
précieuses enlevées aux Perses, et entre autres le trône à pieds d’argent
sur lequel Xerxès s’était placé pour assister au combat de Salamine^.
Les deux divinités gardiennes du trésor déposé dans l’opisthodome
étaient Jupiter Sauveur, Zéuç SwTvip, et Plutus, représenté avec des ailes
et par exception jouissant de la vue^. Ces richesses étaient confiées
aussi aux soins, sans doute plus efficaces, des hellénotames caissiers
qui étaient changés tous les quatre ans, et c^ui transmettaient à leurs
successeurs des inventaires gravés sur marbre, dont le musée des Pro¬
pylées renferme encore de nombreux fragments
La largeur de l’opisthodome était naturellement la même que celle du
temple, 19"', 35, et sa longueur atteignait c’est-à-dire près du
tiers de la mesure totale de cella.
pourraient se servir, y compris même les ornements d’or qui couvraient la statue de la déesse, si
toutes les autres ressources faisaient défaut. » L. II, 13.
Un usage analogue existe encore aujourd’hui chez les musulmans qui déposent dans les mosquées
leurs richesses en des coffres à peine fermés. Il est sans exemple que l’on ait violé ces dépôts placés
sous la sauvegarde de la religion.
1 . « Les offrandes ou dons sacrés, àva6yi[j.aTa, sont, le plus souvent, des couronnes, des coupes,
des encensoirs, des vases d’or et d’argent, des amphores, etc. »
PocLux. Onomast. L. I, c. I, § 25.
« Polémon le Périégète a écrit quatre livres entiers sur les offrandes qui étaient consacrées dans
le Parthénon. » Strabon. L. IX, c. I.
Ce Polémon avait laissé plusieurs autres ouvrages également perdus, mais dont le souvenir nous a
été conservé par Athénée. Après avoir cité (L. IX) son traité sur les ex-voto do l’Acropole, il extrait
des passages d’un ouvrage sur les peintres, dédié à Antigonus, et de plusieurs autres sur les voiles
consacrés dans le temple de Carthage (L. XII), sur le Pœcile de Sicyone, et de deux livres intitulés
flelladiques at Réponses à Néanthe (L. XIII).
2. IIabpocratiox et SiiioAS. Eschyle, les Perses. Plutarque, Vie de Thémistocle.
3. « Nous allons mettre Plutus à la place de Jupiter, qui gardait le trésor de la déesse. »
Aristopii. Plutus.
« Le plus grand bonheur est arrivé à Plutus : il était aveugle; ses yeux brillent d’un vif éclat,
grâce aux soins d’Esculape. » Id. kl.
La fable de cette comédie roule tout entière sur la vue rendue à Plutus.
Cf. Thucydide. L. IL — Philostrate, Elxov, 42. — Démosthènes. Schol. Orat. 3 in Timocrat.
4. Ce mot, qui signifie trésorier de la Grèce, indique que, dans le principe, ces fonctionnaires
avaient été institués seulement pour surveiller la contribution de la Grèce déposée à Athènes.
5. Cinq de ces inscriptions, plus ou moins complètes, figurent au Dritish Muséum, Elgin Saloon,
sous les numéros 185, 2G7, 276, 282 et 370.
Les auteurs anciens font fréquemment allusion aux trésors de l’opisthodome.
Deméas. « Oui, tu t’es enrichi en entrant par dessous terre dans l’intérieur du Parthénon. »
Tijion. « Je n’y suis jamais entré, et personne ne croira ta langue. »
Deméas. « Alors tu veux y entrer, et tu as déjà volé le trésor qui s’y trouve. »
Lucien. Timon le Misanthrope.
» N’y compte pas, tant que l’on gardera des sommes immenses dans le temple de Minerve. -i
Aristoph. Jjysistrate.
102
ATHÈNES.
Par une erreur difficile à justifier, Spon et Wheler, et après eux
Stuart et Ghandler, ont avancé que le plafond de l’opisthodome était sou¬
tenu par six colonnes disposées sur deux rangs. Or, l’opisthodome ayant
encore moins de profondeur cjue de largeur, il eût été impossible d’y
placer six colonnes espacées selon les règles dont les Grecs ne se sont
jamais entièrement départis. Nous devons donc admettre, avec tous les
architectes et archéologues modernes, c|ue les colonnes n’étaient qu’au
nombre de quatre; et si l’on n’acceptait pas l’opinion de M. Paccard,
qui croit le pavé de l’opisthodome une restauration de l’époque
romaine , cette hypothèse serait encore justifiée par la remarque que fit
M. Gockerell de quatre dalles carrées régulièrement placées sur le sol,
et ayant dû porter autant de colonnes; l’architecte anglais dit aussi
avoir vu sur l’une d’elles une trace ronde de quatre pieds de diamètre
qu’il pense être l’indication d’une colonne ionique. Mais le diamètre de
ce cercle, qui, du reste, a depuis longtemps cessé d’être visible, ne
serait même pas égal à celui des colonnes doriques du posticum, qui ont
l'”,70. Nous ne croyons donc pas qu’on doive en tenir compte, car il
conviendrait bien moins à une colonne ionique dont la base eût laissé
une trace encore plus large.
Avec les données fort restreintes et contradictoires c^ue nous possé¬
dons, pouvons-nous décider auquel des deux ordres appartenaient les
colonnes de l’opisthodome ? Nous pensons qu’il y aurait peut-être
témérité à le faire jusqu’au jour où un heureux hasard aura fait retrouver
quelque élément de ces colonnes entièrement disparues, aussi bien cju’un
pilier de briques que les Turcs avaient substitué à l’une d’elles déjà
brisée au xviG siècle. Spon et Wheler, qui virent les colonnes en
place, les disent de même ordre et de même grosseur que les colonnes
doriques du posticum^ et Stuart a accepté leur témoignage. D’un autre
côté , M. Penrose , dans ses Principes d’ architecture athénienne , et
M. Paccard, dans sa Restauration du Parthénon, les supposent ioniques,
et l’exemple de l’ordre intérieur des Propylées semble justifier cette hypo¬
thèse. De plus, la hauteur du plafond de l’opisthodome, indiciuée encore
par des restes de corniche, paraît en effet exiger l’emploi d’un ordre de
proportion plus allongée que le dorique, le plus court des ordres grecs
1. Au British Muséum, Elgin Saloon, on montre, sons le miméro 400, une partie d’une volute corin-
SCULPTURES DU PARTHÉNON.
iO.'î
Nous croyons avec M,\l. Penrose, Paccard, et Beulé que, dans l’an¬
tiquité, aucune communication n’existait entre le temple et l’opistho-
dome, qui était loin d’avoir le même caractère religieux. Nous n’en
voudrions d’autre preuve que le fait mentionné par Plutarque^ du loge¬
ment dans son enceinte de Démétrius Poliorcète qui en fit le théâtre des
plus odieuses débauches. Quelque avilis que fussent les Athéniens-, ils
n’eussent sans doute pas souffert la profanation du temple de la divinité
protectrice de leur ville.
Sculptures. Passons maintenant à l’examen des admirables chefs-
d’œuvre dont la sculpture avait enrichi le Parthénon. Cinq grands
ouvrages en ce genre avaient fait du temple de Minerve la merveille des
merveilles; c’étaient les deux frontons, les métopes, la frise de la
cella, et la statue colossale de Minerve en or et en ivoire. Une grande
partie de ces sculptures était encore en place au commencement de ce
siècle; mais, par malheur, lord Elgin, qui était ambassadeur à Constanti¬
nople, obtint, en 1801, du gouvernement turc un firman qui l’autorisa
à élever un échafaudage autour de l’ ancien temple des idoles pour mouler
en plâtre les ornements et les figures, et de plus à enlever les pierres
ou se trouvaient des inscriptions ainsi que les statues conservées. On
assure qu’il en coûta 7/i,000 liv. st. (1,850,000 francs) à lord Elgin pour
s’approprier les plus belles parties du monument qu’il fut possible de
transporter à Londres. Du reste, cette barbare spéculation ne fut guère
thienne qui, dit la notice, a appartenu à un chapiteau de l’intérieur du Parthénon. C’est évidemment
une erreur; l’ordre corinthien n’était pas encore employé à Athènes au temps de Périclès.
1. « Adonc quoiqu’auparauant les Athéniens semblassent auoir desployé entièrement leur arrière
espargneàlui décerner toutes sortes d’honneurs à l’envi l’un de l’autre, si trouuèrent-ils encore
d’autres tous nouueaux moyens de lui gratifier et de le flater : car ils ordonnèrent que le derrière
du temple de Minerue, qui s’appcloit Parthénon, comme qui diroit le temple de la Vierge, lui seroit
préparé et acoustré pour son logis pour y faire sa résidence : et disoit- on que c’estoit la déesse
Minerue qui le recevoit et le logeoit chez elle. Mais, à la vérité, c’estoit un hoste trop peu chaste
et pudique pour penser qu’une déesse vierge prist à gré qu’il fust logé auec elle. »
Plutarque. Vie de Démétrius.
Quelques lignes plus bas, l’historien donne des détails, qui ne peuvent trouver place ici, sur les
orgies auxquelles se livra, dans l’opisthodome, le conquérant d’Athènes. A l’occasion de son séjour
dans le Parthénon, Plutarque cite ces deux vers tirés de l’une des pièces du poëte Philippide :
Lui qui du Partliénon avait fait une auberge,
Et logé sa maîtresse au temple de la Vierge.
2. Voy. dans le Deipnosophiste d’ Athénée, L. VI, le récit des flatteries incroyables que les Athéniens
ne rougirent pas de prodiguer à Démétrius.
104
ATHÈNES.
profitable à son auteur, car, en 1816, la collection entière ne lui fut
achetée pour le Musée Britannicjue, par acte du parlement, cjue 35,000
liv. st. (875,000 francs) et un des plus illustres compatriotes du spoliateur
du Parthénon , lord Byron, voyant son nom gravé sur une colonne du
temple, écrivit au-dessous : Quod non fecerunt Gothij, Scotus fecit. Il
est vrai que lord Elgin s’est acquis une célébrité qu’eût enviée Érostrate,
et que, pour consoler les Athéniens des trésors qu’il leur arrachait, il a
fait don à la ville d’une horloge placée dans la tour du bazar et accom¬
pagnée de cette pompeuse inscription :
THOMAS COMES
DE ELGIN
ATHENIEN. HOROL. D.D.
S.P. Q.A. EREX. G O LL OC.
A.D. MDGCCXIV'.
Il n’eût peut-être pas été impossible d’excuser jusqu’à un certain
point les déprédations de lord Elgin, qui pouvait alléguer pour sa défense
le désir de sauver d’une destruction prochaine des chefs-d’œuvre exposés
chaque jour à la barbarie iconoclaste des Turcs, alors maîtres de la
Grèce ; mais comment justifier la brutalité avec laquelle il arracha sa
proie , brisant les monuments , souvent même , ainsi c{ue nous le
verrons à l’Erechthéion , enlevant des colonnes, des cariatides, sans
s’inquiéter de la chute des entablements auxcjuels elles servaient de
support, semblable enfin à un sauvage qui mettrait en pièces une pré¬
cieuse coupe de Cellini , pour s’approprier c|uelc{ues pierres c{ui s’y
trouveraient enchâssées? Ce n’est point ainsi c|u’au siècle précédent
en avait agi l’ambassadeur de France, M. de Choiseul-Gouffier, qui
n’avait rapporté que quelques moulures, une métope et un fragment de
frise depuis longtemps détachés du monument.
Frontons. Le sommet des frontons, àsToi, avait pour ornement une
énorme palmette , dont on a retrouvé cpelques débris ensevelis aujour¬
d’hui dans une casemate où viennent s’enfouir, au fur et à mesure de
leur découverte , les fragments d’architecture que les fouilles mettent au
jour pour un moment. Cette palmette était -elle, comme au temple
I. Le gouvernement anglais a depuis envoyé à Athènes la collection des plâtres des sculptures du
Parthénon; elle a été déposée dans une petite mosquée voisine de la Tour des vents.
FRONTONS DU PARTI! FNON.
105
d’Égine, accompagnée de deux statues placées comme des supports
héraldiques? C’est ce C{u’il est impossible de vérifier aujourd’hui, la
partie supérieure des frontons manquant à l’une et à l’autre façade. En
revanche , il est facile de s’assurer , par les traces qui existent encore,
que les extrémités de chacpie fronton portaient une statue, un griffon,
un sphinx, un trépied, enfin une décoration quelconque.
Les sculptures qui ornaient les tympans des frontons n’étaient point
des bas-reliefs , mais une réunion de figures en ronde bosse comme au
temple de Jupiter Panhellénien dans l’île d’Égine.
Selon Pausanias^, le fronton antérieur représentait la Naissance de
Minerve et le fronton postérieur la Dispute de Minerve et de Neptune
au sujet de l’Attique^. Or, ceux qui avaient vu le fronton occidental
intact, sinon dans ses détails, au moins dans toutes ses masses, avant
l’explosion de 1687, sans s’arrêter à l’examen approfondi des sculptures,
s’étaient accordés à y reconnaître la Naissance de Minerve, ou plutôt sa
Présentation par Jupiter aujo dieux de l’Olympe, et en avaient conclu
que, contrairement à l’usage, la façade du Parthénon était tournée à
l’occident. Ollier de Nointel , ambassadeur de France en 167li, partagea
la même opinion, et les escjuisses qu’il fit faire des figures déjà mutilées
de ce fronton servirent encore à accréditer une erreur qu’elles eussent
dû détruire^. Stuart le premier reconnut l’erreur, et avança que le
1. Attic. C. XXIV.
2. « Jupiter fit sortir de son cerveau la respectable Pallas, déesse vive et courageuse qui anime les
guerriers, qui se plaît aux combats et au tumulte des armes. » Hésiode. Théogonie, v. 02t.
3. « Voici, selon Varron, la raison pour laquelle cette ville fut nommée Athènes, qui est un nom
tiré de celui de Minerve que les Grecs appellent Athéna. Un olivier étant tout à coup sorti de terre
en cet endroit et une source d’eau en un autre, ces prodiges étonnèrent le roi (Cécrops) qui députa
vers Apollon de Delphes pour savoir ce que cela signifiait et ce qu’il fallait faire. L’oracle répondit
que l’olivier signifiait Minerve et l’eau Neptune, et que c’était aux habitants à savoir de laquelle de
ces deux divinités ils donneraient le nom à leur ville. Cécrops assemble tous les citoyens, tant
hommes que Jpmmes ; car les femmes, parmi eux, avaient alors voix dans les délibérations. Comme
il eut l’ecueilli les suffrages, tous les hommes furent pour Neptune et toutes les femmes pour Minerve ;
et parce qu’il y avait une femme de plus. Minerve l’emporta. » Satnt-Acgcstin. Cité de Dieu.
Voy. p. 11.
4. Ces dessins à la mine de plomb et à la sanguine, par J. Carrey, ne rendent nullement le carac¬
tère des sculptures grecques ; mais ils sont précieux cependant, parce que seuls ils nous ont conservé
celles des compositions du Parthénon qui aujourd’hui sont détruites. Ce recueil existe au Cabinet
des estampes de la Bibliothèque impériale (n” 616) , où il est désigné à tort sous le nom de Dessins
de Nointel. Il porte le titre plus extraordinaire encore de : Sculptures du temple de Minerve à Athènes,
bâti par Adrien. Les dessins des deux frontons, exécutés par Carrey, ont été reproduits d’égale
«
106 ATHÈNES.
fronton occidental était le fronton postérieur et représentait la Dispute
de Neptune et de Minerve, tandis c^ue c’était le fronton oriental c[ui avait
du offrir la Naissance de la Déesse. Quatremère de Quincy adopta
cette opinion^ et en fit le texte d’une savante dissertation en réponse à
l’avis contraire émis par Barbié du Bocage, dans son Atlas d' Anacharsis.
M. Brôndsted, à son tour, s’est rangé du côté de Quatremère de
Quincy, et aujourd’hui l’avis des savants est unanime sur ce point.
Fronton ortent4l. Nous avons dit que le fronton oriental avait été
en grande partie détruit par les chrétiens à l’époque où ils transfor¬
mèrent le Parthénon en église*. Lorsqu’en 1674, quelques années avant
le siège des Vénitiens, il fut dessiné par Carrey, il ne restait plus cjue
sept figures et quatre têtes de chevaux plus ou moins mutilées, occupant
à droite et à gauche les extrémités du tympan du fronton; il paraissait
y avoir existé une vingtaine de figures en ronde bosse, hautes d’environ
4 mètres, proportion qui, d’en bas, devait les faire paraître de gran¬
deur naturelle.
Les sculptures qui existaient au xvii® siècle étaient encore en place
au commencement de celui-ci, et elles ont pu être enlevées par lord
El gin et déposées au musée de Londres. Sous l’extrémité du rampant à
gauche, on apercevait, semblant sortir de la base du fronton, la partie
supérieure du corps d’Hypérion^, guidant son char indiqué seulement
par les têtes des quatre chevaux. Deux de ces têtes sont au musée de
Londres ^ ; les deux autres, mutilées et méconnaissables, sont restées en
place. En continuant d’aller vers la droite, on trouvait un héros assis.
grandeur par M. de Laborde dans le premier volume d'Athènes aux xv®, xvi' et xvii® siècles. Les fron¬
tons , les métopes et la frise, gravés également d’après les dessins de Carrey, ont été publiés par
C.-P. Landon dans l’édition française de Stuart. T. IV.
Jacques Carrey, né à Troyes en 1646, et mort en 1726, était élève de Charles Lebrun. Il avait
vingt-huit ans à l’époque de son voyage à Athènes, à la suite de M. de Nointel. A son retour à Paris,
il travailla, sous la direction de son maître, à la galerie de Versailles. Après la mort de Lebrun , il
se retira dans sa ville natale où il exécuta plusieurs œuvres importantes, entre autres une Vie de
saint Pantaléon en six grands tableaux, suite qui se voit encore dans l’église placée sous l’invocation
de ce saint.
1 . Voy. planche III.
2. Hypérion, 61s d’Üranus et frère de Neptune, épousa Thya, et fut père du Soleil, de la Lune et
de l’Aurore; il est confondu quelquefois avec Hélios, le Soleil. Cette hgure est au British Muséum,
Elgin Saloon, n” 91.
3. Elgin Saloon, n" 92. — Voy. page suivante.
5
Un groupe de Gérés et de Proserpine 2, principales divinités de l’At-
tique après Minerve, est assis sur le même siège et précède une femme
debout, dans l’attitude d’une marche rapide, indic{uée par ses draperies
qui voltigent derrière elle On y reconnaît Iris, la messagère céleste,
courant annoncer au monde la naissance de Minerve. Tout le milieu du
fronton où se passait la scène principale a disparu. « C’est, dit poéti¬
quement M. Beulé, comme une tragédie antique dont les chœurs seuls
Dans cette statue, célèbre sous le nom de Thésée^, M. Beulé croit
reconnaître un Hercule à la peau de lion sur laquelle il repose.
Thésée ou Hercule.
FRONTONS DU PARTHÉNON. t07
figure d’une beauté et d’une force qui n’excluaient ni la grâce ni la pureté
des formes.
Chevaux du Parfchénon.
1. British Muséum, Elgin Saloon, n” 93.
2. Ibid., n" 94.
3. Ibid., n" 95.
-108
ATHÈNES.
nous seraient parvenus. » Toute restauration serait donc hypothétique.
M. Beulé suppose qu’il ne manque que neuf à dix figures; on en
compte douze dans la restauration proposée par M. Nolau^. Au centre
devait être Jupiter assis sur son trône ^ ayant près de lui Junon, Vulcain
et diverses autres grandes divinités de l’Olympe, témoins de la naissance
miraculeuse de la déesse de la Sagesse
De toutes ces figures, il n’a été retrouvé à terre, au-dessous du
fronton, qu’un torse viril mutilé déposé aujourd’hui dans la casemate
voisine de l’Érechthéion. Dans la partie du tympan qui succède à la
brèche se présentait d’abord une femme ailée, dont le torse, renversé
sur la base du fronton , avait échappé à Carrey , qui ne l’a point
fait figurer dans son esquisse; ce doit être une Victoire^. A coté se
trouvait le fameux groupe de trois femmes, dans lesquelles, malgré
leur jeunesse, on s’accorde généralement à reconnaître les Parques^,
et dont les draperies sont peut-être les plus belles que nous ait léguées
l’antiquité grecque. Enfin, la composition était terminée par la figure
de la Nuit qui, s’enfonçant à mi-corps dans la base du fronton , guidait,
comme Hypérion, son char attelé de quatre chevaux dont les têtes
seules étaient visibles. Deux de ces têtes sont également au Musée de
Londres*^. Renversée par la chute de la partie du rampant qui la
1. Les Antiquités d’Athènes et autres monuments grecs d'après les mesures de Stuart et de Revett,
enrichis des nouvelles découvertes. In-18. 1835.
2. « Le moine Cédrénus dit qu’au xi” siècle on voyait sur la place publique de Constantinople un
Jupiter en marbre blanc de Phidias. Le dieu était assis sur iin siège sans dossier, sorte de banc que
recouvrait un tapis ou un coussin. Tels sont les sièges qui servent aux divinités sur la frise du
Parthénon. Au milieu du viii'- siècle, le Parthénon fut converti en église grecque. On construisit
l’abside sur l’emplacement du pronaos, et, pour que les rayons du soleil pénétrassent par les petites
fenêtres byzantines, on abattit la couverture du portique et le milieu du fronton oriental. Alors, neuf
ou dix statues disparurent sans qu’on en ait retrouvé de traces. C’étaient précisément les principaux
personnages de la grande composition qui représentait la Naissance de Minerve; Jupiter y occupait
la première place. Je me suis demandé si ces statues, une fois enlevées par les chrétiens, n’ont pas
été transportées à Constantinople, où les empereurs entassaient tous les chefs-d’œuvre que Rome
avait respectés, et si le Jupiter du Parthénon n’était point celui dont parle le moine Cédrénus. Assis
au centre du fronton, il contemplait sa fille qui venait de s’élancer de son cerveau, et « qui enlevait,
t( comme dit Hésiode, de ses épaules immortelles ses armes divines, et le cœur de Jupiter se réjouis-
'< sait. » E. Beüiæ. La Jeunesse de Phidias {Revue des Deux Mondes. Mars 1800).
3. La naissance de Minerve a fourni à Lucien le sujet de son huitième dialogue des dieux, intitulé
Vulcain et Jupiter.
4. Rritish Muséum, Elgin Saloon, n" 90.
.5. Ibid., n» 97.
0. Ibid., n" 98.
FRONTONS DU P A RT H F NON.
lOÜ
surmontait, la Nuit avait disparu au temps de Carrey et ne figure pas
dans son dessin; elle a été retrouvée dans des fouilles opérées à l’angle
sud-est du Parthénon et elle est déposée aujourd’hui dans l’enceinte
du Parthénon.
Fronton occidental. Le fronton occidental, qui représente la Dispute
de Minerve et de Neptune^ ^ était composé, selon toute apparence*, à
peu près du même nombre de personnages; il avait beaucoup moins
souffert, et Carrey avait pu encore dessiner sur place vingt figures et
deux chevaux; mais bientôt la maladresse des ouvriers de Morosini
acheva de détruire ce qui venait d’échapper aux bombes et aux boulets
de Kœnigsmark , et de ce vaste ensemble à peine reste-t-il quelques
fragments disséminés à Londres, à Athènes, à Paris, retrouvés soit par
lord Elgin. soit dans les fouilles exécutées depuis, et deux figures
mutilées demeurées en place au fronton du Parthénon.
Ces deux figures, dans lesquelles ils avaient cru reconnaître Adrien
et Sabine, sa femme, avaient paru à Spon, à Wheler, à Leroy, une
preuve suffisante pour avancer que les frontons avaient été refaits sous
cet empereur. Cette assertion était démentie par le style des sculptures
mêmes, et si d’ailleurs nous nous en rapportons à Plutarque, à l’époque
où vivait cet historien, les monuments élevés pour Périclès n’avaient
pas encore besoin de restauration.
Passant en revue les diverses figures de la composition que nous a
conservée le dessin de Carrey, nous trouvons d’abord couchée sous
l’angle de gauche la célèbre figure connue sous le nom de rili.ssus2, et
1. Voy. p. Il, note 2.
2. nritish Muséum, Elgin Saloon, n" 99.
110
ATHÈNES.
qui heureusement a échappé à la destruction. Après une lacune que
remplissait peul-être la nymphe Callirhoé, sœur de l’ilissus, se trou¬
vaient les deux figures de Cécrops et de sa fille Aglaure encore en place
aujourd’hui, celles mêmes qui ont été prises pour les statues d’Adrien
et de Sabine. A la suite, entre Pandrose et Hersé, les deux autres filles
de Cécrops, était le jeune Érichthonius^, tenant la main de l’une d’elles
et cherchant à l’entraîner loin d’un char monté par la Victoire 2, attelé
Tête de la Victoire.
de deux chevaux, qu’accompagne Érechthée et devant lequel se tenait
Minerve. De cette déesse, il ne reste au Musée de Londres que la partie
1. Quatrième roi d’Athènes, fils, selon les uns, de Vulcain et de Minerve, selon les autres, de
Vulcain et de la Terre, ou môme de Vulcain tout seul.
. Sine niatre crealam
Lemnicolœ stirpeni .
Ovide. Métam. L. II.
2. Le torse de cette Victoire est au British Muséum, Elgin Saloon, n” 105, et la tête apportée à
Venise par le secrétaire de Morosini, San Gallo, fut retrouvée en 1824, lors de la démolition de la
maison qu’il avait occupée, et acquise par un amateur allemand, David Weber, établi à Venise. Des
mains de ses héritiers, ce chef-d’œuvre est passé dans celles de M. le comte Léon de Laborde, qui le
possède aujourd’hui. Ce savant archéologue en a donné la description et une photographie dans son
ouvrage sur Athènes aux xv®, xvi® et xvii® siècles. T. II, p. 228.
FRONTONS DU PARTHÉNON.
IM
supérieure de la tète'’, et un fragment de la poitrine couverte de l’égide^.
Au même musée , on lui attribue aussi deux pieds fixés encore sur une
plinthe^. Suivant l’opinion d’Ottfried Müller adoptée par M. Beulé,
« Neptune a frappé la terre de son trident, et fait naître le cheval
frémissant et indompté ; Minerve aux yeux du dieu étonné l’a saisi ,
soumis au joug; on la voit le contenir d’un bras puissant, tandis que
la Victoire et Érechthée, sur le char, tiennent les rênes d’une main déjà
confiante'^. » J’ai peine à accepter cette donnée; le char de la Victoire
est attelé de deux chevaux, et ce n’est qu’un seul cheval que fit sortir
du sol le coup de trident de Neptune. Je proposerai une explication, à
mon sens, plus conforme au génie poétique des Grecs. La Victoire, sur
son char, assistait à la lutte dont elle devait être le prix, et Minerve,
arrêtant ses chevaux de son bras puissant, en prenait possession après
la défaite de Neptune. Entre Minerve et le dieu des mers on chercherait
vainement, il est vrai, l’espace nécessaire pour placer et l’olivier et le
cheval qu’avaient fait naître les deux divinités rivales; mais comme,
ainsi que nous le verrons, beaucoup d’accessoires de métal avaient été
ajoutés aux marbres des frontons, il est assez vraisemblable que l’olivier
de Minerve, aussi bien que le cheval de Neptune, n’y figurait qu’en
bronze, de très-petite proportion et d’une manière en quelque sorte
symbolique. Bien plus, il est probable que le cheval n’a jamais existé
dans cette composition, et que le sculpteur s’était contenté, suivant une
autre tradition plus répandue, de faire jaillir sous le trident de Neptune
la source d’eau salée qui plus tard fut, comme l’olivier sacré, renfermée
dans l’enceinte de l’Erechthéion.
Neptune, entièrement nu, semblait* se reculer violemment et comme
irrité de sa défaite. La partie supérieure de son torse est au Musée de
Londres 5. A sa suite venait ïéthys, dont on croit que la tête est con¬
servée à Paris, au Cabinet des médailles de la Bibliothèque impériale 6;
1. British Muséum, Elgin Saloon, n" 101-
2. Ibid., n” 102.
3. Ibid., n” 250.
4. Acropole d’Athènes. T. II, p. 82.
5. British Muséum, Elgin Saloon, n” 1013.
6. On doit la découverte de ce magnifique fragment à M. Cli. Lenormant, qui, en 1840, Fa
retrouvé parmi des débris de mai’bre recouverts de poussière qu’on venait de retirer des caves de la
«
ATHÈNES.
112
elle se tenait debout devant Amphitrite assise. Derrière celle-ci, Latone,
également assise, tenait dans ses bras Apollon et Diane enfants, dont
les deux petits torses, joints à une partie des genoux de leur mère, sont
au Musée de Londres ^ Vénus reposait sur les genoux de Thalassa^, sa
Tète de Téthys.
mère; enfin, vers l’angle du fronton, étaient trois personnages assis ou
couchés, « deux femmes pour lesquelles, dit M. Beulé, on a choisi dans
le cycle neptunien les noms de Leucothée ^ et de la nymphe Euryte;
un homme qui sera, si l’on veut, Halirrhothius, fils de cette dernière et
Bibliothèque impériale. Voy. le Mémoire de M. Lenormant lu à l’Académie des inscriptions et belles-
lettres le li juillet 1840, et inséré au Moniteur des Arts. T. IV, année 1817. — Le Catalogue général
et raisonné des camées, etc., de la Bibliothèque impériale, par M. An. Cbabouillet, n" — Athènes
aux xv«, xvi“ et xvii'= siècles, par M. de Laborde, ouvrage dans lequel on trouve une photographie
de cette tête. T. I, p. 157.
1. British Muséum, Elgin Salocm, n° 106.
2. Thalassa, la Mer. Hésiode (Théog.) la dit fille de l’Éther et d’Héméra (l’Air et le Jour) ; elle était
au rang des divinités. Pausanias nous apprend que sa statue était placée, à Corinthe, auprès de celles
de Neptune et d’Amphitrite ; et que, sur la base d’un autre monument, elle était représentée en
bas-relief, tenant sa fille Vénus.
3. Leucothée, la même qu’Ino, nourrice de Bacchus, à laquelle les dieux donnèrent ce nom après
qu’elle fut admise au rang des divinités marines. Elle avait un autel dans le temple de Neptune, à
Corinthe.
MÉTOPES DU PARTHÉNON.
1 13
de Neptune. » La partie supérieure du corps d’Euryte avait sans doute
été enlevée par un boulet ; la partie inférieure est restée en place, mais
elle fait peu de saillie et il est difficile de l’apercevoir, à moins de monter
sur le fronton par l’escalier de l’ancien minareL’^.
On reconnaît facilement, sur ce qui reste des sculptures de ce fronton,
les traces d’ornements en bronze, là plupart dorés sans doute, qui en
avaient fait partie. Le masque de Minerve conservé au Musée de Londres
avait évidemment un casque de métal, et, autour de l’égide qui couvre
le fragment du torse, on voit l’indication de serpents et d’une tête de
Méduse également de bronze. Ce mélange de deux matières rend déjà
plus vraisemblable un fait cjui, pour choquer nos idées modernes, n’en
est pas moins incontestable : toutes ces figures étaient coloriées et enri¬
chies de dorures ; les yeux de la Minerve étaient même formés de quelque
matière précieuse qui, en disparaissant, a laissé les orbites vides.
On est habitué à reporter à Phidias tout l’honneur des sculptures et
parfois même de l’architecture du Parthénon. Quelcjue longue c^u’eût été
la vie d’un homme, elle n’eût jamais suffi à une pareille entreprise, et
cependant les travaux du temple de Minerve ne furent pas les seuls qui
marquèrent la glorieuse carrière de Phidias. E'orce est donc de convenir
que s’il eut la suprême direction de ces travaux, s’il en exécuta lui-
même quelques-uns, si d’autres furent la reproduction en marbre de ses
compositions, d’autres aussi furent l’œuvre d’artistes d’un talent déjà
éprouvé et dont il dut respecter l’indépendance. Nous ne pouvons suivre
ici M. Beulé dans l’intéressante discussion à laquelle il se livre pour
rechercher les véritables auteurs des frontons du Parthénon nous nous
contenterons de dire qu’il établit, de la manière la plus probable et par
les distinctions les plus ingénieuses, cpie le fronton oriental fut l’œuvre
de Phidias aidé de ses élèves et surtout d’Agoracrite, le plus habile et
le plus aimé, tandis que le fronton occidental est dû au ciseau d’Alca-
mène, son émule plutôt que son disciple.
MiixoPES. La seconde suite de sculptures du Parthénon était composée
des métopes qui, décorant la frise extérieure, alternaient avec les tri-
• 1. Au British Muséum, Elgin Saloon, sous les numéros 178, 310-315 et 341, on conserve plusieurs
autres fragments que l’on croit aussi avoir appartenu aux frontons du Parthénon.’
2. Acropole d’Athènes. T. II, p. 94 et suiv.
ATHÈNES.
1 1 4
glyphes entre lesquels elles étaient glissées dans des coulisses par la
partie supérieure que fermait ensuite la corniche. Les métopes ont une
hauteur de d."’,335 sur une largeur de i'",270; celles qui sont voisines
des angles sont un peu plus étroites. Cet excès de la hauteur sur la lar¬
geur fait voir que l’architecte avait en vue de les faire paraître carrées
malgré la saillie de la bande de l’architrave. Les figures s’en détachaient
presque en ronde bosse, et, si elles avaient ainsi un relief beaucoup plus
prononcé que celles de la frise intérieure du portique , c’était parce
qu’elles n’étaient pas destinées comme celles-ci à décorer un mur uni
et à être vues de près^, et qu’elles devaient au contraire produire leur
effet au milieu d’ornements d’architecture très -saillants, par lesquels il
fallait qu’elles ne fussent pas écrasées.
Les métopes du Parthénon étaient au nombre de 92 : J/i. à chaque
face, 32 à chaque côté du temple ; un assez grand nombre avaient échappé
aux ravages du temps et à l’explosion de 1687, quand le monument
fut livré aux déprédations de lord Elgin. Dix-sept des métopes qu’il
arracha en brisant les triglyphes arrivèrent à Londres , où elles font
l’ornement du Musée Britannique. Plusieurs ont été englouties entre le
cap Malée ou Saint- Ange et l’île de Cérigo (l’ancienne Cythère), dans
le naufrage d’un bâtiment qui transportait divers objets d’antiquité
pour le compte de lord Elgin-.
Une métope est au Musée du Louvre ; elle était hors de place depuis
longtemps quand elle fut rapportée en France par M. de Choiseul-
Gouffier qui en avait fait l’acquisition avec l’aide du consul de France
à Athènes, M. Fauvel, qui a rendu à l’archéologie de si importants
services. En 18.18, après la mort de M. de Choiseul, ce marbre pré¬
cieux a été acquis pour le Musée au prix de 25,000 francs.
1. « Phidias possédait des notions très-étendues sur l’art de construire, au moins sur la partie
théorique. Comment sans cela eût -il pu surveiller les travaux d’architectes tels qu’Ictinus et
Callicrate? Comment eût-il montré, dans le Parthénon, une admirable intelligence des besoins de
l’architecture et saci'ifié toutes les prétentions de la sculpture, lui sculpteur, à l’harmonie et à l’effet
général du monument? C’est ainsi qu’il donne aux métopes un relief exagéré contraire à ses principes,
pour qu’elles soient en rapport avec les fortes saillies de l’entablement. La frise de la cella, au con¬
traire, tant son relief est léger, tant ses proportions sont petites pour la hauteur qu’elle occupe,
n’attire que faiblement les regards; elle leur échappe quelquefois; mais il fallait ne pas écraser une
muraille lisse par l’importance des sculptures et la couronner au contraire d’un bandeau délicat.
Beülk. La Jeunesse de Phidias {Revue des Deux Mondes^ mars 1860).
2 Voyages de Chandler, traduction française publiée en 1806. Notes de MM. Servois et Barbié
du Bocage.
MÉTOPES DU PARTHÉNON.
i lë
Aujourd’hui quatorze métopes, la plupart fort endommagées, sont
encore en place; une métope presque complète, mais mutilée, et quelques
fragments ont été retrouvés dans les déblayements exécutés au Parthénon
sous la direction de M. Pittakis, et ils sont déposés dans l’enceinte de
l’opîsthodome. Les autres métopes ne nous sont connues que par les
dessins de Garrey. Ces divers bas-reliefs ont été publiés maintes fois
en tout ou en partie, et entre autres par Stuard, Legrand, BrÔndsted, etc.
Les métopes de Londres et de Paris, provenant toutes du côté méri¬
dional du temple qui était le mieux conservé, puisque, lorsque Garrey les
dessina, il n’y manquait que quelques bras et quelques têtes repré-
Métope.
sentent en général des épisodes du combat des Gentaures et des Lapithes
aux noces de Pirithoüs et d’Hippodamie 2; mais quelques autres sujets
1. <i A l’est et à l’ouest, toutes les métopes sont à leur place, frustes plutôt que mutilées, tant le
fanatisme a mis de persévérance à les anéantir. On voit que des échafaudages ont été dressés, que
des ouvriers ont travaillé à grands coups de marteau, ici nivelant complètement la dalle de marbre,
là satisfaits de rendre méconnaissables les sujets et les personnages qu’on y avait sculptés. Les
métopes du nord ont été défigurées de la même manière. Était-ce l’église, était-ce la mosquée qu’on
purifiait ainsi en faisant disparaître les images profanes? Peu importe de savoir qui a encouru, des
Grecs ou des Turcs, une indignation qui ne remédierait à rien. On ignore même, ce qui serait plus
intéressant, quelle cause avait fait épargner les trente-deux métopes du sud. Comme ce côté du
temple est tourné vers le dehors de la forteresse et voisin du mur d’enceinte, on n’y passait jamais.
Avait-on calculé que les regards n’auraient pas lieu d’être blessés? »
E. Beülé. Acropole d’Athènes, T. II, p. 112.
2. Aux noces de Pirithoüs, les Centaures s’étant enivrés insultèrent les femmes des Lapithes,
habitants de la Thessalie et sujets de Pirithoüs. Thésée, ami de ce prince, à la tête des Athéniens,
se réunit aux Lapithes; un grand nombre de Centaures furent tués et le reste prit la fuite. « Non,
116
ATHÈNES.
se trouvaient dans celles qui ont disparu ou qui sont restées en place.
M. Beulé, parmi ces sculptures presque toutes méconnaissables, a cepen¬
dant cru distinguer : à la façade orientale, Minerve combattant un Titan
ou repoussant Vulcain, la déesse combattant Encelade, domptant Pégase
pour le procurer à Bellérophon, etc., et quelques traits de Thistoire des
héros qu’elle inspirait ou protégeait. Hercule, Persée et Thésée; au côté
nord, quelques restes d’hommes et de chevaux dans lesquels il est diffi¬
cile de voir, comme l’ont prétendu quelques voyageurs, le combat des
Amazones; enfin, sur la façade occidentale, une série d’engagements
entre des guerriers à pied et alternativement entre un piéton -et un
cavalier, compositions qui lui paraissent inspirées non plus par la fable,
mais par l’histoire, et qu’il pense représenter des victoires remportées
par les Athéniens sur les Perses^.
Nous ajouterons que rien ne nous semble plus admissible que cette
supposition. Était-il un sujet qui fut plus à sa place sur une frise qui
précédait cet opisthodome, rempli des dépouilles des Perses et des
trésors amassés pour les combattre de nouveau , si jamais ils osaient
remettre le pied sur le sol de la patrie ?
Enfin, au côté méridional du temple, les dessins de Carrey nous
dit Nestor {Iliade. L, I), jamais je n’ai vu, et je ne verrai sans doute jamais des héros tels que
Pirithoüs, Drias, pasteur des peuples, Cénée, Exadius, le divin Polyphème, et le fils d’Égée, Thésée,
semblable aux immortels. Ils étaient certes les hommes les plus courageux qu’ait nourris la terre;
ils combattirent de vaillants ennemis, les Centaures des montagnes, qu’ils exterminèrent dans une
lutte terrible. » La tradition que nous fournit Homère sur les commencements de cette lutte diffère
un peu de celle généralement adoptée : « Jadis, dit-il {Odyssée. L. XXI), le vin fit perdre la raison
au fameux Centaure Eurythion, lorsqu’il était chez les Lapithes, auprès du magnanime Pirithoüs;
quand le vin eut troublé ses sens, il devint furieux et commit des crimes épouvantables dans le
palais même de Pirithoüs; mais la colère s’empara bientôt de tous ces héros réunis; ils se jetèrent
sur Eurythion, le traînèrent hors du vestibule et lui coupèrent avec l’airain cruel le nez et les
oreilles. Le Centaure Eurythion, vivement offensé, s’en alla couvert de honte et après avoir subi le
châtiment d’une aberration funeste due à son esprit insensé. Voilà quelle fut l’origine de la guerre
qui eut lieu entre les Centaures et les Lapithes. »
Le souvenir d’une victoire, due en grande partie à l’intervention de leur héros et de leurs ancêtres,
dut être cher aux Athéniens ; aussi ce combat devint-il un des thèmes favoris des sculpteurs, des
peintres et des poètes de l’antiquité; on le trouve reproduit sur un grand nombre de bas-reliefs et
de vases peints, et sur l’une des fresques trouvées à Herculanum { Herculanum et Pompéi. II, pl. 18.
Didot), et il a été chanté ou décrit par Hésiode. In seul., v. 177 ; par PujT.vnQUE. Vie de Thésée; par
Diodohe de Sicile. L. IV; par Strabon. lier. geog. L. IX; par Virgile. Georg. L. HI, Énéide. L. IV,
et Culex, V. 28; par Ovide. Mét. L. XH et XIV, et Amores. L. H, Eleg. 12; par Properce. L. H,
Eleg. 6; par Stage. Thébaïde. L. VI, etc. Suivant Ælien {Hist. diverses)., un poète antérieur à
Homère, Mélisandre de Milet, avait décrit aussi le combat des Centaures et des Lapithes.
1. .Acropole d’Athènes. T. H, p. 118.
MÉTOPES DU PARTHÉNON.
117
apprennent* qu’outre les vingt-trois métopes représentant des combats
de Centaures et de Lapithes, il y en avait neuf dont les sujets étaient
empruntés aux anciennes traditions relatives à l’origine d’Athènes^.
La métopQ du Louvre, l’une des mieux conservées, bien que les têtes
et quelques autres parties aient dû être refaites par Lange, d’après
l’esquisse de Carrey, offre un vieux Centaure saisissant une femme qui
cherche à échapper à sa poursuite ; elle séparait les dixième et onzième
triglyphes de la frise méridionale à partir de la façade du temple
Des dix-sept métopes du Musée Britannique, cpinze représentent des
combats singuliers et à succès variés entre un Athénien ou un Lapithe
et un Centaure; la seizième, provenant de l’angle droit du côté septen¬
trional du temple, représente deux femmes, l’une debout, l'autre assise
sur un rocher; on voit seulement un cavalier sur la dix-septième qui
appartenait à l’angle gauche de la façade occidentale^.
La métope déposée à Athènes dans l’enceinte du Parthénon offre un
Centaure enlevant une femme.
Enfin, deux têtes provenant de l’une des métopes ont été découvertes
au Musée de Copenhague par M. Bïôndsted^; elles' ont été apportées en
Danemark, en 1688, par un certain capitaine Hartmand l’un des
compagnons de Kœnigsmark au funeste siège de l’Acropole. Ces têtes
sont celles d’un Centaure et d’un jeune homme. A la dernière on
remarque tout autour un enfoncement et au front un petit trou qui
annoncent assez clairement l’existence d’un ornement en métal , une
bandelette large de 0'",03 à 0“’,0/i., dorée et ornée sur le devant d’un
bouton ou d’une agrafe.
Le mérite des métopes c|ui sont parvenues jusqu’à nous est très-
1. Voy. BrOndsted, Voyages et recherches dans la Grèce. 2'’ livr., p. 207 à 267.
2. Comte de Clarac. Description du Musée des antiques du Louvre.
3. Uritish Muséum, Elgin Saloon, 1, 2, 3, 4, 5' 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 10, 10“ et 10'\
Sous les numéros 301 à 309, 321 et 323, on conserve au môme musée divers fragments que l’on croit
avoir fait partie d’autres métopes du Parthénon.
4. Voyages et recherches dans la Grèce, p. 171.
5. La note inscrite, en 1690, aux registres du Musée porte : « Deux têtes de marbre qui ont été
autrefois dans le temple de Diane, à Éphèse , envoyées d'Athènes par le capitaine Hartmand ,
l’an 1088. » ,
Il ne faut pas s’arrêter à cette indication inventée par un rédacteur ignorant. Dès cette époque
remplacement même du temple d’Éphèse était un problème, et il n’est guère probable que des
sculptures en provenant eussent pu se trouver à Afbènes.
118
ATHÈNES.
inégal; dans toutes on trouve une connaissance remarquable du corps
humain , mais dans la plupart on chercherait vainement la beauté idéale
de l’art arrivé à son apogée. Toutes ont conservé le cachet réaliste de
l’école archaïque, et, seules parmi les sculptures du Parthénon, elles
rappellent les marbres du temple d’Égine^.
Phidias, pour suffire aux innombrables et gigantesques travaux du
Parthénon, dut appeler à lui tous les sculpteurs capables de le seconder.
Les métopes, moins importantes que les sculptures des frontons, placées
plus haut que la frise du portique et ne demandant pas la même homo¬
généité, séparées qu’elles étaient les unes des autres par les triglyphes,
ne présentant d’ailleurs que des sujets simples, peu compliqués, pou¬
vaient surtout être confiées à des mains différentes et plus ou moins
habiles. Isolées au milieu des ornements saillants et secs de l’architec¬
ture, elles pouvaient aussi, avec moins d’inconvénient, présenter quelques-
unes de ces formes anguleuses, reste du style de l’ancienne école,
à laquelle Phidias put ainsi emprunter soit des artistes d’un talent déjà
formé, soit aussi quelques-uns de leurs élèves influencés déjà par la
nouvelle manière. Nous croirions diffi(iilement pouvoir, avecM.de Glarac^,
attribuer quelques métopes à Alcamène, par la seule raison que, dans
le fronton du temple de Jupiter à Olympie, il avait sculpté un Centaure
voulant enlej^er une jeune fille Si d’ailleurs, comme nous le croyons,
les figures du fronton occidental sont dues au ciseau d’ Alcamène, la
comparaison seule de ces sculptures avec les métopes suffit pour réfuter
cette opinion.
Frise. La suite de sculptures la plus considérable du Parthénon est
ce qui reste encore, soit sur place, soit dans les musées, de la frise ^ qui
décorait la partie supérieure du mur de la cella à 13 mètres environ du
sol, sous le portique. Cette frise, qui régnait sans interruption tout autour
du temple, a 1“',425 de hauteur, sur une longueur qui n’était pas moindre
1. Aujourd’hui à la Glyptothèque de Munich.
2. Description du Musée des antiques du Louvre.
3. Pausanias. Élid. L. I, c. 10.
4. Les Grecs donnaient à la frise le nom de îlwocpopoç, porte-animaux , parce que, "suivant une
tradition orientale, les sculptures des frises des plus anciens monuments étaient composées de suites
d’animaux. Les Latins avaient emprunté ce mot, et on trouve dans Vitruve zophorus , employé dans
ce sens.
FRISE DU PARTIIÉNON.
119
de 159"’, 80. M. Brôndsted évalue à 320 le nombre des figures quelle
devait contenir et dont les groupes variés représentaient la grande fête
des Panathénées.
Ces fêtes en l’honneur de Minerve ou Athéna, établies vers l’an 1496
avant Jésus-Christ par Érichthonius ^ , sous le nom à' Athénées, lôvivaia,
furent renouvelées en 1313 par Thésée , qui leur donna celui de Pana¬
thénées, navaOrivaia [Athénées universelles), après qu’il eut réuni en une
seule cité tous les peuples des dè?nes de l’Attique^. Ces fêtes, les plus
importantes de toutes celles qui se célébraient à Athènes, ne duraient dans
le principe qu’un seul jour, mais plus tard on ajouta deux autres journées.
Il y avait les petites et les grandes Panathénées : les petites, yixpà nava-
6-/ivaia, avaient lieu tous les trois ans, le vingtième ou vingt et unième jour
du mois de Thargélion (mai^) ; les grandes, [xsyaXa üavaG-^'vaia, ne reve¬
naient que tous les cinq ans au deuxième jour du mois d’Hécatombéon
(juillet'^) . A cette époque on distribuait des couronnes d’or aux citoyens
qui avaient bien mérité de la République, et les prisonniers obtenaient
une liberté provisoire.
La principale cérémonie des grandes Panathénées consistait à con-
1. « Érichthonius, le premier, célébra les Panathénées et attela un char. »
IsTER. Atthid. III, 7.
2. « Theseus appela tout le corps de la ville ensemble Athènes; puis institua la feste générale et
le sacrifice cômun appelé Panatlienea. » Plctarqüe. Thésée.
3. Haepocration et Suidas. In verb. IlavaSi^vata.
4. Nous profitons de cette occasion pour donner dans leur ordre la liste des mois athéniens que
nous aurons souvent occasion de citer dans le courant de cet ouvrage, faisant remarquer toutefois
qu’ils ne répondent pas rigoureusement aux nôtres :
Hécatombéon ,
'ExaTop.paiwv,
juillet.
Métagitnion ,
MsxaYeiTviwv,
août.
Boédromion ,
Boïiôpop-twv,
septembre.
Memactérion ,
Matp.axTYiptd)v,
octobre.
Pyanepsion ,
nuaveij^iwv.
novembre.
Posidéon,
lloffeiôewv,
décembre.
Gamélion,
rap.ifi>.UiOv,
janvier.
Anthestérion ,
’Avôsçripiwv,
février.
Elaphébolion ,
’E),açriPo>,iwv,
mars.
Munychion ,
Moovuytwv,
avril.
Thargélion ,
OapYri),tMv,
mai.
Scirophorion ,
Sxippoçoptwv,
juin.
120
ATHÈNES.
sacrer à Minerve un vêtement de couleur jaune et non pas blanche,
comme l’ont avancé quelques auteurs, nommé pépins, -Kiiékoç^, sur
lequel les prêtresses, aidées de deux jeunes filles âgées seulement de sept
à onze ans, les Arréphores, Àpp-/i(po(poi, avaient brodé, outre les images
des dieux protecteurs d’Athènes, les principales actions de la déesse,
celles de Jupiter^ et des héros fameux par leur valeur. De là l’expres¬
sion proverbiale de a^wi dignes du pépins^, appliquée aux
citoyens qui s’étaient distingués dans les combats et avaient bien mérité
de la patrie. Le pépins cjui devait, jusqu’aux Panathénées suivantes, orner
l’antique simulacre de la déesse conservé dans le temple de Minerve
Poliade, était porté suspendu au mât d’un vaisseau mû sur terre par un
mécanisme caché
La procession se composait de personnes des deux sexes et de tout
âge ; elle était dirigée par des vieillards et des femmes âgées portant
des branches d’olivier et appelés Thallophores, ©aXXoçopot, porteurs de
1. De couleur de safran, xpôxivoç, ainsi que le dit Euripide [Hécube, v. 408).
2. Nequenisi qxdnto anno quoque passe invisere
Urbem, atque extemplo inde, ut speetavisset péplum
Rus rursurn confestim exigi solitum a pâtre.
Plaute. Mereator. Acte sc. U®, v. 66.
« Il ne lui était permis de venir à la ville qu'une fois tous les cinq ans, et il n’avait pas plus tôt vu le péplus sacré
que son père le ïenvoyait à la campagne. »
* Sed nuxgno intexens, si fas est dicere, peplo
Qualis Erechtheis olim portatur Aihenis
Débita quum castæ solvuntur vota Minervœ.
Virgile, h' Aigrette [Ciris], v. 21.
« Mais s’enveloppant, s’il est permis de le dire, dans un large péplus tel que celui qui était porté autrefois dans
la ville d’Ereclithée, quand tous payaient la dette sacrée de leurs vœux à la chaste Minerve. »
3. « Dans la ville de Pallas, sur le voile à la couleur de safran de Minerve au beau char, repré¬
senterai-je l’attelage de ses coursiers sur un tissu nuancé des plus riches couleurs, ou la race des
Titans que Jupiter, fils de Saturne, a foudroyés de ses flammes étincelantes. »
Euripide. Hécube, v. 468,
« Les Athéniens arrestèrent en côseil de ville, qu’au voile ou bannière sacrée en laquelle estoyent
les images des dieux, patrons et protecteurs de la ville, pourtraits de broderie, on y feroit encore
pourtraire les figures d’Antigonus et de Démétrius... mais les dieux monstrèrent par plusieurs signes
et présages qu’ils en estoyent offensez : car la bannière en laquelle, comme il ailoit esté ordonné, on
auoit fait pourtraire les images d’Antigonus et de Démétrius auec celles de Jupiter et de Minerve,
ainsi côme on la portoit en procession par la rue du Céramique, il se leua un orage et tourbillon de
vent si impétueux, qu’il la deschira en deux par le milieu. » Plutarque. Vie de Démétrius.
Cf. Diodore de Sicile. L. XX, § 46.
4. « Gloire à nos pères! Ils furent dignes de leur patrie et des honneurs du péplus. »
Aristoph. Les Chevaliers., v. 563.
5. Harpocr. In neu),. HÉi.ion. Æthiop. L. I. Philostrate. In Sophist. L. II.
FRISE DU PARTIIÉNON.
121
liranches^; venaient ensuite des citoyens armés 2, suivis des étrangers
établis à Athènes, les Métœques, Mstoix-oi vêtus de rouge, portant de
petits vaisseaux, emblèmes de leur origine étrangère, remplis d’eau et
de mieH; on les surnommait pour cela Scaphéphores, 2/4a(p-/i<popoi
porteurs de nefs. A la frise du Parthénon, ce ne sont que des espèces
d’auges. Leurs femmes étaient nommées Ilydriaphores , t(^pia(popot®,
parce qu’elles portaient des vases remplis d’eau. De jeunes garçons
couronnés de millet chantaient des hymnes en l’honneur de la déesse ^ ;
de jeunes vierges, choisies parmi les premières familles d’Athènes les
1. IIesych. In (r)a/),09.
On choisissait, pour remplir les fonctions de thallophores, « les plus beaux vieillards, comme pour
déclarer cfue la beauté est de tous les âges » (Xékophon. Sympos.), ce qui n’empôcba pas ce titre de
devenir, dans le langage familier, synonyme de ganache, vieille bête; c’est en ce sens que ce mot
est employé par Aristophane dans sa comédie des Guêpes. « La troupe des vieillards, dit-il, ne
servirait plus de rien ; nous serions tournés en ridicule dans les rues, et appelés partout thallophores
et sacs à procès. »
2. (( Harmodius et Ai’istogiton arrêtèrent leurs mesures avec leurs complices, et attendirent les
grandes Panathénées, le seul jour où les citoyens qui devaient former le cortège pussent se rassem¬
bler en armes sans donner lieu au soupçon. » Thucydide. L. VI, c. 56.
3. Msxà, avec; olxoç, maison.
Les métœques, admis par l’Aréopage et inscrits sur un registre public, jouissaient d’une partie des
privilèges de la cité, moyennant un impôt qui frappait le sixième de leur revenu. Hercule, admis au
ciel, où il n’était pas né, dit, en s’adressant à Jupiter: « Pour moi, mon père, quoique je ne sois
qu'un métœque, je n’hésiterai pas cependant à dire mon avis. » Lucien. Jupiter tragique.
« Quand un esclave était affranchi, il ne passait pas dans la classe des citoyens, mais dans celle
des domiciliés (des métœques), qui tenait à cette dernière par la liberté et à celle des esclaves
par le peu de considération dont elle jouissait. » Badthéuemy. Voy. d'Anach. G. VL
Les métœques, comme les autres Athéniens, étaient appelés à prendre part aux expéditions mili¬
taires. « A la fin de ce même été, dit Thucydide (L. II, § 31), les Athéniens en masse, citoyens et
métœques, envahirent la Mégaride, sous le commandement de Périclès, fils de Xanthippe. »
Xénophon {Revenus. C. II) blâme cet usage. « L’État est mieux servi, dit-il, quand les citoyens
tout seuls sont sous les armes, que quand on confond, comme aujourd’hui, dans une armée. Lydiens,
Phrygiens et Syriens, et autres barbares de toute espèce; car voilà quels sont la plupart des
métœques. »
4. Ælien. Hist. div. L. VI, c. 1.
5. Sxàcpy), barque. Hesych. Lexicon, verb. Sxâcp.
6. "Tôwp, eau.
7. Héliod. Æthiop. L. L
8. Il n’y avait pas que les Panathénées où figurassent les canéphores. Une insulte faite, dans une
autre cérémonie, à la sœur d’Harmodius, fut la cause première de la chute des Pisistratides. » Hip-
parque, dit Thucydide, voyant ses avances repoussées par Harmodius, lui fit, comme il en avait
formé le projet, un cruel outrage. On invita sa jeune sœur à porter la corbeille dans une solennité,
puis on la chassa en prétextant qu’on ne l’avait pas môme invitée, vu son indignité. Harmodius
supporta impatiemment cet affront, et Aristogiton en fut encore plus indigné que lui. »
L. VI, c. ,50.
Cf. Æuten. Rist. div. L. XT, c. 8.
122
ATHÈNES.
Canéphores, Kav/içopoL portaient dans des corbeilles tous les objets
nécessaires au sacrifice. Ces objets étaient sous la garde spéciale de
l’une d’entre elles, revêtue du titre d' Archithéore, Àp/iÔ£wpoç 2. Derrière
les Canéphores , des sièges et des parasols ^ étaient portés par les
DiphrophoreSj, Aeppoçopoi ^ (porteuses de sièges) , filles des métœques^;
Frise du Parthénon.
et des sacrificateurs, ©uvai, popœ, conduisaient des victimes. Enfin, la
•1. De xàvYiç, corbeille. Hesych. et Harpocr. au mot Kavriç.
Ce fut en la voyant figurer parmi les autres canéphores que Mercure devint amoureux d’Hersé,
l’une des filles de Cécrops :
Ilia forte die, castœ de more puellœ,
Verlice supposito (estas in Patladis arces
Para coronatis portabant sacra canistris.
Ovide. Métam. L. II, v. 711.
« Ce jour-là, suivant l'antique usage, de chastes vierges portaient sur leurs têtes, au temple de Pallas, paré pour
la solennité, les objets sacrés dans des corbeilles couronnées de fleurs. »
Les canéphores portaient parfois au cou des colliers de figues sèches; on les trouve ainsi repré¬
sentées sur plusieurs monuments antiques, et nous avons un témoignage écrit de cette coutume dans
Aristophane :
« Devenue une belle fille, je fus canéphore, et je portai le collier de figues. » Lysistrate, v. 047.
2. ’Ap5(à?, chef; ÔswpCa, cérémonie.
3. Prométhée. « Donne-moi le parasol; si Jupiter m’aperçoit d’en haut, il croira que je marche à la
suite d’une canéphore. »
PisTHETERus. « Tiens, prends aussi cette escabelle. » Aristoph. Oiseaux, v. 1550.
4. Afçpoç, siège.
K Où est la diphrophore? » Aristoph. Les Harangueuses.
5. « Les Athéniens obligeaient les filles des habitants nouvellement établis chez eux à suivre les
leurs dans les pompes sacrées, avec un parasol pour les garantir du soleil ; les femmes à faire le même
service auprès des femmes athéniennes, et les hommes à y porler des vases. »
Æuen. Hist. div. L. VI, c. 1.
FRISE DU PARTI! ÉNON.
123
marche était fermée par des enfants richement parés nommés Panda-
raiqueSf nav^a[;-ix-ol.
Un édifice spécial, le Pompeion, nopt-xeiov, situé au pied et à l’ouest
de l’Aréopage, était consacré au dépôt de tous les objets qui servaient
aux pompes sacrées. « En entrant dans la ville, dit Pausanias, vous
trouverez un édifice pour l’appareil des pompes religieuses qui se font,
les unes tous les ans, les autres à des époques plus éloignées, » mais
c’était dans le Céramique extérieur^ que se faisaient les préparatifs des
cérémonies, sous la direction des Nomophy laques, WopcpuXaxsç, chargés
de maintenir l’exécution rigoureuse de tous les rites consacrés par l’usage.
Outre la procession, la fête des Panathénées donnait lieu à des
combats d’athlètes, à des exercices gymnastiques, Eùav^piaç àywv 2, qui
avaient lieu dans le stade panathénaïque, au bord de l’Ilissus; à des
courses à pied, les Lampadodromies, Aa[ji.7uar^o^po[x(ai, et Lampadophories,
AafXTCa^o^optai , où chaque coureur tenait à la main une torche qu’il
devait conserver allumée^, courses cjui, plus tard, furent remplacées
par des courses équestres; à des concours de musique, de chant, de
poésie lyrique ^ ou dramatique ^ , dont les prix étaient une couronne
d’olivier et un vase d’huile; enfin, à une danse, Ha pyrrhique, qui repré¬
sentait le combat de Minerve contre les Titans On avait soin aussi
d’entretenir des rapsodes pour chanter les poésies d’Homère dans ces
occasions solennelles Les cérémonies se terminaient par un sacrifice
1. « La fête (des Panathénées) arrivée, Hippias, entouré de ses gardes, se rendit hors la ville, sur
une place nommée Céramique, pour régler dans tous ses détails la marche du cortège. »
Thccvuide. L. VI, c. 57.
2. XÉNOPH. Sympos. Démosth. De coronâ.
3. « XÉNOPH. Symp. Athén. Deipn. L. IV.
« Conte plutôt que tu courus sans laisser éteindre la torche. » Aristoph. Les Guêpes.
4. « Ce combat poétique avait été institué par Périclès. Le sujet proposé était l’éloge d’Harmodius,
d’Aristogiton et de Thrasybule, dont le courage avait délivré la patrie des tyrans qui l’opprimaient. »
Philostr. Vit. Apoll. L. VII, c. 4.
5. Les pièces de théâtre représentées étaient au nombre de quatre , ce qui avait fait donner à ce
concours le nom de TCTpa).oyta.
6. Aristophane. Les Nuées, v. 084.
7. « Hipparque fut le premier qui apporta à Athènes les poëmes d’Homère et qui obligea les rap¬
sodes à les chanter aux Panathénées. » Ælien. Hist. div. L. VIII, c. 2.
Il est vrai qu’ailleurs (L. XIII, c. 14) le môme auteur dit que les poésies d’Homère furent rassem¬
blées par Pisistrate, qui en forma Y Iliade et YOdyssée.
Suivant Diogène Laërce, Solon fut le premier qui fit chanter les vers d’Homère dans les fêtes
publiques.
124
ATHÈNES.
auquel chacune des tribus d’Athènes contribuait en fournissant un bœuf,
et la chair des victimes était distribuée dans un banquet public à
l’assemblée entière^.
Revenons à la frise du Parthénon, dont cette digression, que nous
avons crue nécessaire, nous a écarté un moment. Les sculptures de la
frise ont, comme nous l’avons dit, très -peu de relief, ce qui était
admirablement calculé pour permettre de les voir d’en bas et sans se
reculer beaucoup, ainsi que l’exigeait leur position sous un portique
assez étroit. Stuart et Revett dessinèrent une partie considérable de ce
qui existait encore de leur temps (1751-1753). Un fragment, déjà
séparé du monument, fut apporté en France par M. de Gboiseul. A son
tour, lord Elgin détacha une grande suite d’environ 77 mètres de long,
et la transporta à Londres. Dans cette frise, des harnais, des armes et
divers autres ornements étaient en métal , et on reconnaît encore facile¬
ment les trous des crampons qui servaient à les attacher. Ce n’était
pas le seul genre de décoration appliqué à ces sculptures; beaucoup de
parties avaient été rehaussées de peintures dont on retrouve encore des
traces, et, si l’on en croit M. Penrose, la composition tout entière se
détachait sur un fond bleu
Nous avons déjà dit, à propos de l’escalier des Propylées, que dans
cette vaste composition il ne fallait pas voir seulement une représenta¬
tion matérielle de la cérémonie des Panathénées. La présence des dieux,
des demi-dieux, des héros, celle d’Aglaure, de Pandrose et d’Hersé,
celle enfin des chars, qui, ainsi que nous croyons l’avoir démontré,
ne pouvaient arriver au sommet de l’Acropole, certains détails intimes
qui, évidemment, ne pouvaient appartenir à la scène qui se passait en
public, suffiraient pour faire comprendre que l’artiste s’est souvent livré
à son imagination, et que cherchant, avant toutes choses, à introduire
dans sa vaste composition la variété qui devait en faire le charme, il
ne s’est guère préoccupé de la pensée de transmettre aux siècles futurs
des renseignements précis sur la pompe des Panathénées, thème brillant
sur lequel son ciseau avait brodé les plus riches variations. « La com¬
position même, dit M. Beulé, ne retrace pas, comme on l’a dit souvent.
1. « Quand, dans la fête des Panathénées, tu t’es gorgé de viande . »
AniSTOPii. Les Nuées, v. 3S.o.
2. Principles of Athenian architecture.
FRISE DU PARTHÉNÜN.
123
la seule procession des Panathénées. C’est l’ensemble de ces fêtes
solennelles, depuis les cérémonies secrètes qui se célébraient la nuit
dans le temple de Minerve Poliade, jusqu’aux courses de chars et de
chevaux dont les bords de l’Ilissus étaient le' théâtre. Ici les dieux
assistent au triomphe de Minerve; là les jeunes Athéniens se préparent
et revêtent leur costume dans le Céramique ou dans le Gymnase. Leurs
esclaves amènent leurs chevaux, les brident, les caressent. Par un
enchaînement habile, les principales scènes sont réunies malgré la diffé¬
rence du lieu et des temps. La disposition même de ia frise aide l’artiste
à leur donner l’unité et une impulsion commune^. »
Si les divinités avaient été réunies à la façade du Parthénon, les détails
familiers avaient été réservés pour la frise qui, à l’occident, surmontait
la porte de l’opisthodome , partie moins sacrée du temple. « On dirait-
les coulisses d’un théâtre , et nous assistons aux préparatifs de la toilette
des acteurs. Quelques jeunes Athéniens déjà montés essayent leurs
chevaux et vont rejoindre le gros de la marche cpii court sur le coté du
nord. D’autres se font amener leurs coursiers, contiennent leur fougue ,
les brident, les caressent. Quelques-uns se parent pour la fête en cau¬
sant avec leurs compagnons. Il y a même des détails d’une intimité et
d’un naturel qui montrent un art bien sûr de lui -même. Un Athénien
passe sa tunique de la même manière cpie nous passons nos chemises ^ ,
1. Beülé. Acropole. T. II, p. 140.
2. Dans une mosaïque provenant de la maison du poêle, à Pompéi, et représentant une répétition
théâtrale, on retrouve une figure qui a la plus grande analogie avec celle du Parthénon.
IJerculanum et Pompéi. T. V, mosaïque 30.
Dans la frise du Parthénon, près de l’Athénien passant sa tunique, il en est un autre attachant
ses sandales.
!26
ATHÈNES.
et, plus loin, un cheval laissé libre chasse d’un mouvement de tête les
mouches qui lui piquent la jambe »
Si nous avons transcrit ces passages si animés du savant monographe
de l’Acropole, c’est que cette partie de la frise du Parthénon est juste¬
ment celle qui est encore en place presque tout entière; un seul
morceau est passé au Musée Britannique ^ ; il représente deux cavaliers ;
celui qui marche devant semble inviter son compagnon à presser le pas.
Des soixante-neuf autres morceaux que possède le même musée , six
appartenaient à la frise orientale. C’est sur deux de ces fragments que
se trouvent les dieux, les demi-dieux et les héros, parmi lesquels on
croit reconnaître Jupiter, Junon, Esculape, Hygie, Castor et Pollux,
Cérès et Triptolème, etc. Sur un troisième morceau, disparu depuis
longtemps, devaient se trouver quatre autres divinités. Quelques-uns
de ces marbres ont été complétés d’après des moulages antérieurs à
leur enlèvement par lord Elgin^; vingt-deux marbres plus ou moins
complets appartiennent à la frise du nord"^, et trente-neuf à la frise
du sud^; ce sont ceux qui représentent plus spécialement les diffé¬
rents personnages à pied ou à cheval figurant dans la procession.
Le morceau de la frise qui, du cabinet de M. de Choiseul, est passé
i. Beulé. Acropole d'Athènes. T. II, p. 160.
‘2. Elgin Saloon, n» 47.
3. Ibid., n®* 17, 18, 19, 21, 22 et2i.
4. Ibid., 25 à 46.
5. Ibid-, n'” 62 à 90.
M [NEUVE DU FARTHÉNON.
1^27
au Musée du Louvre , appartenait à la façade orientale. Il comprend
sept figures de jeunes vierges athéniennes sur le point d’entrer dans le
temple et de remettre aux Archithéores et aux N omophy laques, directeurs
de la cérémonie, les instruments des sacrifices qu’ils avaient portés
dans leur marche religieuse
Nous décrirons plus loin les quatorze fragments plus ou moins
complets restés à Athènes et déposés dans l’opisthodome du Parthénon.
Il est facile de se convaincre, par l’examen de la frise qui nous
occupe, que la composition formait un tout homogène qui dut être conçu
tout d’un jet, et par un seul artiste, et cet artiste ne put être autre que
Phidias. Quant à l’exécution, qui, aussi bien que celle des métopes, est
d’un mérite fort inégal , elle ne tient plus en rien du style archaïque et
doit être attribuée tout entière à l’école de Phidias. Peut-être même le
maître a-t-il mis la main à quelques-unes des figures les plus parfaites,
de même que Raphaël a retracé de son divin pinceau deux des cin¬
quante-six compositions sacrées dont son génie a enrichi les loges du
Vatican. Terminons cet examen par une remarque importante que nous
emprunterons encore à l’excellent ouvrage de M. Beulé. « Les prédéces¬
seurs de Phidias avaient décoré les temples de sculptures à haut relief
qui n’étaient qu’une imitation de la nature. On dirait des statues en
ronde bosse coupées par la moitié et appliquées sur un fond uni. Telles
sont les sculptures du temple de Thésée, telles sont celles de la
Victoire sans ailes, telles sont les métopes du Parthénon. Phidias fut
proprement l’inventeur du bas-relief. Il sut avec une légère saillie
donner aux surfaces et aux plans leur valeur apparente. La science
de la perspective et le sentiment personnel l’aidèrent à produire cette
illusion 2. ))
Minerve. Enfin, il nous reste à mentionner le chef-d’œuvre de
Phidias, la fameuse statue de Minerve, placée autrefois dans le sanc¬
tuaire, sur le piédestal L , et que malheureusement nous ne connaissons
que par la description que nous en ont laissée les auteurs grecs et
latins. Cette statue, qui, au dire de Pline, avait 26 coudées (11"’, 70)
de haut, et, en y comprenant le piédestal, au moins 15 mètres, choque
1. Comte de Glarac. Description du Mu^éedes antiques du Louvre, n” 82.
2. Beulé. Acropole d’Athènes. T. II, p. 164.
^28 ATHÈNES.
par sa grandeur toutes nos idées de proportion, puisque la lance de la
déesse devait presque atteindre les caissons du plafond; mais on sait
que les Égyptiens ne comprirent jamais la puissance séparée de la
grandeur matérielle, et les Grecs, à Athènes comme à Olympie, ont
prouvé ciu’ils n’avaient pas encore renoncé à la tradition apportée par
Cécrops.
La Minerve du Parthénon était d’or et d’ivoire et les ornements faits
de la première de ces matières ne pesaient pas moins de liO talents d’or
(3 millions de francs 2) . Les chairs seules étaient d’ivoire ; les vêtements
d’or de diverses couleurs étaient en outre rehaussés de peintures légères
par Paninus, frère ou cousin de Phidias, qui paraît avoir également
exécuté toutes les décorations peintes des autres ouvrages du grand
sculpteur. 'Une légère teinte était passée sur l’ivoire lui-même pour
adoucir et rendre harmonieuse sa blancheur qui eût été trop éclatante 3.
1. Les matières précieuses qui composaient les statues chryséléphantines (xpuffô;, or; eXÉça;,
ivoire) étaient assemblées par une armature en fer et en bois à laquelle Lucien fait souvent allusion.
« Les plus magnifiques de ces dieux sont d’ivoire, relevé d'un peu d’or qui leur donne de l’éclat et
de la couleur; mais, à l’intérieur, ils sont de bois, et recèlent de nombreux troupeaux de rats qui y
ont établi leur république. » Jupiter tragique.
« Lorsque j’étais roi et que tout le monde enviait mon sort, je me comparais à vos statues colos¬
sales, chefs-d’œuvre de Phidias, de Myron et de Praxitèle. Au dehors, c’est Neptune, le trident à la
main- c’est Jupiter, tout brillant d’or et d’ivoire, armé de foudres et d’éclairs; mais regarde au
dedans ; des leviers, des coins, des barres de fer, des clous qui traversent la machine de part en
part, des chevilles, de la poix, de la poussière et d’autres choses aussi choquantes à la vue, voilà ce
que tu y trouveras, sans parler encore d’une infinité de mouches et de musaraignes qui y établirent
leur république. Telle est à peu près la royauté. » Le Songe ou le Coq.
2. « Périclès établit qu’aux ornements d’or de la déesse il y avait 40 talents pesant d’or pur, et
que la totalité pouvait se détacher. Cependant il ajoutait que, si l’on en faisait usage pour le salut
public, il faudrait plus tard le remplacer par un poids égal. » r tt i o
* ’ iHUCYDIDE. L. Il, C. 13.
« Thucydide dit 40 talents; d’autres auteurs disent 44; d’autres enfin 50. Je m’en rapporte au
témoignage de Thucydide. Eu supposant que, de son temps, la proportion de l’or à l’argent était de
1 à 13 comme elle l’était du temps d’Hérodote, les 40 talents donneraient 520 talents d’argent, qui,
à 5,400 livres le talent, formeraient un total de 2,808,000 livres. Mais comme, au siècle de Périclès,
la dragme valait au moins 19 sous, et le talent 5,700 livres, les 40 talents dont il s’agit valaient au
moins 2,904,000 livres. » B.vuthélemy. Voy. d’Anach. T. II, note 11.
Une inscription trouvée, en 1857, dans les fouilles de l’Odéon semble se rapporter à la dépense
faite pour l’achat de l’or et de l’ivoire de la Minerve de Phidias , dépense qui aurait eu lieu dans
l’année où les fonctions de gardien du trésor de la déesse étaient remplies par Cratès, fils de Naupon,
du bourg de Lambrée, Kpàxriç NauTtovo; ô Aap.up£Ùç.
3. Cet usage de peindre les sculptures était général. Praxitèle ne voulait laisser voir aucune de ses
statues avant qu’elles eussent été peintes par Nicias. H est bien entendu que les anciens n em¬
ployaient la peinture que sobrement et par teintes légères,- et non pas à la manière des sculpteurs du
moyen âge.
.MFiNKRVK DU PART H K N ON.
1^0
U Minerve, dit Pausanias est debout, avec une tunique qui lui
descend jusqu’aux pieds. Sur sa poitrine est une tête de Méduse en
ivoire. Elle tient d’une main une Victoire-, qui a quatre coudées environ
de haut, et de l’autre une pique; son bouclier est posé à ses pieds, et
près de la pique est un serpent qui représente peut-être Érichthonius.
La naissance de Pandore est sculptée sur le piédestal de la statue. »
« La Minerve d’Athènes, dit à son tour Pline a 26 coudées ; elle
est d’ivoire et d’or. Sur la surface convexe du bouclier de la déesse,
Phidias a gravé le combat des Amazones; sur la partie concave, la
bataille des dieux et des géants; sur les semelles, celle des Lapithes
et des Centaures; tant avec lui l’art se logeait dans les plus petits
espaces. 11 a nommé Naissance de Pandore ce qu’il a gravé sur la base;
là sont vingt dieux naissants. La Victoire surtout est admirable. Les
connaisseurs admirent aussi le serpent, et sous la lance même le sphinx
d’airain. »
Nous lisons dans Maxime de Tyr^ : u La Minerve de Phidias n’est
pas inférieure au type qu’Ilonière décrit dans ses vers ; c’est une belle
vierge aux yeux glauques 5, à la taille élevée, ceinte de l’égide, cas¬
quée, tenant la lance et le bouclier. »
<( J’ai vu, ajoute Apulée sur le bouclier de la Minerve qui préside à
la citadelle d’Athènes, ce Phidias* que la tradition nous présente comme
un habile sculpteur; il s’est figuré de telle sorte que, si l’on voulait
retrancher son image du bouclier, l’ensemble serait détruit, et l’œuvre
entièrement perdue. »
(( Enfin, dit Plutarque Phidias s’était représenté sous les traits d’un
vieillard chauve qui soulève une pierre des deux mains; il y ajouta un
portrait admirable de Périclès combattant une Amazone. Dans cette der-
1. Attic. C. XXIV.
2. « La Minerve de Phidias, une fois que sa main étendue a reçu la Victoire, reste ainsi pendant
tout le cours des siècles. » Arrien. Épict. diatrib. II, 8.
3. Hist. nat. L. XXXVI, 4.
4. Dissert. 14.
5. La prunelle des yeux était faite de pierres précieuses rapportées (Platon, le Grand Ilippias,
dial.). M. le duc de Luynes pense que cette pierre était une agate saphirine qui, en effet, eût bien
répondu à l’épithète de Minerve aux yeux bleus, yXaoxwTri; ’A0/iv5t.
6. Traité du Monde.
7. Vie de Périclès.
130
ATHÈNES.
nière figure, la main lançant un javelot était placée avec tant d’habileté
qu’elle cachait une partie du visage, mais qu’on en voyait encore assez
des deux côtés pour que la ressemblance fut évidente. »
Les Athéniens n’eussent pas souffert qu’on inscrivît sur la statue le
nom de son auteur, non plus que celui de Périclès qui l’avait fait faire,
et Phidias avait trouvé ce moyen ingénieux d’éluder la défense fai¬
sant même, comme nous venons de le voir, de son propre portrait
la cheville ouvrière du colosse entier, afin qu’il ne pût jamais en être
détaché.
Nous verrons au temple de Thésée une statuette dans laquelle
M.-Ch. Lenormant a cru reconnaître une réminiscence de la Minerve
du Parthénon. Ce colosse figure sur un beau tétradrachme qui appar¬
tient à la plus brillante époque de l’art athénien.
La Minerve de Phidias fut placée dans le Parthénon la première
année de la 85® olympiade (Û38 ans avant Jésus-Christ), sous l’archontat
de Théodore. Cent trente ans après, l’or en fut pillé par le tyran
Lacharès, qui enleva le manteau de la déesse et le remplaça par un
manteau d’étoffe, disant qu’il serait plus léger pour l’été et plus chaud
pour l’hiver.
Chandler croit que la statue fut détruite définitivement vers l’an hOO
avant Jésus-Christ, par les Visigoths, conduits par Alaric. Il est vrai
que, si l’on en croyait Zosime, Alaric marchant contre Athènes aurait
aperçu Minerve armée sur les créneaux, et Achille debout devant les
remparts de l’Acropole, et, effrayé par ces apparitions, aurait renoncé
à son entreprise et traité avec les Athéniens. Mais toute cette histoire,
1. « Les artistes veulent être célébrés après leur mort. N’est-ce pas pour cette raison que Phidias
plaça son portrait sur le bouclier de Minerve, parce qu’il ne lui était pas permis d’y inscrire son
nom? » Cicéron. Tuscul, I, 15.
MINERVE DU PARTHÉNON.
131
dit avec raison Chandler^, n’est que le dire d’un païen zélé pour ses divi¬
nités, qui cherche à les soutenir dans leur proscription et même à relever
leur crédit anéanti. 11 est au contraire prouvé qu’ Athènes eut, ainsi que
les autres villes de la Grèce, beaucoup à souffrir de la part de ce
conquérant féroce; et tout porte à croire que l’idole puissante et révérée
de Minerve fut alors enveloppée dans la dévastation générale qui fit
main basse sur toutes les statues sans distinction, comme sans examiner
si elles étaient descendues du ciel ou si elles étaient l’ouvrage de
Phidias. »
En tout cas, si l’assertion de Zosime devait être acceptée, la Minerve
qui, du haut des remparts, fut apparue aux regards épouvantés
d’Alaric n’eût point été celle du Parthénon, mais un autre colosse de
Phidias, la Minerve Promachos, qui, en effet, était visible du dehors, \
élevée qu’elle était sur un énorme piédestal dont nous retrouverons les
restes.
M. Beulé ne partage pas l’opinion de Chandler; il pense au contraire
que la Minerve ne fut enlevée du Parthénon que par les chrétiens, sous
le règne de Justinien, et que probablement elle alla orner l’hippodrome
de Constantinople avec d’autres œuvres de Phidias, et faire pendant au
Jupiter Olympien
Si nous n’entrons pas dans de plus grands détails sur cette œuvre,
l’une des merveilles de l’antiquité, c’est que ce serait sortir de notre
cadre , qui n’embrasse que les monuments encore existants , au moins en
partie. Quant à la statuaire chryséléphantine en général, et à la Minerve
du Parthénon en particulier, on pourra consulter à leur sujet le magni¬
fique ouvrage de Quatremère de Quincy, le Jupiter Olympien, l’intéres¬
sant chapitre que M . Beulé a consacré à la statue de Phidias et voir
dans le Magasin pittoresque ^ le dessin et la description de la reproduc¬
tion qui en a été faite d’après les textes par M. Simart, aux frais et sur
les indications de M. le duc de Luynes, et qui a figuré à l’exposition
universelle de Paris en 1855.
1. Voyage en Grèce. T. II, p. 386.
2. Acropole d’Athènes. T. II, p. 193.
3. Ibid. T. II, c. 5.
4. T. XXIV, p. 41.
132
ATHKNKS.
PARTiiÉiXON DANS SON ÉTAT ACTUEL. Nous avoiis dit ce qu’avait été
le Parthénon de Phidias et d’Ictinus; voyons-le maintenant tel que nous
l’ont fait les ravages des siècles et surtout les injures des hommes tant
barbares que prétendus civilisés. N’est-il pas bien triste de penser que
la plus merveilleuse création de l’esprit humain était encore entière
après plus de 2000 ans, sauf une mutilation partielle qui lui avait été
infligée au nom de la religion chrétienne, quand du milieu d’une armée
italienne s’élança, à la fin du xviP siècle, la bombe fatale qui devait en
faire un monceau de décombres? N’est-il pas affreux de le voir mutiler
au commencement de ce siècle au nom de l’art même, et enfin de voir
presque compléter sa ruine vingt-cinq ans plus tard par les nouveaux
sièges que l’Acropole eut à soutenir pendant la guerre de l’indépen¬
dance? Notre seule consolation est de penser qu’aujourd’hui au moins
ce qui nous reste du Parthénon sera conservé à l’admiration des siècles.
Le gouvernement grec y veille avec la plus grande sollicitude, et la
mesure cjui ne permet à personne de pénétrer dans l’Acropole sans la
surveillance d’un gardien paraît donner toute sécurité pour l’avenir.
Nous avons vu que le Parthénon s’élevait sur un stylobate formé de
trois degrés de marbre; ces degrés subsistent encore dans leur entier.
Les huit colonnes de la face, orientale^ sont bien conservées; quatre
de leurs chapiteaux sont même presque intacts. L’architrave qu’ils por¬
taient avait été décorée de boucliers d’or que quelques auteurs ont
I . Planche III.
ÉTAT AC/rUKL DU PART II É NON.
prétendu avoir fait partie des dépouilles des Perses^; mais ces boucliers
d’or, n’ayant jamais pu être ce que nous nommerions aujourd’hui des
armes d’ordonnance, eussent nécessairement varié de grandeur, de forme,
de richesse et de travail, suivant le caprice des satrapes qui les possé¬
daient et le talent des artistes qui les avaient exécutés. Il eût donc été
difficile, pour no pas dire impossible, de trouver quatorze boucliers
absolument semblables pouvant figurer symétriquement à la façade du
temple. Peut-être pourrait-on admettre que ces boucliers avaient seule¬
ment été fabriqués avec for enlevé aux Perses; mais les guerres
médiques avaient pris fin plus de quarante ans avant la construction du
Parthénon, et il nous semble peu probable que non-seulement les bou¬
cliers, mais même l’or provenant du butin fait sur les Perses, aient
encore été sans emploi lorsque Périclès acheva le temple de Minerve.
Quelle que soit l’origine de cette riche décoration, son existence peut
encore être constatée aujourd’hui. Sur l’architrave on voit très-distinc¬
tement, au-dessous de chaque métope, la trace du cercle des boucliers
avec un trou rectangulaire au centre pour le scellement des crampons
qui les soutenaient. Ces boucliers, qui n’avaient jamais dû servir à un
autre usage et qui certainement avaient été fabriqués expressément pour
l’ornement du Parthénon , furent enlevés en l’an 308 avant Jésus-Christ,
par le tyran Lacharès , obligé de fuir et de renoncer à défendre plus
longtemps Athènes assiégée par Démétrius Poliorcète ^ , et furent pro¬
bablement remplacés depuis par des copies simplement de bronze doré,
comme l’indiquent les traces d’oxyde qui en dessinent les contours sur
le marbre.
1. « L’astre du jour, prêt à se plonger dans la mer, frappait de scs derniers rayons les colonnes
du temple de Minerve ; il faisait étinceler les boucliers des Perses, suspendus au fronton du portique,
el semblait animer avec la frise les admirables sculptures de Phidias. »
Chateai'briand. Les Martyrs.
L’illustre écrivain oublie qu’ailleui’s il a fait les sculptures du Parthénon contemporaines d’Adrien ;
i oublie surtout que la façade du Parthénon où se trouvaient les boucliers est tournée à l’est et non
pas au couchant.
2. « Lacharès, voyant la ville prise, s’enfuit dans la Béotie; comme il avait emporté les boucliers
d’or de l’Acropole, et dépouillé la statue de Minerve de tous les ornements qui pouvaient se déta¬
cher, on lui soupçonna de très-grandes richesses, et quelques habitants de Coronée le tuèrent pour
s’en emparer. » Paosamas. AU. C. XXV.
Ce dernier fait énoncé par Pansanias est une erreur; Lacharès survécut au moins quinze ans à la
prise d’Athènes.
434
ATHÈNES.
Au-dessous des triglyphes, au contraire, se trouvent irrégulièrement
disposés une foule de petits trous c[ui ont dû soutenir des lettres de
métal formant des inscriptions^.
A cette frise, les gouttes sont presque toutes conservées, ainsi que les
triglyphes, dont un seul, celui de l’angle sud-est, est endommagé dans
sa partie supérieure. Les métopes sont toutes en place, mais dans le
plus triste état et à peu près méconnaissables.
A la base du fronton il ne manque que trois blocs et demi ayant
formé chacun une mutule ; les autres sont bien conservés. Quant au
rampant du fronton, à peine en reste-t-il l’extrémité nord-est et un seul
fragment du rampant de gauche soutenu par de faibles portions du mur
de fond du tympan en avant desquelles on voit encore au midi deux
têtes de chevaux montant, et au nord une tête de cheval descendant.
En arrière de la façade, le pronaos ou prodromos D D s’élevait sur
deux degrés, le premier haut de 0"',30 et profond de 0"‘,38; le second
élevé de 0'‘‘,39, servant de stylobate. Des six colonnes qui le déco¬
raient, une seule, celle de l’angle sud-est, est restée debout, conservant
une partie de son chapiteau. Des cinq autres, l’avant-dernière à droite
n’existe plus et les autres ne conservent que deux ou trois assises. De
ce côte, par conséquent, il ne reste aucune trace de la frise. Sur ces
colonnes , aussi bien que sur un fragment tombé sur le sol en avant de
la façade, il est facile de constater les trous de scellement d’une grille
qui fermait jusqu’en haut les entre-colonnements. Ces colonnes parais¬
sent avoir été renversées à l’époque de la transformation du temple
en église, aussi bien que la muraille qui séparait le pronaos de la
cella.
Du côté septentrional, les degrés du soubassement portent de nom¬
breuses indications de scellements di'ex-voto. Le sol abaissé en avant
a mis à découvert les fondations du temple formées de gros blocs de
pierre du Pirée.
Voulant rendre accessible le troisième entre-colonnement E, à partir
de l’est, au lieu des marches supplémentaires intercalées à chaque degré
du soubassement comme à la façade orientale, on a creusé une marche
1. A.U côté septentrional du temple, on voit aussi sur l’architrave, au-dessous de chaque triglyphe,
trois trous disposés en triangle indiquant l’existence de quelque ornement dont il serait impossible
aujourd’hui de préciser la nature.
ÉTAT ACTUEL DU PARTHÉNON.
135
dans chaque degré. L’exécution grossière de ce travail indique qu’il ne
remonte qu’à l’époque chrétienne. Pour diminuer la besogne, on n’avait
pas entaillé la marche jusqu’à la moitié de 1 épaisseur du degre, de sorte
qu’à chacun des trois degrés la marche inférieure a environ 0'",30 de
hauteur, tandis cjue l’autre atteint à peine 0"', 18.
En haut de cet escalier, sur le stylobate, on voit les traces de scel¬
lement d’une grille; de cette circonstance on doit conclure, ce nous
semble, que les chrétiens avaient dù fermer par un mur plus ou moins
élevé les autres entre - colonnements ; car , sans cela , quel eût été
l’emploi d’une porte de chaque côté de laquelle on eût pu passer
librement.
Dans l’avant-dernier entre-colonnement, F, près de l’angle nord-
ouest, était une autre entrée latérale de l’église ; mais cette fois 1 escalier
avait dù être fait par addition de marches intercalées comme à la façade ;
le degré supérieur avait seul été entamé de 0"’,03 pour former seuil. On
y voit encore le trou d.i pivot de la porte qui n avait qu un battant,
sans doute de bois très-épais, à en juger par le trou qui n’a pas moins
de 0'", 09 de diamètre. Cette porte n’avait que i‘",30 de largeur.
Les trois premières colonnes du nord, à partir de l’angle nord-est,
sont restées en place , portant leur architrave et leur frise avec trois
métopes mutilées. Viennent ensuite deux colonnes indiquées seulement
par leur tambour inférieur, deux colonnes ciui ont été rétablies, mais
veuves de deux ou trois assises et de leurs chapiteaux. De la huitième
colonne, il ne reste que deux boisseaux. La neuvième a été relevée
tout entière avec son chapiteau, ainsi que la onzième; la dixième ne
se compose que de cinq assises; enfin les six dernières sont restées en
place avec leur architrave et leurs métopes mutilées. De la corniche, il
n’existe plus qu’une faible partie à chaque extrémité du temple, conser¬
vant quelques mutules, et les deux belles têtes de lion qui terminent les
rampants des frontons.
La façade occidentale est la mieux conservée dans sa partie supé¬
rieure, mais les fûts des colonnes portent partout les tristes et profonds
stigmates des boulets du siège de 1826. Un seul chapiteau est à peu près
intact; quatre métopes n’existent plus, et les autres, à l’exception
d’un cavalier sur la dernière à gauche, sont méconnaissables. La cor¬
niche est conservée en grande partie , ainsi que le mur du tympan et
136 ATHKNKS.
quelques parties du rampant du fronton. Au-dessus du second entre-
colonnement de gauche restent les deux figures mutilées que quelques
voyageurs ont bien voulu prendre pour Adrien et Sabine, mais qui, fai¬
sant partie de la composition de Phidias, n’ont jamais, comme nous
l’avons dit, représenté que Cécrops et sa fille Aglaure,
Façade oecideutale du Parlliénon.
L escalier A, grossièrement taillé dans les degrés du soubassement,
en avant des quatrième et cinquième entre-colonnements, à partir de
1 angle nord-ouest, date de la transformation du Parthénon , époque oii
le posticum devint le porche de l’église.
Sui les colonnes de la façade occidentale, M. Pittakis a fait une très-
curieuse découverte^; il y a reconnu de nombreuses inscriptions gravées
a la pointe. Parmi elles trois sont latines et. appartiennent au xv® siècle,
époque de la domination des ducs d’Athènes; une seule en italien men¬
tionne le passage d une comète ; nous en citerons une toute moderne en
langue française, foutes les autres inscriptions sont grecques et rem¬
plies d abréviations 2. Pour les dates, prises à partir de la création du
mondes on a employé les caractères alphabétiques.
1. Voy. ’E9Yi[j.£pl!; àpxatqXoyixv), livr. 43. 1850.
2. Ainsi, du mot Kupts, seigneur, on a écrit seulement la première et la dernière lettre, KE.
3. Atto xTiffewi; x6(7p,ou. Ces dates reportent la création du monde à 5508 ans avant Jésus-Christ,
suivant l’ère juive adoptée par les Grecs, et non pas à 4004 ans, comme le fait notre chronologie.
ÉTAT ACTUEL DU PAKTIIÉNON.
137
Ces inscriptions embrassent une période de sept siècles, depuis le
viU jusqu’au commencement du xiv“. Les lettres ont des formes diffé¬
rentes, selon l’époque à laquelle elles furent tracées; les plus anciennes
sont les plus simples; les plus modernes sont plus contournées, plus
ornées et beaucoup plus difficiles à lire.
4 la première époque appartient cette inscription :
+ M0KTÜ)BPI®1£HMK
lltl^ZeT€4K»0H
(AKAPCACOAncb
Hutenici^ eTOYc
/iCB
« Le 15 du mois d’octobre, le premier jour de l’indiction 7, est mort André, noUe saint évêque,
en l’an C202 {Ap. J.-C. 094). »
C’est à la dernière époque que doit être rapportée cette autre ;
+ eie^i5 cp) ©
po/J Iwcu/iac Ck
tto çJjoL ^ r cT
çuTXb
« Est mort dans le Seigneur le serviteur de Dieu, Nicolas, prêtre et vicaire de la
sainte église d’Athènes, au mois de juillet, le... et de l’indiction...
le jour quatrième, en l’an 6822 {Ap. J. -G. 1314). »
Dans toutes ces inscriptions, on trouve de nombreuses fautes d’ortho¬
graphe ; mais on ne doit point s’en étonner , puisque ces fautes ne sont
pas rares dans les inscriptions antiques qui approchent le plus des pre¬
miers siècles du christianisme, et qu’on en reconnaît même dans celles
des plus belles époques grecques.
Les inscriptions qui nous occupent peuvent être divisées en deux
classes principales; les unes, ecclésiastiques comme celles que nous
avons citées, contenant la date du passage de ce monde en l’autre
d’évêques , sttigx.ottoi , archevêques , àp/teTrtax.oTroi , de métropolitains ,
138
ATHÈNES.
[7//iTpoTroliTai, et d’autres personnages revêtus de dignités ou de fonc¬
tions ecclésiastiques, tels que prêtre, Trpsc^uTspoç; officiant, T^eiroupyo;;
chargé du soin des orphelins, 6p9avoTpo(po(; ; diacre, ^locjcovo;; économe,
otxovoptoç; archiviste, )(^apTouXapio; OU yapToçuXa^^ procureur, xoupavwp ;
sacristain^, ; secrétaire ou scribe, ypap.[xaT»//.oç ; premier
chantre, 7rpwT0(j;alTV]ç; moine, p-ova/o;; supérieur de couvent, '/îyo'jp.evoç5
lecteur, àvayvtoGTVi;; chancelier, TrpcoTOcruyysXoç ; archiprêtre, TîpwTOTra-Tuaç;
familier ou bedeau, ScoyJoruoç; prêtre secondaire ou vicaire, Ispeoç
^suTspsuwv; doyen, ^exavwp; chanoine, xavoviy.oç; abbé, àppâ;, etc. Les
autres inscriptions contiennent une prière à Dieu de se souvenir du
défunt et de pardonner à son âme. Ce personnage n’est pas toujours un
ecclésiastique; on trouve même le nom d’une femme appelée Anastasie.
Ces inscriptions commencent invariablement par les mots en abrégé
Kupts, (( souvenez-vous. Seigneur, » etc., comme celle-ci, qui
est double :
^MNC (C6 c;
Aoyxuj rPHroFÏ
AïkKi KA! Oll^'^THC
eKlCAHCMCÀ>0>HHUJ
K€ BÛHT4/IC
IC B"
(( Souvenez-vous, Seigneur, de votre serviteur Grégoire,
diacre et économe de l’église d’Athènes. »
« Seigneur, secourez votre serviteur, le diadre Cyriaque.
Seigneur, secourez-le. »
Sur la troisième colonne, à partir de l’angle sud-ouest, au milieu de
ces inscriptions anciennes accompagnées d’une foule de noms de voya-
\. Ce mot ne répond pas aux fonctions subalternes de nos sacristains, mais au poste plus relevé
du sacrista des Italiens, qui nomment ainsi le prêtre chargé du soin et de la conservation des vases
sacrés, reliquaires, ornements, etc , appartenant à l’église.
ÉTAT ACTUEL DU PARTHÉNON.
139
geurs de tous les pays et de toutes les époques, on en trouve une bien
plus moderne , qui n’est pourtant pas sans intérêt, car elle rappelle
une date malheureusement trop importante dans l’histoire de l’Acro¬
pole ; (( Ducrocq y philhellène, entré au fort avec le colonel Fabvier, le
13 décembre 1826, sorti le 5 juin 1827 {le tout, la citadelle étant
assiégée par les Turcs). »
Le côté méridional, bien plus intact que celui du nord, conserve
encore en place onze colonnes complètes, six à l’ouest et cinq à l’est;
les six autres n’ont plus que quelques assises. Les onze colonnes entières
portent leur architrave et leurs triglyphes, mais c’est dans cette frise
que sont surtout apparentes les dévastations sauvages de lord Elgin.
Pour tirer les métopes de leurs coulisses, il a brisé en partie celles-ci, et
il a renversé la corniche dont les débris jonchent le sol. Heureusement
que, respectant, par hasard, l’extrémité du fronton qui protégeait la
dernière métope à l’ouest, il a laissé celle-ci en place. Cette métope,
la mieux conservée de toutes celles restées au Parthénon, représente le
combat d’un Centaure et d’un Lapithe, et il n’y manque qu’une jambe
de derrière du Centaure.
Dans les deux entre-colonnements du centre de cette aile du péristyle,
les chrétiens avaient taillé dans les degrés deux petits escaliers B C ,
larges seulement de 0"‘, 78.
De ce côté du Parthénon, les assises des fondations , au-dessous des
trois degrés du stylobate, étaient évidemment destinées à rester visibles,
car chaque pierre de l’avant-dernière assise est entourée d’une bande
creuse taillée régulièrement et avec une certaine élégance ; au nord et
à l’ouest, au contraire, les fondations que nous avons signalées ne sont
formées que de blocs grossièrement équarris, et, de ce rapprochement,
nous croyons pouvoir conclure, contrairement à l’opinion, si respectable
d’ailleurs, de M. Pittakis, que celles-ci étaient destinées à rester à
jamais cachées dans la terre.
En avant de la troisième colonne, à partir de l’angle sud-ouest, existe
dans le sol une casemate turque remplie d’ossements des victimes de
la guerre de l’indépendance.
Pour pénétrer dans l’intérieur du Parthénon, revenons à la façade
postérieure ou occidentale, l’entrée du temple par sa véritable façade
ayant été supprimée par le niur d’abside de l’église.
Après avoir franchi les escaliers dont nous avons parlé, on se trouve
' sons le péristyle du temple conservant encore en place de ce côté quatre
des grandes poutres de marbre qui soutenaient le soffite.
On remarque au pied des colonnes un caniveau pour l’écoulement
des eaux qu’un dallage postérieur a fait disparaître dans quelques
parties.
posticum était élevé de deux degrés comme \q pronaos ^ et, en en
faisant le porche de l’église, on avait entaillé dans ses degrés trois esca¬
liers GHl, dont un au milieu, et les deux autres dans les derniers
entre-colonnements de droite et de gauche.
Une tour K, ajoutée par les Turcs pour servir de minaret, occupant
l’extrémité méridionale du posticum entre le mur de façade, l’ante et
les deux dernières colonnes, l’escalier I, dont la marche supérieure porte
encore l’indication de l’ancienne existence d’une porte, devint inutile,
car il n’aboutit plus qu’à la muraille de la tour qui ne présente de ce
côté aucune ouverture. Cette tour, formée d’assises de marbre, contient
un escalier en vis fort délabré qui permet encore d’arriver au sommet
du portique. On y pénètre de l’intérieur de l’opisthodome par une
ouverture L, pratiquée violemment dans le mur de façade OL.
Les six colonnes du posticum existent encore , portant leur archi¬
trave et leur frise enrichie de ses bas-reliefs assez bien conservés dans
quelques parties. Sur ces colonnes, comme sur celles du pronaos, on
reconnaît les traces de scellement de la grille qui fermait les entre-
colonnements dans toute leur hauteur.
Au fond du posticum s’ouvre la porte M de l’opisthodome, large de
5'", 20 à sa base, et un peu plus étroite au sommet, ayant encore à sa
droite, sur la muraille, une peinture byzantine, la Madone entre deux
anges. Le seuil est élevé de 0'",30; il n’en reste que les deux extrémités
sur lesquelles reposent les pieds-droits ou jambages^ de la porte, et
où l’on voit encore les trous de ses pivots, qui ont près de 0"‘, 13 de
diamètre 2. Les portes durent être doubles, car en arrière de la pre¬
mière on voit sur le pavé deux . rainures NN, en quart de cercle,
aboutissant au milieu de la porte, mais dont le centre n’est pas le pivot
1. XTa8[j.6ç. PoLLüX. Onom. L. T, c. VIII, § 2.
2. Les Grecs appelaient, le pivot, et irpo^sû? la crapaudine dans laquelle jouait le pivot.
ÉTAT ACTUEL DU U A RT 11 É NON.
141
de la première porte. Evidemment, dans ces rainures durent jouer sur
des galets les battants de la porte intérieure cjui était de bronze, tandis
(lue la porte extérieure n’était sans doute que de bois.
Lorsque les chrétiens avaient changé rorientation de l’édifice, l’opis-
thodome , était devenu naturellement le porche, T^povanç ou narthex de la
nouvelle église. De toute la cella du Parthénon qui, sur une hauteur de
10'", 70 jusqu’à l’architrave, était composée de dix-sept assises de
marbre faisant parpaing il ne reste plus que la partie qui circon¬
scrivait cet opisthodome Q, à l’ouest, au nord et au sud ; encore une
partie de ces murs est-elle formée de blocs qui ont été remis en place
dans ces derniers temps et consolidés par des briques intercalées à l’in¬
térieur où ces murailles sont encore plus délabrées qu’à l’extérieur 2.
Presque tous les blocs sont éclatés comme par l’effet d’un violent
incendie. La muraille occidentale LO est seule bien conservée. Sur elle,
dans l’angle O, on voit encore quelques restes des peintures byzantines
([Lii décoraient le Parthénon devenu chrétien ; on y reconnaît une tête
de la Vierge , plusieurs médaillons d’apôtres , une croix et quel(|ues
ornements
La muraille qui, à l’est, séparait l’opisthodome du temple, n’existe
plus, mais sa direction est encore visible sur le pavé, et d’ailleurs
on en reconnaît les arrachements P au mur méridional LP. On peut
donc s’assurer que la largeur de l’opisthodome, égale à celle du temple,
était de 19'", 35 , et sa profondeur de là mètres. Dans la ligne du
mur séparatif R P, est le seuil d’une porte qui fut percée seulement
par les chrétiens, car nous avons vu c{ue, dans le principe, il n’y
avait aucune communication entre l’ opisthodome et le sanctuaire.
Nous avons dit aussi que le plafond de l’opisthodome était soutenu
par quatre colonnes qui ont disparu entièrement. Sur le sol gisent
queUjues tronçons de colonnes cannelées de 0"‘, 30 de diamètre, qu’on
1. C’est-à-dire occupant toute l’épaisseur de la muraille et visibles des deux côtés. Les Gi’ccs
appelaient ces pierres à double parement ôiocTovot Xî6oi.
2. Voy. la vignette en tête du chapitre.
3. Il n’est point rare do rencontrer des symboles chrétiens que les musulmans ont épargnés faute
souvent d’en comprendre la signification. Sur une fontaine turque, au pied de l’Acro-Corinthe, deux
marbres byzantins portent chacun un monogramme du Christ, et nous avons reconnu aussi plu¬
sieurs croix et monogrammes sur les murs intérieurs du fameux château des Sept-Tours, à Constan¬
tinople, occupé cependant par les Turcs depuis le xv'’ siècle.
142 ATHÈNES.
avait cru avoir appartenu au second ordre du naosj, mais qui sont trop
petites pour avoir eu cette destination.
Contre le mur septentrional OR, sont déposés divers fragments de
la frise recueillis parmi les ruines. En commençant leur examen par la
gauche, on trouve :
1° Cinq hommes vêtus de longues draperies;
2“ Trois jeunes cavaliers;
3“ Deux cavaliers, dont l’un semble être retenu par une femme
placée au centre de la composition;
!l" Deux chevaux attelés à un char, et derrière eux un homme à pied ;
3° La partie postérieure d’un char, deux jeunes gens y montant, et
un homme nu à pied, devant la tête d’un cheval;
6° Deux popes conduisant deux béliers;
7“ Une femme portant un coffre, bas-relief très-fruste;
8“ Deux femmes et un jeune homme guidant deux taureaux;
9° Un vieillard, un jeune homme et une femme assis, belle composi¬
tion bien conservée ^ ;
10° Trois canéphores et une partie d’un joueur de flûte;
11° Un bas-relief très-fruste, un jeune homme maintenant deux che¬
vaux qui se cabrent.
1. Ce magnifique bas-relief était presque intact au moment de sa découverte; mais, peu de temps
après, un midsliipman, faisant partie du corps d’officiers d’un navire anglais que guidait M. Pittakis
lui-mème, resta en arrière de quelques pas et brisa le nez de la figure principale pour en orner son
étagère. Pris sur le fait, il fut, sur les poursuites du conservateur indigné, condamné à deux années
de suspension de son grade, et, par suite, forcé de donner sa démission.
%
ÉTAT ACTUEL DU PARTHÉNON.
143
J 2“ Fragment plus fruste encore, la partie inférieure du corps de deux
jeunes gens, l’un montant dans un char, l’autre debout devant un cheval ;
13° Un fragment de draperie;
l!i° Fragment d’un cheval. Sur ce dernier bloc est déposée la partie
supérieure d’une chouette colossale en ronde bosse.
Près de là est une métope très-fruste représentant, comme à l’ordi¬
naire, un Centaure combattant un Lapithe.
Deux autres morceaux de frise placés en face des premiers repré¬
sentent des cavaliers, et un troisième incomplet offre seulement trois
torses drapés.
Sur la tranche de ces divers blocs on remarque les trous de scelle¬
ment des crampons qui les réunissaient entre eux et de ceux qui les
fixaient à la muraille de la cella.
De l’opisthodome, on entre aujourd’hui sans obstacle dans le naos
ou sanctuaire T, la muraille qui les séparait ayant depuis longtemps
été renversée. Nous avons dit que les colonnes du portique intérieur ont
disparu dès la fin du xviU siècle ; mais le stylobate qui les portait et
qui faisait au-dessus du pavé central une saillie de 0"’,04 seulement
subsiste encore en grande partie et offre leurs traces parfaitement
visibles. Déjà, en 1765, Chandler écrivait : « On a enlevé toutes les
colonnes qui étaient dans la nef, mais on peut encore voir sur le pavé
les cercles qui servirent de direction aux ouvriers pour les placer^. »
Legrand avait également reconnu ces traces 2.
I. Voyages en Grèce. T. II, c. 10, p. 390.
"l. Monuments de la Grèce, p. 44.
A T H EN ES.
M. Paccard mettant sans doute à profit cette remarque, et examinant
avec plus de soin les traces signalées par ses prédécesseurs, a reconnu
que ce n’étaient pas simplement des cercles destinés à guider les ouvriers,
mais bien le résultat du travail de cannelure des colonnes. Nous avons
déjà eu occasion de le dire, les Grecs ne cannelaient les colonnes qu’après
leur mise en place. Ici, le ciseau de l’ouvrier, en venant frapper le pavé
au bas de chaque cannelure, en a reproduit la forme sur la dalle, et c’est
ainsi que se sont formées ces circonférences reconnues par Chandler.
Cette observation , si simple en apparence, est cependant de la plus
grande importance pour la restauration du monument. De ce que les
cannelures descendaient jusqu’au sol , et par conséquent de l’absence
de base, il est facile de conclure que .le premier ordre était dorique^.
On reconnaît aussi que la partie inférieure des colonnes, un tiers sans
doute, n’offrait que des cannelures plates et que le reste du fût était
seul évidé, comme on en trouve maint exemple à Pompéi. Ces mêmes
trace sont donné la largeur des entre-colonnements qui est de 2’“, 60, et
le diamètre du fût égal à 1"’,03.
A gauche, près de l’abside chrétienne U, on voit debout, mais hors
de place, un tronçon de colonne de 0'",60 de hauteur provenant de ce
premier ordre intérieur. Des colonnes du second ordre on n’a retrouvé que
des débris, qui même ne sont peut-être pas parfaitement authentiques.
Il est probable que ce second ordre était également dorique; c’est du
moins en qu’on peut conclure par analogie du fait semblable qui a été
constaté par M. Garnier au temple d’Pgine^.
A l’extrémité occidentale du sanctuaire et de l’hypoethre en partie
découverte, sont les traces du piédestal S, qui portait la fameuse statue
chryséléphantine, chef-d’œuvre de Phidias. Au milieu du pavé de marbre,
une partie longue de 6"', 50 sur 2"’, 50 de large, qui devait être masquée
par le piédestal, n’est composée que de dalles de tuf, toutes en place.
1. Cette observation ne fait du reste que conlirmer le témoignage de Cornelio Magni, qui visita
Athènes en 1074 : « Le temple intérieur, dit-il, est divisé en trois nefs; les deux collatérales très-
étroites, celle du milieu très-large. Elles sont séparées par des colonnes dont les architraves et les
chapiteaux sont d’ordre dorique. »
CoRNEi.10 Magni. Quanto di pià curioso ha potuto racorre Cornelio Magni nel primo biennio
da esso consumato in viaggi e dimore per la Turchia. Bologne, 1085, et Parme, 1092.
2. Ch. Gaunier. lled’Égine. Temple de Jupiter Panhellénien. {Revue archéologique. 1854.)
ÉTAT ACTUEL DU PARTHÉNON.
145
mais très-brisées. Au centre est une ouverture de 0'“, 78 sur 0'", 50.
L’humidité étant nécessaire à l’entretien de l’ivoire qui se serait ’fendu
par la sécheresse ce trou ne serait-il pas l’embouchure de quelque
puisard crehsé à cet effet sous la statue ? Des fouilles seules pourraient
décider la question.
Autour du dallage de tuf, à une distance de on reconnaît dans
le pavé de marbre les traces de scellement de la grille qui protégeait le
piédestal. M. Beulé croit que le piédestal de marbre s’étendait jusque-là
et que les trous que nous avons signalés n’avaient d’autre destination
cjue celle de recevoir les crampons qui en fixaient le revêtement.
Lorsque le Parthénon fut changé en église, le sol de la partie orientale
du naos destinée à devenir le sanctuaire fut exhaussé d’un degré au-
dessus du pavé de la nef. Deux gros murs qui existent encore, et qui se
composent de blocs de marbre, formèrent une abside U, en venant buter
contre les deux colonnes centrales du pronaos ^ réunies elles-mêmes par
un mur percé d’une fenêtre V.
(( Dans le mur, au-dessous de la croisée, dit Chandler^, étaient incrus¬
tés deux morceaux de la pierre appelée phengites, sorte de marbre dé¬
couvert en Cappadoce du temps de Néron, et si transparent qu’il en fit
ériger un temple à la Fortune, dont l’intérieur se trouvait éclairé lors
même que la porte était fermée. Ces fragments étaient percés, et la
lumière qui entrait par les trous était d’une couleur tirant sur le rouge ou
le jaune. Le portrait en mosaïque de la Panagia^ ou Vierge Marie, peint
sur les lambris du sanctuaire, s’était bien conservé, ainsi que deux colonnes
de jaspe appartenant à la cloison cjui avait séparé cette partie de la nef.
11 restait également dans l’intérieur un dais ^ soutenu par quatre piliers
de porphyre avec des chapiteaux d’ordre corinthien en marbre blanc,
sous lesquels la sainte table avait été placée; et derrière, au-dessous
de la croisée, s’élevait un siège en marbre pour l’archevêque. Enfin, il
y avait au milieu de la nef une chaire, également supportée par quatre
1. « Dans l’Acropole des Athéniens, l’ivoire de la statue de Minerve était entretenu, non par de
l’huile, mais par de l’eau. L’Acropole, à cause de sa grande élévation, étant très-sèche, la statue faite
d’ivoire avait besoin d’eau et d’aspersion d’eau. » Paüsawas. Élid. c. 11.
2. Voyages dans l’Asie mineure et la Grèce. T. II.
3. Uàv, tout; àyta, sainte, nom de la Vierge chez les Grecs modernes.
4. Un ciborium, ou baldaquin.
10
146
ATHÈNES.
petits piliers. Mais les Turcs avaient fait blanchir les murailles pour'
effacer les portraits des saints et les autres peintures dont les Grecs ont
coutume de décorer les édifices consacrés au culte. Ils avaient aussi érigé
une chaire ^ à main droite pour leur iman ou lecteur. »
Enfin, à l’entrée du sanctuaire, en avant de la place qu’occupait le
maître-autel, sont déposés deux sièges de marbre qui n’ont appartenu
ni au temple ni à l’église. L’un est fort simple, mais l’autre est d’un
beau travail . Celui-ci a pour bras deux sphinx très-frustes , et le dossier
est orné d’un bas-relief représentant une femme ailée dont la partie infé¬
rieure se termine en rinceaux.
De tous les monuments cités par M. Beulé^, d’après Pausanias,
comme ayant existé devant la façade du Parthénon, il ne reste plus de
traces^. Il en est de même de plusieurs suites de statues un peu plus
petites que nature, données par Attale, roi de Pergame^, qu’il indique
comme ayant été placées sur des piédestaux en arrière de la muraille
méridionale de l’Acropole vers son extrémité sud-est^; nous n’avons donc
pas à nous en occuper ici.
Autel des sacrifices. A 15 mètres environ de la façade, et dans
l’axe du Parthénon, on reconnaît des substructions rectangulaires (Plan
de l’Acropole l), qui ne peuvent avoir appartenu qu’au grand autel des
sacrifices qui, suivant l’usage antique, se trouvait isolé en avant du
temple
1. \]i\nimbar.
2. Acropole d’Athènes. T. II, p. 209.
3. Ces monuments sont le Jupiter de Léocharès, le Jupiter Polieus, Procné et Itys, le groupe de
Neptune et Minerve, l’Apollon Parnopius (destructeur de sauterelles) attribué à Phidias, la statue de
Xanthippe, père de Périclès, et celles d’Io et de Callisto, par Diuomène.
4. Pausanias. Att. XXV.
Attale avait rendu de grands services au peuple athénien et l’avait comblé de bienfaits. Le peuple
reconnaissant lui fit, à son arrivée à Athènes, une réception splendide dont Polybe (L. XVI, c. 24)
nous a conservé le souvenir.
5. La guerre des Dieux et des Géants, le combat des Amazones, la bataille de Marathon, la défaite
des Gaulois en Mysie.
Un passage de Pline semble se rapporter à ces groupes qui, dans ce cas, eussent été de bronze,
puisque l’auteur les cite parmi les monuments de cette matière.
« Plusieurs artistes ont représenté les combats d’ Attale et d’Eumène contre les Gaulois : Isigone,
Pyromaque, Stratonicus et Antigone. » L. XXXIV, 19.
6. Voy., à Pompéi, le temple grec et ceux de Vénus, d’Isis, de Mercure, de Jupiter et Junon, etc.
E. Breton. Potnpeia, 2® édit., p. 38etsuiv.
Voy. aussi les deux fameuses peintures d’Herculanum représentant des sacrifices.
Hercluanum et Pompéi. T. Il, pl. 68 et 69.
TEMPLE D’AUGUSTE ET DE ROME.
1 47
Temple d’Auguste et de Rome. Autour de l’autel sont épars sur le
sol quatre fragments d’une architrave circulaire, provenant d’un temple
monoptère ^ qui pourtant ne s’élevait pas en cet endroit, mais assez loin
de là vers le nord-est, où le rocher aplani indique son emplacement 2.
Les restes de ce temple n’ont été retrouvés que depuis peu d’années,
et comme aucun auteur ancien, pas même Pausanias, n’en fait mention,
on ignorerait encore le nom de la divinité à laquelle il était dédié, si
l’un des fragments d’architrave ne portait une inscription qui nous
apprend sa consécration à la déesse Rome et à César Auguste, geai
PDMHI KAI SEBASTDI KAISAPI.
Dès avant la prise d’Athènes par Mahomet II, une inscription faisant
mention du temple d’Auguste et de Rome, situé dans l’Acropole, était
déposée dans le vestibule de l’Érechthéion, converti en église ; elle y fut
copiée en 1/|,36 par Cyriaque d’Ancône, et elle a été depuis plusieurs
fois publiée
D’après la courbe des architraves, il est facile de calculer que la cir¬
conférence du temple de Rome et d’Auguste était hors œuvre d’environ
21 mètres, et dans œuvre de 15'", 072. Le travail peu soigné et presque
barbare des détails de ce monument semblerait plutôt appartenir au Bas-
Empire qu’au, règne d’Auguste, la plus belle époque de l’art romain.
C’est c{ue déjà au premier siècle de notre ère, Athènes, avec sa liberté,
avait perdu ses artistes, qui tous avaient abandonné la ville asservie pour
la métropole victorieuse.
Près de ces débris, est couchée sur le sol une colonne de marbre gris
de l’Hymette qui pourrait bien avoir appartenu au même temple.
1. De Movoç, seul, et mepôv, aile.
On appelle monoptère le temple qui offre simplement une coupole portée par des colonnes dispo¬
sées circulairement, et dont le sanctuaire était ouvert de toutes parts. j
2. Plan de l’Acropole, entre V et U.
3. Cyriacus Anconitanus. Corpus inscriptionum, etc. Roma. 1747. In-f”.
Gruter. Inscriptiones antiquœ totius 07’bis romani. In-U. 1001.
Stuart. Antiquités d'Athènes. T. I, p. 10.
148
ATHENES.
Piédestal. Non loin de l’autel de Minerve, vers le centre de la partie
orientale de l’Acropole, au milieu de monceaux de ruines et de décom¬
bres, se dresse un piédestal carré (Plan de l’Acropole m), portant sur
chacune de ses faces une figure en bas-relief fort endommagée. L’une
d’elles, la mieux conservée, semble tenir une hache à deux tranchants,
une bipenne; une autre, armée d’une lance, pourrait être une Minerve.
Toutes deux gardent dans leurs draperies des traces très-visibles de
peinture.
A quelciues mètres au nord de ce cippe, sont encore en place plusieurs
assises de construction hellénique; mais nous n’avons aucune donnée sur
ie nom et la destination de l’édifice auquel elles ont pu appartenir.
Dans sa partie sud-est, le rocher de l’Acropole, loin d’avoir été abattu,
comme au nord et au sud-ouest, pour être aplani, avait dû être remblayé
à une grande profondeur, et ces remblais étaient soutenus par la muraille
de Cimon qui, descendant assez bas pour s’appuyer sur le roc, était
devenue un mur de soutènement de plus de 16 mètres de hauteur. Il
est probable que cette portion de l’esplanade fut ajoutée à l’enceinte
primitive, au moins en partie, par Cimon, après la destruction de l’Acro¬
pole par les Perses, car lorsque dans ce remblai (Plan de l’Acropole T)
on creuse à une certaine profondeur, on le trouve formé de cendres et
de débris de toute sorte, dont beaucoup, portant les traces de l’action du
feu, proviennent évidemment des monuments incendiés par les soldats
de Xerxès. Au-dessus est une couche épaisse d’éclats de marbre, résul¬
tant de la taille des blocs destinés aux nouveaux monuments de l’Acro¬
pole, et enfin, presque à fleur du sol, des fouilles, qu’il serait bien à
désirer que l’on continuât, ont mis à découvert de nombreux tambours
de colonnes simplement dégrossis, et tels qu’ils avaient été apportés de
la carrière du Pentélique. Ce sont ceux qui pour quelque défaut, quelcpe
tare, avaient été rebutés par les architectes du Parthénon, jaloux de
n’employer que des marbres irréprochables.
M. Beulé suppose qu’à droite de ces ruines se trouvaient les piédestaux
des groupes donnés par Attale ^ ; cette hypothèse est confirmée par Plu¬
tarque ^ qui, racontant les présages funestes qui signalèrent ]e commen-
1. Voy. p. 14(5.
2. Vie d’Antoine.
MUSÉE DE L’ACROPOLE.
1 49
cernent de la guerre entre Octave et Antoine, dit que la statue de Bac-
chus, faisant partie de la Gigantomachie, fut enlevée de son piédestal et
jetée dans le théâtre qui se trouve en effet au-dessous du mur de Cimon.
A l’angle sud-est de l’Acropole, près de la bouche d’une énorme
citerne en briques, sans doute de construction turque, se trouve déposé
un énorme tambour de colonne c[u’il est facile de reconnaître comme
ayant dû appartenir au Parthénon. Ce bloc si éloigné du temple auquel
il était destiné, et resté près d’un bord à pic du rocher, n’est-il pas
une preuve prescjuc décisive à l’appui de l’opinion c{ue nous avons émise,
que les matériaux des monuments de l’Acropole ont été élevés directe¬
ment au moyen de machines, et non point traînés sur des chars par le
plan incliné de l’occident?
A l’angle nord-est de l’Acropole, on a établi une terrasse (Plan de
l’Acropole U) , entourée de garde-fous , et ayant au centre une table de
marbre portée par un fût antique. De ce belvédère l’œil embrasse un
merveilleux panorama^. Athènes presque tout entière 'avec ses monu¬
ments, la plaine qui l’entoure, les monts Hymette, Anchesme, Pentélique,
Parnès, Saint-Élie, qui cernent la vallée ouverte seulement sur les ports
de Munychie, de Phalère et du Pirée, sur la mer et l’île d’Égine, s’éten¬
dent sous les yeux comme un immense plan en relief. On quitte à regret
ce spectacle saisissant qui rappelle tant d’impérissables souvenirs, et,
revenant vers l’occident, on passe sur l’emplacement du temple de
Rome et d’Auguste; on jette un coup d’œil dans l’intérieur de la casemate
turque, où sont déposés, attendant un musée et un classement, d’innom¬
brables fragments, des statues, des bas-reliefs, des inscriptions que,
faute d’un local , M. Pittakis, à son grand regret, est obligé d’entasser
les uns sur les autres, au fur et à mesure de leur découverte. Quand
arrivera le moment d’exploiter cette mine précieuse, bien des trésors
ignorés reparaîtront à la lumière, mais déjà la tradition sera perdue, et
bien habile sera celui qui pourra retrouver la provenance ou indiquer la
destination première de ces marbres amoncelés.
Musée de l’Acropole. A côté de la casemate, une maisonnette
à laquelle on monte par une échelle à meunier, a reçu sur son plancher
\, (I Montons à l’Acropole; nous y aurons le panorama de la ville.» Llcien. Le Héclieiir. XV.
2. Plan de l’Acropole V.
150
ATHÈNES.
inégal, ou sur des tablettes vermoulues, une foule d’objets et de fragments
antiques de plus petite dimension, déposés sans ordre, au hasard, et
la plupart sans aucune indication de provenance, sans un numéro se
rapportant à un catalogue. Leur conservateur, M. Pittakis, est bien lui-
même un catalogue vivant; mais, après lui, que saura-t-on? Là pourtant
se trouvent des objets du plus haut intérêt archéologiciue.
En première ligne se présentent les débris des monuments détruits
par les Perses, et trouvés, pour la plupart, dans les fouilles faites dans
les remblais au sud-est de l’Acropole, ou dans celles opérées, en 1836,
autour du Parthénon.
P.armi les fragments qui par leur style paraissent avoir appartenu au
vieux Parthénon, nous signalerons des tuiles, des antéfixes, des moulures
portant des grecques et des palmettes bien conservées, et divers autres
ornements d’architecture également couverts de peinture.
On attribue au premier Érechthéion des briques offrant sur leur tranche
des guirlandes de laurier peintes en vert, et un masque de Gorgone^
colorié du style le plus archaïque, rappelant les fameuses métopes de
Sélinonte conservées au musée de Palerme. Des figures d’applicpe en
marbre de Paros proviennent de la frise du nouvel Érechthéion. Un
caisson du soffite des Propylées conserve au fond une étoile peinte, et un
morceau de moulure offre des oves tracés à la pointe et coloriés. Une
mosaïque byzantine a fait partie du pavé du Parthénon converti en
église. Des vases, des ex-voto, ont été trouvés dans l’enceinte de Diane
Brauronia. Des pivots en bois, tels que ceux dont nous avons déjà parlé
ont occupé le centre de la colonne d’angle du portique septentrional de
r Érechthéion. Signalons encore les crayons de plomb des architectes du
Parthénon, un vase de minium employé à l’ornementation de son archi¬
tecture, un casque grec contenant encore le crâne du soldat qu’il n’avait
pas suffi à protéger, un morceau d’ivoire portant les traces d’un com¬
mencement de sculpture, et que rien n’empêche de supposer avoir été
ébauché par Phidias et destiné à la statue de Minerve, de nombreux
ex-voto en terre cuite, conservant des restes de couleur, une foule
d’objets carbonisés, deux vases trouvés dans des fouilles faites au
1. Voy. la vignette à la fin du chapitre.
2. Page 57.
MUSÉE DE L’AGROPOLE.
loi
Pirée, quelques débris d’autres vases, enfin trois espèces de lustres
de diverses grandeurs, composés d’un cercle chargé de petites lampes
de terre cuite , mais ne devant pas remonter au delà de l’époque
byzantine.
En descendant l’escalier du petit musée de l’Acropole, on se trouve
en face du portique oriental de l’Érechthéion, auquel le chapitre suivant
va être consacré.
(•'AÇAnE OCCIDENTALE DE I.’ É R E C H TH É 1 0 N .
Portique des Caryatides.
CHAPITRE IV
ÉRECHTHÉION
(ÎROTTË d’aGLAURE. PIÉDESTAL DE MINERVE PROMACHOS.
FONTAINE CLEPSYDRE. GROTTE DE PAN.
OU S avons déjà parlé plusieurs fois de la
fameuse dispute de Minerve et de Neptune,
prétendant tous deux au titre de protecteurs
de la ville d’Athènes que Cécrops venait de
fonder. On sait que Neptune frappant la terre
de son trident en fit jaillir, selon les diverses
Siège de Butés. ' traditions, un cheval ou un flot, et que Minerve
d’un coup de sa lance fit naître l’olivier qui, lui assurant la victoire,
devait être plus tard la principale source de richesse de l’Atticiue
1. (( Erechthée, qu’on dît fils de la Terre, a, dans la citadelle, un temple où l’on voit un olivier, et
une mer (Qdlacaaa). Les Athéniens prétendent que Neptune et Minerve les y avaient placés comme
un témoignage de la contestation qui s’était élevée entre eux au sujet du pays. »
Hf.rodotk. L. VIII, c. 55.
154
ATHÈNES.
Le lieu où se passa cette scène, la plus importante des légendes athé¬
niennes, le lieu où se trouvaient encore l’olivier sacré l’empreinte du
trident sur le rocher et la source salée miraculeuse qui faisait entendre
un bruit semblable à celui des flots de la mer, quand soufflait le vent
du sud 2, devait avoir droit à toute la vénération des Athéniens; aussi
fut-ce là sans doute que Cécrops éleva le premier simulacre de Minerve
et son premier autel
Erechthée, à son tour, environna cette terre sacrée d’un sanctuaire atte¬
nant à sa demeure, et c’est ainsi que prit naissance cet édifice complexe
dont l’ensemble, conservant le nom de son fondateur, fut appelé VÉrech-
théion. On le trouve aussi parfois désigné sous le nom de Cécropion, en
l’honneur de Cécrops, qui y avait reçu la sépulture^. Il est bien entendu
que ce premier édifice fut loin de la perfection de plan, de la science
de distribution, de la beauté d’architecture de celui dont nous admirons
aujourd’hui les ruines si riches de détails, si élégantes de forme.
L’ancien Érechthéion fut, comme tous les autres monuments de l’Acro¬
pole, incendié par les Perses; les vainqueurs brûlèrent jusqu’à l’olivier
sacré mais, dans la nuit même, de sa souche immortelle sortit une
nouvelle tige haute de deux coudées, selon Pausanias®, d’une coudée
seulement suivant Hérodote
Nous pensons que le temple, bien qu’ayant souffert de l’incendie,
n’avait point été entièrement détruit, puisque Hérodote dit que Xerxès
ordonna aux Athéniens d’aller à la citadelle et d’y faire les sacrifices
suivant leur usage, et qu’ainsi il put être réparé et rendu au culte après
le départ des ennemis. Cette hypothèse seule expliquerait comment ce
sanctuaire, le plus vénéré de tous, ne fut rebâti que si longtemps après
la guerre médique.
1. Pausanias. au. C. XXVII.
2. Id. Ibid. C. XXVI. — âpoi.lodore. III, 4.
3. « On dit que Cécrops, le premier, éleva un autel chez les Athéniens et que, le premier aussi,
érigea une statue de Minerve. » Eüsèbe. Prépar. et Dém. évang. X.
4. Meürsios. De regibus Athen. L. 1, c. 12.
5. C’est sans doute depuis cet événement que l’olivier sacré ne put reprendre son élégance pre¬
mière et qu’il mérita le surnom de Tcàvxuçoç, tout tortu; V. Hézych. Lex. à ce mot et à celui d”Açyi.
0. AU. C. XXVII.
7. « Le feu qui brûla le temple consuma aussi l’olivier; mais le second jour après l’incendie, les
Athéniens, à qui le roi avait ordonné d’offrir des sacrifices, étant arrivés au temple, remarquèrent
que la sn\iche de l’olivier avait poussé un rejeton d’une coudée de haut. »
Hérooote. T,. VITT, c. .51 et .5.5.
ÉRECHTIIÉION.
155
On ignore l’époque précise de la construction du nouvel Erechthéion^;
cependant il est possible de l’indiquer au moins d’une manière approxi¬
mative. D’après le style de l’édifice, il est hors de doute qu’il ne put
être antérieur à Périclès; il ne peut même lui être contemporain, car
dans tous ses détails, comme dans son ensemble, il accuse iin raffinement
de l’art évidemment postérieur à la noble simplicité du Parthénon et
des Propylées. D’ailleurs, si l’Érechthéion eût été érigé sous Périclès,
Plutarque n’eût pas manqué de le citer parmi les travaux qu’il fit exé¬
cuter et il garde à cet égard le plus complet silence.
D’un autre côté, nous savons par un fragment d’inscription que décou¬
vrit Chandler, et qui est conservé au musée de Londres, auquel il a
été donné en 1787 par la Société des dilettanti^, que l’édifice n’était
pas entièrement achevé sous l’archontat de Dioclès, la quatrième année
de la 92® olympiade (409 avant Jésus-Christ). Il y a donc toute appa¬
rence qu’ après la mort de Périclès, arrivée en Û29, l’élan donné par ce
grand homme ne s’était point arrêté, malgré les inquiétudes que causait
la première guerre du Péloponèse, et que c’est pendant cette période de
vingt années que l’Érechthéion fut commencé et conduit au point où il
en était sous l’archontat de Dioclès-^. A dater de cette époque, l’entre¬
prise marcha avec rapidité, et, probablement en hOl la seconde année
de la 93® olympiade, elle était bien près d’être achevée, puisque l’année
suivante, si, comme nous l’apprend Xénophon un incendie qui embrasa
sans doute les échafaudages qui n’étaient point encore enlevés endom¬
magea quelques parties du monument, on ne jugea pas nécessaire de
rétablir ces échafaudages , et que , ainsi qu’il est facile de le reconnaître
à la différence du travail, les dégâts ne furent réparés que bien des
années plus tard, vers l’époque d’Alexandre.
1. Plan de l’Acropole. X.
2. British Muséum, Elgin Saloon, n" 167*. Cette inscription contient une partie du rapport d’une
commission nommée pour constater l’état d’avancement des travaux de l’Érechthéion, qui sans doute
étaient restés suspendus pendant quelques années, peut-être, comme le suppose M. Beulé, par suite
des désastres de Sicile, et qu’il s’agissait alors de reprendre.
3. Cette opinion est celle adoptée par Hermann Hettner, Athen und der Pelopones.
4. Nous aurons occasion de citer plus d’une fois une très-curieuse inscription trouvée en 1830
dans la Pinacothèque, et qui contient les comptes, pour cette année 407, des travaux relatifs à la
décoration du monument.
5. « L’année suivante (40G-407), remarquable par une éclipse de lune arrivée le soir, et par l’in¬
cendie du vieux temple de Minerve, à Athènes, Pityas étant éphore et Caillas étant archonte . »
HeUen. T.. T, r. 0.
156
ATHIÎNES.
Converti en église au vu® siècle, en même temps que le Parthénon,
et consacré à la Mère de Dieu, la llavayta ©eo-ro/coç, l’Érechthéion, mutilé,
comme nous le verrons, pour être approprié à cette nouvelle destination,
fut, au moins pendant plusieurs siècles, préservé de la destruction ; mais
après la conquête d’Athènes par les Turcs, de nouveaux désastres allaient
fondre sur lui. A l’époque du voyage de Spon et Wheler, un officier turc
C{ui s’y était établi ne leur permit pas d’en visiter l’intérieur qui renfer¬
mait son harem.
11 est probable que, voisin du Parthénon, l’Érechthéion eut comme
lui beaucoup à souffrir du bombardement de l’Acropole par les Vénitiens.
En ne réparant rien, en s’acharnant au contraire, selon leur usage, à
la mutilation des sculptures, les Turcs continuèrent sa ruine. Au com¬
mencement du XVIII® siècle, Pococke le vit cependant encore, sinon en
bon état, au moins conservant presque toutes ses parties constitutives;
‘mais quand, environ trente ans plus tard. Leroy, Chandler, Stuart et
Revett vinrent à Athènes, la destruction avait marché à grands pas; les
parties supérieures du monument avaient presque disparu, des pans de
muraille entiers s’étaient écroulés, les frontons n’existaient plus, et le
sol autour du monument était jonché de ses débris. Les profanations de
lord Elgin et le siège de l’Acropole en 1826-1827 achevèrent l’œuvre
du temps et des barbares.
Jusqu’aux fouilles terminées seulement en 1842, rien n’était plus inex¬
plicable que les ruines de cet édifice dont le plan , déjà bizarre dès
l’origine, avait encore été modifié par les Byzantins, par les Turcs, et
rendu impossible à relever sous les monceaux de décombres Aussi les
systèmes les plus opposés avaient-ils été mis en avant, aussi les diffé¬
rentes parties de l’édifice avaient-elles été confondues au point que Stuart
et après lui Legrand prirent le sanctuaire de Minerve Poliade pour
l’Erechthéion dont ils firent un temple consacré à Érechthée ou à Nep¬
tune, le Pandrosion pour le temple de Minerve, et la tribune des Carya¬
tides pour le Pandrosion. Enfin, un architecte pensionnaire de l’Ecole
de France à Rome, M. Tétaz, consacra un séjour de deux années c|u’il
fit à Athènes à l’étude de cette grande énigme de marbre dont, grâce
I. Leroy avait cependant reconnu la différence de niveau des deux temples, tout en se trompant
sur leurs dénominations respectives.
i; REC HT HÉ ION.
157
aux travaux de déblayement, la solution était devenue possible; en 1850,
il envoya à l’Institut un travail de restauration, exécuté avec autant de
talent que d’intelligence , et un mémoire explicatif qui a été publié par
la Revue archéologique, l’année suivante.
lumière est faite, nous n’avons plus qu’à suivre le plan
de M. Tétaz, Pausanias à la main, et nous comprendrons facilement cet
édifice sans modèle, comme sans copie, dans l’antiquité.
L’Érechthéion, à l’ensembte duquel on avait conservé le nom de son
premier fondateur, était composé de deux temples distincts consacrés
l’un à Minerve Poliade^, l’autre à Pandrose'’^, qu’en récompense de sa
1. « Cet édifice est double, oixri[j,a SmXoüv. » Pausanias. Att. C. XXVI.
Souvent, dans l’antiquité, un même temple était consacré à plusieurs divinités qui prenaient le
nom de (jûvvatot ou auvoixÉTat, qui ont un temple commun, vaoç, une demeure commune, oiv.o:.
Strabon. L. VII. — Plutarque. Sympos. L. IV.
2. lloXtâç, protectrice de la ville. Aristophane et Pindai’e l’appellent aussi HoXiTt? et noXioù/oç.
3. « Au temple de Minerve est contigu celui de Pandrose, la seule des trois filles de Cécrops qui
eût respecté le dépôt confié par la déesse. »
Pausanias. Att. G. XXVII.
Ce dépôt était une corbeille contenant le jeune Érichtbonius ou Érecbthée *, qui venait de naître
de Vulcain seul ou de Vulcain et de la Terre, et que, par compassion, la déesse voulait faire élever
en secret dans son sanctuaire.
« La fille de Jupiter avait enfermé dans une corbeille Éricbthonius, fils de la Terre, et mis près
de lui deux serpents pour le défendre en le confiant à la garde des filles d’Agraule **. »
Euripide. Ion. sc. l’’®.
Nam lempore quodam
Pallas Erichthonium, ]jrolem sine maire creatam,
Clauserat Aetœo texta de vimine eisla;
Virginibusque tribus, yemino de Cecrope natis,
liane legem dederal, sua ne sécréta vidèrent.
. Commissa duœ sine fraude luentur
Pandrosos algue Herse; limidns vocal una sorores
Aglauros, nodosque manu diducil; al intus
Infanlcmque vident adporrectumque draconem.
Ovide. Métam. L. II , v. 552,
« Jadis, Pallas avait renfermé, dans une corbeille tissue avec l’osier de l’Attique, Érichthon, cet enfant né sans
mère, et l’avait confié aux trois filles du double Cécrops***, en leur défendant de chercher à pénétrer ce mystère...
Deux d’entre elles respectent le dépôt confié à leurs soins, ce sont Pandrose et Hersé; mais Aglaure raille la
timide obéissance de ses sœurs, et sa main détache les nœuds de la corbeille. Elle l’ouvre, et leur fait voir un
enfant et un serpent couché près de lui. »
Nous avons vu que, suivant Pausanias, Hersé partagea la curiosité de sa sœur, et en effet elle
n’eut point part au culte rendu à Pandrose; Pausanias ajoute (L. XVIII) qu’ Aglaure et Hersé,
devenues furieuses, se précipitèrent du haut de l’Acropole; mais ce n’est pas non plus la version
d’Ovide, qui raconte qu’ Aglaure fut changée en rocher par Mercure pour s’être opposée à ses entre¬
vues avec Hersé. {Métam. L. H, v. 819.)
* Erichthonius se trouve en effet dans les auteurs désigné aussi sous le nom d’Erechthée ; mais il ne faut pas pour
cela le confondre avec un autre Érechthée qui vécut beaucoup plus tard. Le premier fut le quatrième roi d’Athènes,
succéda .à Amphictyon l'an 1573 avant J.-C., et régna jinsqu’en 1556; le second, successeur de Pandion Hr,
occupa le trône de 1525 à 1460 avant J.-C.
** La femme do Cécrops s’appelait Agraule ou Aglaure, comme l’une de ses filles.
*** On donnait cette épithète à Cécrops, soit parce qu’il parlait deux langues, soit parce qu’il commandait à deux
peuples, les Égyptiens et les Grecs, soit parce qu’il institua le mariage, etc. Aucune de ces explications des mots
SiouYiî, geminus et bifrons, qui se trouvent, dans les auteurs, appliqués à Cécrops, n’est du reste bien satisfaisante.
158
ATHÈNES.
discrétion Minerve fit la première prêtresse de son culte, voulant c^u’après
sa mort on l’associât aux honneurs qui lui étaient décernés à elle-même.
Abstraction faite des deux portiques faisant saillie au midi et au nord,
l’Érechthéion forme un rectangle long de 20™, 30, large de
Grâce à l’inégalité du rocher sur lequel il était construit, ses deux parties,
bien que couronnées d’un entablement commun , avaient leurs bases à
deux niveaux bien différents. A l’est et au sud, les trois gradins hauts
de 0™,2â et profonds de 0"’,32, qui lui servaient de soubassement, repo¬
saient sur l’esplanade où se dressait aussi le Parthénon. Au nord et à
l’ouest, au contraire, le sol se trouvait en contre-bas de 2™, 60, et nous
verrons qu’on était obligé de descendre à ce plan inférieur, qui formait
l’enceinte de Minerve Poliade^, par un escalier dont les traces sont encore
reconnaissables au nord du soubassement du portique oriental.
Selon l’usage, le temple dédié à la divinité principale, à Minerve
Poliade, avait sa façade AA tournée vers l’orient. A quelque distance en
avant devait être un autel a qui a entièrement disparu. Cet autel était
consacré à Jupiter Hypatus ^ ; on n’y sacrifiait rien qui eût eu vie ; on y
] . Plan de l’Acropole Y.
'2. "ï'TtaTOç, pour üuépxaxoç, le plus haut.
ÉUECHÏHÉION.
I O 9
offrait seulement des gâteaux, et on ne se servait point de vin dans ces
sacrifices^.
Le portique oriental était composé de six colonnes ioniques de marbre
pentélique, hautes de et d’un diamètre de 0“’,71 à la base, haute
elle-même de 0'",275. Le chapiteau a 0‘",58 d’élévation. Cinq de ces
colonnes sont encore en place, portant leur architrave et deux ou trois
morceaux de la frise de marbre noir d’Éleusis, sur lequel se détachaient
en relief des figures de marbre de Paros. Plusieurs autres morceaux de
la frise gisent sur le sol du pronaos ou en avant du péristyle. Pendant
longtemps, l’existence de cette ornementation ne fut révélée que par la
Portique oriental de l’Érechthéion.
présence des crampons qui servaient à fixer les figures ; mais les fouilles
faites autour de l’Érechthéion ont fait découvrir vingt-cinq fragments de
ces figures hautes de 0'",55 à 0'",60, plates d’un côté'et dont la desti¬
nation ne pouvait être douteuse 2. Le fait d’ailleurs a été encore confirmé
par la trouvaille faite en 1836, dans la Pinacothèque, du reste de l’inscrip¬
tion du musée de Londres contenant les comptes relatifs à l’achèvement
de l’Érechthéion, sous l’archontat de Dioclès (409 avant Jésus -Christ) .
On y trouve les prix payés pour un certain nombre de ces figures à des
sculpteurs nommés Phyromaque de Cephissia, Praxias de Mélite, Anti-
phanes du Céramique, Mynnion d’Agrylé, Soclus d’Alopèce, lasos de
I. Palsanias. Att. C. XXVI.
'i. Nous avons vu ces fragments dans le musée de l’Acropole, p. 150.
5. Voy. p. 155.
160
ATHENES.
Collyte^ et Agapénor. Le prix des figures seules est de 60 drachmes;
celui des groupes varie de 80 à 2/i0 drachmes suivant leur importance 2.
Plusieurs de ceux-ci représentent des chars, des guerriers et des femmes.
M. Beulé suppose avec toute vraisemblance que les sujets de la frise
devaient être tirés des diverses fables relatives à Minerve. Ces bas-reliefs
durent être coloriés, et, s’ils existaient encore se détachant sur leur fond
noir, ils nous rappelleraient l’aspect de certaines peintures de Pompéi^.
La dernière colonne du portique oriental, celle de l’angle nord-est,
a été emportée par lord Elgin^, et son enlèvement brutal a entraîné la
chute de cette partie de l’entablement. Des morceaux du fronton ont été
retrouvés ; ils ne portent sur la face supérieure de leurs rampants aucune
trace indiquant qu’ils aient jamais été surmontés de statues, de griffons,
ou de tout autre ornement. Des morceaux du plafond du pronaos sont
aussi à Londres
Le pronaos était fermé au fond par une muraille dont il ne reste
que quelciues arrachements attenant aux antes bb, et qui offrait au
milieu une large porte c®. A cette muraille, en face des entre-colon-
nements, durent être adossés quatre autels d, dont trois mentionnés par
Pausanias avaient été dédiés , le premier à Neptune et à Érechthée 7,
pour obéir à un oracle; le second au héros® Butés®, le troisième à
n Parmi les figures conservées au musée, on remarque une jeune fille agenouillée mentionnée
par l’inscription comme étant l’œuvre de lasos de Collyte.
2. Rangabé. Antiquités helléniques, n« 57. — Beulé. Acropole. T. II, p. 285,
3. Entre autres celles de la maison à la muraille noire, délia parete nera.
k. British Muséum, Elgin Saloon, n“® 125, 126 et 127.
5. Ibid., 108, 118, 219 et 220.
6. Un fragment du jambage de cette porte est au British Muséum, Elgin Saloon, n" 115,
7. Erechthée et Neptune étaient quelquefois regardés par les Athéniens comme une seule et mémo
divinité. On lit dans le lexique d’Hésychius cette définition : ’Eçityfizùç, lloasiowv êv A0r,vai;,
Erechthée, à Athènes, Neptune.
8. Le mot héros ne doit pas être pris ici dans le sens usité chez les modernes. Non-seulement les
grands hommes célèbres par leur force et leur courage, mais encore ceux qui s’étaient distingués
par leurs vertus ou par des services rendus à leur patrie, étaient, après leur mort, rangés parmi
les héros, sorte de demi-dieux inférieurs aîuxquels on décernait les honneurs divins. Le culte rendu
par les chrétiens aux saints, sous l’invocation desquels ils placent des églises et des autels, n’est pas
'sans quelque analogie avec celui des héros dans l’antiquité.
« Méimppe : Au nom de la divination, qu’est-ce qu’un héros? Je l’ignore. »
« Trophonius : C’est un composé d’homme et de dieu. »
Il Ménippe : C’est, dis-tu, un être qui n’est ni homme ni dieu, mais les deux ensemble. »
Lucien. 3® Dial, des Morts.
9. Butés, fils de Pandion, mari de Chitonia, fille d’Êrechthée, prêtre de Minerve et de Neptune,
honoré comme un demi-dieu. (Apollod. I, c. 14.)
SANCTUAIRE UE 31INEHVE EOLIADE. I6I
Vulcain^. Le quatrième autel, omis par le voyageur grec, était consacré
à Dioné, fille de l’Océan 2. Sur les murs étaient des peintures, probable¬
ment portatives, se rapportant à la famille des Butades ou Étéobutades
Sanctuaire de Minerve Poliade. Lorsqu’on avait franchi la porte c,
on se trouvait dans le sanctuaire de Minerve Poliade B, enceinte de
7'", 33 de longueur sur 4'"? 125 de largeur, qui ne recevait de jour que
de la porte, et dans laquelle brûlait éternellement une lampe d’or,
ouvrage de Callimaque, qu’on ne remplissait d’huile qu’une fois par an,
et dont la mèche de Un carpasien (amiante) brûlait sans se con¬
sumer'^. La fumée* se dissipait par le moyen d’un palmier de bronze
placé au-dessus de la lampe et s’élevant jusqu’au plafond^. C’est ce
singulier candélabre que M. Tétaz met au centre h du sanctuaire ; si
réellement il occupait cette place, il devait produire un assez mauvais
etïet, cachant la statue de la déesse à ceux cjui entraient dans le temple.
Nous ajouterons que la lampe ne pouvait donner assez de lumière pour
justifier la présence des peintures murales que M. Tétaz a introduites
dans sa restauration.
La statue de Minerve e conservée dans ce sanctuaire était la plus
vénérée de l’Attique ; elle passait pour être tombée du ciel®; elle n’était
1. Pausanias. Att. C. XXVI.
2. « Cet autel est mentionné plusieurs fois sur les fragments de la célèbre inscription trouvée
en 183G dans la Pinacothèque. Il est question de la cannelure des colonnes de l’est, que l’on cannelait
sur place, comme nous l’avons déjà remarqué au Parthénon. Chacune de ces colonnes est désignée
par l’autel dont elle est voisine, et c’est toujours à partir de l’autel de Dioné que l’on commence à
compter. » Beulé. Acropole. T, II, p. 235.
3. Pausanias. Att. C. XXVI.
Dans la famille des Butades ou descendants de Rutès, le sacerdoce était héréditaire. L’orateur
Lycurgue était de cette famille consacrée surtout à Neptune et Minerve.
« Mon père, Atrometos, est de la curie qui participe, avec les Étéobutades, aux mêmes sacrifices,
et d’où l’on tire la prêtresse de Minerve Poliade. » Eschine. Procès de l’ambassade.
4. « Dans l’ancien temple de Minerve Poliade est la lampe inextinguible. »
Strabon. Rer. geog. L. IX, c. 1.
5. Pausanias. Att. C. XXVI.
6. (( La plus vénérée des statues de Minerve est celle que l’on voit dans la citadelle nommée
anciennement Polis, la Ville. Déjà môme elle était l’objet du culte de tous les peuples de l’Attique,
avant qu’ils fussent réunis. L’opinion commune est que cette statue tomba jadis du ciel; je n’exa¬
minerai pas si elle est vraie ou non. » Pausanias. Att. C. XXVI.
Ce simulaci’e devant lequel les habitants de la Tauride sacrifièrent longtemps des victimes humaines,
et dont Iphigénie fut la prêtresse, fut, d’après la tradition, apporté à Athènes par Oreste.
« Faisant entendre sa voix par le trépied d’or, Apollon m’ordonna de venir en Tauride pour enlever
la statue descendue du ciel et la déposer sur le sol d’Athènes. » Euripide. Iphigénie en Tauride.
Il
162
ATHÈNES.
que de bois d’olivier'^, mais la simplicité de la matière et sans doute
aussi la barbarie du travail disparaissaient sous le magnifique péplus dont
l’antique simulacre était revêtu à chaque fête des Panathénées. Ce fut
cette statue qui, au dire de Dion Cassius, se retourna subitement vers
l’occident et vomit du sang à l’instant de la mort d’Auguste
On voyait dans le temple un Mercure également en bois offert, disait-
on , par Cécrops , et qui disparaissait presque sous des branches de
myrte ^ , sans doute pour en dissimuler l’indécence , si , comme tout
porte à le croire, cette figure était du nombre de celles dont parle Héro¬
dote^. Elle pouvait surmonter l’un des deux piédestaux / et ^ que
M. Tétaz suppose avoir accompagné celui de Minerve; mais alors quelle
eût été la destination de l’autre piédestal? Peut-être devrait-on placer la
statue de Mercure et le palmier en face l’un de l’autre contre les
murailles latérales du sanctuaire. La statue de Minerve se fût ainsi
trouvée démasquée.
Parmi les nombreux ex-voto consacrés dans le sanctuaire de Minerve
Poliade, on remarquait un siège pliant qui passait pour l’œuvre de
Dédale , la cuirasse de Masistius qui, suivant Hérodote commandait la
cavalerie des Mèdes à la bataille du Githéron qui précéda celle de
Platées, et non pas à cette dernière , comme le dit Pausanias et un
cimeterre ^ attribué à Mardonius , mais dont le voyageur grec conteste
l’authenticité
1. En l’an 503 avant J.-G., les habitants de l’île d’Égine étant affligés d’une grande stérilité, l’oracle
de Delphes leur ordonna d’ériger à Minerve des statues de bois d’olivier franc. Cet arbre ne se trou¬
vant pas dans l’ile, et d’ailleurs les oliviers de l’Attique passant pour plus sacrés, les Éginètes
s’adressèrent aux Athéniens qui leur permirent de couper le bois dont ils avaient besoin, à condition
qu’ils amèneraient tous les ans des victimes à Minerve Polias et à Erechthée. (Voy. Hérodote. L. V,
c. 82.)
2. Dion Cassius. L. IV, 7.
3. Pausanias. AU. C. XXVII.
4. Hérodote. L. II, c. 51.
5. « La cavalerie perse fit son attaque par ordre et par escadrons; mais Masistius l’ayant devancée,
son cheval fut atteint d’un coup de flèche au flanc; il se cabra de douleur et jeta Masistius par terre.
Les Athéniens fondirent aussitôt sur lui, se saisirent du cheval et tuèrent le cavalier malgré sa
résistance. Ils ne le purent d’abord, à cause de la cuirasse d’or en écailles qu’il avait sous son habit
de pourpre, mais quelqu’un, s’en étant aperçu, le frappa à l’œil, et il mourut. »
Hérodote. L. IX, c. 22.
Cf. Plutarque. Vie d'Aristide.
0. AU. C. XXVH.
7. ’Axivàxri;, sabre particulier aux Perses.
8. Paus.anias. au. c. XXVII.
PORTIQUE DU PANÜROSION.
163
Legrand, dans le plan qu’il a donné de l’Érechthéion, suppose que le
temple de Minerve Poliade occupait toute la largeur de la cella ;
■aujourd’hui il est reconnu avoir été circonscrit par une cella particulière.
A gauche de la porte du temple s’en trouvait une plus petite î, qui
ouvrait sur un corridor G, par lequel, au moyen de l’escalier k, on pou¬
vait communiquer avec le Pandrosion. Il est facile de se convaincre du
fait en examinant la muraille méridionale de l’Erechthéion , sur laquelle
le palier et l’escalier sont en quelque sorte tracés par les assises gros¬
sièrement taillées de pierre du Pirée, qui, dans toutes les parties desti¬
nées à rester invisibles, remplaçaient les assises polies de marbre
pentélique. L’ancienne existence de cette communication entre les deux
temples est encore prouvée par une petite anecdote rapportée par Denys
d’Halicarnasse qui, lui-même, l’avait empruntée à Philochorus. « Une
chienne, dit-il, entra un jour dans le temple de Minerve Poliade, des-
çendit dans le Pandrosion, sauta sur l’autel de Jupiter Hercéen^ et s’y
coucha à l’ombre de l’olivier sacré 2. »
Seloii' toute apparence, ce passage et cet escalier dérobé n’étaient
fréciuentés que par les prêtres qui desservaient les deux sanctuaires. La
véritable entrée du temple de Pandrose était par le portique D, situé au
nord et à l’extrémité de la cella, au delà de laciuelle il faisait saillie à
l’ouest^. Pour racheter la différence de niveau et atteindre à l’entable¬
ment commun à tout l’édifice, l’ordre de ce portique avait dû être de
bien plus grande proportion que celui de la façade orientale ; aussi les
colonnes qui le composent ont-elles 7'", 58 de hauteur, compris la base
et le chapiteau, sur0™,8à de diamètre à la base et 0'",72 au sommet.
Les bases attiques, hautes de 0'",36, ont leur tore supérieur décoré
d’un riche entrelac.
Enfin, les chapiteaux, hauts de 0“, 61 , sont au nombre des plus ornés
et en même temps des plus élégants que nous possédions de l’ordre
1. ''Eç,v.iioz, protecteur de, l’enceinte. Apollodore.
Suivant Lucain, il existait dans les ruines de Troie les restes d’un autel dédié à Jupiter sous ce
même surnom.
Hcrceas , monstrator ait, non respicis aras?
Pharsale. C. IX.
« Ne vois-tu pas, dit le guide, l’autel de Jupiter Hercéen? »
2. Denys d’Halicarnasse. Dynarch.
3. Voy. planche IV, à gauche, et p. 159, à droite du dessin de la façade orientale.
ATHENES.
1 64
ionique. Non-seulement les détails les plus fins étaient prodigués dans le
marbre, mais des attaches qui existent encore nous révèlent l’existence
de guirlandes de bronze doré cpi couraient sur les volutes dont l’œil était
également doré^.
Les colonnes sont au nombre de six, quatre en façade, deux en
retour; toutes sont encore debout; mais les trois de l’angle nord-est,
j , 2 et O, conservent seules leur entablement, leurs poutres de marbre,
et leur soffite ou plafond, formé de caissons creusés deux à deux dans
chaque dalle. Deux de ces dalles sont dressées contre la muraille, près
de la porte du temple ; et là surtout il est facile d’examiner la décoration
des caissons, percés au fond d’un petit trou qui recevait le tenon d’une
étoile de bronze. Les autres ornements étaient ou sculptés ou simplement
peints sur des surfaces planes. Legrand mentionne cette circonstance,
qu’il dit avoir été remarquée par M. FauveP.
Des trois autres colonnes maintenant isolées, deux (à- et 6) sont
entières; mais celle d’angle, 5, qui avait été renversée par un boulet
en 1827, pendant le siège de l’Acropole^, et dont la chute avait
entraîné celle d’une pprtion de l’entablement, a été relevée en partie, et,
en 1859, on se préparait à la compléter par l’addition de deux tambours
et d’un chapiteau modernes
Une foule de morceaux de l’entablement, des poutres de marbre, des
caissons sont gisants sur le sol, devant le portique.
On doit à M. Tétaz une très-curieuse découverte. Ayant remarqué
dans l’angle sud-est, au pavé du portique, quelques dalles qui sem¬
blaient n’en pas faire partie intégrante, il les fit enlever et mit ainsi à
découvert une cavité l réservée dans les substructions du portique, au
fond de laquelle on aperçoit dans le rocher deux trous irréguliers
1. Beülé. Acropole. T. II, p. 271.
2. Certains ornements, qu’il eût été trop difficile de sculpter dans les caissons renfoncés du pla¬
fond, y étaient peints. » Legrand. Mom de la Grèce, p. 76.
3. Le portique avait été approprié au logement d’un officier turc, en fermant les entre-colonne-
ments par des murailles, comme nous le voyons dans le dessin de Stuart, et le plafond avait été
chargé d’une grande quantité de terre pour le blinder et le mettre à l’abri de la bombe; cette
précaution même a contribué à sa ruine, car le support d’angle ayant manqué, cette masse énorme
n’a fait qu’accélérer et rendre plus complète la chute de l’entablement.
4. Nous avons vu, au petit musée de l’Acropole, les espèces de pivots, les âmes en bois de cèdre
provenant du centre des tambours composant le fût de cette colonne ( p. 150).
PORTIQUE DU PxVNDROSlON.
165
de 0"’,50 environ de profondeur, réunis entre eux par une sorte de fis¬
sure. •Ces trous pourraient bien n’être qu’un jeu de la nature; tout
Trous du trident.
annonce cependant que ce sont eux que l’on vénérait dans l’antiquité
comme étant l’empreinte du coup de trident frappé par Neptune. Il est
vrai que le trident avait trois pointes et qu’il n’y a que deux trous, mais
en aucun temps la superstition n’y a regardé de bien près. Les dalles
que M. Tétaz a détachées sont justement celles que soulevaient les
guides, les exégètes, lorsqu’ils voulaient offrir l’empreinte sacrée à la
curiosité ou à la vénération des visiteurs et des dévots.
Dans le môme caveau est une petite citerne en partie ruinée;
M. Beulé, en la faisant déblayer, a rencontré presque aussitôt le rocher;
ce ne serait point une raison pour qu’elle n’eût point remplacé le puits
d’eau salée, le flot, la Oalaaaa Eps/G-zit; ^ c{ui partageait avec l’empreinte
du trident les hommages des pèlerins de l’Acropole. 11 suffisait du plus
petit bassin rempli d’eau salée; et quant au bruit que cette mer en
miniature faisait entendre lorsque soufflait le vent du sud, la communi¬
cation souteâ’raine avec le temple pouvait, comme le remarque M. Beulé,
l’expliquer aussi bien c{ue l’escalier dérobé du sanctuaire d’Isis, à
Pompéi, explique les oracles rendus par la déesse En effet, de l’inté¬
rieur du Pandrosion, une petite porte souterraine w, de 1"',20 de haut
sur 0"’,68 de large, percée dans le bas du mur septentrional de
l’Érechthéion, et à laquelle on descendait par un chemin souterrain par¬
tant du corridor conduisait en secret à la grotte mystérieuse.
1. U Dans l’Erechthéion, on trouve un puits d’eau de mer, ce qui n’est pas très-surprenant, car
il y en a dans plusieurs endroits au milieu des terres, entre autres à Aphrodisias en Carie; mais
ce que celui-ci offre de remarquable, c’est que, loi’sque le vent du sud souffle, on y entend un bruit
pareil à celui des flots. Il y a sur le rocher l’empreinte d’un trident. Cette empreinte et ce puits sont
les signes que Neptune lit paraître pour prouver que le pays lui appartenait.
Pacsanfas. Alt. C. XWI.
2. E. Breton. Pornpeia, 2'' èdit., p. 42.
166
ATHÈNES.
»
Au fond du portique septentrional s’ouvre une grande porte m, dont
les ornements étaient d’une rare élégance, bien ciue manquant ifn peu
de relief.
Porte septentrionale de l’Erechtliéion.
Cette porte, la seule qui nous soit restée presque intacte de l’anti¬
quité grecque, est de forme légèrement pyramidale ; large de à la
base, elle n’a pas plus de i"’,30 au sommet. Le linteau s’étant fendu,
on ne sait à ciuelle épocjue, les Byzantins avaient du, à l’intérieur de la
baie, ajouter un autre linteau et deux pieds-droits ne présentant que de
simples moulures qui ne doivent point être confondues avec le cham¬
branle primitif. Sa corniche, OxepGupov, richement ornée, est soutenue par
deux consoles, âyyaoveç.
Lorsqu’on avait franchi cette porte, on se trouvait dans une sorte de
passage L, large de 3™, 91, long de 9“,60, cpi’ éclairaient trois fenêtres
ouvertes à l’ouest, et qui, lors de la transformation de l’Érechthéion, était
devenu le narthex, ou vestibule de l’église byzantine, mais qui, dans
l’origine , servait à la fois de vestibule au Pandrosion, et de commu¬
nication avec le portique des Caryatides, dont nous parlerons bientôt.
Ses murailles sont très-dégradées, et, selon toute apparence, par le
feu. Toute son étendue est occupée par une grande citerne, dont la
voûte, qui a été défoncée par la chute de la partie supérieure du mur
occidental de l’Érechthéion, excédait de plus de 0'", ÛO le niveau du
seuil de la porte. Les Turcs, pour établir ce réservoir, avaient tiré parti
PANDROSION.
167
des substructions de l’édifice antique, mais ils avaient dû les reprendre
en sous-œuvre pour les faire descendre à la profondeur nécessaire.
Le vestibule était séparé du sanctuaire par un mur que M. Tétaz
suppose avec beaucoup de vraisemblance avoir été percé de trois portes
non, correspondant aux trois divisions du temple, aux trois nefs de
l’église. En avant des piliers qui les séparaient se seraient trouvés deux
piédestaux pp, portant des statues.
L’existence de ce mur n’est plus indiquée que par des arrachements qui
se voient encore dans la partie supérieure des murailles du sud et du
nord, restées lisses dans le bas, nouvelle preuve de l’existence des
deux portes latérales nn.
Pandrosion. Le sanctuaire de Pandrose F formait un rectangle de
9"’, 60 de largeur sur 6™, 20 de profondeur, soutenu par quatre colonnes,
et dont la partie centrale dut être découverte , car elle contenait l’olivier
sacré r, qui n’eût pu vivre et se développer pendant tant de siècles privé
d’air et de lumière. Il ombrageait l’autel de Jupiter Herceus ou Hercéen^,
ainsi que nous l’apprend l’anecdote que nous avons déjà citée d’après
Philochorus.
Tout en admettant avec M. Tétaz l’existence de cette partie hypœthre
ou découverte, au centre du Pandrosion, nous ne sommes pas entière¬
ment d’accord avec lui sur sa disposition. Dans son plan, l’hypœthre
forme un rectangle s’étendant de l’ouest à l’est, et ne laissant couvert
qu’un étroit espace en avant de la porte principale o, aussi bien cju’au
pied de la muraille occidentale du temple de Minerve Poliade. Cet espace
est même si étroit de ce dernier coté que la statue de Pandrose s,
qu’avec raison il adosse à cette muraille, serait à peine abritée par la
saillie 'd’une corniche. Le Pandrosion étant beaucoup plus large que
profond, il nous semblerait pourtant assez naturel de supposer l’hy-
pœthre n’affectant pas justement la forme opposée. Si, au contraire,
l’hypœthre, s’étendant d’un côté jusqu’au mur non, s’arrêtait à l’est aux
colonnes 7 et 8, un portique couvert ttt aurait permis de circuler de
trois côtés, tandis que du quatrième le vestibule E aurait complété
l’enceinte. Ainsi, la statue de Pandrose eût été abritée sous le portique
oriental, et au centre de la partie découverte eussent pu de même trou-
1. Voy. p. 103,
168
ATHÈNES.
ver place l’olivier sacré et l’autel de Jupiter Hercéen. C’est dans ce sens
que nous avons cru pouvoir modifier le plan de M. Tétaz, tout en indi¬
quant encore par des lignes ponctuées celui qu’il a proposé. Nos lecteurs
pourront ainsi se prononcer entre les deux opinions, qui, du reste, nous
devons l’avouer, ne reposent, l’une comme l’autre, que sur des hypo¬
thèses, aucune trace de ces dispositions ne se retrouvant sur le terrain.
Ce n’est également que sur une probabilité que M. Tétaz se fonde pour
supposer que les quatre colonnes qui, par leur proportion, n’eussent
pu atteindre au faîte de l’édifice, étaient surmontées d’un second ordre
composé de caryatides plutôt -<»c|ue de colonnes; cette pensée, vraie
peut-être , lui a été inspirée par la découverte , dans l’intérieur du
temple, d’un fragment de corniche analogue à celle de la tribune des
Caryatides.
Nous avons vu que par un escalier /<;, situé dans son angle sud-est, et
par ie corridor C , le Pandrosion communiquait avec le sanctuaire de
Minerve. Dans l’angle opposé devait ouvrir la porte d’une autre enceinte
H, longue et étroite, occupant l’espace compris entre le mur septen¬
trional du sanctuaire de Minerve, et le mur commun du même côté à
tout l’Érechthéion. Cette dernière muraille ayant les parpaings de marbre
dont elle se compose ravalés à l’intérieur dans toute sa hauteur , il est
facile d’en conclure que le pavé de ce réduit a dû être toujours et dans
toute son étendue de niveau avec le sol du Pandrosion. Peut-être cette
obscure enceinte n’avait-elle d’autre destination cjue celle de servir de
magasin, sacrarium, ïspoçuyaxtov ou àp)(_eîov, pour les instruments du
culte; peut-être, comme le suppose M. Beulé, était-ce dans ce lieu qu’on
entretenait le serpent sacré, oixoupoç oçiç, dont parlent Hérodote et Plu¬
tarque^, et qui sert de prétexte à l’une des femmes de la comédie
d’Aristophane pour rompre son serment et chercher à fuir de l’Acropole 2;
1. « Les Athéniens disent qu’il y a dans le temple de la citadelle un grand serpent qui est le gar¬
dien et le protecteur de la forteresse; et, comme s’il existait réellement, ils lui présentent tous les
mois des gâteaux au miel. » Hérodote. L. VIII, c. 41.
Démosthène, exilé d’Athènes, jetant un dernier regard sur l’Acropole, s’écria : « O Minerve
Poliade! comment peux-tu prendre intérêt à ces trois bêtes farouches, la chouette, le dragon et le
peuple? » Plutarque. Vie de Démosthène.
Pour décider les Athéniens à abandonner la ville et à se réfugier sur la flotte, Thémistocle supposa
que le serpent de Minerve avait abandonné le sanctuaire. (Plutarqiæ. Thémistocle.)
2. « Je ne puis dormir dans la citadelle depuis que j’ai vu le serpent qui en est le gardien. »
Lysistr., v. 758.
PANDROSION.
169
peut-être était-ce une de ces chambres secrètes, a^uxov, adytum'^, c\m
se trouvaient souvent dans les temples, d’où tout le monde, excepté
les prêtres, était sévèrement exclu, et dont ceux-ci se servaient pour
abuser par les oracles de la crédulité publique; peut-être enfin est-ce
dans ce lieu qu’il faudrait chercher l’emplacement du tombeau d’Erech-
thée que l’on sait par les témoignages antiques avoir existé dans l’en¬
ceinte de l’Érechthéion 2.
Lorsque l’on voulut consacrer au culte du Christ l’enceinte entière de
l’Erechthéion, tout le massif qui portait le sanctuaire de Minerve B, aussi
bien que le passage G et l’escalier k, dut être enlevé, afin que le sol de
l’église n’eût plus qu’un seul niveau dans toute son étendue. Dès lors
le porticpie oriental devint sans destination, comme il l’est encore aujour¬
d’hui, ne pouvant servir d’entrée à l’abside chrétienne placée en contre¬
bas, et l’édifice n’eut plus cj[u’une seule porte principale, celle du por-
tic|ue septentrional ouvrant sur le vestibule E , devenu le narthex de
l’église byzantine.
C’est de cette époque que date le pavé de la nef formé de marbre gris
du mont Hymette, et encore conservé en grande partie.
En avant du chœur dont il ne reste que quelques débris, un seuil de
marbre porte la trace de deux colonnes, et à leur gauche est encore un
grand bloc couvert d’ornements byzantins ayant fait partie du mur
d’appui qui séparait le chœur de la nef.
Beaucoup d’autres débris épars dans l’enceinte de l’Érechthéion ont
appartenu également à l’église ; telles sont des colonnes de vert antique
et de pavonazzetto qui avaient remplacé celles du Pandrosion et une
partie des murs latéraux du sanctuaire de Minerve Poliade.
Au fond du vestibule E est une porte u qui, par un escalier dont deux
marches subsistent encore, conduisait à l’intérieur du portique des
Caryatides G, accolé au côté méridional de l’Érechthéion, au niveau du
temple de Minerve Poliade. Une autre porte, percée dans le bas du mur
1. « On appelle adytum, àôuxov, un endroit du temple inaccessible, sacrd, obscur, et où se rendent
les oracles. » Pollux. Onomast. L. I, c. 1, § 8.
2. « Érichthonius étant mort fut enseveli dans le temple de Minerve. »
Apollodore. III. 14.
Nous avons déjà dit que les auteurs anciens confondent continuellement Érichthonius et Érechthée. .
3. Marbre blanc veiné de violet.
170
ATHÈNES.
occidental , permettait de passer directement du vestibule dans une
enceinte réservée I S de forme triangulaire, très-allongée, dans laquelle
on pénétrait aussi par une porte v, située sous le portique du nord,
et dont le linteau brisé a du être soutenu par un arc moderne.
Lorsqu’on a franchi cette dernière porte, on a en face de soi un mur x
dont la base, formée de gros blocs à peine équarris de pierre du Pirée,
est encore surmontée de deux assises d’appareil plus soigné. Ce mur
soutient les terres de la grande esplanade de l’Acropole ; il s’élevait
presque jusqu’au sommet du stylobate de la tribune des Caryatides, sur
le côté occidental duquel il a laissé sa trace encore très-visible ; il n’y
avait donc point de ce côté une entrée de l’enceinte, comme quelques-
uns l’ont supposé, et c’est avec raison que M. Beulé en trouve une nou¬
velle preuve dans rinterruption de ce côté des oves décorant la corniche
du stylobate, qui, au delà du mur, n’était plus destinée à être vue, par¬
ticularité qui avait échappé à M. Tétaz 2.
A gauche est la muraille occidentale y y de l’Érechthéion qui, il y
a peu d’années, se présentait encore dans presque toute sa beauté^.
Son soubassement, élevé de 3'", 50 et surmonté d’une corniche, est
formé de blocs de marbre de grand appareil soigneusement assemblés.
Par une singularité dont il est difficile de se rendre compte, la porte
communiquant au vestibule n’est pas percée au centre, mais reportée un
peu vers la droite, de sorte qu’elle ne se trouve à l’aplomb, ni de l’une
des colonnes, ni de l’un des entre-colonnements de l’ordre qui décorait la
partie supérieure de la muraille. Cette porte a 2‘", àO de haut sur 1'", 35 de
large. Hermann Hettner^* et quelques autres auteurs, frappés de l’irrégu¬
larité de sa position, ont pensé qu’elle avait pu être ménagée après coup;
mais il est facile de s’assurer que son linteau, long de 2'", 75, date de
la construction même de la muraille dont partout ailleurs la plus longue
assise n’excède pas i“, 80. On comprend plus difficilement comment
il se fait que le seuil porte encore les trous qui recevaient les pivots
de la porte, quand les trous correspondants n’existent pas à la surface
inférieure du linteau.
1 . Plan de l’Acropole n.
2. Beulé. Acropole d’Athènes. T. II , p. 223.
3. Planche IV,
4. Athen und der Pelopones.
TRIBUNE DES CARYATIDES.
La muraille, au-dessus de la corniche de son soubassement, présentait
C{uatre demi-colonnes ioniques engagées , portant un entablement et un
fronton. Les trois entre-colonnements du milieu étaient percés d’autant
de fenêtres fort simples, éclairant le vestibule E, fenêtres qui se retrou¬
vent encore dans tes dessins de Stuart et de Legrand, et qui, de même
que la grande porte du nord, affectaient une forme légèrement pyra¬
midale, circonstance qui n’avait point été remarciuée par Leroy qui, dans
sa restauration, fait les trois fenêtres rectangulaires. Hautes de i‘", 95,
elles avaient dans le bas 0'", 95 de largeur, et au-dessous du linteau
seulement 0'", 87. Peut-être ces fenêtres étaient-elles fermées par quel¬
ques plaques de phengite, cette pierre transparente que nous avons déjà
vue employée au Parthénon.
Toute cette partie supérieure de la muraille a été renversée en 1852
par un terrible ouragan qui a également couché sur le sol une des
colonnes du temple de Jupiter Olympien. Deux des demi -colonnes
gisent au fond de la citerne E, dont, comme nous l’avons dit, elles
ont percé la voûte. Il ne reste plus en place que les bases des demi-
colonnes. La dernière, à gauche, est encore surmontée d’une portion
de fût.
L’enceinte I, qui n’avait d’autre entrée cjue de petites portes, en
quelque sorte dérobées, n’a jamais dû être livrée au public; elle était
sans doute réservée aux prêtresses qui desservaient les deux temples.
C’était une sorte de cloître et en même temps un lieu de récréation, un
jeu de paume, ccpaipicxpa et ccpaipixT-éptov, à l’usage des jeunes Erréphores,
car c’est sous ce nom qu’il est désigné dans les auteurs anciens.
Tribune des Caryatides. Cette tribune G est la partie la plus élé¬
gante et aussi la plus célèbre de l’Erechthéion On sait par de nom¬
breux témoignages anticiues que Cécrops avait été enterré dans l’enceinte
de l’Érechthéion. Nous n’entrerons pas ici dans la discussion à laquelle
les savants français, allemands et anglais se sont livrés sur le lieu
précis qu’occupait ce tombeau ; nous dirons seulement que nous croyons,
avec MM. Raoul Rochette 2, Tétaz ^ et Beulé^, c[ue la tribune des
1 . Voy. la vignette en tête du chapitre.
2. Journal des Savants. Janvier 1851.
.3. Revue archéologique. 1851.
4. Acropole d'Athènes. T. II, p. 257.
Caryatides qui, évidemment, n’a jamais pu servir d’entrée au temple,
nous paraît réunir toutes les probabilités, et par sa forme, et par sa
position, et par le caractère de son architecture dans laquelle on voit
figurer de grands denticules , ornements spécialement funéraires aux
belles époques de l’art grec.
Sur les degrés communs à tout l’Érechthéion, s’élève de i‘",96 une
sorte d’enceinte de grand appareil formant un soubassement et longue
de 7™, 60 sur 3"’, 60 de profondeur. L’élégant entablement, haut de
0'",90, qui surmonte cette tribune, ne se compose que d’une architrave
et d’une corniche. Par une exception unique, la frise a été supprimée,
afin que, rendu plus léger, il ne parût pas écraser ses supports, en appa¬
rence plus faibles que des colonnes ou des piliers ; il est soutenu en effet
par six caryatides, quatre de face et deux en retour. Ces figures, qui
sont au nombre des productions les plus parfaites de l’art grec, ont
2"’, 33, compris la plinthe sur lac{uelle elles reposent et l’espèce de cha¬
piteau qu’elles supportent. Dans ces jeunes filles, M. Beulé croit voir
des Erréphores, pensant trouver dans le poids qu’elles supportent un
souvenir du fardeau mystérieux que leur confiait la grande prêtresse ^ ;
mais les Erréphores n’étaient que des enfants, au nombre de deux
seulement, et il nous semblerait plus naturel, si l’on veut trouver dans
ces figures autre chose que de simples caryatides ^ et les rattacher au
culte de la déesse, d’y reconnaître les Canéphores qui figuraient égale¬
ment dans les cérémonies des Panathénées et qui étaient des vierges
adultes, telles cjue nous les présente la tribune de rErechthéion. Si,
sur ce point de peu d’importance, nous ne partageons point l’opinion de
1. i; Une circonstance m’a singulièrement étonné; je crois devoir la rapporter, parce qu’elle est
peu connue. Deux jeunes filles, que les Athéniens nomment les Erréphores, logent à peu de distance
du temple de Minerve, et même, durant un certain temps, elles y prennent leur nourriture. La fête
étant arrivée, voici ce qu’elles font pendant la nuit. Elles prennent sur leur tête ce que la prêtresse
de la déesse leur donne à porter; elles ignorent ce que c’est, et la prêtresse ne le sait pas elle-même.
Il y a dans la ville, à peu de distance de la Vénus dans les jardins, une enceinte où se trouve un
chemin souterrain ouvert par la nature; elles descendent par là, laissent au fond ce qu’on leur a
donné, et elles reçoivent et apportent quelque autre chose élégamment couverte. On les congédie
ensuite et on les remplace par deux autres jeunes filles qu’on amène dans la citadelle. »
Paosanias. .4ff. C. XXVII.
2. 11 est bien entendu que nous n’employons ici le mot canjatydes, xapéaTioec, que dans un sens
purement architectural, et que nous ne faisôns nullement allusion aux jeunes prisonnières de Carya
qui, suivant Vitruve (L. I, c. l), donnèrent leur nom à ce genre de support.
T R I B U N E DES G A R V A T 1 Ü E S .
173
M. Beulé, en revanche, nous ne saurions faire ressortir aussi bien que
lui un des principaux mérites de ces figures célèbres. « Ce qu’il y a
d’admirable, dit-il^, dans les vierges de l’Érechthéion, ce n’est pas
seulement la sculpture (les opinions seront, je crois, unanimes pour les
placer au premier rang parmi les antiques)^ c’est le caractère monumen¬
tal qui les met en harmonie avec les lignes et le sentiment de tout
l’édifice 2. Telle est l’entente des deux branches de l’art souvent séparées
chez les modernes, toujours étroitement unies chez les Grecs : le sculpteur
semble avoir subordonné son œuvre à celle de l’architecte ; l’architecte
a tout calculé pour faire valoir les statues du sculpteur. De cette abné¬
gation si intelligente est résulté un ensemble qui atteint la plus haute
perfection que la science puisse rêver. »
Empruntons encore à un écrivain allemand quelques mots qui com¬
pléteront cette intelligente appréciation. « Dans les inscriptions, dit
Hermann Hettner les caryatides de l’Érechthéion sont appelées xopat,
jeunes filles. Avec quelle perfection l’artiste a su unir la plastique à l’ar¬
chitecture ! Pour que la masse ne paraisse pas trop pesante, le plafond
du portique n’est pas chargé d’un toit et prend ainsi l’apparence d’un
dais. Et ce dais, les vierges le soutiennent sur leurs têtes gravement et
sans effort, comme si elles portaient des ustensiles sacrés dans la pro¬
cession des Panathénées. Leurs formes puissantes, leurs nobles traits,
les riches plis de leurs draperies, et surtout l’ampleur de leur chevelure
luxuriante, sont rendus avec une vigueur et une liberté qui placent ces
statues au premier rang des sculptures antiques; et cependant, sous
aucun rapport, elles ne franchissent les limites de leur destination archi¬
tecturale. Remplir leur office est pour elles un plaisir et non une fatigue;
et l’on voit à la richesse de leurs formes que leur force musculaire n’est
pas inférieure au poids qu’elles supportent. »
Des six statues, trois seulement étaient encore en place au moment de
l’a.fïranchissement de la Grèce ; une quatrième était tombée pendant le
dernier siège de l’Acropole ; la cinquième avait été emportée par lord
1. Acropole d'Athènes. T. II, p. 277.
2. Aussi ne peut-on comprendre comment Leroy a cru devoir conclure, du silence de Pausanias,
que le portique des Caryatides n’existait pas encore de son temps. Le style même, si essentiellement
grec, de ces admirables figures ne suffit-il pas pour repousser absolument une telle supposition?
3. Athen iind der Pelopones.
El gin, qui ne s’était guère préoccupé de la pensée que son déplacement
entraînerait la ruine de la plus grande partie de 1 entablement. On
croyait que la sixième, celle placée en arrière, du côté oriental, figurait
à Rome, au musée du Vatican. M. Pittakis en a retrouvé le torse brisé;
la partie inférieure et la tête^ ont été refaites et eUe a pu reprendre sa
place. Quant à la seconde figure à partir de 1 angle sud-ouest, qui, enle¬
vée par lord Elgin, est restée au Musée Britanniques après avoir été
longtemps remplacée par un moulage en terre cuite offert par l’Angle-
terre, elle a été habilement refaite en marbre par un artiste grec; enfin,
celle qui avait été renversée pendant le siège a pu être également relevée
après que de . minutieuses recherches en eurent fait retrouver la tête
depuis longtemps perdue. Les portions de l’entablement et du soubas¬
sement qui manquaient ont été remplacées par des marbres simplement
massés et la tribune à pu ainsi, en 186-6, être rétablie toute entière aux
frais déjà France, sous la direction de M. Paccard, architecte pension¬
naire de l’Académie de Rome, grâce à l’heureuse initiative et à la puis¬
sante influence de M. Piscatory, alors ministre de France à Athènes.
Les caryatides, ainsi que l’entablement à l’intérieur comme à l’exté¬
rieur, portent encore des traces très-visibles de peinture. Les autres
détails d’architecture de l’Érechthéion, surtout dans les parties hautes,
étaient également peints et même enrichis de dordres, mais avec une
grande sobriété.
Derrière la caryatide du second rang à l’est, est taillé dans le soubas¬
sement de la tribune un étroit passage z qui permettait de pénétrer
dans l’intérieur et qui probablement, dans l’antiquité, était fermé par
une grille. Presque tout le dallage de la tribune, reposant sur des assises
de pierres grossièrement équarries , existe encore en place , ainsi qu une
grande partie du soffite, dont un morceau considérable gît renversé sur
le sol.
Plusieurs marbres antiques sont déposés sur les degrés qui tonnent
au sud le soubassement de l’Érechthéion. On y remarque un bas-relief
représentant une trirème, découvert le 19 octobre 1858 entre l’Erech-
théion et le piédestal de Minerve Promachos, une tête de Bacchus indien
1. Elgin Saloon, n° 128.
.Divers autres fragments de l’Érechthéion portent, au même musée, les n"® 110, 114, 252 à 255
GROTTE Ü’AGLAURE.
l7o
d’un travail archaïque, et un joli buste de Minerve, dont malheureuse¬
ment la tête est brisée.
A la suite des degrés est posé sur le sommet du mur qui domine
l’enceinte de l’Érechthéion un bloc de marbre mutilé qui paraît avoir
été un siège Sa face porte l’inscription :
lEPEOL
B 0 Y T O r
« Du prêtre Butés. »
« Était-ce, dit M. Beulé, une offrande? Était-ce le siège qui servait
aux Butades^? Avait-on refait après l’incendie de l’Érechthéion le siège
de Butés, premier prêtre de Neptune^? »
Grotte d’Agl/VUre. Dans l’enceinte de l’Érechthéion, près de la
muraille septentrionale de l’Acropole, s’ouvre un escalier souterrain en
assez mauvais état, déblayé en 1822. On s’accorde à reconnaître, dans
la grotte^ à laquelle il conduit, Y Agraulion^ sanctuaire qui était consacré
à Aglaure ou Agraule®, l’une des trois filles de Cécrops. On ne com¬
prendrait guère, si on s’en tenait aux deux traditions de Pausanias et
d’Ovide, que nous avons indiquées à l’occasion du Pandrosion^, comment
Aglaure, punie par les dieux pour sa curiosité ou sa jalousie, aurait été
jugée digne de recevoir quelques honneurs après sa mort. Cette sorte
de culte ne peut être expliqué que par une troisième légende que Stuart
cite d’après Ulpien. Suivant elle, Aglaure était regardée comme une
héroïne. Les Athéniens, engagés dans une guerre malheureuse, avaient
consulté l’oracle d’Apollon qui répondit que, si quelqu’un se dévouait
volontairement pour le salut commun, sa mort assurerait la victoire à
leurs armes. Informée de cette réponse, Aglaure, sacrifiant généreuse-
']. Voy. la lettre eu tête de ce chapitre.
2. Voy. p. 160, note 9.
3. Acropole d’Athènes. T. I, p. 342.
4. Plan de l’Acropole, W.
5. Ibid., H.
6. On écrit tantôt Agraule, tantôt Aglaure, parce que l’on trouve ces deux noms indifféremment
employés par les anciens auteurs. Cependant Larcher, dans sa traduction d’Hérodote, dit qu’il
préfère le nom d’ Agraule, parce qu’il y avait dans l’Attique une bourgade de ce nom qui le tirait
d’Agraule, fille de Cécrops. '
1. Page 157.
ATHENES.
ne
ment sa vie au salut de sa patrie, se précipita du sommet du rocher, au
lieu même où l’on éleva depuis un temple en son honneur. C était dans ce
temple que les jeunes Athéniens venaient jurer de donner leur vie pour
la défense de la patrie, de ses lois et de sa religion^ toutes les fois que
les circonstances l’exigeraient, et prenaient à témoin de leurs serments
Aglaure 2, Mars Enyalius ^ et Jupiter.
L’escalier qui conduisait de l’Acropole dans l’Agraulion commence par
quelques marches modernes, surmontées d’une voûte grossière; on se
trouve ensuite dans un corridor antique taillé dans le roc, ainsi que les
douze marches qui lui succèdent. Il serait dangereux de s’aventurer
sans lumière dans cet escalier, car il s’interrompt tout à coup, et un
seul pas de plus précipiterait le voyageur imprudent d’une hauteur de
sept mètres sur les rochers qui forment le sol de la grotte. C’est donc
par l’extérieur de l’Acropole qu’il faut pénétrer dans l’Agraulion. Cette
autre entrée, à laquelle on parvient assez difficilement, en escaladant
le rocher abrupt, se trouve au pied de la muraille septentrionale , juste
au-dessous des triglyphes antiques employés par ïhémistocle dans sa
restauration. Lors du siège soutenu par les Grecs dans l’Acropole, en
1822, les assiégés, instruits peut-être par l’exemple de leurs ancêtres,
fermèrent cette entrée par un mur épais percé de meurtrières. Depuis
on a ouvert dans ce mur une baie d’environ un mètre en carré, par
laquelle on pénètre aujourd’hui
Dans les parois de la grotte, qui est fort irrégulière et de peu d’éten¬
due, étaient creusées de petites niches contenant des eæ-voto, mais elles
ont presque entièrement disparu sous les stalactites qui les recouvrent.
Au fond, à droite, est une espèce de corridor naturel, haute fissure
inclinée à droite de la verticale et cph ne tarde pas à devenir imprati¬
cable. En revenant sur ses pas, le voyageur qui l’a parcourue aperçoit-
le jour à une assez grande hauteur ; c’est là qu’il voit se terminer brus-
1. Démosthène et Plutarque mentionnent plusieurs fois le serment des jeunes gens dans le
temple d’Agraule ; ’EcpriPwv op'^o; èv tw tÿiç AypaûXou.
« Alcibiade rappelait sans cesse aux jeunes gens le serment qu’ils avaient prêté dans le temple
d'Agraule, et il les sommait de l’accomplir. » Ploïauque. Vie d’Alcibiade.
2. Les femmes d’Atnènes juraient aussi ordinairement par Aglaure.
« Par Aglaure, ô femmes, vous avez perdu le sens. » Aristoph. Les Fêtes de Gérés.
3. ’EvoàXioç, belliqueux.
4. Voy. la vignette à la fin du chapitre.
GROTTE D’AGLAURE.
177
quement l’escalier partant de l’enceinte de l’Érechthéion. La communi¬
cation ne pouvait être établie qu’à l’aide d’une échelle, et c’est sans
doute ce moyen qui fut employé par les Perses, si l’on en croit
MM. LeakeS Wordsworth 2 et Beulé. Selon eux, c’est par cette singu¬
lière entrée, que les Grecs avaient négligé de garder, que les soldats
de Xerxès surgirent tout à coup au milieu de la citadelle. L’inspection
des lieux rend cette supposition très-vraisemblable et, pour notre part,
nous sommes très-disposé à l’admettre, tout en reconnaissant que les
textes sur lesquels elle est fondée sont loin d’être parfaitement clairs et
positifs. (( A la fin, dit Hérodote, les Barbares découvrirent une entrée^
qui les tira d’embarras ; elle était en avant de l’Acropole, derrière les
portes et la montée. Cette entrée n’était gardée par personne, parce
qu’on ne pensait pas qu’un homme pût monter par là^^ Quelques Mèdes y
montèrent cependant dans le temple ou près du temple^ d’Aglaure, fille
de Cécrops, bien que ce lieu fût très-escarpé *5. »
Le passage de Pausanias est moins concluant encore : « L’enceinte
consacrée à Aglaure, dit-il, est au-dessus du temple des Dioscures^. On
raconte à son sujet que Minerve mit Érichthonius dans une boîte qu’elle
confia aux trois sœurs Aglaure, Herse et Pandrose, en leur défendant de
chercher à savoir ce qu’elle contenait. Pandrose lui obéit, dit-on, mais
les deux autres ouvrirent la boîte, et, dès qu’elles virent Érichthonius,
elles devinrent furieuses et se précipitèrent du haut du rocher où est la
\ . Topography of Athens.
2. Athens and Attica. C. XII.
3. Le mot suoSoç, employé par Hérodote, n’a pas d’autre sens que celui d’entrée ou passage, et il
serait bien impropre, appliqué à une partie de la muraille mal gardée et qu’on eût escaladée avec
des échelles.
4. L’escalier supérieur n’eùt sans doute pas existé à cette époque,
5. Les mots xaxà xà Ipov peuvent avoir l’une et l’autre signification. Nous avons déjà dit que le
mot Upôv, en dialecte ionien Ipov, s’appliquait à tout endroit consacré et pouvait désigner aussi bien
une grotte qu un temple. Voy. Pollüx. Onomasticon. L. I, c. § 2.
6. Hérodote. L. VIH, c. 53.
Le môme historien ajoute : « Lorsque les Athéniens les virent dans la citadelle, les uns se tuèrent
en se précipitant du haut du mur, les autres se réfugièrent dans le temple (celui de Minerve Poliade).
Ceux des Perses qui étaient montés allèrent d’abord aux portes; les ayant ouvertes, ils tuèrent les
suppliants de la déesse. Quand ils les eurent massacrés, ils pillèrent le temple, mirent le feu à la
citadelle et la réduisirent en cendres. »
7. En présence d une désignation aussi positive, il est difficile de comprendre comment Stuart a
pu prendre le temple de la Victoire Aptère pour le sanctuaire d’Aglaure,
ATHENES.
citadelle, de l’endroit même où il est le plus escarpé. C’est par cet
endroit que les Mèdes y montèrent et tuèrent ceux qui, croyant avoir
mieux saisi que Thémistocle le sens de l’oracle^, avaient entouré la cita¬
delle de pieux et de pièces de bois 2. »
M. Beulé fait jouer à la grotte d’Aglaüre, dans l’histoire d’Athènes,
un autre rôle, que le voisinage du temple des Dioscures ou Anacéion
indiqué par Pausanias, rend parfaitement possible. « Lorsque Pisistrate,
dit-il, se fut emparé de l’Acropole, il voulut enlever aux Athéniens leurs
armes, et eut recours à la ruse suivante. Il convoqua le peuple dans
r Anacéion, monument voisin de l’Agraulion, et se mit à le haranguer
d’une voix très-faible, qui obligeait tout le monde à tendre l’oreille et
à prêter la plus grande attention. Pendant ce temps, ses gardes s’avan¬
cèrent et s’emparèrent des armes des citoyens^ et les portèrent dans le
temple d’Aglaure^. Par là, il était facile de les hisser dans l’Acropole
sans qu’on s’en aperçût ®. »
Revenons à l’enceinte ou téménosL'^ de l’Érechthéion; nous y verrons
remplacement que M. Beulé assigne à différents groupes mentionnés par
Pausanias s, le combat d’Érechthée et d’Eumolpe, les antiques statues
de Minerve qui avaient échappé à l’incendie de l’Acropole , Thésée
sacrifiant dans la citadelle le taureau de Marathon 9. Nous n’avons point
à nous arrêter à ces monuments, qui ont entièrement disparu, mais,
nous dirigeant vers les Propylées , nous donnerons un coup d’œil à ce
qui reste du piédestal qui porta la statue colossale de Minerve Pro-
1. Vo/. p. 13.
2. Pausanias. Alt. G. XVIII.
3. ’Avàxetov, d”'Avax£ç pour "AvaxTs;, nom des Dioscures, Castor et Pollux. On croit que ce temple,
dont il ne reste plus de trace, occupait sur le versant septentrional de l’Acropole, au-dessous de
l’Agraulion, l’emplacement où s’élève la petite église byzantine consacrée à saint Élie. Plan de
l’Acropole H'.
4. Les citoyens avaient sans doute déposé leurs armes avant d’entrer dans le temple.
5. « Comme il parlait doucement et que les autres tendaient l’oi'eille avec attention , les gardes
s’avançant et enlevant les armes les portèrent dans le temple d’Aglaure. »
PoLYEN. Stratag. I, 21.
6. Beulé. Acropole d’ Athènes. T. I, p. 158.
\
7. Plan de l’Acropole Y.
8. Att. G. XXVII.
9. Acropole d’Athènes. T. II, p. 297.
10. Plan de l’Acropole Z.
PIÉDESTAL DE MINERTE PROMACHOS. -179
machos^; ce ne sont que quelques assises de tuf indiquant un angle.
(( Cette statue, dit Pausanias 2, est en bronze ; elle a été érigée aux
dépens des Mèdes débarqués à Marathon. Elle est l’ouvrage de Phidias,
et c’est Mys qui a, dit -on, gravé sur le bouclier de la déesse le
combat des Lapithes et des Centaures, et les autres sujets qui y sont
représentés. On ajoute qu’il a gravé ce bouclier et ses autres ouvrages
d’après les dessins de Parrhasius, fils d’Évenor h La pointe de la
pique de Minerve et l’aigrette de son casque se voient de la mer dès
le promontoire de Sunium. » Nous avons dit ce qu’on devait penser de
la tradition rapportée par Zosime, suivant laquelle ce colosse aurait
arrêté Alaric effrayé à sa vue'^.
« On peut, dit M. Beulé, calculer les dimensions que Phidias donna
à sa statue sur les médailles de Paris et de Londres 5, de fabriques et
de modules différents; elle est d’un tiers plus haute que le Parthénon.
Le temple avait environ 55 pieds; la statue en avait donc 75. Il faut
déduire de ce chiffre la hauteur du piédestal qui la supportait »
En nous dirigeant vers les Propylées, nous laissons à droite l’empla¬
cement présumé d’un piédestal sur lequel, suivant Hérodote, dut être
placé un char de bronze provenant de la dîme du butin fait en l’an 503 sur
1. qui combat pour, qui défend. Dans sa comédie des Chevaliers, Aristophane lui donne
le nom de Hvlal[Lixyoç, Pylæmachos, qui combat à la porte, allusion à la position de cette statue
auprès des Propylées.
2. AU. C. XXVIJI.
3. Pausanias commet ici un anachronisme: le peintre Parrhasius, fils d’Évenor, ne naquit à
Éphèse que vers l’an 420 avant J.-C., au moins dix ans après la mort de Phidias. M. Beulé {Revue des
Deux Mondes, mars 1860) substitue au nom de Parrhasius celui d’un certain Pérasius.
4. Voy. p. 130.
5. Ces médailles représentent l’Acropole avec le Parthénon et la statue de Minerve Promachos.
6. E. Beulé. La Jeunesse de Phidias {Revue des Deux Mondes, mars 1860).
■180
AT 11 ÈNES.
les Chalcidiens et les Béotiens Traversant les Propylées et passant
entre la Pinacothèque et le piédestal d’ Agrippa, nous trouvons dans
l’angle o le point d’où partait un escalier conduisant de l’intérieur de
la citadelle à la grotte de Pan 2. Aujourd’hui cette communication
n’existe plus, aussi ne décrirons -nous la grotte qu’ après être sorti de la
citadelle.
Fontaine Clepsydre. Dans l’angle opposé de l’esplanade où s’élève
le piédestal d’ Agrippa, nous trouverons auparavant un autre esca¬
lier P par lequel nous descendrons visiter la fameuse fontaine appelée
d’abord Empeclo, et qui prit ensuite le nom de Clepsydre \ et aux
eaux de laquelle les anciens paraissent avoir attaché quelque idée reli¬
gieuse
En 182d et 1822, pendant la guerre de l’indépendance, M. Pittakis
fit partie d’une commission chargée de trouver de l’eau pour le service
de la citadelle; il pensa à rechercher la fontaine Clepsydre que les
auteurs anciens indiquaient comme existant dans le voisinage de la grotte
de Pan 5. Ce fut en effet dans une petite église byzantine consacrée aux
saints apôtres, située à peu de distance de la grotte, et que M. Pittakis
croit avoir succédé à un temple dédié à Neptune, que la fontaine fut
retrouvée. Elle existait devant l’entrée de l’église et depuis longtemps
était comblée. On la dégagea et on y retrouva l’eau aussi abondante
qu’à l’époque où elle était conduite à la clepsydre de la Tour des Vents.
La fontaine étant située en dehors de l’Acropole, Odyssée, chef des
1. « Les Athéniens consacrèrent aux dieux la dixième partie de l’argent qu’ils retirèrent de la
rançon des prisonniers, et on en fit un char de bronze à quatre chevaux qu’on plaça à main gauche,
tout à l’entrée des Propylées de la citadelle, avec cette inscription : « Les Athéniens ont dompté par
leurs exploits les Béotiens et les Chalcidiens, et, les ayant chargés de chaînes, ils ont éteint leur
insolence dans l’obscurité d’une prison. De la dîme de leur rançon, ils ont offert à Pallas ces che¬
vaux. » Hérodote. L. V, c. 77.
2. Plan de l’Acropole L
3. (( Mvrrhine ; Comment me purifier pour rentrer dans la citadelle? »
<! CiNÉsiAs : C’est fort aisé; tu te laveras à la Clepsydre. » Aristoph. Lysistr., v. 909.
4. « Quand Antoine voulut partir pour aller à la guerre, il prit vn chapeau (une couronne) de la
saincte Olive (l’olivier sacré) et emporta avec lui vn vase plein de l’eau de la fontaine Clepsydre pour
autant qu’il auoit eu quelque oracle qui lui commandoit ainsi de le faire. »
Pldtarqee. Vie d’Antoine.
5. ITXriffi'ov xoü llaveioo r] KXei);ijSpa.
« Près de la grotte de Pan est la Clepsydre. Schol. d’ Aristoph. Lysistr., v. 910.
FONTATNK CLEPSYDRE.
181
Grecs, résolut de l’enfermer dans un bastion sur leciuel il fit graver cette
inscription :
nPOMAXEQNA TONAE HHEAIOr Y \A
TOS ANHEEIPEN EK BA0PON OAÏ
SSEYS ANAPIÏZOr EAAHNÜN STPATHEOS
ETEI AÜKB KATA MHNA
LEIITEMB PION
« Odyssée, fils d’Andritzès, général des Grecs, éleva ce bastion au-dessus d’une source
dans l’année 1822, au mois de septembre. »
Moins de deux ans après, le 17 juin 1824, le corps du malheureux
Odyssée était suspendu à une fenêtre de la tour voisine où il était retenu
prisonnier depuis plusieurs mois.
La construction du bastion devant obstruer la porte de l’église, on
éleva au-dessus de la fontaine une voûte en cul de four, percée d’une
margelle ciui établissait une communication avec l’étage supérieur. Voici
dans quel état se présentent aujourd’hui la fontaine et l’église. A l’extré¬
mité occidentale du mur de Thémistocle, et au-dessous de l’aile septen¬
trionale des Propylées, se trouve le bastion moderne s ; on y descend de
l’Acropole par l’escalier p ^ dont nous avons parlé. Après sept marches à
ciel ouvert, on trouve à droite, sous une voûte moderne, quatorze degrés
dont deux taillés dans le roc, et on arrive à une porte percée à gauche
dans un mur antique, et conduisant sur le terre-plein du bastion s; cette
porte, de 1"', 30 en tout sens, est formée de deux jambages et d’un
linteau byzantins provenant peut-être de la porte de l’église ensevelie.
Le jambage de gauche porte une croix grossièrement sculptée, et sur le
linteau sont des palmettes alternant avec des croix inscrites dans des
cercles. De la terrasse du bastion , un escalier moderne composé de
c{uelques marches seulement conduit à un petit réduit voûté ménagé au-
dessus de la fontaine et garni d’une margelle qui permettait aux assiégés
de puiser l’eau sans descendre juscju’à la fontaine même, par un escalier
bien plus long et plus difficile.
Rentrant par la porte byzantine que nous avons décrite, on trouve à
gauche ce dernier escalier, composé en partie de degrés construits dans
1. Plan de l’Acropole.
ATHÈNES.
les temps modernes, en partie de l’ancien escalier de la grotte de Pan
taillé dans le roc. A l’extrémité inférieure de cet escalier, assez peu
praticable, on trouve une ouverture B percée violemment dans la
muraille méridionale de la petite église des Saints- Apôtres, devenue
souterraine.
Celle-ci, dont le sol est jonché de décombres, est couverte d’une
voûte à plein cintre reposant sur des parois verticales, dont la partie
inférieure est taillée dans le roc. Le cul de four en briques C, qui a
Intérieur des Saints-Apôtres.
remplacé l’ancienne entrée, contient un puits dont la margelle en marbre
est très-usée ; c’est là qu’à 10 mètres environ de profondeur se trouve
la fontaine Clepsydre; l’eau légèrement salée et très-profonde y sort
d’une fissure du rocher, qui avait été décorée d’un petit frontispice de
GROTTE DE PAN.
183
marbre composé de deux piédroits avec un fronton portant sur la frise
le seul mot «eptnikot.
Embouchure du canal de la Clepsydre.
La chapelle a environ h mètres de long sur 2'", 50 de large. L’autel,
dont il ne reste plus de traces, devait être placé en A, près de l’en¬
trée moderne; on y voit encore peint le Christ entre la Vierge et
saint Jean évangéliste. Les parois présentaient les images grossières
des douze apôtres; trois du côté sud ont été détruites en pratiquant
l’ouverture de la muraille. Enfin, sur l’arc du cul de four qui a remplacé
la porte, on distingue à gauche une figure prosternée, qui semble avoir
fait partie d’une Annonciation. Toutes ces fresques barbares, remontant
au moins au x® siècle, sont en fort mauvais état; elles offrent en maint
endroit les traces de balles tirées par les Turcs. La chapelle est com¬
plètement obscure, et, pendant que je la dessinais, l’éclat de ma bougie
réveilla quelques-unes des chauves-souris suspendues à la voûte et seules
habitantes du sanctuaire abandonné.
Grotte de Pan. Nous avons fini la visite de l’Acropole; quelques
édifices adossés à son rocher nous restent à étudier, mais ils sont entiè¬
rement indépendants de la citadelle et ils trouveront leur place dans un
autre chapitre; il n’en est pas de même de la grotte de Pan, qui, nous
l’avons dit, avait avec l’Acropole une communication directe par son
escalier taillé dans le roc, et c’est par elle c|ue nous terminerons cet
examen de la partie la plus célèbre et la plus intéressante de l’antique
Athènes.
La grotte de Pan^, située à la droite de celle d’Aglaure, auprès du
bastion moderne qui renferme la fontaine Clepsydre, avait été primitive¬
ment dédiée à Apollon, et, dans son enceinte, Créuse, fille d’Érechthée,
1. Plan de l’Acropole I. La grotte est indiquée sur la médaille que nous avons donnée p. 179.
ATHÈNES.
1 84
victime de la passion de ce dieu^, avait exposé elle-même son fils Ion,
qui donna son nom aux Ioniens d’Europe et d’Asie Cette grotte fut
plus tard consacrée également à Pan par les Athéniens, en reconnais¬
sance de’ la terreur qu’il avait répandue parmi les Perses à Marathon s,
terreur sans cause et sans mesure qui, depuis lors, fut appelée panique.
Si l’on en croit Lucien'^, qui n’y croit guère lui-même^, le dieu quitta
les montagnes d’Arcadie et vint s’établir dans la grotte ciui lui était
1. « Il est une ville célèbi’e de la Grèce à laquelle Pallas à la langue d’or a donné son nom; là,
Phébus surprit Gi'éuse, fille d’Érecbthée, et la força de céder à sa passion au pied de la citadelle de
Pallas. » Euripide. Ion.
« CréüsÊ : Tu connais cet antre exposé au souffle de Borée, creusé dans le rocher de Cécrops que
nous appelons Macra?
« Le Vieillard : Je connais cette grotte où est le sanctuaire de Pan, non loin d’un autel.
« Creuse : C’est là que j’ai soutenu une lutte déplorable. » Id. Ibid.
2. Euripide. Ion., sc. l*"®.
3. « En descendant, non dans la ville basse, mais un peu au-dessous des Propylées, vous trouverez
une fontaine, et tout auprès un sanctuaire d’Apollon dans une grotte; ce fut là, dit-on, qu’ Apollon
surprit Créuse, fille d’Érechthée. 11 y a dans le même endroit un lieu consacré à Pan. On raconte,
au sujet de ce dieu, que Phidippide, envoyé à Lacédémone pour annoncer le débarquement des Perses
dans l’Attique, dit à son retour que les Lacédémoniens avaient différé leur départ, leurs lois ne leur
permettant pas de sortir pour combattre avant que la lune fût dans son plein. Mais il ajouta qu’il
avait rencontré Pan sur le mont Parthénius, et que es dieu lui avait dit qu’il voulait du bien aux
Athéniens et qu’il se trouverait à Marathon pour les secourir. C’est sur cet avis que le culte de Pan
s’établit à Athènes. » Pausanias. Ait. C. XXVIII.
« Avant de sortir de la ville, les généraux (athéniens) envoyèrent d’abord à Sparte, en qualité' de
héraut, Phidippide, Athénien de naissance, et hémérodrome (courrier de pour) de profession. S'il
faut en croire le rapport que fit à son retour Phidippide lui-même. Pan lui apparut près du mont
Parthénion, au-dessus de Tégée, l’appela à haute voix par son nom et lui ordonna de demander aux
Athéniens pourquoi ils ne lui rendaient aucun culte, à lui qui avait pour eux de la bienveillance,
qui leur avait déjà été utile en plusieurs occasions et qui le serait encore dans la suite. Les Athéniens
ajoutèrent foi au rapport de Phidippide, et, lorsqu’ils virent leurs affaires prospérer, ils bâtirent
une chapelle à Pan, au-dessous de la citadelle. Depuis cette époque, ils se rendirent ce dieu propice
par des sacrifices annuels et par des courses de flambeaux. » Hérodote. L. VI, c. 105.
« Le premier qui employa la formule de salutation xaXçe fut le coureur Phidippide qui, venant
annoncer la victoire de Marathon, cria aux archontes assis sur leurs sièges et inquiets de l’issue du
combat : Nous sommes vainqueurs! Réjouissez-vous, xaipe-ce. En prononçant ce mot, il expira. »
Lucien. Sur une faute commise en saluant.
i. i( Dernièrement, j’ai combattu pour les Athéniens et je me suis tellement distingué à Marathon
que, pour prix de mon courage, on m’a consacré la grotte qui est sous l’Acropole. Si jamais vous
allez à Athènes, vous verrez comme on y vénère le nom de Pan.
Lucien. 23® Dialogue des Dieux.
(( Mercure: Comment! tu ne reconnais pas Pan, le plus bachique des serviteurs de Bacchus? Il
habitait autrefois les hauteurs du mont Parthénius; mais, lors de l’expédition de Datis et de la
descente des barbares à Marathon, il vint au secours des Athéniens sans qu’on l’y eût appelé. Depuis
cette époque, il a reçu pour demeure la grotte située sous l’Acropole; il réside tout près du Pélas-
gique {mur construit par les Pélasges)., et on l’a admis parmi les métœques {étrangers domiciliés). »
Lucien. La Double accusation.
5. (( Celui qui ne tiendrait pas pour vrais ces contes ridicules et qui, les soumettant à un sérieux
GROTTE DE PAN.
18o
offerte, faisant retentir les longs rochers des sons joyeux de sa flûte Le
peuple se rendait deux ou trois fois par an à ce nouveau sanctuaire
pour sacrifier un bouc et se livrer à des réjouissances 2.
Grotte de Pan.
La grotte, haute de 10 mètres, large de 6, n'a pas plus de 5 mètres
de profondeur, et cependant il dut en être toujours ainsi, car sur sa
surface extérieure on voit des traces à' ex-voto qui eussent disparu si la
partie antérieure du rocher eût été abattue ou se fût écroulée plus tard.
examen, regarderait comme une fable... que Pan soit venu du fond de l’Arcadie au secours des
Athéniens, à Marathon, etc., celui-là, dis-je, passerait pour un impie, un insensé, do refuser sa
ci’éance à des faits si authentiques et si avérés. Telle est la puissance du mensonge. »
Lücien. Le Menteur par inclination.
1. <( Pan : Moi, je me retire dans ma grotte où je vais jouer quelqu’une de ces chansons amou¬
reuses dont j’ai coutume de fatiguer Écho. » Lucien. La Double accusation.
« O retraite de Pan ! grotte voisine des rochers de Macra, où les trois filles d’Agraule, dans leurs
danses légères, foulent les verts gazons qui fleurissent au pied du temple de Pallas, aux modulations
variées de la flûte champêtre, lorsque, ô Pan! tu la fais résonner dans ta caverne. »
Euripide. Ion.
2. « La Justice : Comment te trouves-tu de ton séjour à Athènes? »
« Pan : Pour tout dire, on ne me traite pas selon mon mérite, et je suis obligé de rabattre beau¬
coup de mes espérances. Cependant, j’ai réprimé un fameux désordre lors de l’invasion des Barbares.
Il est vrai que, deux ou trois fois par an, on monte ici et l’on m’immole un bouc sentant fortement
le gousset; les assistants font de sa chair un régal dont je suis le témoin inactif, et m’honorent de
quelc[ues froids applaudissements. Toutefois, je me divertis un peu de leurs rires et de leurs bouf¬
fonneries. » Lucien. La Double accusation.
186
ATHÈNES.
Il est probable qu’en avant de la grotte on avait élevé quelque con¬
struction qui en agrandissait l’enceinte, ainsi que le firent à leur
tour les chrétiens lorsqu’ils la convertirent en une chapelle dédiée à
saint Athanase. Quelques restes de murailles en brique datant de cette
époque se voient encore sur le rocher à droite de l’entrée. Au fond
de la grotte est grossièrement taillée dans le roc la niche qui con¬
tenait la statue de Pan; elle n’a que i‘", 35 sur 0™, 65. Plus haut est
une seconde niche, sans doute destinée à la statue d’Apollon Les parois
sont partout couvertes de cavités rondes , carrées ou oblongues , de
différentes dimensions, destinées à recevoir des ex-voto de marbre. Plu¬
sieurs de ceux-ci étaient fixés par des tenons dont les trous de scelle¬
ment sont encore visibles au fond des cavités. Des trous de clous
percés dans la paroi unie indiquent que d’autres ex-voto y étaient simple¬
ment suspendus.
Dans l’une des comédies d’Aristophane, dans Lysistrate, l’escalier et
la grotte de Pan sont le théâtre d’une scène qu’il nous serait impossible
de reproduire ici; nous nous contenterons de renvoyer nos lecteurs aux
œuvres du comique grec, s’ils sont curieux de voir à quel point la licence
était poussée chez un peuple alors pourtant le plus policé, non-seulement
de la Grèce, mais encore du monde entier.
1. Dans la grotte de Pan, une statue avait été dédiée par Miltiade, et l’inscription en avait été
composée par Sinionide {Poet. Min. I, p. 367). Chr. Wordsworth {Athens and Aitica. C. XII) pré¬
tend que cette statue orne aujourd’hui le vestibule de la bibliothèque de Cambridge.
T K Ml' LE DE THESEE.
Temple de Junon et de Jupiter Panhellénien.
CHAPITRE V
TEMPLE DE THÉSÉE.
MONUMENT DE CHALCODON,
METUOUN. TEMPLE DE GÉRÉS. TEMPLE DE JUPITER OLYMPIEN.
TEMPLE DE JUNON ET DE JUPITER PANHELLÉNIEN.
TEMPLE DE RACCIIUS OU LENœON.
COLONNE AU SUD DE l’ AC RO POLE.
E temple cpie nous allons décrire est,
parmi les édifices sacrés d’Athènes, celui
dont la construction remonte à l’époque
la plus reculée. Plutarcpe nous apprend
que les Athéniens élevèrent un temple à
Thésée après son retour de Crète et sa
victoire sur le Minotaure. Thésée lui-
mêmé ordonna c{ue le revenu destiné à
l’entretien de ce temple et les frais des
sacrifices qui s’y feraient seraient pris sur le tribut que l’on payait au
roi Minos , tribut dont il avait par sa valeur affranchi les Athéniens. Il
ir
ATHÈNES.
1 88
confia le soin des cérémonies qu’on y devait célébrer aux descendants
de Phytalus^, aux Phytalides qui étaient allés le recevoir près du fleuve
Céphyse, à sa première arrivée à Athènes, et, à sa prière, l’avaient purifié
du meurtre de Sinis. Ce temple ne fut pas le seul élevé à Thésée de son
vivant; les Athéniens lui en consacrèrent un grand nombre, mais il ne
s’en réserva c^ue quatre et fit dédier tous les autres à Hercule, en
reconnaissance de ce que ce héros l’avait délivré de la prison où il avait
été renfermé par Adonéus, roi des Molosses; il fit même changer le
nom de ©vicsla cjne portaient ces temples en celui d’HpocxXeta^.
Aucun vestige de ces temples n’est parvenu jusqu’à nous; mais nou's
possédons presque intact celui qui fut élevé plus tard en l’honneur du
même héros. Ce monument fut achevé l’an 470 avant Jésus-Christ, dans
la troisième année de la 77® olympiade, sous l’archontat d’Aphepsion
près de huit siècles après la mort de Thésée, cparante ans avant celle
de Périclès, et trente ans avant la construction du Parthénon.
Malgré l’opposition de quelques archéologues, il nous semble qu’il
ne peut s’élever aucun doute sur la dédicace de ce temple au vainqueur
du Minotaure ; nous en trouverons des preuves irrécusables dans les
sujets des sculptures qui le décorent et dans lesquelles, toutes mutilées
qu’elles soient, il est impossible de ne pas reconnaître plusieurs des
exploits du héros athénien. C’est bien là le temple que Plutarque et
Pausanias placent près du gymnase de Ptolémée'^.
Ainsi que nous le verrons, il existe encore des restes assez considé-
1. Phytalus, héros éleusinien, donna' l’iiospitalité à Gérés, qui lui fit présent du figuier. Les
Phytalides, ses descendants, présidaient aux purifications.
2. « A son retour, il dédia à Hercules tous les temples que la ville, auparauant, avoit faict bastir
en son hoiîeur ; et au lieu que premièrement ils s’appeloyent Thesea, il les surnoma tous Herculea,
excepté quatre, ainsi que l’escrit Philochorus. » Plutarque. Vie de Thésée.
« Thésée a Hercule : Quitte donc Thèbes pour obéir à la loi et suis-moi dans la ville de Pallas,
Là tu purifieras tes mains du sang dont elles sont souillées, et tu partageras mon palais et ma fortune;
tous les présents que je reçus des citoyens pour avoir sauvé sept vierges et sept jeunes garçons en
tuant le taureau de Crète, je te les donnerai. De tous côtés, des portions de terre me sont réservées ;
je veux que désormais elles portent ton nom et t’appartiennent pendant ta vie; et, après ta mort,
lorsque tu seras descendu dans le royaume de Pluton, la cité d’Athènes t’honorera par des sacrifices
et par des monuments de marbre élevés à ta gloire. » Euripide. Hercule furieux., sc. dern.
3. Plutarque. Vie de Cinion.
4. « Il fut enterré au milieu de la ville, près du lieu où est aujourd’hui le gymnase. »
Plutarque. Vie de Thésée.
I' Le temple de Thésée est voisin du gymnase do Ptolémée. »
Pausanias. AU. G. XVII.
TEMPLE DE THÉSÉE.
189
râbles de ce gymnase, et leur situation à l’égard du temple répond exac¬
tement aux indications que ces auteurs nous ont laissées. Ce sont eux
aussi qui nous apprennent cpel fut le motif des honneurs rendus à Thésée.
Plutarque, après avoir raconté ses actions héroïques, l’ingratitude dont
les Athéniens, en proie aux factions, payèrent ses services, puis son ban¬
nissement et sa mort dans l’exil, ajoute : « Et depuis, y a eu beaucoup
d’occasions cjui ont esmeu les Athéniens à le reuerer et honorer corne
demi-dieu : car en la bataille de Marathon, plusieurs pensèrent voir
son image en armes, combattant contre les Barbares : et depuis les
guerres médoises. l’année que Phædon fust préuost^ à Athènes, la reli¬
gieuse Pythia respondit aux Athéniens qui auoyent enuoyé à l’oracle
d’Apollo, qu’ils retirassent les os de Theseus, et que, les mettans en lieu
honorable, ils les gardassent religieusement : mais il estoit bien malaisé
de trouuer sa sépulture : et quand bien on l’eust trouuée, encores estoit-il
plus difficile d’en emporter les os pour la malice des Barbares habitans
de l’isle 2, qui estoient si farouches c{ue l’on ne pouuoit fréciuenter auec
eux. Toustesfois Cimon l’ayant prise, corne nous l’auons escript en sa
vie , cerchant ceste sépulture , apperçeut de bonne fortune vn aigle qui
frappoit du bec et grattoit des griphes en vn endroit qui estoit vn peu
releué; si lui vint incontinent en pensée, corne par inspiration diuine, de
faire fouiller en ce lieu, là où l’on trouva la sépulture d’un grand corps
avec la pointe d’vne lance qui estoit d’airain, et vue espée. Lesquelles
choses furent toutes portées à Athènes par Cimon sur sa galère capi-
tainesse, que les Athéniens reçeurent à grand joye, auec processions et
sacrifices magnifiques, ni plus ni moins que si ç’eust esté Theseus lui-
même viuant qui fust étourné en la ville »
A cette occasion on institua des fêtes et des jeux en l’honneur du’ fils
d’Égée, et ce fut alors qu’eut lieu le fameux concours entre Eschyle et
1. C’est-à-dire archonte. L’an 476 avant J.-C.
2. Scyros, aujourd’hui Skyros, île de la mer Égée, où était mort Thésée.
3. L’an 469 avant J.-C.
4. Plutarque. Vie de Thésée. Trad. d’Amyot.
« Après un règne de trente ans, Thésée mourut sur la terre étrangère, exilé de sa patrie pendant
une révolte; mais les Athéniens s’en étant plus tard repentis 6rent rapporter ses os, lui rendirent
les honneurs divins et lui consacrèrent un temple avec droit d’asile, qui reçut le nom de Théseion. »
Diodore de Sicile. L. IV, 62.
■190
ATlIÈxNES.
Sophocle, concours à la suite duquel Eschyle vaincu se condamna à un
exil volontaire et se retira en Sicile.
Le temple élevé à cette époque par les soins de Cimon et sur les des¬
sins de Micon, pour y déposer les dépouilles du héros, est celui-là même
que nous voyons aujourd’hui presque entier et le mieux conservé de tous
les monuments d’Athènes. Il fut dans l’antiquité un lieu d’asile pour les
esclaves maltraités par leurs maîtres, et pour les citoyens de condition
inférieure poursuivis par quelque homme puissant^, et cela en mémoire
de Thésée, dont la vie entière avait été consacrée à la défense de l’infor¬
tune et de la faiblesse. Ce temple fut aussi employé à divers usages
civils; il servit de lieu d’assemblée aux thesmothètes ^ ; par la suite, on
y plaida même quelques causes , et il devint une espèce de prison
publique
Le temple de Thésée, édifice essentiellement dorien et que les anciens
admiraient presque à l’égal du Parthénon'^, est situé sur un plateau
légèrement surélevé qui se détache au nord de la montagne de l’Aréo¬
page. Il est hexastyle et périptère et ressemble beaucoup au Parthénon
auquel probablement il a du servir de type.
plan du temple do Thésée.
Il se composait d’un péristyle AB CD et d’une cella, large dans œuvre
de 6™, 22, comprenant le pronaos E profond de 5 mètres, le naos ou
sanctuaire F, long de 12'", 10, et le posticwn G, profond de A™, 90.
1. PoLLux. Onomasticon. L. VIL — Plutarque. Vie de Thésée.
2. Les six derniers des neuf archontes. Ils composaient un tribunal civil et criminel, veillaient au
maintien des lois et des droits du peuple, recueillaient les suffrages dans les assemblées, etc.
3. Esciiine. C. Ctésiphon.
4. « Nous voyons chacun admirer le temple de Thésée autant que le Parthénon. »
Plutarque. De Exsil. 007, 8.
TEMPLE DE THÉSÉE.
191
La façade principale A B est tournée à l’orient, et dans le portique
antérieur on voit une ligne gravée sur le sol que l’on a supposé avoir
été une méridienne ; mais Revett ne croit pas à la possibilité de cette
destination à laquelle se fût opposée l’ombre des colonnes et du soffite.
Le temple s’élève sur un stylobate composé de deux degrés de marbre,
reposant sur des assises de pierre du Pirée qui sont visibles à l’ouest et
au nord, où le sol est moins élevé, et qui à l’angle nord-ouest atteignent
le nombre de sept.
La dimension du temple, prise au degré supérieur du stylobate, est
de 31™, 85 sur 13™, 85. Il est formé entièrement de marbre pentélique.
Les colonnes d’ordre dorique, cannelées et sans base, n’ont point d’astra¬
gale*, et ce membre est remplacé par un anglet^qui, comme au Par-
thénon, ne fait que couper les cannelures sans les arrêter. Ces colonnes
sont au nombre de six à chacune des façades; leur diamètre est, au pied
du fût, de 1™,009, et à la naissance du chapiteau, de 0™,79/i-. La hauteur
du fût est de 5™,50, celle du chapiteau de 0™,38, ce qui donne une élé¬
vation totale de 5™, 88. M. Woods ^ reproche aux chapiteaux leur peu
d’élévation ; nous regardons ce blâme comme mal fondé; les chapiteaux
du temple de Thésée ont proportionnellement autant de hauteur que ceux
des autres temples de l’ordre dorique gi^c. Ils ne présentent au-dessous
de l’échine que trois filets comme les colonnes du pronaos et du posticuiii
du Parthénon, dont les colonnes extérieures ont cinq filets.
La largeur des entre-colonnements est de i™,59, excepté aux angles
de l’édifice où elle n’est c[ue de i™,28, afin de donner plus de solidité
à la construction, et aussi pour apporter les triglyphes aux angles sans
1. Petit membre d’architecture qui entoure ordinairement le haut du fût de la colonne.
2. Moulure creusée à angle droit.
3. Letters of an Architect [rom France, Italij and Greece.
192
xVTHÈNES.
choquer l’œil par l’inégalité des métopes. Ces colonnes supportent un
entablement composé d’une architrave haute de 0'",75, d’un filet de
0™,008, d’une frise de 0™,88, enfin d’une corniche de 0‘",25 sur laquelle
le fronton prend naissance.
Entre les colonnes du péristyle, on reconnaît les traces de scellement
des grilles qui l’ont fermé, et, au devant d’un petit escalier entaillé dans
l’un des degrés, les crapaudines d’une porte.
Au sud, près de l’extrémité occidentale du temple, on voit que deux
colonnes ont été entamées à leur base, ainsi que le mur du naos. En
elfet, en 1660, les Turcs avaient commencé à détruire le Théseion pour
élever une mosquée sur son emplacement et avec ses matériaux. Il fallut,
pour arrêter ce vandalisme, un firman que les Grecs obtinrent à Con¬
stantinople.
Deux colonnes, voisines de celles qui ont été entamées ainsi, ont été
ébranlées par le tremblement de terre de 1807; enfin, en 1821, la foudre
a percé de haut en bas la colonne de l’angle nord-ouest et on a du la
garnir de cercles de fer^.
Le portique AB en avant du pwnaos a 3'", 90 de largeur à partir du
nu des colonnes. Son plafond est entièrement conservé, et les poutres
de marbre qui le soutiennent à la hauteur de la corniche ont plus de
h mètres de longueur. Ces poutres ne répondent ni à l’axe des colonnes,
ni à celui des entre -colonnements; elles sont au nombre de sept, et,
comme chaque intervalle comprend vingt caissons, on ne compte pas
moins de cent soixante caissons au pronaos.
Le portique occidental CD^ est moins large, n’ayant que 3™,20; il
a perdu deux des poutres, longues de 3'", 30, qui faisaient partie de son
soffite, et presque tous ses caiseons.
Les portiques des ailes, composés de treize colonnes en comptant
celles des angles, sont plus étroits encore; ils n’ont que i"‘,80 et on ne
comptait que dix caissons par division du soffite. Au portique méridional
restent encore toutes les poutres, mais seulement un petit nombre de
caissons. Le plafond de l’aile du nord est le plus maltraité; la plupart
des poutres et des- caissons ont disparu.
\. PiTTAKis. L’Ancienne Athènes.
2. Planche V.
TEMPLE DE THÉSÉE. I93
Entre chaque poutre, au portique occidental, se trouvent seize cais¬
sons, disposés sur deux rangs et creusés dans trois plaques de marbre
juxtaposées et réunies entre elles par des crampons. Deux de ces plaques
contiennent chacune six caissons; la troisième, quatre seulement. Le
centre est entièrement percé à jour et il est rempli par des espèces de
couvercles posés dessus et s’ajustant dans des feuillures.
Sur les poutres étaient peints des oves, ainsi que sur les bords des
couvercles des caissons, dont le fond était occupé par des étoiles peintes
en bleu et en rouge. On ne retrouve qu’en fort peu d’endroits des restes
de couleur, mais cependant on ne peut douter qu’il n’y en ait existé.
Presque partout on reconnaît encore les contours des ornements peints
qui avaient été tracés préalablement à la pointe. Suivant la tradition
constante, on voit du bleu dans les triglyphes, du rouge dans le fond des
metopes, etc. Sur 1 architrave du péristyle et sur la corniche intérieure
étaient des méandres peints, visibles surtout au sud-ouest du posticum.
Jusqu’à présent on n’a découvert aucun vestige de couleur aux chapiteaux.
Dodwell ^ suppose que les sculptures durent être coloriées comme
celles du Parthénon ; Leake dit y avoir observé des traces de couleur,
des indices de bronze et d’or, des draperies vertes et rouges sur un fond
bleu, etc.; M. Pittakis avance c{ue toutes ont conservé cjuelques vestiges
de la couleur dont elles étaient rehaussées, et que les tons dominants
étaient le jaune, le bleu, le rouge et le vert; mais M. Prestat, architecte,
(|ui a étudié le monument avec le plus grand soin, n’a pu découvrir la
moindre trace de cette décoration.
Ainsi que nous 1 avons dit, et cju’on peut le voir sur le plan, la cella
comprenait le pronaos, le naos et le posticum.
Le pionaos E et le posticum G étaient formés par un prolongement
des murs de la cella terminé par des antes, et leur plafond était soutenu
pai deux colonnes ayant 5"’, 38 de hauteur, y compris le chapiteau, et
1 mètre de diamètre à la base. Ces colonnes ont disparu du pronaos,
pour faire place à une large arcade f, qui forme l’entrée d’une abside e,
construite par les Byzantins sous le portique oriental, lorsqu’en l’an 667
ils convertirent le temple de Thésée en une église dédiée à saint Georges^.
1. Alcuni bassi-rilievi délia Grecia. Roma, 1812, in-folio.
2. Lorsque les chrétiens changeaient un temple en église, presque toujours il y avait analogie entre
13
194
ATHÈNES.
Les traces des colonnes étaient encore visibles sur le pavé au temps de
Stuart, mais elles sont aujourd’hui cachées sous le mur qui a rempli la
baie /, lorsqu’en 1835 on a démoli l’abside chrétienne pour dégager le
portique grec^. On voit encore dans ce mur les piédroits de l’arcade,
et une partie de leurs impostes byzantines. Un tronçon de colonne du
pronaos est déposé sous le portique.
C’est aussi à l’époque de la conversion du Théseion en église que fut
détruit le mur a qui séparait le pronaos du naos; mais sa situation est
indiquée de la manière la plus positive par les arrachements que l’on
voit encore sur les murs latéraux de la cella et qui indiquent qu’il avait
O"’, 80 d’épaisseur.
Les colonnes du posticum G ont été très-endommagées. Celui-ci n’avait
pas originairement de communication avec la cella, et nous pouvons
supposer que, fermé par une grille, il contenait quelques statues, des
eæ-voto de marbre, de pierre ou de bronze. Au fond du pronaos était
au contraire l’entrée a du sanctuaire F; mais quand le temple devint
église et que l’orientation de l’édifice fut changée, une grande porte b fut
percée dans la muraille occidentale 2, et cette porte aujourd’hui condam¬
née se trouve indiquée sur le plan donné par Stuart. Sur son cham¬
branle on retrouve encore quelques restes de peintures et d’inscriptions
chrétiennes.
Lorsque Athènes tomba au pouvoir des Turcs, les chrétiens, pour
empêcher les infidèles de profaner leur église en y entrant à cheval sui¬
vant leur usage, murèrent la grande porte et en ouvrirent deux petites,
également condamnées depuis, dans la muraille septentrionale de la cella,
et, dans celle du sud, une troisième d par laquelle on entre aujourd’hui.
Le naos, ou temple proprement dit, avait à l’intérieur d2"',i0 de lon¬
gueur sur une largeur de 6'", 22. Le pavé antique, qui était en marbre
pentélique, a entièrement disparu; en 1769, un Turc qui faisait bâtir une
l’ancien vocable et le nouveau. Nous avons vu ciue le Partliénon, dédié à la déesse de la Sagesse, avait
été consacré à la Sagesse divine, le temple de Minerve Poliade, la chaste divinité, à la sainte Vierge;
ici, le temple de Thésée, destructeur des brigands et des monstres , est placé sous l’invocation de
saint Georges, le vainqueur du dragon.
1. Une petite porte a été réservée dans ce mur, mais elle est constamment fermée et, à l’intérieur,
elle est masquée par des tablettes chargées d’antiquités.
2. M. Pittakis {Ancienne Athènes) pense que, de tout temps, il avait existé une petite porte entre
le posticum et le naos, et que les chrétiens n’avaient fait que l’agrandir.
TEiMPLR DE THÉSÉE.
^95
maison le fit enlever pour faire de la chaux; il a été remplacé par des
carreaux de terre cuite.
Une voûte semi -circulaire de pierres grossières, percée de petites
ouvertures, a succédé au plafond antique qui sans doute était richement
orné.
Le temple était primitivement couvert de tuiles de marbre^, et M. Ran-
gabé^ raconte qu’un pacha en avait fait enlever une partie pour s’appro¬
prier une livre ou deux de miel que des abeilles y avaient déposé.
MM. Woods et Prestat en ont trouvé un fragment dans le haut de l’édi¬
fice, mais hors de place. Les mêmes architectes ont reconnu sur le haut
de la corniche, près de l’arête, des trous de crampons placés deux par
deux qui durent soutenir des .antéfixes.
La décoration extérieure du temple de Thésée était composée de quatre
grands ouvrages de sculpture du^ au ciseau de Miron, élève, comme
Phidias, d’Agéladas d’Argos; c’étaient le fronton ariental, les métope-s
et les deux frises placées sous les portiques aux deux extrémités de la
cella.
Le fronton principal ou oriental est, ainsique celui du couchant, extrê¬
mement bas^; il a beaucoup souffert dans sa partie supérieure, et la
plupart des morceaux qui en formaient les rampants gisent sur le sol en
avant du monument. Au sommet et aux angles du triangle, on voit,
comme à la corniche des portiques, les trous des crampons qui soute¬
naient les acrotères. Au fond du tympan se trouvent également des trous
de crampons, seule indication des sculptures dont il était décoré. Ces
sculptures étaient probablement en ronde bosse comme celles des fron¬
tons du Parthénon et d’Égine, mais il n’en reste pas le moindre vesj;ige.
Du nombre et de la disposition des trous, M. Pittakis'^ croit pouvoir
conclure qu’il n’y avait pas plus de quatre figures.
Rien de semblable ne s’observe au fronton occidental qui est intact;
'] . Selon toute apparence, Chandler, faute d’une attention suffisante, a confondu avec de la rouille
la belle teinte jaune que le temps répand sur le marbre pentélique. « Ce temple, dit-il , est couvert
de plaques de fer et fort endommagé, les Turcs ayant tiré dessus avec des boulets rouges pour
essayer la force de leur poudre, la bonté de leurs pièces ou leur propre adresse à venir frapper à un
point donné. » Voyages en Grèce. T. II, p. 443.
2. Antiquités helléniques.
3. Planche V. Fronton occidental.
4. Ancienne Athènes.
196
ATHÈNES.
nous devons en conclure qu’il n’avait jamais contenu de statues, ce qui
est encore rendu plus vraisemblable par l’absence de métopes sculptées
à cette extrémité du temple.
Il n’existait en effet de bas-reliefs qu’aux dix métopes de la face orien¬
tale et aux quatre premières en retour de chaque côté. Ces bas-reliefs
ont 0"’,76 de large sur 0"’,70 de haut. D’après ce que l’on sait de l’amitié
qui unissait Thésée et Hercule^, on ne sera pas étonné de retrouver dans
les métopes du temple de Thésée les exploits des deux héros. Dans le
passage de V Hercule furieux que nous avons cité 2, et qui fut écrit par
Euripide quelques années seulement après l’érection du temple, il est
évident que, Thésée promettant à Hercule que les Athéniens l’honoreront
avec des marbres sculptés ^ le poète fait allusion aux métopes du temple
de Thésée.
Les dix sujets représentés sur les métopes de la façade sont en effet
tirés de l’histoire d’Hercule; voici dans quel ordre ils se présentent en
commençant l’examen par la gauche, c’est-à-dire à partir de l’angle
sud-est :
1° Hercule tuant le lion de Némée, bas-relief assez bien conservé;
2“ Hercule tuant l’hydre de Lerne en présence d’Iole;
3“ Hercule domptant le sanglier d’Érymanthe ;
h° Hercule vainqueur du taureau de Crète envoyé par Neptune contre
Minos ;
5° Hercule enlevant les cavales de Diomède;
6“ Hercule enchaînant Cerbère : à peine en reste-t-il quelques traces ;
1° Métope très -endommagée, dans laquelle on croit reconnaître
Hercule combattant Cycnus, fils de Mars et de Pirène;
8° Hercule enlevant Hippolyte, reine des Amazones, composition diffi¬
cile à comprendre;
9“ Métope représentant deux personnages emportant un cadavre :
M. Leake croit y reconnaître Hercule étouffant Antée, tandis que la Terre,
\. Ils étaient même parents. OEthra, mère de Thésée, était fille de Pitthée; Alcmène, mère
d’Hercule, était fille de Lysldicè, et Pitthée et Lysidicè, enfants de Pélops et d’Hippodamie ,
étaient frère et sœur. Hercule et Thésée étaient donc cousins issus de germains. Cette généalogie,
expliquée par lolas à Démophon, dans les Héraclides d’Euripide, vers 207-212, est confirmée par
Plutarque dans la Vie de Thésée.
2. Page 188, note 1.
TEMPLE DE THÉSÉE. /|97
sa mère, semble lui tendre les bras pour le secourir; Stuart regarde le
sujet comme inconnu ;
10“ Enfin la dernière métope, assez bien conservée, représente Hercule
enlevant les pommes du jardin des Hespérides.
Les huit métopes placées en retour aux côtés du temple sont consa¬
crées aux exploits de Thésée; elles sont en meilleur état que celles de
la façade, surtout les quatre du nord, les mieux conservées de toutes,
qui représentent à partir de l’angle nord-est :
1“ Thésée tuant Périphetès surnommé Corynète^;
2° Thésée et Créon^;
3“ Thésée et Sciron ^ ;
h° Thésée tuant la laie de Crommyon^.
Les quatre métopes du midi, également en commençant par l’angle
du monument, sont ;
1“ Thésée tuant le Minotaure ^ ;
2“ Thésée arrêtant le taureau de Marathon ® ;
3" Thésée et Cercyon ^ ;
1. Périphetès, fils de Viilcain, fameux brigand qui tirait son surnom de la massue, xopuvv:, avec
laquelle il assommait ses hôtes.
‘2. Créon, roi de Thèbes, oncle d’OEdipe et de Jocaste.
3. Fameux brigand qui, se tenant dans un défilé au nord et au fond du golfe d’Egine, précipitait
les voyageurs à la mer, après les avoir dépouillés. Ce défilé, appelé depuis roches scironiennes,
porte aujourd’hui le nom de Kakiscala. Suivant une autre tradition rapportée par Plutarque {Vie de
Thésée)^ Sciron aurait été, au contraire, un homme vertueux et bienfaisant qui n’aurait été tué que
beaucoup plus tard par Thésée, lorsqu’il s’empara d’Éleusis, occupée alors par les Mégariens, et en
chassa Dioclès qui y commandait. Cf. Pompon. Mêla. De situ orbis. L. II, c, 3.
4. Crommyon était une contrée voisine de Corinthe, que ravageait cette laie, mère du sanglier de
Calydon. Elle était connue sous le nom de Phéa, la noirâtre. « Toutesfois les autres ont escrit que
cette Phœa estoit vue brigande, meurtrière et abandonnée de son corps, laquelle destroussait ceux
qui passoyent par auprès du lieu appelé Crômyon, où elle se tenoit; et qu’elle fut surnommée laie
pour ses mœurs deshonestes et sa meschàte vie pour laquelle finalement elle fut tuée par Theseus. »
Plutarque. Vie de Thésée.
5. Suivant une tradition conservée par Plutarque {Vie de Thésée)^ le Minotaure n’était pas un
homme à tète de taureau, comme on le représente ordinairement, mais un général de Minos nommé
Taurus, qui, par son caractère, s’était rendu odieux aux Cretois et à Minos lui-même, qui fut
enchanté d’en être délivré.
6. (( Theseus, qui ne vouloit pas demeurer sans rien faire et quand et quand desiroit de gratifier
au peuple, se partit pour aller côbattre le taureau de Marathon, lequel faisoit beaucoup de maux aux
babitans de la contrée de Tetrapolis; et, l’ayant pris vif, le passa à trauers la ville, afin qu’il fust
veu de tous les babitans, puis le sacrifia à Apollo surnômé Delphinien. »
Plutarque. Thésée.
7. Ccrcyon, ou Sinis, selon Plutarque et Lucien, qui fait même de Cercyon un autre personnage,
■198
ATHÈNES.
k° Peut-être Thésée et Procuste
Il y a lieu de croire, d’après les paroles de Pausanias, que ces sculp¬
tures du style le plus élevé doivent être, comme nous l’avons dit, l’ou¬
vrage de Micon, non moins habile sculpteur que peintre et architecte.
(( Elles prouvent, dit Dodwell que la sculpture était presque arrivée à
la perfection qu’elle atteignit au temps de Phidias, et qui depuis ne fut
jamais surpassée ni même égalée. »
Sous le péristyle oriental, au-dessus de l’entrée du pronaos ^ est une
grande frise longue de sur 0"’, 78 de hauteur, sculptée de bien plus
brigand qui désolait l’isthme de Corinthe, avait été surnommé Pityocampte, courbeur de pins (de
tu'tuç, pin, et xàpTtTM, courber), parce qu’il attachait ses victimes à deux arbres courbés qui les
déchiraient en se redressant. Thésée lui fit subir la peine du talion. Alexandre, dit Plutarque {Vie
d Alexandre), infligea le même supplice à Bessus, l’assassin de Darius.
« Momus : Si Thésée, allant de Trézène à Athènes, ne se fût occupé, comme passe-temps de voyage,
à châtier les malfaiteurs, comme il appartenait à ta providence de le faire, ô Jupiter! rien n’eût
empêché Sciron, Pityocampte, Cercyon et autres bandits de vivre tranquilles et de s’amuser à égorger
les voyageurs. » Lucien. Jupiter tragique.
« Thésée: Si je laissais une telle offense impunie, le brigand Sinis, qui infestait l’isthme de
Corinthe, ne s’avouerait plus mis à mort par moi et m’accuserait d’une vaine jactance; et les
rochers que la mer vit naître des ossements de Sciron ne témoigneraient plus que je suis le fléau
des méchants. » Euripide. Hippolyte.
Cf. Properce. L. III, élég. 22.
1. Brigand fameux par le lit sur lequel il couchait ses hôtes, leur coupant les jambes si elles
dépassaient, les étendant de force s’ils étaient trop petits. (Voy. Plutarque. Vie de Thésée.) On sait
que le lit de Procuste est passé en proverbe.
Sur les divers exploits de Thésée, voy. Ovide. Héroïdes, ep. 2; Métarn, L. VU, v. 433; Ibid., v. 409-,
et Stace. Thébaïde. L. XII, v. 575.
2. Alcuni bassi-rilievi délia Grecia. In-fo. Borna, 1812.
TEMPLE DE THÉSÉE.
'199
fort relief que celle du Parthénon. Les figures, au nombre de trente, ont
jusqu’à 0'",i2 de saillie, et quelques membres étaient même détachés du
fond, ce cgii est en partie cause de l’état de dégradation de ces sculptures.
La composition est divisée en trois parties inégales par deux groupes de
divinités assises sur des rochers. Vers le côté sud sont Jupiter, Junon
et Minerve; vers le centre est une déesse entre deux divinités masculines.
Derrière la dernière est un héros dont la chlamyde voltige au gré des
vents; il tient dans ses mains un rocher qu’il se prépare à lancer contre
son adversaire. Le bras droit de celui-ci étant brisé, on ne peut voir com¬
ment il était armé; de la main gauche il s’efforce de repousser le coup qui
le menace. Plus loin on voit un autre personnage, également aux prises
avec un enneyii armé d’une pierre dans chaque main. Une cinquième
figure est étendue morte à leurs pieds. A la droite de ce groupe sont
cinq personnages dont la réunion, selon Stuart, représente un triomphe;
en effet, l’un d’eux semble être occupé à ériger un trophée. Au delà des
deux groupes de divinités, on voit trois figures au milieu desquelles est
un cadavre de grandeur colossale; elles sont toutes trois très-maltrai-
tées, mais on y reconnaît toutefois un combat d’hommes armés de
pierres contre d’autres hommes armés d’épées et de boucliers. La
dimension de la figure renversée dans le milieu , et les armes des autres
qui sont des rocs hors de toute proportion, ne permettent pas de
douter que le sujet ne soit la liataille des géants contre les dieux. On
peut supposer qu’ Apollon, Bacchus, Mars et Mercure sont, ainsi cju Her¬
cule, engagés dans l’action. Derrière Minerve, à l’extrémité de la frise,
et à la gauche du spectateur, est un groupe d’un jeune guerrier liant les
bras d’un captif derrière le dos'; le casque cju’il porte sur .sa tête semble
indiquer Mars. Nous partageons au sujet de ce bas-relief l’opinion de
Leake; elle est infiniment plus d’accord avec la composition que celle de
Stuart qui voudrait y reconnaître la bataille de Marathon, au moment
où le spectre de Thésée combat pour les Athéniens.
Le bas-relief de la frise du posticmn , composé seulement de vingt
figures, représente le combat des Centaures et des Lapithes. Thésée est
le seul qui ait renversé son antagoniste. Micon avait fait en faveur de
ce héros la même exception dans une peinture de la muraille de la cella,
peinture dont nous parlerons bientôt. On reconnaissait aussi dans le bas-
relief Cœneus, qui, ayant reçu de Neptune le don d'être invulnérable.
200
ATHÈNES.
fut accablé sous les arbres et les rochers que les Centaures amoncelèrent
sur lui
Sous le portique, au-dessus des deux frises, régnait un ornement
peint dont on ne voit plus guère de traces.
Le pinceau avait, aussi bien que le ciseau, concouru à la décoration
du temple de Thesee, et trois de ses parois avaient été enrichies des
œuvres de Micon et peut-être de Polygnote. Suivant M. Raoul Rochette,
ces peintuies auraient ete sur bois et encastrées dans la muraille.
« M. Thiersh m écrit, dit-il^ qu au-dessus d’un socle de marbre blanc
qui règne dans tout le pourtour de la cella jusqu’à une certaine hauteur,
il se trouve un i enfoncement dans la paroi d un dsiiii—poucG de profon¬
deur, lequel se termine, a une élévation d’environ c|uinKe pieds, par
une frise du même marbre et de la même saillie que le socle 2. »
C’est dans ce renfoncement que M. Raoul Rochette veut encadrer
des panneaux de quinze pieds de hauteur qui, n’étant pas fixés par des
clous, puisque lui-même reconnaît qu’il n’en reste aucune trace sur la
muraille, eussent dû nécessairement avoir une épaisseur de plus d’un
demi-pouce, sans compter qu’il eût fallu les assembler par derrière au
moyen de barres qui eussent encore beaucoup augmenté l’épaisseur.
Bien plus, le renfoncement en question est à peine sensible et n’atteint
pas meme cette profondeur si faible d un demi-pouce. L’hypothèse du
savant antiquaire nous paraît donc absolument inadmissible; du reste
elle n’était point venue à l’esprit de M. Thiersh lui-même, qui avait
seulement supposé, et cela au moins avec quelque vraisemblance, que
le renfoncement qu’il avait observé avait été rempli par le stuc destiné
à recevoir la peinture. Cette dernière opinion avait été partagée par
MM. Ott. MüllerS et Letronne^; cependant il en est une troisième que
nous serions plus porté à admettre. M. Beulé croit qu’ayant à leur dispo¬
sition une matière aussi belle, aussi fine que le marbre dont le temple
est construit tout entier, l’artiste a dû peindre directement sur sa surface
polie, et que, si aujourd hui la muraille est creusée et légèrement rabo¬
teuse, si l’on y trouve quelques traces de stuc, on doit y voir l’œuvre
1. Ovide. Métam. L. XII, v. 507.
2. R. Rochette. Peintures antiques médites. 18,30.
3. Manuel de l’archéologie et de l’art.
4. Lettres d'un antiquaire à un artiste. 1810.
TEMPLE DE THÉSÉE.
201
des Byzantins qui, après avoir effacé au marteau les sujets païens, leur
ont substitué une couche de stuc où s’exerça leur pinceau^.
Quoi qu’il en soit de ces diverses conjectures, il n’en est pas moins
certain que Micon, soit seul, soit en compagnie de Polygnote, avait
exécuté sur les murs du ïhéseion trois compositions tirées de l’histoire
du héros, et que chaque sujet couvrait la muraille depuis le plafond
jusqu’cà 0’",80 du pavé. Sur une des parois était représentée, la bataille
des Athéniens et des Amazones^; sur une autre était le combat des Cen¬
taures et des Lapithes; c’est dans ce tableau que Thésée seul a vaincu
son ennemi tandis qu’entre tous les autres la fortune est égale. « Le
tableau peint sur le troisième mur du temple, dit Pausanias par lequel
seul nous connaissons ces peintures qui ont entièrement disparu , est
presque inintelligible pour ceux qui n’en connaissent pas le sujet, ce qui
vient, ou de ce que le temps en a détruit une partie, ou de ce que Micon
n’a pas peint l’histoire entière. Minos, ayant emmené dans l’île de Crète
Thésée et d’autres jeunes gens des deux sexes, devint amoureux de Péri-
bée; comme Thésée s’opposait fortement à sa passion, il s’emporta contre
lui, et, entre autres propos injurieux, il lui dit qu’il n’était pas fils de
Neptune et qu’il ne pourrait pas lui rapporter un anneau qu’il se trouvait
avoir au doigt s’il le jetait dans la mer. Et il jeta, dit-on, au même
moment cet anneau dans les flots; Thésée s’y précipita et en ressortit
bientôt avec l’anneau et une couronne d’or qu’Amphitrite lui avait
donnée »
1. Nous ne voulons pas renouveler ici la querelle trop vive qui préoccupa le monde savant de
1833 à 1840, et dans laquelle M. R. Rochette soutenait, d’un côté, que les grands maîtres grecs
n’avaient jamais peint que sur bois, tandis que, de l’autre, M. Letronne affirmait que tous avaient
peint exclusivement sur mur; nous profiterons seulement de l’occasion pour consigner une observa¬
tion de M. Beulé {Cours de 1860) qui nous semble donner la véritable solution de la question. Selon
lui, jusqu’au temps de Périclès, les grands maîtres tels que Polygnote, Micon, Paninus, exécutant
sur une large échelle des sujets empruntés aux poëmes d’Homère ou aux fastes de l’iiistoire, et
destinés à la décoration de vastes édifices, ne peignirent que sur mur; mais quand, après Périclès,
le temps des grandes entreprises étant passé, l’art fut forcé de restreindre son vol et de se mettre au
niveau du goût et de la bourse des particuliers , les artistes durent substituer la perfection de l’exé¬
cution au grandiose de la composition , et l’ère de la peinture portative commença. Alors Zeuxis
peignit sur bois sa Cenlauresse allaitant ses petits, Parrbasius son Archigalle, Tinianthe son
Cyclope endormi, Apelle son fameux Cheval et sa Vénus Anadijomène.
2. Se fondant sur un mot d’Harpocration, M. Beulé suppose que ce sujet, qui prêtait à la grâce,
avait pu être exécuté par Polygnote qui excellait à peindre les femmes. {Cours d'archéologie. 18G0.)
3. Attic. G. XVII.
4. M. Pittakis et quelques autres ont cru retèouvèr, sur des parties de stuc mieux conservées,
^202
AT H k NES.
M. Beulé pense que Pausanias ii’a pas bien compris le sujet de cette
composition. Les Athéniens, selon lui, croyaient Thésée fils de Neptune
et non d’iigée. On lui dit de prouver son origine divine en plongeant
dans la mer; il s’y précipita, fut recueilli par les Néréides et conduit
au palais de Pluton, puis il revint après avoir reçu d’Amphitrite une
couronne de pierres précieuses, dans laquelle il ne faut voir peut-être
que le symbole de la richesse acquise par la navigation
Dans les temps modernes, le temple de Thésée, après avoir longtemps
servi d église aux chrétiens, puis d’écurie aux Turcs, avait reçu une
destination touchante : il servait de mausolée aux malheureux voyageurs
qui expiraient loin de leur patrie. Abandonné pendant cjuelque temps,
il n’était plus que l’école des architectes qui admiraient la pureté de son
style, des peintres qui en reproduisaient à l’envi la belle couleur dorée;
maintenant il est converti en un musée où sont réunis en assez grand
nombre ces précieux fragments que le sol d’Athènes rend chaque jour
à la lumière.
Dans le posticum sont diverses antiquités dont la plus importante
est un grand sarcophage gréco-romain, prescjue entièrement brisé, dont
les sculptures d’un beau style représentent un combat de cavaliers et
de fantassins.
En avant du porticiue méridional et sous ce portique même, sont dépo¬
sés de nombreux marbres antiques parmi lesquels on remarque plusieurs
sièges plus ou moins ornés, provenant du gymnase d’Adrien, et un
piédestal portant une inscription en l’honneur de cet empereur :
X O T H P I
KAI KTIXTHI
AVTOKP ATOPI
A API ANOI
O A TM moi
« A l’empereur Adrien l’Olympien, sauveur et fondateur 2. »
Un magnifique sarcophage de marbre blanc, découvert dans le quar-
cjuelques traces du pinceau de Micon, mais comment savoir si ces faibles vestiges de couleur n’ap¬
partiennent pas à l’époque byzantine?
1. Beulé. Cours d'archéologie. 1860.
2. Ce piédestal avait été vu par Cbandler, à peu de distance du temple de Thésée, dans le cbemin
qui conduit au Pirée. Il était presque entièrement enfoncé dans la terre, et il fallut le dégager pour
en découvrir l’inscription ( Voy. en Grèce. T. II, p. 490).
Nous verrons pourquoi les Athéniens donnaient à Adrien le surnom d’Olympien.
TEMPLE DE THÉSÉE.
203
tier septentrional d’Athènes, dans la cour du ministère des finances, est
orné de guirlandes de fruits soutenues par des têtes de lions et de bœufs,
et présentant au milieu, d’un côté un aigle, de l’autre un enfant. Ce
sarcophage est inachevé, mais l’ensemble en est d’une grande richesse.
Au sud-est du temple, sur un tronçon de colonne, on a placé une
Minerve-Victoire, A0-/iva Ntx.-/;, statue colossale sans tête, trouvée à Mégare.
L’intérieur du temple présente aujourd’hui, grâce à la réunion du
pronaos et du naos , une salle longue de 16'”, 90 sur une largeur de
6"’, 22. Parmi les nombreuses anticiuités qui y sont réunies dans un
beau désordre qui nest point un effet de l’art, nous signalerons : une
statuette de Minerve en marbre, dans laquelle, en 1859, M. Charles
Lenormant a cru reconnaître une réminiscence de la Minerve du Par
thénon ^ ; un bloc circulaire de marbre cjue ses quatre inscriptions
1 « Elle a un demi-mètre eiiviron .de hauteur. C’est une œuvre de travail romain assez grossier,
qui n’a d’ailleurs pas été achevée. La partie posK'rieure do la figure est encore brute, et le bras
204
ATHÈNES.
indiquent avoii porte une statue , mais qui ayant été creusé avait servi de
fonts baptismaux dans le Théseion consacré à saint Georges; plusieurs
statues ébauchées ; une caryatide adossée à un pilastre et conservant
des traces de peinture; des tombeaux gréco-romains; d’innombrables
insciiptions sur des dalles, des stèles et des autels; quelques vases,
diverses figurines de bronze , une foule de fragments de toutes sortes ;
enfin, sous verre, le fameux bas-relief archaïque, découvert dans l’un
des nombieux tuniuli de Valenidesa (^Ici. Chenciie'j , localité voisine de
Marathon. Cette figure, où l’on retrouve de nombreux et importants
vestiges de peinture , représente un guerrier contemporain des guerres'
médiques, appuyé sur sa lance. Sur la plinthe on lit: epaon apis-
TOKAEox et plus bas apistionox
Sui le terrain qui s étend au sud-est du temple de Thésée, le peuple
giec vient encore, le mardi après Pâques, exécuter une danse appelée
le Labyrinthe, que les jeunes Athéniens y dansaient déjà le huitième jour
du mois de Pyanepsion (novembre), et que Thésée lui-même avait
exécutée à son retour de l’île de Crète ‘A
Le reste de 1 année, cette esplanade est occupée sans cesse par les
troupes grecques qui viennent y apprendre la manœuvre, et les échos
de 1 Acropole et de 1 Aréopage ne cessent de répéter les commandements
qui se font en français, prononcé moitié à la grecque, moitié à l’alle¬
mande, mais nullement à la française.
A deux cents pas du temple de Thésée, sur la route de Lepsina,
1 antique Eleusis, se trouvait un grand lion de marbre que les capucins
n ont point omis sur le plan d’Athènes qu’ils dessinèrent en 1670 et
qui est egalement indique sur le plan de Spon Ce lion, emporté par
droit, ainsi que la main qui le termine, est pris dans la masse de marbre. Les sujets retracés sur
le bouclier sont seuls terminés et même avec une certaine finesse. Au reste, malgré l’inexpérience
de 1 artiste qui a exécuté cette reproduction, il est possible d’y sentir encore un reflet du grand
caractère de l’œuvre qu’il a reproduite. »
Fr. Lenormaxd. Gazette des Beaux-Arts, novembre 1800.
1. Revue archéologique, 1844. U' liv. — H. Hettner. Athen und der Pelopones.
2. « Theseus donc, partant de l’isle de Candie, vint descendre en celle de Délos, où il sacrifia au
temple d Apollo et y donna une petite image de Vénus qu’il auoit eüe d’Ariadne; puis, auec les
autres ieunes garços qu il auoit deliurez, dâsa vne manière de dâse que les Déliens gardent encore
auiourdliui, comme l’on dit, en laquelle il y a plusieurs tours et retours à l’imitation des tournoye-
ments du labyrinthe. » Pletarqiie. Vie de Thésée.
3. Ces plans sont reproduits dans le curieux ouvrage de M. de Laborde, Athènes aux xv% xvi' et
XVII' siècles. T. I, p. 78, et t. II, p. 23.
MÉTROüN.
203
Morosini le Péloponésien en 1687, figure aujourd’hui à la porte de
l’arsenal de Venise, avec celui qui décorait le Pirée qui en avait pris
le nom de Porto-Leone.
Monument de Chalcodon. Dans la plaine, sur une butte peu éloignée
à l’ouest du temple de Thésée, deux massifs de rocher, portant les ruines
d’une chapelle dédiée à saint Anastase, ont fait partie, suivant M. Pit-
Monument de Chalcodon.
takis, du monument érigé au' héros Chalcodon, entre la porte du Pirée
et la porte Dipyle. C’est près de là que Sylla praticjua dans la muraille
la brèche par laquelle il pénétra dans la ville.
Dans la partie nord-ouest d’Athènes, il nous reste encore à signaler
l’emplacement de deux édifices sacrés, dont de bien faibles vestiges
sont parvenus jusqu’à nous.
MÉTROüN. En haut de la rue du Sénat (6^oç BouXsur/i'piou) , qui aboutit
à l’Acropole en face de la grotte de Pan, est une église ruinée qui portait
le nom (ï /fijpapandie. M. Pittakis^ pense qu’elle avait succédé au temple
de la mère des dieux, appelé Métroun^. « Ce temple, dit-il, était entouré
d’une assez grande enceinte dont quelques vestiges existent encore. On
y voyait de nombreuses statues... Dans l’enceinte de ce temple était le
tonneau de Diogène. »
M. Pittakis publie diverses inscriptions qu’il y copia sur des piédes¬
taux qui s’y voyaient encore à l’époque déjà ancienne de la publication
1. L’Antique Athènes. 1835.
2. De (AiQ-nrip, mère.
« Dans le temple de la mère des dieux, sa statue a été faite par Phidias. »
Pausanias. au. C. III.
«
^06 ATHtNKS.
(le son ouvrage. Aujourd’hui, au milieu des débris de l’église, je n’ai
trouvé de bien positivement antique qu’un morceau de marbre posé sur-
champ , portant les traces d’un crampon de fer en forme de double T.
Temple de CiniÈs. Au nord de l’Acropole, entre la tour des Vents
et la nouvelle Agora, existait un temple de Gérés sur l’emplacement
duquel les chrétiens avaient élevé une église consacrée à saint Denis,
et les Turcs à leur tour une mosquée nommée Staropazami (mosquée
de la place au Blé). Cette mosquée est aujourd’hui convertie en caserne.
Dans la cour, que domine un des plus beaux palmiers d’Athènes^, on
voit un morceau d’architrave provenant du temple; il est enclavé par
un bout dans une muraille moderne 2, tandis que par l’autre il repose
sur le chapiteau d’une colonne ionique que les soldats ont barbouillée
de rouge et de bleu. Un autre tronçon de colonne sort également du
sol , mais privé de son chapiteau.
Temple de Jupiter olympien. Pendant longtemps, les savants n’ont
point été d’accord sur le nom antique du magnifique édifice dont on admire
encore les ruines imposantes dans la plaine au sud-est de l’Acropole,
et que le vulgaire désigne sous celui de Colonnes d’Adrien. D’après un
passage de Spon, il paraît qu’au xviG siècle ces ruines, sous lesquelles
on avait bâti une petite église, passaient pour avoir appartenu au temple
de Jupiter Panhellénien, élevé à Athènes par Adrien-^; mais Spon veut
y voir le portique construit par le même empereur et mentionné égale¬
ment par Pausanias ; il oublie que les colonnes sont ici de marbre pen-
télique , tandis que celles du porticpie étaient de marbre phrygien. « La
petite église qui est dessous, ajoute-t-il, loin d’être le temple de Jupiter
et de Junon Panhelléniens que le même empereur avait fait bâtir, n’est
qu’un amas presque sans chaux de pièces de colonnes dont l’on a fait
cette chapelle que les Grecs appellent I-yw; Tcoawr,? ûq rai? xo>.ovvaiç.
1. C’est celui que l’on aperçoit dans la vue que nous donnons de la tour des Vents.
2. Voy. la lettre en tête du chapitre.
3. Après avoir décrit le temple de Jupiter Olympien, Pausanias ajoute : « Adrien a orné Athènes
de plusieurs autres édifices qui sont : le temple de Junon et de Jupiter Panhellénien, et le Panthéon ;
mais on admire surtout des portiques formés de cent vingt colonnes de marbre de Phrygie, et
dont les murs sont de môme marbre; on y voit des salles dont les plafonds sont ornés d’or et
d albâtre et qui sont décorées de tableaux et de statues; elles contiennent des livres. Le gymnase
qui porte le nom d’Adrien est dans le même endroit ; il est orné de cent colonnes de marbre de
Lyl>ie. » AU. C. XVllI.
T1-:3I1>LH DE JUPITER OLVMPIEN.
207
Saint-Jean sous les colonnes. 11 n’y a point même de fabrique ancienne,
ni au cimetière des Turcs qui est voisin, appelé par les Grecs xà Mvtyoupia,
ni dans les environs, où l’on puisse trouver quelque indice de ce temple. »
Leroy ^ reconnaît dans ces ruines le temple de tous les dieux, le Pan¬
théon mentionné également par Pausanias.
Chandler n’hésite pas à nommer le temple de Jupiter Olympien 2, et
cette opinion est partagée par Stuart c|ui combat victorieusement celle
qui verrait les restes de ce temple dans la belle ruine dont nous parle¬
rons sous le nom de Sloa ou portique d’Adrien. Il est difficile de com¬
prendre qu’il ait pu exister quelque incertitude sur le véritable nom
du monument qui nous occupe. Sa position dans la partie sud-est de
la ville , dans le quartier d’Adrianopolis ^ et non loin de la fontaine
Callirhoé, suffirait seule pour lui assigner sa véritable destination^. Nous
verrons de plus que la mesure de quatre stades, donnée par Pausanias
au péribole du temple de Jupiter Olympien, s’accorde parfaitement avec
celle que nous pouvons relever encore aujourd’hui
Suivant une ancienne tradition , un des premiers temples fondés à
Athènes aurait été consacré à Jupiter Olympien par Deucalion, fils de
Prométhée, dès le xvi® siècle avant notre ère*^. Ce temple avait sans
doute disparu depuis longtemps, quand, vers l’an 530, Pisistrate entreprit
de le relever plus vaste et plus magnifique sous la direction des archi-
1. Ruines des 'plus beaux monuments de la Grèce. 1770.
2. Voyages en Grèce. T. II, p. 419.
3. L’inscription de l’arc d’Adrien ne peut laisser sur ce point place au moindre doute.
4. « La ville ne consistait que dans l’Acropole actuelle et dans la partie située au-dessous, tout à
fait au midi... Les temples placés hors de l’enceinte de l’Acropole sont bâtis dans cette partie de la
ville; tels sont ceux de Jupiter Olympien, de la Terre et de Bacchus Limnéen... La fontaine
appelée aujourd’hui les Neuf-Canaux, par suite de la disposition que lui donnèrent les tyrans, et
jadis Callirhoé, lorsqu’elle coulait à découvert, est à peu de distance. »
Thucydide. L. II, c. 15.
5. Le stade olympique, le plus connu et le plus usité des stades grecs, avait 185'“, 20 de longueur.
La circonférence du péribole était donc, selon Pausanias, de 740'", 80; la mesure exacte est
de 746'", 50. La différence est bien minime, et il est tout naturel que le voyageur grec, en donnant
la mesure ronde de quatre stades, ait négligé quelques fractions.
0. (( L’ancien temple de Jupiter avait été érigé par Deucalion, à ce que disent les Athéniens, et,
pour prouver qu’il avait demeuré à Athènes, ils montrent son tombeau, qui n’est pas très-éloigné du
temple actuel. » Pausanias. Alt. L.'XVIII.
7. « Un autre principe de la tyrannie est d’appauvrir les sujets, afin qu’ils n’aient pas les moyens
d’entretenir une force armée et que, réduits tous les jojars à travailler pour vivre, ils n’aient pas le
temps de conspirer. Telle fut la cause politique qui fit construire les pyramides d’Égypte, les monu-
208
ATHÈNES.
tectes Anlistates, Calleschros, Antimachide et Porinos, qui en commen¬
cèrent les fondements A La mort du tyran arrivée trois ans après, celle
d’Hipparque suivie de l’expulsion des Pisistratides, les guerres médiques
dans lescjnelles les Athéniens furent bientôt engagés, interrompirent les
travaux qui ne furent pas même repris sous Périclès, et pendant plu¬
sieurs siècles le temple, à peine sorti de terre, dut être pour les Athéniens
un sujets de regrets et peut-être de honte et de remords.
Enfin, un prince entreprit de le terminer, mais cette fois encore « il
resta imparfait, dit Strabon, le roi qui l’avait recommencé étant mort^. »
A la lecture de ce passage du géographe grec, on se demande tout
d’abord quel est le roi dont il s’agit. On ne peut admettre avec Meursius
que Strabon ait voulu par le mot paGtlsuç, roi, désigner Pisistrate qui ne
porta jamais ce titre. Casaubon propose un roi de Macédoine, Persée, dont
le règne date de l’an 178 à l’an 168 avant Jésus-Christ. Il est difficile
de comprendre ces incertitudes en présence des témoignages positifs que
nous ont laissés les écrivains de l’antiquité. Polybe^, Vitruve^, Athénée
ments sacrés des Cipsélides, le temple de Jupiter Olympien par les Pisistratides, enfin les fortifica¬
tions de Polycrate de Sanios. Le but de tous ces monuments était de tenir le peuple pauvre et
occupé. » Aristote. Politique. L. V.
1. ViTRLVE. L. VII. Préf.
2. "Onep ŸjfxiTeXsç xaTs),tTt£ tsXsutwv ô àvaOstç paadeui:. L. IX.
Laporte-Dutlieil traduit ainsi ce passage : « L’Olympium resta imparfait à cause de la mort du
roi qui en fit la consécration-, » mais, reconnaissant lui-même que cette consécration d’un édifice à
moitié achevé est peu vraisemblable, il propose, tout en avouant que ce serait être en opposition avec
tous les manuscrits et les imprimés , de substituer au mot àvaSciç, qui a consacré, le nom même
du prince, Antioclius, ’AvTtox,o;. J\’est-il pas plus simple d’employer le verbe avattOriiJii, ainsi que
nous l’avons fait, dans une de ses acceptions ordinaires, celle de refaire, de recommencer? Nous
verrons bientôt que le monument lui-même donne raison à l’interprétation que nous proposons et
que nous avons pour nous Tite-Live qui dit que le temple fut commencé, inchoaium, et non pas con¬
sacré, dedicatum, par Autiochus.
3. « Dans les offrandes qu’Antiochus adressait aux villes, dans les honneurs qu’il rendait aux
dieux, il surpassait en magnificence tous ses prédécesseurs. Témoin le temple de Jupiter Olympien
à Athènes et les statues dont il entoura l’autel de Délos. »
PoLYBE. Hist. gén. L. XXVI, fragm. 10.
4. « Le roi Antioclius, quatre cents ans plus tard, ayant promis de faire la dépense de l’entreprise,
Cossutius, citoyen romain, dirigea, avec le plus grand talent, la construction de la vaste cella,
l’érection des colonnes autour du diptère, la pose des entablements et la distribution des autres
ornements selon les règles de la symétrie. » Vitruve. L. VIL Préf.
5. « Antioobus surpassait en magnificence tous les autres rois, lorsqu’il envoyait à différentes
villes de quoi faire des sacrifices les jours de fête, ou dans les hommages qu’il rendait aux dieux.
C’est ce qu’on peut voir par le temple de Jupiter Olympien de la ville d’Athènes et par les statues
qu'il avait fait placer autour de l’autel de Délos. » Athénée. Deipn. L. V.
TEMPLE DE JUPITER OLYMPIEN.
209
Tite-Live^, Velleius Paterculus^, s’accordent à désigner Antiochus
Epiphane^, qui régna en Syrie vers le même temps, 'de l’an 176
à l’an i6li.
Le temple dont nous voyons les restes était d’ordre corinthien, le
plus moderne des ordres grecs il était diptère, c’est-à-dire entouré
tout entier d’un double rang de colonnes, qui même ici était triple à
chacune des façades. Cette disposition, la plus riche et la plus dispen¬
dieuse de toutes, dut être rarement appliquée, et Vitruve^ n’en cite que
1. « La magnificence d’Antiochus envers les dieux serait attestée, ne fût-ce que par le temple do
Jupiter Olympien qu il fit commencer à Athènes, le seul au monde qui réponde à la grandeur de ce
” Tite-Live. L. XLI, c, 25.
2. « Antiochus Épiphane, ce roi de Syrie qui éleva dans la ville d’Athènes un temple à Jupiter
Olympien... » Veleeius Patercllus. Hist. rom. L. I, c. 10.
3. Le surnom d'Épiphane, illustre, a prévalu, bien que Polybe {Hist. gén. L. XXVI, fragm. 10)
etTite-live (L. XLI, c. 2) prétendent qu’Antiochus méritait plutôt celui d'Épimane, fou furieux.
4. Nous verrons que le plus ancien exemple connu de cet ordre est le monument choragique de
Lysicrate qui ne date que de la fin du iv« siècle avant J.-C.. Il est vrai qu’on sait que, vers l’an 385,
on avait déjà employé cet ordre au temple de Minerve à Tégée, bâti par Scopas, et que même on a
cru en reconnaître le germe dans un chapiteau unique du temple de Phygalie, dessiné par Ictinus,
l’architecte même du Parthénon, en l’an 429 avant J.-C.
5. L. III, c. 2.
14
210
ATHÈNES.
deux exemples : « C’est ainsi, dit-il, que sont construits à Rome le
temple doricîue de Quirinus, et à Éphèse le temple ionique de Diane,
ouvrage de Chersiphron »
Un troisième temple diptère, celui d’Apollon Didyméen à Milet, bâti
par Péonius et Daphnis, ne remonte pas non plus au delà du iv® siècle
avant notre ère.
Le temple fondé deux cents ans auparavant par Pisistrate ne pouvait
être que d’ordre dorique, le seul usité en Grèce à cette époque; il ne
pouvait avoir dix colonnes à la façade, puisque encore sous Périclès
on regarda comme une innovation le Parthénon qu’Ictinus fit octastyle,
tandis que tous les temples qui l’avaient précédé étaient simplement
hexastyles ; bien moins encore devait-il être diptère. Or, comme ce
temple s’élevait déjà à une certaine hauteur au-dessus du sol, il est
évident qu’Antiochus ne put le continuer sur le même plan , et que s’il
utilisa quelque partie de ce qui existait de son temps, ce ne put être
tout au plus que le massif des fondations auquel nécessairement il donna
une beaucoup plus grande étendue. Ce n’est donc pas sans raison que
nous avons dit, interprétant d’une nouvelle manière le passage de Stra-
bon , que ce prince recommença ^ le temple que la mort ne lui permit
pas d’achever. Il devait être assez avancé cependant, ainsi que le prouve
le passage de Yitruve que nous avons cité^, lorsqu’on l’an 87 avant
Jésus-Christ Sylla s’empara d’Athènes, puisqu’il le mit au pillage et
enleva des colonnes ^ et des portes de bronze avec leurs chambranles
pour en orner le temple de Jupiter Capitolin. Plus tard, les rois alliés
d’Auguste voulurent le terrniner^, mais, quoi qu’en ait dit Suétone,
l’œuvre fut encore interrompue®.
1, Vitruve conserve ici, au temple d’Éphèse, le nom de son premier architecte qui vivait au com¬
mencement du vr siècle; mais, brûlé par Érostrate en 356, il fut rebâti avec plus de magnificence
par Dinocrate, et ce ne peut être qu’à ce second temple que s’appliquent les mots de Vitruve : uti est,
comme est, et non pas comme fut, le temple de Diane.
2. Voy. p. 208, note 2.
3. Voy. p. 208, note 4.
4. Ces colonnes n’étaient pas de marbre blanc comme celles que nous voyons aujourd’hui, mais de
marbre tacheté. Voy. Pune. L. XXXVI, 5. ^
5. « Les rois amis et alliés bâtirent chacun, dans leur royaume, une ville qui prit le nom de l’em¬
pereur, et tous ensemble firent achever à leurs dépens le temple de Jupiter Olympien, commencé
anctaàement à Athènes, et le dédièrent au génie d’August.. „ ^
6. « En la ville d’Athènes, écrivait Plutarque {Vie de Solon) vers la fin du premier siècle de notre
ère, le temple de Jupiter est demeuré seul imparfait. »
TEMPLE DE JUPITER OLYMPIEN.
211
C’était à Adrien, le second fondateur d’Athèiies^, qu’était réservé
l’honneur de mettre la dernière main à cet édifice, qui avait subi tant
de vicissitudes, six cent soixante-dix ans après sa fondation par Pisis-
trate^. Avant Adrien, on avait déjà dépensé pour sa construction la
somme énorme de 7,088 talents (38,275,200 francs).
(( C’est l’empereur Adrien, dit Pausanias, qui a fait ériger la nef,
Tov vaov , du temple de Jupiter Olympien et une statue de ce Dieu ^
admirable moins par sa dimension (car, à l’exception des colosses qu’on
voit à Rhodes et à Rome'^, les autres statues colossales sont à peu près
de la même taille) que parce qu’elle est entièrement d’or et d’ivoire®
et que, malgré sa grandeur, elle est travaillée avec beaucoup d’art.
Avant d entrer dans ce temple, vous trouvez quatre statues de l'empe¬
reur Adrien, deux en marbre de Thasos et deux en marbre égyptien.
Devant les colonnes s’élèvent d’autres statues que les Athéniens appellent
les statues des colonies ®. »
C’est à l’occasion de l’achèvement du temple de Jupiter qu’Adrien
reçut le surnom à' Olympien, que nous avons déjà lu sur une inscription
conservée au temple de Thésée ^ , et que nous retrouvons dans une
autre inscription qui dut être placée sur la base de l’ime des statues
1. La partie orientale de la ville bâtie par Adrien prit dès lors le nom à! Adrianopolis,
2. Lucien fait, avec sa finesse ordinaire, la satire de cette lenteur, quand, dans son Icaroménippe
ou Voyage au-dessus des nuages, il fait demander à Ménippe par Jupiter lui-même : « si les Athé¬
niens sont toujours dans l’intention d’achever le temple Olympien. »
3. Ce n’est donc point à la statue d’Athènes, qui n’existait point encore, mais à celle d’Olympie
que doivent, quoi qu’en aient dit quelques auteurs, s’appliquer ces passages de Suétone:
« Caligula fit venir de la Grèce les statues des dieux les plus fameuses par l’excellence du travail
et par le respect des peuples, entre autres celle de Jupiter Olympien, et, leur enlevant la tête, il y
substitua la sienne. » vie de Caligula. § XXII.
« Dans le jour, il s’entretenait (Caligula) avec Jupiter, tantôt lui parlant à l’oreille et feignant
d’écouter ses réponses, tantôt élevant la voix et même le querellant; car on l’entendit une fois lui
dire avec menace : Je te renverrai en Grèce d’où je t’ai fait venir. » M. Ibid.
Dans un autre passage, Suétone semble se contredii’e et faire supposer que Caligula n’aurait pas
eu le temps de réaliser le projet d’amener la statue à Rome.
« La mort de Caligula, dit-il, fut annoncée par plusieurs présages. La statue de Jupiter Olympien,
qu’il avait ordonné qu’on portât à Rome, fit tout à coup un si grand éclat de rire, lorsqu’on y mit la
main, que les ouvriers laissèrent tomber leurs machines et s’enfuirent. » Id. § LVII.
4. La statue d’Apollon à Rhodes, celle de Néron à Rome.
5. Il est probable que cette statue fut la dernière production importante et de grande dimension
de la statuaire chryséléphantine.
G. Pausanias. Ait. C. XVIII.
7. Voy. p. 202.
212
ATHÈNES.
dont parle Pausanias, et qui aujourd’hui est encastrée dans la muraille
de l’église ruinée de Saint-Cosme et Saint-Damien^, sur le versant nord
de l’Acropole i
AYTOKP ATOPA
AAPIANON SEBASTON
OArMlIION
OASIOI
AIAOPESBEÏTOr KAl
TEXNEITOr EENO'PANTOS
TOr XAPHTOS
EnilEPEÜS KA. ATTIKOT.
« Les Thasiens {honorent d’une statue) l’empereur Adrien Auguste Olympien ,
étant envoyé {à Athènes pour le consacrer) l’artiste lui-même, Xénopliante, fils de Charès.
Claudius Atticus étant grand prêtre »
Le temple de Jupiter Olympien^ était, comme nous l’avons dit, entouré
sur les ailes d’un double rang de colonnes et d’un triple rang à chacune
des façades. En arrière de celles-ci étaient en outre, entre les antes de la
cella, quatre autres colonnes soutenant le plafond du pronaos d et du pos-
ticum c. On ne comptait donc pas moins de cent vingt-quatre colonnes à
l’extérieur de cet immense édifice, long de 120"’, 842, large de 54"’, 25.
Les façades avaient dix colonnes et les ailes vingt en comptant deux
fois les colonnes d’angle.
On ignore l’époque précise de la destruction du temple, on sait seu¬
lement qu Alaric le ruina en partie. Aujourd’hui la cella, qui sans doute
comprenait un naos ou sanctuaire A et un opisthodome B, a entièrement
1. Ces saints sont appelés à Athènes ol Avapyupoi, sans argent, parce qu’ils soignaient gratis les
malades.
2. Chandler croit que ce Claudius Atticus est le même que le fameux Claudius Hérodes Atticus
qui a laissé à Athènes tant de monuments de sa munificence; mais Claudius Atticus, né en 110,
n’avait que vingt-huit ans à la mort d’Adrien, et il est peu probable que, sous le règne de ce prince,
il ait pu être revêtu de la dignité de grand prêtre. Nous pensons donc qu’il s’agit plutôt de son père
qui fut un des citoyens les plus considérables d’Athènes.
3. Voy. le frontispice, 1" plan.
4. Stuart avait, dans un premier plan, assigné vingt et une colonnes aux ailes du temple, mais
Revett, son compagnon et son collaborateur, a reconnu depuis qu’elles étaient au nombre de vingt
seulement, et son opinion est aujourd’hui généralement admise. Le plan ainsi modifié se trouve
dans le 3® volume des Antiquités d’Athènes pl. XVII.
TEMPLE DE JUPITER OLYMPIEN.
213
disparu. De l’immense colonnade, dix-sept colonnes étaient encore debout
en 1753, treize sur trois rangs à l’angle sud-est, trois du second rang
de l’aile méridionale, et une du premier rang du portique occidental.
Cette dernière e fut abattue vers 1760, par un vaïvode ou gouverneur
turc nommé Chalzi-Ali, pour en faire de la chaux.
Des trois du portique méridional , celle du milieu f a été renversée
par un ouragan en 1852; elle gît tout entière sur le sol, et ses énormes
tambours, qui n’ont fait que glisser l’un sur l’autre tout en conservant
leur ordre primitif, nous permettent de nous rendre compte de la ma¬
nière dont ils étaient assemblés.
Coupe horizontale d*une colonne.
Au milieu de chacun est le trou carré a cjui avait contenu le pivot
de bois sur lequel on les avait fait tourner pour les polir et rendre leur
adhésion parfaite, mais il n’y a plus de traces de ces pivots qui parais¬
sent n’y avoir point été laissés. Les tambours n’étaient réunis que par
deux tourillons de fer b b qu’on y voit encore.
Il ne reste donc plus aujourd’hui que deux colonnes isolées et les
treize du sud-est, encore réunies par leurs architraves en deux groupes
de deux et de onze colonnes
Le diamètre des colonnes est de 2"’, 24, et leur circonférence de 5"’, 59.
Leur élévation est juste de 9 diamètres ou 20"’, 16, dont i"’,20 pour la
base, 16'", 46 pour le fût et 2"’, 50 pour le chapiteau. Cet énorme cha¬
piteau n’est formé que de deux blocs seulement.
« Les colonnes du temple, dit W. Reveley, continuateur de Stuart,
sont diminuées à partir du pied, de manière à présenter une belle ligne
courbe, et elles ont évidemment moins de 10 diamètres de hauteur. Le
1. Voy. la vignette page suivante. L’arc d’Adrien y figure.
2U
ATHÈNES.
chapiteau paraît plus court que ne le comporte la proportion ordinaire.
L’abaque a ses angles aigus et porte une rose circulaire sur chaque
face, comme on le voit dans l’ordre qui décore le Pœcile^. Les petites
volutes sont à peu près semblables à celles que l’on voit au Pœcile,
mais elles ont plus de saillie sur le vase du chapiteau »
Principal reste du temple.
La largeur des entre-colonnements est de 2’", 92.
Les plinthes des bases étaient fixées sur le stylobate, par des tou¬
rillons de fer dont les trous se voient encore à chaque angle, ainsi que
le petit canal qui y conduisait le plomb de scellement.
Le stylobate reposait lui-même sur des assises de pierre du Pirée,
qui sans doute étaient cachées par un ou deux degrés de marbre, dont
il ne reste plus de traces.
Les deux colonnes séparées du groupe de onze portent sur leur archi¬
trave, formée de trois pièces juxtaposées^, une espèce de niche de
1. L’édifice que Reveley désigne sous le nom de Pœcile est le stoa ou portique d’Adrien.
2. Stuart. Antiquités d’Athènes. T. III. Préface par Willey Reveley.
3. Au temple de Jupiter Olympien, le bloc d’angle de l’architrave a jusqu’à 6"\984 de longueur
sur 1 mètre d’épaisseur, et 2“,25 de hauteur, La plus grande pierre du plafond des Propylées n’a
que 6'",40 de longueur.
TEMPLE DE JUPITER OLYMPIEN.
215
maçonnerie comparativement moderne, mais qui, ainsi cfue le remarciue
Chandler ^ , n’a pu être élevée à une telle hauteur que pendant que la
ruine était assez entière pour en faciliter l’accès. Suivant une tradition
conservée à Athènes, cette niche aurait pendant de longues années
servi de demeure à un nouveau Stylite^.
« L’enceinte du temple, le péribole, dit Pausanias, qui n’a pas moins
de quatre stades de tour, est remplie de statues, chaque ville en ayant
érigé une à l’empereur Adrien; mais les Athéniens les ont toutes sur¬
passées en plaçant derrière le temple la statue colossale de ce prince,
qui mérite d’être vue. On remarque divers monuments anciens dans
cette enceinte, savoir : un Jupiter en bronze, un sanctuaire de Saturne
et une enceinte consacrée à la Terre, surnommée Olympienne. Le sol
de cette enceinte offre une ouverture d’environ une coudée, par la¬
quelle on dit que les eaux s’écoulèrent après le déluge de Deucalion.
On y jette tous les ans des gâteaux de farine de froment pétris avec du
miel. Vous trouvez aussi dans l’enceinte du temple de Jupiter Olympien
une statue placée sur une colonne et cjui représente Isocrate... Il y a
dans le même endroit un trépied en bronze, supporté par des Perses en
marbre de Phrygie ; les hommes et le trépied sont également dignes de
remarque^. »
Le terrain sur lequel le temple s’élevait présentant un plan incliné
dans la direction de l’Ilissus, on avait dû établir une plate-forme arti¬
ficielle soutenue par des murailles. Cette esplanade, formant le péribole
du temple, était longue de 223 mètres et large de 150'", 25, ayant par
conséquent 746'", 50 de circonférence.
Au sud et à l’ouest, le mur de soutènement existe encore en grande
partie. Son angle g h i est conservé, et le mur s’étend au sud jusqu’à
l’alignement de la façade du temple, et à l’est jusqu’en face de sa hui¬
tième colonne. Au sud sa hauteur varie entre 3'", 20 et 3"% 70, mais à
l’est elle atteint parfois A™, 80. Il est maintenu par de puissants contre-
forts éloignés les uns des autres de 5"’, 575, ayant une saillie de i'",iO
à la base et 0"',92 au sommet. Il est formé d’énormes blocs de pierre
1. Voyages en Grèce. T. II, p. 456.
2. Saint Siméon Stylite (de cttûXoç, colonne), né en Cilicie, se retira, pour faire pénitence, au
sommet d’une colonne où il passa vingt-six ans sans en descendre, et mourut en 450. «
3. Pausanias. AU. C. XVIII.
216
ATHÈNES.
du Pirée; nous en avons mesuré plusieurs qui ont jusqu’à 2"’, 70 de long
sur 0"',60 de hauteur et 1™,40 de profondeur. Ces blocs revêtaient un
massif de maçonnerie en blocage.
Au bas de chaque assise existent de front trois ouvertures semi-
circulaires pour l’écoulement des eaux, et le conduit qui vient y aboutir
se retrouve dans le blocage, ainsi qu’on peut s’en assurer à un endroit
où plusieurs pierres du revêtement ont été enlevées.
Vers l’extrémité sud-ouest de l’esplanade, on retrouve une continua¬
tion k du mur de soutènement, mais peu élevée hors de terre, et, comme
cinq ou six assises l existent encore à l’ouest près de l’arc d’Adrien,
il a été facile de reconstituer le péribole entier, en supposant toutefois,
ce qui est à peu près indubitable, que sa largeur ait été la même au nord
qu’au midi du temple, car au nord il n’existe aucun vestige de l’en¬
ceinte, qui n’a dû avoir que peu de hauteur, le sol extérieur s’élevant
en pente douce de ce côté. Il est à remarquer qu’à la muraille de l’ouest
il n’y a point d’ouvertures pour l’écoulement des eaux, le sol n’incli¬
nant pas vers la rivière comme celui du sud, et les eaux n’ayant point
à prendre leur cours de ce côté.
Les tables d’un petit café sont abritées par les colonnes du temple.
Chez les Grecs modernes, « le carême, dit Ed. About, commence dès
le lundi, et le mardi gras est un jour maigre. Le lundi tout le peuple
d’Athènes se réunit autour des colonnes du temple de Jupiter pour com¬
mencer en commun les mortifications de quarante jours. Il s’y fait une
grande consommation d’ail, d’oignon et de toutes sortes de légumes
crus. On chante beaucoup et du nez; on boit un peu, on ne danse pas
mal. Après cette cérémonie religieuse, chacun rentre chez soi »
1. Eu. About. Grèce contemporaine. G. VI.
TEMPLES DE JUNON ET DE BACCHUS. 217
Temple de Jlnon et Jupiter Paniiellénien. A l’est de l’Acropole,
près de l’extrémité de la rue de Lysicrate et non loin de l’arc d’Adrien,
dans la cour d’un ancien moulin à huile, dont l’enceinte moderne est
formée en partie de blocs de pierre et de marbre provenant de l’édifice
même, sont quelques restes d’un temple dans lec{uel Leake^ croit recon¬
naître celui qu’ Adrien consacra à Junon et à Jupiter Paniiellénien 2.
A moitié enterrées, s’élèvent encore de 2“‘,23 au-dessuâ du sol deux
colonnes ioniques ^ de marbre gris du mont Hymette , surmontées de
leurs chapiteaux de marbre blanc du Pentélique, ainsi que l’architrave
qui les réunit. La largeur de l’entre-colonnement est de Le mor¬
ceau d’architrave a 2'", 50 de long et 0'",60 de hauteur. Les chapiteaux,
hauts de 0‘",20, sont d’un travail peu soigné et ne paraissent pas avoir
reçu la dernière main. 11 en est de même de l’architrave dont les profils
ne sont que grossièrement indiciués. D’autres morceaux d’architrave,
employés dans le mur d’enceinte, sont plus finis. Une troisième colonne
sans chapiteau, inclinée, mais à sa place antique, sort d’un monceau
de décombres à peu de distance des deux autres.
Temple de Bacghus ou Lenæon. A peu de distance , à l’ouest du
temple de Jupiter Olympien, au sud de l’Acropole, et juste au-dessous
du théâtre de Bacchus, se trouvent, comprises dans les murailles d’une
petite construction moderne, quelques assises d’un édifice antique. La
position de ces restes par rapport aux monuments voisins, leur situation
dans le quartier de l’ancienne Athènes qui portait le nom des Marais^,
ne permettent guère de douter qu’ils aient fait partie de l’un des plus
anciens sanctuaires d’Athènes, le Lenæon Dionijsion ou temple de
1. Topography of Athens.
2. « Adrien a orné Athènes de plusieurs autres édifices qui sont, le temple de Junon et de Jupiter
Panhellénien et le Panthéon. » Pausanias. AU. C. XVIII.
3. Voy. la vignette en tête du chapitre.
4. Leur hauteur, y compris la base, était, suivant Stuart, de 4‘",85. Antiquités d’Athènes. T. III, pl. 39.
5. Atp-vat, Limnœ. Leake. Topography of Athens.
6. A vivaiov, de Xr|v6ç, pressoir. Aryàîoç, dieu du pressoir, était un des surnoms de Bacchus. Au mois
d’anthestérion (février), on célébrait, en son honneur, des fêtes appelées Lenœennes, Ar,vaia, qui
duraient trois jours. Le premier se nommait Vouverture des tonneaux, le second la fête des coupes,
et le troisième la fête des marmites.
« Pendant la fête des coupes et des marmites, on leur a annoncé une invasion de brigands
béotiens. » Aristophane. Acharniens
Voici l’origine qu’Euripide assigne à la fête des coupes :
« Oreste. Arrivé à Athènes, nul hôte ne voulut d’abord me recevoir comme en horreur aux dieux
(il n’était point encore absous du meurtre de sa mère); mais ceux qui avaient du respect pour moi
218 ATHÈNES.
Bacchus Limnæen, in Limnis'^. Le Lenæon ou enceinte sacrée de
Bacchus était en effet, suivant Pausanias ^ et Vitruve, voisin du
théâtre, et, au dire de Thucydide, situé dans la partie méridionale
de la ville C’est d’ailleurs après avoir parcouru la rue des Trépieds,
dont la direction est parfaitement connue et qui aboutit en effet aux
ruines qui nous occupent, que Pausanias arrive au temple de Bacchus.
Yitruve enfin nous apprend qu’un portique situé derrière ce temple
servait de refuge aux spectateurs surpris par la pluie pendant les repré¬
sentations du théâtre
Colonne. Au milieu d’un champ, au sud de l’Acropole et des deux
me donnèrent l’hospitalité à une table solitaire, quoique habitant sous le même toit, et, par leur
silence, me réduisaient aussi à me taire. Pour m’empêcher de partager leur boire et leur manger, ils
avaient chacun leur coupe, toutes pareilles, dans lesquelles ils versaient le vin pour se livrer aux
plaisirs de la table. Et moi, je n’osais me plaindre à mes hôtes; mais, dans ma douleur silencieuse,
j’avais l’air de n’y pas prendre garde, tout en gémissant au fond de l’âme, parce que j’étais le
meurtrier de ma mère. J’ai appris que, chez les Athéniens, mon malheur avait donné lieu à une
solennité, et que l’usage se conserve encore, chez le peuple de Minerve, de célébrer la fête des
coupes. » Eüripide. Iphigénie en Tauride.
Le Scoliaste d’Aristophane, sur le vers 95 des Chevaliers , raconte ainsi l’origine de cette même
fête :
« Oreste, à cause du meurtre de sa mère, vint à Athènes, chez Pandion, qui régnait alors sur les
Athéniens, et le trouva présidant à un repas public. Pandion n’osa renvoyer Oreste, et, regardant
pourtant comme une impiété de l’admettre à sa table et à boire en commun avant qu’il se fût purifié
de son meurtre, pour éviter de boire tous à la même coupe, fit servir une coupe à chacun des
convives. »
1. Dionysion, Aiovuctov, de Atovuato!;, nom grec de Bacchus.
2. « Le temple de Bacchus qui est auprès du théâtre, nçbç vw Ôeàxpw, est le plus ancien de tous.
11 y a dans la même enceinte deux temples et deux statues de Bacchus : l’une est le Bacchus d’Éleu-
thère, et l’autre, en ivoire et en or, est un ouvrage d’Alcamène. Les peintures qui ornent ce lieu sont
Bacchus ramenant Vulcain au ciel. Les Grecs racontent que Junon ayant précipité Vulcain du ciel
aussitôt après sa naissance, ce dieu, pour satisfaire son ressentiment, lui envoya en présent un
trône où il y avait des liens invisibles, et Junon, s’y étant assise, se trouva enchaînée; aucun des
autres dieux n’ayant pu fléchir Vulcain, Bacchus, qui avait toute sa confiance,' l’enivra et l’amena au
ciel. On a aussi représenté dans ce temple Penthée et Lycurgue subissant la peine de leur conduite
injurieuse envers Bacchus; Ariane endormie, Thésée partant et Bacchus venant d’enlever Ariane.
Dans le voisinage du temple de Bacchus et du théâtre est un édifice, etc. »
Pausanias. Alt. G. XX.
3. « Les temples placés hors de l’enceinte de l’Acropole sont bâtis dans la partie méridionale de la
ville; tels sont ceux de Jupiter Olympien, de la Terre et de Bacchus Limnæen. »
Thucydide. L. II, c. 15.
4. « II doit y avoir des portiques derrière la scène, afin que, quand il surviendra inopinément des
pluies au milieu des jeux, le peuple s’y puisse abriter en sortant du théâtre... Tels sont les portiques
de Pompée (à Rome), et à Athènes le portique d’Eumène et le temple de Bacchus. »
Vitruve. L. V, c. 9.
Nous verrons que le portique d’Eumène est en effet également voisin du théâtre.
COLONNE AU SUD DE L’ACROPOLE.
219
théâtres, s’élève une colonne isolée et sans chapiteau^, à laquelle, aujour¬
d’hui encore, les Grecs viennent coller avec deux boulettes de cire un
cheveu ou un fil de la jarretière du malade dont ils veulent obtenir la
guérison 2. C’est sans doute à cause de cette superstition qu’il suppose
s’être transmise d’âge en âge depuis l’antiquité, que M. Pittakis voit
dans cette colonne le reste du monument de Toxaris, médecin scythe
qui, au commencement du vi® siècle avant Jésus-Christ, s’était rendu
célèbre à Athènes. « Peu de temps après sa mort 3, dit Lucien, une
grande peste ravageant Athènes, Dimenète, femme d’Architèle, un des
juges de l’Aréopage , crut voir Toxaris qui lui ordonnait de dire aux
Athéniens qu’ils seraient délivrés du fléau, s’ils arrosaient de vin les
rues de leur ville. On obéit à cette révélation et la peste cessa »
Les Athéniens reconnaissants érigèrent sur son tombeau , au lieu
même où il était apparu à Dimenète, une colonne c{ui, dès le temps de
Lucien, gisait renversée sur le sol, mais qui n’en était pas moins toujours
ornée de couronnes, par les personnes qui y étaient journellement guéries
de la fièvre. Toxaris fut élevé au rang des héros et adoré sous le nom
du médecin étranger, ^évo; taxpoç; on institua en son honneur des fêtes
nommées Toxaridies, To^apiâia, pendant lesquelles on lui immolait un
cheval blanc. C’est avec regret , sans doute , cfue nous renonçons à
retrouver ici le monument de l’illustre Scythe, mais Lucien ^ dit formel¬
lement (( qu’il était voisin du Dipyle, à gauche de ceux qui allaient à
l’Académie , » et la porte Dipyle, c{ui réunissait les deux Céramiques
intérieur et extérieur, était bien loin des théâtres et à l’extrémité nord-
1 . Voy. la vignette à la fin du chapitre.
2. Un usage analogue existe chez les musulmans, et à Constantinople, à Smyrne, nous avons
souvent vu, garnies d’innombrables chiffons de toutes couleurs arrachés aux vêtements des malades,
les grilles des turbeh ou tombeaux des derviches morts en odeur de sainteté, et dont on invoque
ainsi la protection contre la fièvre.
3. Évidemment Lucien commet ici une erreur. Ce n’est pas peu de temps, mais plus de cent
trente ans après la mort de Toxaris, que la Grèce fut désolée par la peste terrible qui coûta la vie
à Périclès. Du reste, l’auteur lui-même semble démentir son assertion quand il ajoute, quelques
lignes plus bas, qu’on reconnut le tombeau de Toxaris, « non-seulement d’après l’inscription qui
était à demi effacée, mais surtout d’après le cippe sur lequel était sculpté un Scythe tenant de la
main gauche un arc tendu et de la droite un livre, autant qu’il était permis d'en juger. » Tel n’eût
point été l’état du monument si peu d’années seulement se fussent écoulées depuis la mort de
Toxaris.
4. Lucien. Le Scythe ou le Proxène.
5. Id. Ibid.
m
ATHÈNES.
ouest d’Athènes. Nous ne devons donc voir dans notre colonne qu’un
tombeau , ou le reste de quelque autre édifice , dont le nom est jusqu’à
présent un problème. Encore n’est-il pas même bien certain que la
colonne soit à sa place antique. Sa base étant enterrée , des fouilles
pourraient seules nous fixer à cet égard. Les Turcs s’en servaient comme
but pour le tir à l’arc, et peut-être l’avaient-ils relevée eux-mêmes.
Qui sait même si la première pensée de ce nom de Toxaris n’a pas été
inspirée par sa ressemblance avec le mot to^ov, qui désigne l’arc chez
les Grecs.?
Colonne au sud de J'Aci’opoU'.
Tour des Vents.
CHAPITRE VI
PŒGILE, SÉNAT.
PORTIQUE DÈS ÉPONYMES. PORTIQUE d’aDRIEN.
GYMNASES d’ADRIEN ET DE PTOLÉMÉE. AGORA. TOUR DES VENTS.
ARCADES. PRYTANÉE. BAIN ROMAIN. ARC d’ADRIEN.
THÈNES renfermait un assez grand
nombre de portiques consacrés à
divers usages ; plusieurs n’ont
point laissé de traces, et l’on
chercherait vainement ailleurs
cpie dans Pausanias et les autres
auteurs anciens les souvenirs du
portique royal, gtooc paaiXeio; , où
de celui de Jupiter Eleuthérius,
1. Pausanias. Att. C. III.
C’était le second archonte qui portait le surnom de roi; il remplissait les fonctions de ministère
public, dans les procès portés devant l’Aréopage.
222
ATHÈNES.
È);£Ùe£ptoç, libérateur, qui lui faisait face et qui avait été élevé par les
Athéniens après leur victoire sur les Perses. Rien non plus n’est par¬
venu jusqu’à nous du long portique^ la [a.a>tpa cToà.
Nous ne sommes pas beaucoup plus heureux pour le plus célèbre de
tous, le Pœcile, dont il ne reste qu’un débris, dont encore l’authenticité
est fort contestable et fort contestée. On a cependant, dans la moderne
Athènes, donné son nom à la rue où il se trouve, ô^oç nounou, et,
comme le lemaïque Leake^, sa position a 1 extrémité du Céramicjue inté¬
rieur 2, entre le portique royal et la nouvelle Agora rendrait cette
attiibution fort viaisemblable, en meme temps c[ue la description que
1 ausanias et les auti es auteurs nous ont laissée du Pmcile ne permet
pas de s’arrêter un instant à l’opinion de Stuart, qui croit trouver cet
édifice dans le portique d’Adrien"^.
Le nom primitif du Pœcile, dont Piciadas avait été l’architecte,
fut portique Pisiaiiactien, neKjavà/CTtoç; on lui donna celui de Pœcile,
lloc/aV/] GToa^, lorsqu’il eut été décoré de peintures®. On ignore l’époque
de sa construction, mais il est certain qu’il existait depuis assez long¬
temps lorsqu on songea à l’enrichir des chefs-d’œuvre du pinceau, et
comme Cimon revint à Athènes en 468 avant Jésus-Christ, il semblerait
assez naturel de rapporter à cette epoque l’exécution de peintures desti¬
nées à immortaliser la victoire remportée à Marathon par son père
Miltiade
On sait qu’ Adrien avait réuni à sa villa de Tivoli la reproduction des
1. Topographij of Athens.
2. Le Céramique, quartier d’Athènes, situé moitié en dedans, moitié en dehors des murailles,
devait son nom à Géramus, Kepa^Ao;, fils de Bacchus et d’Ariane, et non point, comme on l’a dit
souvent, à des fabriques de poteries, x£pap.o;, qui y auraient existé.
3. « Eh! Mercure, c’est ton frère de l’Agora, près du Pœcile. »
4. Antiquités d’Athènes. T. I, p. 62.
5. lloixiXço, varié, de diverses couleurs.
Lamia, célèbre joueuse de flûte et courtisane athénienne, avait fait ériger à Sicyone un portique
auquel elle avait aussi donné le nom de Pœcile, sans doute en souvenir de sa patrie.
6. « Le Pœcile, portique ainsi nommé à cause des peintures dont il est orné. »
Paüsanias. Att. C. XV.
7. Contrairement à l’opinion de M. Letronne, M. Raoul Rochette s’est efforcé, mais selon nous
sans succès, d’établir que les peintures du Pœcile étaient sur bois et non .sur mur.
Voy. R. Rochette. Peintures inédites, p. 150.
Cf. Letronne. Lettres d’un antiquaire à un artiste sur la peinture murale.
#
PŒCÏLE.
223
monuments qui l’avaient le plus frappé dans ses voyages; le Pœcile fut
du nombre, et c’est par les ruines de sa copie encore debout à la villa
Adriana, qu’il nous est possible de concevoir une idée exacte de ce
qu’il était à Athènes.
Plan probable du Pœcile.
Qu’on se figure un double portique fermé à chaque bout et partagé
dans toute sa longueur par un mur. L’une des galeries, exposée au
nord, offre en été un abri contre la chaleur; l’autre, regardant le midi,
concentre pendant l’hiver les rayons du soleil ; des sièges y attendent les
flâneurs, les politiques et les philosophes^; une porte centrale E per¬
met de passer d’un portique dans l’autre; tel était le Pœcile. Les faces
de la muraille centrale offraient de chaque côté deux vastes espaces, AB
et C D , propres à recevoir les compositions des grands peintres appelés
à y retracer des épisodes célèbres de l’histoire de la Grèce et d’Athènes.
C’était là que s’étaient exercés les illustres pinceaux de Polygnote^ et
de ses deux disciples Paninus et Micon. C’est au premier qu’appartient
un sujet parfaitement conforme à la nature de son talent, puisqu’il excel¬
lait surtout à peindre les femmes : « Les chefs sont assemblés pour
délibérer sur l’attentat d’Ajax contre Cassandre. On voit figurer dans la
composition Ajax lui-même, Cassandre et d’autres captives^. » Plu¬
tarque, d’ailleurs^ dit en termes précis que cette scène était l’œuvre de
Polygnote
1. « Tout entier à ces réflexions, j’arrive au Pœcile; j’y vois une foule très-compacte, quelques
hommes sous le portique même, un plus grand nombre en plein air, certains autres enfin criant et
vociférant des sièges où ils étaient assis. Je me doute, ce qui é-tait vrai, que c’est une discussion
philosophique. » Lucien. Jupiter tragiQue,
2. « Polygnote travailla gratuitement au Pœcile d’Athènes avec Micon, qui, lui, se faisait payer. »
Pline. L. XXXV, 35.
3. Pausanias. au. C. XV.
4. « Polygnotus, en peignant les dames troyennes captives contre les parois du portique qu’on
appeloit alors Plesianaction et qui se nome maintenant Pœcile, c’est-à-dire enrichi de diverses
peintures, il tira, comme l’on dit, le visage de Laodice sur le vif de Helpinice, sœur de Cimon. »
Plutarque. Cimon.
224
«
ATHÈNES.
Le Combat de Thésée et des Amazones ^ était dû à Micon ^ , auquel
peut-être aussi doit-on attribuer la Bataille des Athéniens contre les
Spartiates à Œnoé ^ dans l’Argolide, le seul des quatre sujets du Pœcile
sur l’auteur duquel il y ait incertitude.
Enfin, la quatrième composition, due à Paninus, frère de Phidias,
était la plus importante et la plus compliquée ; elle représentait la
Bataille de Marathon^. « Les Béotiens de Platée, dit Pausanias^, et
des autres villes alliées de l’Attique, en sont aux mains avec les bar¬
bares, et de ce côté l’avantage est à peu près égal des deux parts. Hors
du champ de bataille, les barbares sont en fuite et se poussent les uns
les autres dans le marais. A l’extrémité se distinguent les vaisseaux phé¬
niciens; les Grecs tuent les Perses qui cherchent à y monter. Vous
distinguez dans ce tableau le héros Marathus de qui le bourg a pris
son nom, Thésée qui paraît sortir de la terre, et Minerve et Hercule
car les Marathoniens, à ce c{u’ils disent eux-mêmes, sont les premiers
qui aient rendu les honneurs divins à Hercule. Les plus reconnaissables
parmi les combattants sont : Callimaque, qui était alors polémarque;
Miltiade, l’un des généraux, et le héros Échetlus®.»
1. Plutarque. Vie de Thésée.
2. « La femme aime le cheval; elle s’y tient ferme... Vois les Amazones que Micon a représentées
combattant à cheval contre des hommes. » Aristophane. Lysistrate.
3. Paüsanias. Att, C. XV.
4. On peut voir dans Hérodote (L. VI) à quelles modestes proportions se trouve réduite cette
fameuse victoire de Marathon. Les Athéniens, selon cet historien, s'emparèrent seulement de sept
vaisseaux ennemis, et il périt dans la journée 6,400 hommes du côté des Barbares, et 192 du côté
des Athéniens. Ces chiffres sont du reste beaucoup plus acceptables que ceux des écrivains qui font
déployer d’innombrables phalanges dans la petite plaine de Marathon.
5. Att. C. XV.
6. « Marathus, héros éponyme du célèbre dème de Marathon. Il y a sur son compte deux traditions
fort différentes. — l°Fils d’Épopée, qui le força de quitter le Péloponèse, il se rendit en Attique, reparut
dans sa patrie à la mort de son père, puis, après avoir partagé le pays entre ses fils Sicyon et Corin-
thus, revint dans la contrée qu’il avait choisie comme lieu d’expatriation. — 2° Originaire d’Arcadie,
il prit part, avec Echédème, à l’expédition des Tyndarides, et se dévoua avant le combat pour assurer
la victoire à son parti, d Jacobi. Dict. myth.
« Du nom de Marathus a esté aussi nômé le bourg de Marathon, à cause qu’il s’offrit volontaire¬
ment à estre sacrifié deuant la bataille, suiuant ce qu’il leur avoit esté enioint et ordô
prophétie. » Plutarque. Thésée.
7. On a peine à comprendre comment, parmi tant de dieux et de héros, Paninus n’a pas fait
figurer Pan, qui joua un rôle si important à la bataille de Marathon.
8. « ÉcHETLUs, nom d’un guerrier qui, à la bataille de Marathon, combattit dans les rangs des
Grecs, sous la figure d’un paysan , armé d’un manche de charrue, et disparut après la victoire.
PŒCILE.
225
Sur ce dernier point, Pline est plus explicite encore que Pausanias.
« Paninus, frère de Phidias, dit-il, représenta même la bataille livrée à
Marathon, entre les Athéniens et les Perses. L’emploi des couleurs était
déjà si commun et l’art si parfait, que Paninus avait, dit-on, fait
ressemblants les chefs qui commandaient dans cette bataille : du côté
des Athéniens, Miltiade, Callimaque, Cynégire^, du côté des barbares
Datis et Artapherne^. »
Il est pourtant difficile d’admettre que Paninus eût peint ici de véri¬
tables portraits, d’autant plus que les héros grecs qui avaient figuré
à Marathon étaient morts depuis longtemps, et qu’en supposant même
qu’on eût conservé d’eux quelque souvenir, il ne pouvait en être de même
pour les généraux persans Datis et Artapherne. A cette époque encore
primitive, on se contentait ordinairement d’inscrire le nom du person¬
nage à côté de la figure qui était censée le représenter, ainsi que nous
le voyons dans plusieurs des peintures antiques qui sont parvenues jus¬
qu’à nous^. Cependant, il ne paraît pas en avoir été ainsi au Pœcile.
Dans son discours sur la couronne. Eschine s’écrie : « Transportez-vous
encore par la pensée au portique du Pœcile ; car c’est là, c’est sur la
place publique que se trouvent pour vous les monuments de toutes les
grandes actions; et quel est celui dont je vous parle, Athéniens? Là est
peinte la bataille de Marathon, et quel est le général? A cette question
vous répondez tous : Miltiade. Oui, sans doute, et pourtant son nom nest
pas tracé sur la peinture. » Que conclure de ce passage ? seulement que
l’action, le costume, la tradition, faisaient reconnaître tel ou tel person¬
nage, ainsi que cela nous arrive continuellement pour les tableaux
modernes, dont le sujet connu nous permet de nommer chaque person-
L’oracle ordonna de lui rendre les honneurs héroïques sous le nom d’Échetlus, c’est-à-dire Vhomme
au manche de charrue, ijé’ù.ri. Il était représenté sur le grand tableau de la bataille de Marathon
dans le Pœcile d’Athènes. » Jacobi. Dict. myth.
1. « Faut-il pour un scélérat détruire tant de monde, et en outre le portique avec Marathon,
Miltiade et Cynégire? » Lucien. Jupiter tragique.
2. Pline. L. XXXV. 34.
3. Telle est la charmante peinture monochrome sur marbre conservée au musée de Naples, repré¬
sentant cinq jeunes filles jouant aux osselets, avec leurs noms ArAAIH, AHTfî, NIOBH, «fiOIEH et
lAEAlPA, composition signée par l’ Athénien Alexandre, AAEHÂNAP02 A0HNAIO2 ErPA<I>EN.
Hercul. et PoMP. T. II, pl. 17.
Telles sont encore, au Vatican, les figures de Pasiphaé, Myrrha, Scylla, Phèdre et Canace; tels
sont enfin les sujets homériques qui décorent le précieux tombeau étrusque découvert à Vulci par
M. Noël Desvergers, en 1857.
15
226
ATHÈNES.
nage, quoiqu’il n’ait peut-être aucune ressemblance avec l’original, et
qu’il soit sorti tout entier de l’imagination de l’artiste^.
« Sous le Pœcile, dit encore Pausanias^, sont des boucliers d’airain,
les uns pris aux Scionéens^ et à leurs alliés, ainsi que nous l’apprend
l’inscription placée au-dessus; les autres, enduits de poix afin d’être
préservés de la rouille, sont, dit-on, ceux des Lacédémoniens faits
prisonniers dans l’île de Sphactérie^. »
Souillé du sang de l,/i00 citoyens immolés par ordre des trente
tyrans, le Pœcile, rendu odieux aux Athéniens par ce funeste souvenir,
était resté abandonné pendant plus de cent ans , quand Zénon lui rendit
sa célébrité en le choisissant pour son école de philosophie, et en y
fondant la fameuse secte des stoïciens, ^Tooto'i, ainsi nommés du por¬
tique, GToa, sous lequel ils s’assemblaient^.
Devant le Pœcile s’élevaient plusieurs statues en bronze de person¬
nages célèbres; on y remarquait celle de Solon®.
Nous avons dit que l’authenticité des ruines attribuées au Pœcile est
fort peu prouvée ; en effet, ce qui reste encore debout ne paraît pas avoir
appartenu à un portique double, mais à l’extrémité occidentale d’un
portique simple ouvert au nord, et s’étôndant, il est vrai, comme ‘le
Pœcile, de l’est à l’ouest.
L’angle sud-ouest que présente notre dessin étant entier et sans arra¬
chements , rien n’indique qu’il ait existé un second portique exposé au
midi. Quoi qu’il en soit, voici ce qui reste aujourd’hui. L’angle postérieur
sud-ouest est composé d’une plinthe de 0'", 30, surmontée d’une moulure
1. Suivant Cornélius INepos {Thémistocles. VI), on pouvait ainsi reconnaître Miltiade à la place
qu’il occupait dans la composition. « Le seul honneur, dit-il, qu’obtint Miltiade, qui venait de sauver
l’Attique et toute la Grèce, fut d’être représenté, à la tête de ses dix collègues, au moment où il
exhortait ses soldats et engageait l’action, dans la peinture de la bataille de Marathon qui fut placée
sous le portique appelé Pœcile. »
2. Att. C. XV.
3. Habitants de Scione, ancienne ville de la Ghalcidique, dans la presqu’île de Pallène, sur la
mer Égée.
4. L’an 415 avant J.-C., par Cléon et Démosthène. Voy. Thucydide, L. IV, § 38.
Ifaud libi inexpei’tum curvos deprendere mores
Quœque docet sapiens, braccatis illila Médis
Porlicus .
« Tu sais distinguer ce qui dévie de la saine morale ; tu sais les sages leçons du portique où sont peints les
Mèdes aux larges braies*. » Perse. Sat, III.
G. Pausanias, Att. C. XVI. — Démosthène. In Aristog. — Ælien. L. VIII, c. 16.
* ’AvaÇ'jpthî.
POKCILE
227
et d’un soubassement de 1"', 65 de hauteur, formé de grandes dalles de
marbre debout, portant un bandeau en saillie haut de 0'", 25, et au-dessus,
dans l’angle, la partie la plus intacte de l’édifice, une muraille en équerre,
composée de quatorze assises de pierre de 0'’‘,39 de hauteur. Le mur
Ruines du Pœcile.
occidental, resté entier dans sa largeur, nous donne la profondeur du
monument, qui était de 6"', 82. La plinthe, de ce côté, porte les traces
d’une inscription illisible, que, d’après la forme des lettres, M. Pittakis
pense ne pas remonter au delà de l’époque romaine. Nous verrons tout
à l’heure qu’un autre fait pourrait s’ajouter à cette observation. La
partie de la muraille en retour au sud et ayant formé le fond du por¬
tique a encore 5'”, 60 de hauteur; mais sa partie inférieure n’est point
déblayée. Au nord, les fouilles ont mis à découvert le soubassement
entier composé de belles assises de pierres du Pirée, d’une hauteur totale
de 2 mètres, et surmonté d’une moulure de marbre. Le reste est détruit
et remplacé par une muraille moderne formée de toute espèce de maté¬
riaux qui, fermant cette partie du portique au nord et à l’est, l’a converti
en une salle qui a été habitée. Dans cette salle, on voit, couchés ou
employés comme matériaux, de nombreux tronçons de colonnes de 0"',75
de diamètre. Ces colonnes, provenant, selon toute apparence, du portique
lui-même, ne sont point cannelées, et ne peuvent, par conséquent,
m
ATHÈNES
remonter, au beau temps de l’art grec ; elles doivent plutôt appartenir à
l’époque romaine. Il est donc difficile d’admettre que nous ayons vérita¬
blement sous les yeux les restes du Pœcile. Avait-il été remplacé par un
nouveau portique, dont nous voyons les ruines? Cette supposition est
encore peu probable, car Synésius, qui visita Athènes en l’an /|.02 de
notre ère , dit que le Pœcile existait encore , bien que dépouillé de ses
peintures
Sénat. Un peu au-dessus du Pœcile, en allant vers l’Acropole, on
trouve dans la rue qui en a pris le nom, 6^dç BouXsur/ipiou, rue du Sénat,
les ruines considérables, mais informes, d’un grand édifice dans lequel
on croit reconnaître le lieu de réunion du conseil des cinq cents , •/( pouV/j
Tcov TOVTaz-oGtcov. Ces ruines se trouvent en effet, comme l’a dit Pausa-
nias, dans le voisinage du temple de la Mère de Dieu , dit 3Iétroun^ ,
situé un peu plus haut dans la même rue, et leur position, par
rapport à l’Aréopage, justifie le nom de sénat d’en bas, ■/, xaTw pouV/f,
qu’on donnait à double titre à ce conseil pour le distinguer de l’Aréo¬
page, le sénat d’en haut„ vf avco pouXv].
Le conseil ou sénat, créé par Solon •^, n’était composé d’abord que de
quatre cents membres tirés au sort chaque année parmi les citoyens no¬
tables des quatre tribus, ayant atteint l’âge de trente ans.
Quatre-vingt-six ans environ après l’établissement de la constitution
de Solon , Clisthène ayant porté le nombre des tribus à dix, cent nou¬
veaux membres furent adjoints au conseil qui prit alors le nom de conseil
des cinq cents; enfin, plus tard encore, le nombre des tribus s’étant
élevé jusqu’à douze, celui des membres du conseil fut porté à six cents,
1. Le passage de Synésius est le principal argument mis en avant par ceux qui ont prétendu que
les peintures du Pœcile étaient portatives et sur bois. Cet écrivain dit, en effet, en termes formels ;
« Le portique Pœcile n’est plus pœcile (orné de peintures)... Le gouverneur de la province a enlevé
les planches, ràç amiôaç, où Polygnote de Thasos avait déposé les fruits de son pinceau. »
Sur la foi qu’on doit ajouter à ce passage et sur les déductions qu’on peut en tirer, voy. Letronxe,
Lettres d’un antiquaire à un artiste, p. 201, et R. Rochette, Peintures inédites, p. 150.
2. « Près de là (près du temple de la Mère des Dieux ou Métroun), est le sénat des cinq cents qui
se renouvelle chaque année. On y remarque une statue de Jupiter Bulæus, un Apollon, ouvrage de
Pisias, et une statue du peuple de la main de Lyson. Protogène de Cannes et Olbiade y ont peint,
le premier, les législateurs d’Athènes, et le second, ce Callippus qui conduisit les Athéniens aux
Thermopyles pour s’opposer à l’irruption des Gaulois dans la Grèce. »
Pausanias. Att. C. III.
3. Plutarque. Vie de Solon.
SÉNAT.
229
cinquante membres continuant à être fournis par chaque tribu Nous
trouverons ce conseil des six cents mentionné dans rinscription de la
statue élevée en l’honneur de Julie, fille d’Auguste, à la porte de V Agora.
Le conseil était chargé d’examiner avec soin les questions qui devaient
être soumises à la délibération du peuple , et qui n’étaient présentées aux
assemblées que revêtues de so-n approbation 2, sous le nom dé sénatus-
consultes, (]>vi<p(cr[/.aTa Tviç Il vérifiait les comptes des magistrats ,
à l’expiration de leurs fonctions ; il veillait à l’entretien des citoyens
pauvres; il nommait les gardiens des prisons, avait l’administration géné¬
rale de la flotte, et enfin jugeait les crimes prévus par la loi. Les séna¬
teurs, pouls'jTai, recevaient un salaire fixe d’une drachme par jour et, à
l’expiration de leurs fonctions, une couronne pouvait leur être décernée
par le peuple en récompense de leur bonne et intègre administration.
La présidence du conseil était exercée successivement, et d’après un
ordre réglé par le sort, par chaque tribu ; les cincfuante membres qu’elle
avait fournis prenaient le titre de prytanes, TupuTavsiç, pendant l’exercice
de leur prytanie^ ^puraveta L’année lunaire alors en usage, se compo¬
sant de 35/1. jours, avait été divisée en dix périodes, les quatre premières
de 36 jours, les six autres de 35, formant chacune la durée d’une pry-
tanie. Cette durée fut réduite à un mois quand le nombre des tribus fut
porté à douze, et celui des membres du conseil à six cents. Les cinquante
prytanes se partageaient eux- mêmes en cinq décuries, chargées de
présider le conseil chacune pendant une semaine; les membres de la
décurie en fonction portaient le nom de proèdres , Trpoe^pot. Enfin, dans
cette décurie même, le sort désignait également le président de chaque
jour, Vépistate, extaxaT'/îç, et comme la semaine n’a c|ue sept jours,
naturellement trois prytanes par décurie n’étaient point appelés à l’hon¬
neur de la présidence. Ij'épistate, gardien des sceaux, des clefs de la
1. On désignait en même temps, également par la voie du sort, un nombre égal de suppléants,
£7U>>a)(6vT£Ç.
2. « Et toi, prytane, si tu crois qu’il t’appartienne de veiller sur la république, si tu veux être
bon citoyen, mets cette proposition en délibération et appelle les Athéniens à voter de nouveau. »
Thucydide. L. VI, c. 14.
3. De petit caillou qui servait pour les votes.
4. Recevoir une drachme par jour, Spayjjifjv tÿi; la.yjXv, était devenu synonyme de faire
partie du conseil des cinq cents. La valeur de la drachme serait aujourd’hui d’environ 9 francs.
5. C’est ainsi que nous trouvons dans Thucydide (L. IV, § 118) la ratification d’une trêve d’un
an conclue avec les Lacédémoniens, commençant par ces mots : « Adopté par le peuple, sous la
prytanie de la tribu Acaniantide, etc. »
230
ATHÈNES.
ville et du trésor public, ne pouvait conserver son emploi plus d’un jour, et
n’était point rééligible. Il nommait neuf proèdres distincts des premiers et
qu’il choisissait dans les neuf tribus qui n’avaient point fourni les prytanes
en fonction. Ces proèdres étaient chargés de porter les décrets du conseil
aux assemblées générales, où le premier nommé recueillait les suffrages.
Les prytanes avaient pour mission de réunir le conseil tous les jours
qui n’étaient ni fériés, ni néfastes, sous peine, en cas de négligence, d’une
amende de mille drachmes ; mais, en outre, logés ensemble aux frais de
l’Etat dans un édifice nommé le Prytanée, ils formaient un conseil per¬
manent qui, représentant le conseil entier, pouvait, à sa place, prendre
les décisions exigées par les cas urgents. Enfin, c’était entre leurs mains
que les plaideurs, avant d’entamer une procédure, devaient consigner
une certaine somme pour répondre des frais Cette somme était par¬
tagée entre les juges après le prononcé du jugement, et le condamné
devait indemniser sa partie adverse de cette- avance 2.
De l’édifice où siégeait le conseil, il ne reste aujourd’hui que de
grandes substructions en pierre du Pirée, de nombreux tronçons de
colonnes non cannelées de 0"’,75 de diamètre, d’autres cannelés un peu
plus forts, et une base. Sur un des fûts de colonne on lit cette inscrip¬
tion, assez mal orthographiée ;
H BOTAH KAI O AHMOS
SENOKAHN OEOTIOMITOY
PAMNOÏSION EILHriITlIN
TENOMENON TOT SITC2NIKOT
TAMIEOY KAI SITÜNHSANTA
AIX KAI XTPATHrON EITI TOS (sic)
OIIAEITAS TENOMENON
TETPAKIL APETHS ENEKA
KAI EYNOIAX THS EIS EATOYS (sic)
« Le sénat et le peuple {honorent) Xénoclès de Rhamnonte^, fils de Théopompe,
aj'ant été fondateur du grenier de réserve, deux fois commissaire pour l’achat des grains
et quatre fois nommé commandant des oplites pour son mérite
et sa bienveillance envers eux. »
Au milieu des ruines est une ancienne citerne, et dans un massif de
1. On nommait les sommes ainsi consignées prytanies, Trpuxaveïa; de là la locution : TrpuTavsta
-riSevai vivt, fournir les prytanies a quelqu’un, pour l’assigner en justice en consignant la somme
voulue par la loi.
i( Pasias. Je m en vais; mais que je meure, si de ce pas je ne vais déposer la consignation. »
2. POLLDX. Onomast. L. VIII, c. 6. Artstophane. Les Nuées.
3. Bourg de l’Attique célèbre par le culte de Némésis.
PORTIQUE DES ÉPONYMES. 231
constructions on voit enclavée une grande jarre de terre cuite, un dolium.
Plusieurs fûts de colonnes d’un faible diamètre et de marbre du mont
Hymette ont dû appartenir à l’église byzantine, devenue mosquée, qui
avait remplacé le Sénat, et dont on reconnaît encore quelques traces.
Trois fragments de sculpture sont conservés dans la maison du gar¬
dien des ruines ; ce sont une statuette de femme drapée dont la tête
manque, un beau torse de jeune homme, et une moitié de bas-relief
représentant la partie supérieure du corps d’un Satyre.
Portique des Éponvmes. Entre le Pœcile et le temple de Thésée,
dans la rue des Éponymes, se trouve une assez vaste enceinte récemment
fouillée où s’élèvent les restes d’un monument considérable dont il est
presque impossible de reconstruire le plan. Son existence était depuis
longtemps indiquée par deux piliers en partie enterrés^ et qui aujour¬
d’hui sont entièrement dégagés. M. Pittakis ^ avait décrit ces ruines
sous le nom de monument de Phorbas^; mais depuis qu’on est fixé sur
la position du Boukeur^'piov, du Sénat, on a une précieuse indication qui
peut conduire à la vérité. Pausanias, en effet, nous apprend que c’était
dans le voisinage de cet édifice que se trouvait le portique des Éponymes
où étaient affichés les décrets et les annonces publiques ; nous savons
que ce portique était orné des statues des héros éponymes Ces statues
1. « Dans une maison, on montre deux caryatides colossales; ce sont deux hommes nus, à genoux,
dont le corps se termine en queue de poisson. La sculpture en est assez mauvaise. »
Bloüet et Ravoisier. Expédition scientifique de Morée.
2. V Ancienne Athènes,
3. « Phorbas, dit Diodore, était fils de Lapithès et d’Orsinome, et frère de Périphas et de Diogénie.
Ayant délivré l’île de Rhodes des serpents qui l’infestaient, il reçut les honneurs héroïques. »
4. O'i £7rwvu(ro( iipweç, de Itti ôvo[Aa, sur nom. On appelait éponymes les héros qui avaient donné
leurs noms aux tribus de l’Attique.
Dans le principe, les tribus, çufal, étaient eulement au nombre de quatre, auxquelles Cécrops
avait donné les noms de : Cécropide, KsxpoTiU; Autochthone, ’Aut6x,0wv, Actée, ’Axvaia, d’àxvYi, rivage,
et Paralie, llapaXioc, maritime. Cranaüs changea ces noms en ceux de Cranaïde, Kpavatç; d'Atthide,
d’ ’Axôiç, nom de sa fille ; de Mésogée, Mcaoyata, située au milieu des terres, et Diacride, Atàxpu;, sépa¬
ration, de la position isolée de cette tribu. Érichthonius, à son tour, nomma les tribus Diade, Aiàç;
Athénaîde, ’Aerivaïc; Posidoniade , noaetSwviàc , et Héphaïstiade , 'HcpaidTià? , des noms grecs de
Jupiter, Minerve, Mercure et Vulcain,
Le nombre des citoyens ayant augmenté, Clisthène porta à dix celui des tribus, en donnant à
chacune le nom d’un ancien héros qui fut dit éponyme; elles furent donc appelées : Ërechthéide,
d’Érechthée; Cécropide, Kexpoutç, de Cécrops; Égéide, ’Atyrilç, d’Égée; Pandionide,
llavSioviç, de Pandion; Acamantide, 'AxapLawi;, d’Acamas; Antiochide, Avxtoxh, d’Aiitiochus; Léon-
tide, Aeovxîç, de Léos ; OEnéïde, 'Oivr;iç, d'OEnée; H ippothoontide , 'IutcoQowvxIç , d’Hippothoon, et
Aiantide, Atavxii;, d’Ajax (Pausanias. Ait. C. V). Plus tard, les Athéniens, délivrés par Démétri us.
232
ATHÈNES.
étaient certainement tout autres que celles que nous voyons aujourd’hui.
Détruites sans doute dans l’une des nombreuses dévastations qu’Athènes
eut à subir, elles auront été refaites assez grossièrement au ii® ou au
III siecle de notre ère, sous la domination romaine. M. Ross fait remar¬
quer avec raison que ces piliers, dont la partie postérieure était entière¬
ment lisse, étaient parfaitement disposés pour recevoir les décrets
qu’on y affichait et que les citoyens pouvaient lire à leur aise et à
couvert.
Le portique, ouvert au nord comme le Pœcile, était soutenu par des
piliers carrés dont deux sont encore en place. Aux piliers et servant
ajoutèrent encore deux tribus auxquelles ils donnèrent les noms à'Antigonide, ’AvirtYov'K;, et Démé-
triade, Ar,jxr;Tptà; (Plutarque. Vie de Démétrius, et Diodore de Sicile. L. XX, § 46), qui furent
changés depuis en ceux à Attalide, ATTa).i<;, et PtolémcCide, nxoX£[jLatç, en l’honneur de deux princes
bienfaiteurs d’Athènes, Attale, roi de Pergame, et Ptolémée, roi d’Égypte.
Malgré sa longueur, nous pensons que nos lecteurs nous sauront gré de transcrire ici un curieux
passage de Démosthène, qui fait connaître les titres que les héros éponymes avaient à l’honneur que
les Athéniens leur avaient décerné.
« Tous les Érechthéides savent que cet Érechthée, dont ils tirent leur nom, avait, pour sauver le
pays, abandonné les Ilyacinthides, ses filles, à une mort certaine. Lors donc qu’un fils des dieux
avait tant sacrifié à la délivrance de sa patrie, ils auraient rougi de paraître mettre à plus haut prix
un corps mortel qu’une impérissable renommée. N’ignorant pas que Thésée, fils d’Égée, avait le
premier établi dans Athènes l’égalité civique, les Égéides se seraient fait un crime de trahir les
principes de ce grand homme; et ils ont mieux aimé mourir que de leur survivre à la face de la
Grèce pai un lâche attachement à la terre. La tradition avait appris aux Pandionides quelle vengeance
Procné et Philomèle tirèrent des outrages de Térée; unis par le sang à ces filles de Pandion, la mort
leur eût semblé un devoir, s ils n’avaient déployé le même courroux contre les oppresseurs de la
Grèce. On avait dit aux Léontides : Les Léocores (les filles de Léos), célèbres dans la fable, s’offri¬
rent au éoutteau sacré pour sauver la patrie; et, à la pensée du mâle courage de ces jeunes filles,
des hommes se seraien crus coupables s’ils ne les eussent égalées Les Acamantides se rappelaient
ces vers où Homère dit qu’Acamas se rendit à Troie par tendresse pour OEthra dont il tenait le jour;
ainsi ce héros brava tous les périls pour délivrer sa mère ; et ses descendants , alors qu’il fallait
protéger tous leurs parents, tous leurs amis, auraient reculé devant le danger ! Les OEnéides n’ou¬
bliaient point que Sémidé, née de Cadmus, eut pour fils un dieu qu’il ne convient pas de nommer
dans ces funérailles, et que ce dieu était père d’OEnée, premier Suteur de leur race; à la vue du
péril qui pressait également les deux républiques, la lutte la plus sanglante fut pour eux une dette
à payer. Le chef des Gécropides fut, dit-on, moitié homme, moitié serpent, sans doute parce qu’à la
force du dragon il unissait toute la sagesse d’un mortel ; de là les deux grandes qualités qu’il appar¬
tenait suitout à cette tribu de faire revivre. Les Hippothoontides se souvenaient de l’hymen d’Alopè
d où naquit Hippothoon qu’ils reconnaissaient pour leur chef. Fidèle aux convenances de ce jour, je
ne développerai pas ce souvenir. Ils pensaient donc que c’était à eux à se montrer dignes de ce grand
homme. La tribu d Ajax était instruite que ce guerrier, frustré du prix de la valeur, n’avait pu sup-
poitei la vie; aussi, lorsque ce prix fut décerné à un autre par la Fortune, repoussant les ennemis,
elle comprit qu’il fallait mourir pour remplir la vraie destinée des Aiantides. Vivre dignes de nos
ancôties ou périr avec gloire, telle fut la maxime des Antiochides qui n’avaient pu oublier qu’An-
tiochos était fils d’Hercule. »
Démosthène. Éloge funèbre des Athéniens morts à Chéronée.
PORTIQUE D’ADRIEN.
233
d’atlantes, sont adossés des personnages en demi-relief et de proportion
colossale dont les cuisses se terminent en double queue de poisson, desi-
nunt in piscem. Ces figures peuvent d’autant mieux être celles des
Éponymes que nous savons que plusieurs de ces héros, tels qu’Érech-
thée, Cécrops, etc., étaient ordinairement représentés avec la double
nature.
Eponyme.
Au-dessous des figures, sur leur piédestal , est un bas-relief offrant
un serpent entourant un arbre de ses replis ; il est facile d’y reconnaître
l’olivier et le serpent sacrés de l’Acropole.
Un troisième colosse sans piédestal est dressé dans un coin de l’en¬
ceinte. Tous trois sont privés de leurs têtes et de leurs bras. Derrière
l’un d’eux est gravée cette inscription :
ANHrEPOH TOI 1858 lOTNlOT 24
« Relevé en 1858, le 24 juin. »
Un fragment d’architrave , un tronçon de colonne non cannelée et de
nombreux fragments de moulures sont gisants sur le sol dans lequel on
voit. l’embouchure d’une citerne.
Portique d’Adrien. Nous trouvons à Athènes les restes bien plus
cansidérables d’un autre portique décrit par Ghandler, sous le nom de
Prytanée^, et par Stuart sous celui de Pœcile^, mais que la seule
inspection de son architecture suffit pour faire reconnaître comme un
édifice d’époque romaine. Les traducteurs de Ghandler, Servois et Bar-
bié du Bocage y voient le Panthéon d’Adrien, et Spon et Wheler, et
après eux Leroy, le temple de Jupiter Olympien, mais au moins l’erreur
des derniers est plus excusable, puisque ces deux édifices sont contem¬
porains du portique d’Adrien, que l’on s’accorde aujourd’hui à retrouver
dans le monument que nous allons décrire.
Get édifice présente une vaste enceinte rectangulaire ABGD, située
Plan du Portique d’Adrien.
au nord de l’Acropole, et dont la muraille postérieure ou orientale GD
se trouve dans l’alignement de la rue d’Éole, la principale de l’Athènes
moderne ; sa longueur est de iSS"*, l/i, et sa largeur de 8i'", 86. La
façade AB, tournée à l’ouest^, se composait d’une porte centrale E,
flanquée de deux murailles de marbre richement ornées. La muraille de
droite EB^, ainsi que le mur méridional BD, a fait place à une
1. Voyages en Grèce. T. Il, p. 503.
2. De son temps, les Athéniens le nommaient indifféremment palais de Périclès ou de Thé-
mistocle.
3. Voy. planche VI.
i. « La moitié de la façade qui est au sud-ouest du portail se trouve dans un état de ruine complet;
cependant une grande partie du mur de face existe encore, et on retrouve dans leur place primitive
les sept piédestaux et quelques fragments des colonnes. »
Stuart. Antiquités d’Athènes. I, GO.
PORTIQUE D’ADRIEN.
235
grande caserne de cavalerie; celle de gauche AE est restée. Elle est
ornée de sept colonnes corinthiennes non cannelées, d’un seul morceau
de marbre tacheté de vert ressemblant au cipollino^. Les piédestaux,
enterrés pour la plupart, et quelques-uns tout à fait, sont du même
marbre, mais les bases et les chapiteaux sont de marbre pentélique. Par
une innovation dont l’effet n’est guère heureux, les angles du tailloir de
ces chapiteaux ne sont point abattus, mais sont au contraire très-aigus 2.
Le diamètre des colonnes est de 0™, 90, et leur hauteur , y compris la
base et les chapiteaux, mais sans le piédestal, est de 8'", 60. Elles sont
à 0™,65 de la muraille et espacées entre elles de 3'", 25. M. Pittakis^
dit avoir reconnu sur l’entablement qui surmonte chaque colonne les
traces d’une statue de bronze s’appuyant sur une pique.
Le portique était fermé à chaque bout par un mur en équerre A F
et B G, terminé par une ante. Ce mur, qui, à l’extrémité septentrionale du
portique, existait encore tout entier au temps de Stuart^, n’a conservé
aujourd’hui que sa partie inférieure adossée à une mosquée transformée en
gymnase musical pour l’armée. La porte E, que Stuart vit aussi presque
entière, était accompagnée de deux antes moins saillantes H et I,
et précédée d’un portique ou péristyle L, formé de quatre colonnes de
%
même ordre, mais rudentées dans le tiers inférieur, et cannelées dans le
reste de leur hauteur. Elles portaient un fronton, et s’élevaient sur un
perron composé de six degrés dont il ne reste point de traces. Grâce
aux piédestaux sur lesquels étaient exhaussées les colonnes placées en
avant de la muraille, toutes se trouvaient au même niveau dans toute
l’étendue de la façade. Trois des colonnes du péristyle, avec leur enta¬
blement, figurent encore dans le dessin de Stuart, mais elles ont déjà
disparu dans la planche de l’expédition de Morée où, comme aujour¬
d’hui , s’élève seulement, en avant de l’ante H, une colonne isolée N,
1. « Adrien a orné Athènes de plusieurs autres édifices qui sont : le temple de Junon et de Jupiter
Panhellénien, et le Panthéon, mais on admire surtout des portiques formés décent vingt colonnes
de marbre de Phrygie, et dont les murs sont du même marbre. On y voit des salles dont les plafonds
sont ornés d’or et d’albâtre, et qui sont décorées de tableaux et de statues ; elles contiennent des
livres. » Paüsanias. Att. C. XVIII.
2. Il en est de même au temple de Vesta, à Rome, qui, comme le monument qui nous occupe,
appartient au ii® siècle de notre ère.
3. V Ancienne Athènes.
4. T. I, pl. XXXl.
236
ATHÈNES.
qui formait l’angle NO du péristyle. L’une des colonnes fut renversée
en 1780; la moitié d’une troisième a été retrouvée dans les fouilles faites
en 1835 pour les fondations de la caserne.
Le mur M, qui prolonge la muraille au delà de l’ante H, se termine
par le piédroit et une partie du linteau de la porte E. A l’épocjue de
l’expédition de Morée, la partie inférieure de la colonnade F H était
enterrée; et si les constructions qui étaient venues s’y appuyer avaient
disparu en laissant des traces de leur existence^, on y voyait encore
dans l’angle H une petite église byzantine, qui a également été démolie,
ainsi qu’une arcade construite au sommet de la colonnade et servant de
clocher, lorsqu’on a dégagé l’édifice antique. La porte de l’église était
formée par l’espace compris entre l’ante H et la colonne isolée N,
restée debout à l’angle du péristyle. Au pied de la troisième colonne O,
on voit quelques restes des constructions de l’abside. Enfin, l’existence
de l’église est encore rappelée par des traces de peintures chrétiennes
existant encore sur la muraille de marbre.
Dans celle-ci, de nombreux trous ont été pratiqués dans les bas siècles
pour extraire les crampons de bronze qui unissaient les blocs, ainsi
qu’on le fit aussi au Colisée et à la plupart des monuments de Rome.
Le mur du nord AG, formé de grosses pierres du Pirée, est assez
difficile à Voir à l’intérieur par-dessus les étaux de bouchers qui lui sont
adossés, et encore plus à l’extérieur, où il est entièrement masciué par
des échoppes ; mais , de ce côté , en entrant dans la petite cour qui existe
derrière la plupart de celles-ci, il est facile de s’assurer que le mur
existe dans une grande partie de sa longueur, et l’on voit cfuelques arra¬
chements PQ d’un hémicycle R d’environ 10 mètres de diamètre, et
un reste ü d’un autre hémicycle S, c^ui lui faisait pendant. Ces hémi¬
cycles ont tout le caractère des exèdres dont parle Vitruve, et il est
présumable qu’ils contenaient des sièges pour les promeneurs qui fré-
cfuentaient le portique. Au centre de la muraille était une grande niche
quadrangulaire T, c[ui a été percée, si toutefois, comme le pense
1. « Cette façade est encombrée de maisons, de magasins et de boutiques qui y ont été adossés
et qui en obstruent la vue au point de rendre la disposition générale de l’édiftce entièrement mécon¬
naissable pour ceux qui se trouvent au niveau de la rue; ils en cachent même encore une grande
partie au spectateur placé dans la situation la plus favorable. Ces magasins et ces boutiques sont
occupés par des fabricants de savon; il y en a ici un grand nombre, et le savon est un des principaux
articles du commerce d’Athènes. » Stuart. Antiquités d’Athènes. T. I, p. 03.
PORTIQUE D’ADRIEN. 237
Stuart, elle n’a pas toujours été ouverte, et qui est aujourd’hui l’une des
entrées du bazar.
Enfin, du côté oriental CD, sur la rue d’Eole, existe encore le milieu
de la muraille, sans ornements, avec cinq contre-forts, speiGp-axa, et l’indi¬
cation d’un sixième, et à la suite quelques substructions de grand appareil.
L’intérieur de l’enceinte dut être entouré d’une colonnade simple,
sinon à deux rangs, comme le suppose Stuart^, mais il n’en reste plus
aujourd’hui le moindre vestige.
Après avoir servi, pendant la domination turque, d’habitation au vaï-
vode ou gouverneur d’Athènes, l’enceinte d’Adrien est occupée aujour¬
d’hui par le bazar, ou marché aux comestibles. Au centre sont de faibles
restes de construction antique V, qui maintenant font partie d’une église
double dédiée au saint sans corps et à Notre-Dame-la-Grande Une
tour qui s’élève auprès contient l’horloge donnée par lord Elgin
En avant de la colonnade, moitié dans la rue, moitié dans une enceinte
de palissades gardées par un invalide^, on a réuni un assez grand
nombre de fragments antiques; les plus remarc|uables sont ; deux cha¬
piteaux d’antes du portique même, divers cippes ronds portant des
inscriptions funéraires; un seuil avec une inscription fruste; un grand
linteau de porte avec ces mots :
EriESKETAXeiI EK TON AHMOSION
XPHMATON EUITPOnErONTOi:
AIAIOr OMOTAAOr
« Réparé aux frais du public, sous l’administration d’Ælius Omullus. n
un autre linteau avec ceux-ci :
0EOd>IAOS TITOT SOTNIEYX
« Théophile, fils de Titus, de Sunium. «
1. « Dans l’intérieur du monument, on trouve quelques traces d’un péristyle ou colonnade qui
régnait tout autour du parallélogi-amme. Ce péristyle était composé d’un double rang de colonnes,
et, sous ce rapport, il s’accorde avec la description que Vitruve nous a donnée d’un portique. De
tant de colonnes, il n’en reste plus qu’une seule* en place; elle paraît avoir appartenu au rang qui
se trouvait le plus éloigné du mur d’enceinte. » Stuart. Antiquités d’Athènes.
2. 'O ayi'ot; àfTW[jiaTO(;, nom que les Grecs modernes donnent à l’archange saint Michel.
3. Msyà^yi Ilavayi'a. Suivant M. Pittakis, la première église aurait succédé au temple de Jupiter
Panhellénien, et l’autre à celui de Junoii; mais M. Leake pense que ce qui reste d’antique appartient
à une époque de décadence, et nous partageons son opinion.
4. Voy. p. 104. C’est cette tour et cette horloge qu’on aperçoit dans notre vue de la tour des Vents.
5. Planche VI.
* Elle a disparu.
238
ATHENES.
un grand seuil, qui paraît avoir appartenu au portique; plusieurs
cippes funéraires, dont un fort beau avec un bas-relief représentant, de
grandeur naturelle , un homme et une femme se donnant la main , des
antéfixes de terre cuite, deux boucs luttant, un grand nombre d’inscrip¬
tions, d’urnes cinéraires en marbre avec bas-reliefs, la plupart d’un
travail médiocre, représentant tous un personnage assis recevant un
homme qui arrive, un torse de Minerve de style archaïque, une grande
palmette qui dut être l’acrotère d’un fronton, peut-être de celui
du péristyle du portique d’Adrien, quelques fragments de sculpture
byzantine, dont un élégant chapiteau, un poids de marbre ayant la
forme d’un fer à repasser moderne , enfin une belle statue de matrone ,
malheureusement sans tête, etc., etc.
Gymnases. Les gymnases, yupaGia i, étaient dans le principe des lieux
consacrés exclusivement aux exercices gymnastiques , qui tenaient une
place si importante dans l’éducation de la jeunesse grecque 2; peu à peu
ils s’étendirent, se développèrent et réunirent dans leur vaste enceinte
tout ce qui pouvait charmer les oisifs, qui s’y rassemblèrent, d’abord
sous prétexte d’assister ou de prendre part aux exercices, et bientôt pour
s’y livrer aux conversations sérieuses ou frivoles , commerciales ou poli¬
tiques, aux discussions philosophiques ou littéraires. En un mot, il en
fut des gymnases grecs comme plus tard des thermes romains qui n’en
furent que l’imitation ; les accessoires en vinrent à tenir plus de place que
les lieux d’exercice dans les premiers, que les bains dans les seconds.
1. De yu[av6ç, nu, parce qu’on quittait ses vêtements pour se livrer aux exercices gymnastiques.
2. « La gymnastique est un art nécessaire, et il est aisé de concevoir comment elle doit faire partie
de l’éducation. Jusqu’à l’àge de puberté, on formera les enfants par des exercices légers... Les trois
années qui suivront l’époque de la puberté seront employées à l’étude des diverses sciences. Ensuite,
on reprendra la gymnastique, et les jeunes gens seront assujettis à un régime sévère et à des exer¬
cices fatigants. On évitera ainsi le travail simultané du corps et de l’esprit. Car ces deux genres
d’occupation se contrarient toujours. Les travaux du corps nuisent à ceux de l’esprit, et les travaux
de l’esprit à ceux du corps. » Aristote. Polit. L. VIII.
« Ils envoient leurs enfants chez le maître de gymnase ; ils veulent que leur corps, plus robuste,
exécute mieux les ordres d’un esprit mâle et sain, et qu’ils ne soient pas réduits, par la faiblesse phy¬
sique, à se comporter lâchement à la guerre ou dans les autres circonstances. » Platon. Protagoras.
« Quelques tyrans ont fait brûler ou renverser les gymnases où s’exerçaient les jeunes gens,
comme autant de forts opposés aux citadelles du despotisme. » Athénée. Deip7ios. L. XIII.
Perque coloratas subtilis Grœcia gentes
Gymnasium prœfert vultu, fortesque palœstras
Manilius. Asironom. L. IV, v. 717.
« L’ingénieuse Grèce montre sur le visage basané de ses enfants les traces des robustes exercices du gymnase
et de la palestre. »
GYMNASES.
239
Dans les gymnases, la palestre, proprement dite, les par¬
ties destinées aux exercices étaient :
i“ Uepheheum, àtp'/iêeîov, pièce spacieuse, où les jeunes gens, ephebi,
£<priêoi , s’exercaient en présence de leurs maîtres les gymnastes^
yuyvaGTai ^ ; elle était entourée de sièges pour leurê familles et pour les
curieux, et sa longueur devait excéder d’un tiers sa largeur^.
2" Un corycœum^, xwpuxeîov, salle destinée à un jeu qui consistait à
pousser et repousser à coups de poings un large sac, xwpuxoç, suspendu
au plafond et rempli de graines, de gousses, de noyaux d’olives, de son
ou de sable
3° Un conisterium^ , xovi^rpa ou xoviTxvjpiov salle dont le plancher
était couvert de poussière, r.oviç, ou de sable fin et jaune, haphè,
âçT] dont les lutteurs se frottaient le corps, afin d’avoir plus de prise
l’un sur l’autre
1. Ce mot était quelquefois pris pour synonyme de gymnase, mais il s’applique plus spécialement
aux lieux d’exercice, ayant désigné d’abord uniquement l’endroit où les athlètes étaient formés pour-
les jeux publics.
2. PoLLUx. Onom. L. III, c. XXX, § 8,
Platon et Xénophon emploient dans le môme sens le mot TTfoyofAvaatriç.
« Le maître de gymnase, le progymnaste, pourrait bien dire : Socrate, je serais très-surpris que
Gorgias pût te montrer quelque bien résultant de son art [la rhétorique) plus grand que celui qui -
résulte du mien. — Et toi, mon ami, répliquerai-je, qui es-tu? quelle est ta profession? — Je suis
maître de gymnase, répondrait-il ; ma profession est de rendre le corps humain beau et robuste.
Platon. Gorgias.
(c Le MAiTiiE A DANSER. Je lui soutiens que la danse est une science à laquelle on ne peut faire assez
d’honneur.
« Le MAITRE DE MUSIQUE. Et moi , que la musique en est une que tous les siècles ont révérée.
n Le MAITRE d’armes. Et moi, je leur soutiens à tous deux que la science de tirer des armes est la
plus belle et la plus nécessaire de toutes les sciences.
« Le maître de philosophie. Et que sera donc la philosophie? Je vous trouve tous trois bien
impertinents de parler devant moi avec cette arrogance, et de donner impudemment le nom de
science à des choses que l’on ne doit pas même honorer du nom d’art, et qui ne peuvent être com¬
prises que sous le nom de métier misérable de gladiateur, de chanteur et de baladin. »
„ , Molière. Le Bourgeois gentilhomme, acte II, sc. IV.
3. ViTRUVE. L. V, c. M.
4. Id. Ibid.
5. Anthyll. Ap. Oribas. Coll. med. 6.
Ü. ViTRUVE. L. V, c. H.
1 ■ Ilarpasto quoque subligata ludit
Et flavescit haphe, gravesque draucis
Ilaltei’as faciii rolat lacerlo.
Martial. L. VII, ép. 67.
« Philonis, la robe retroussée et les membres frottés de la poudre jaune des lutteurs, manie sans effort les
pesantes haltères. »
Le limon du Nil était très-recherché pour cet usage, et on en apportait jusqu’à Rome.
Voy. Pline. L. XXXV, 47.
8. « D’autres ont une fosse remplie de sable, qu’ils se répandent à pleine main les uns sur les
240
ATHENES.
[\° Un elœothesium , èXatoÔEciov^, cabinet où les jeunes gens se frot¬
taient d’huile avant les exercices qui demandent de la souplesse 2.
5° Un sphæristerium^, GcpaiptcTyfptôv, ou jeu déballé, pila^^ apaipa^. La
lutte que les joueurs soutenaient les uns contre les autres se nommait
sphœromachia <7(pat,po[;.aj(^(a. Cette salle servait aussi à d’autres exer¬
cices
6° Un stade, cra^tov, pour la course à pied, le saut et le jet du
disque.
autres, en grattant la poussière comme des coqs, sans doute afin de pouvoir échapper moins facile-
nent quand ils se serrent, parce que le sable empêche le corps de glisser et offre à sec une prise
plus assurée. » Lucien. Anacharsis ou les Gymnases.
1. D’âXatov, huile, et Ti9rip.i, mettre.
2. « Comme l’huile dont ils se sont frottés ne les empêche pas de se salir, et qu’ils ont bientôt fait
disparaître cette sorte d’enduit pour se couvrir de boue et ruisseler de sueur, ils me font bien rire
quand je les vois glisser des mains comme des anguilles. »
Lucien. Anacharsis ou les Gymnases.
. « Ils se préparent au combat, et les voilà qui se frottent d’huile et qui répandent la poussière sur
leurs bras. »
Vers d’un ancien comique cités par Plutarque, Vie de Pompée.
. Perfudit membra liquore
Hospes, Olympiacæ servato more paleslrœ.
nie parum fidens pedibus eontigere matrern,
Auxilmm membris caiidas infundit arenas.
« L’étranger [Hercule] arrose ses membres d’un liquide onctueux, selon l’usage de la palestre olympienne;
l’autre (Anlée), auquel ne suffit pas de toucher des pieds le sein de sa mère, répand sur ses membres un sable
brûlant. » ^ Lucain. Pharsale. C. IV.
« Tel qu’un bon atblète-qui ne descend dans l’arène qu’après s’être soigneusement frotté d’huile
et avoir fortifié son corps par un long exercice... »
Diodore de Sicile. L. XXVI, fragm. 2.
3. Pline le jeune. L. II, epist. 17. — Suétone. Vespasien. C. XX.
4. Quid mine strata solo referam tabulata crêpantes
Auditura pilas? .
I
« Parlerai-je des planchers résonnants sous les balles bruyantes? »
Stage. L. Silv. 5.
5. On nommait aussi la balle àpTtâoTov et çaivESa, et on disait, pour jouer à la balle, çaivîvSa
Trageiv.
« Cette balle, qu’on appelait autrefois phéninde, s’appelle aujourd’hui harpaste (d’âpTrà^w, saisir).
C’est, de tous les jeux, celui que je préfère, parce qu’étant pénible, il demande beaucoup d’agilité
pour ne pas manquer la balle et beaucoup d’efforts dans les mouvements de la colonne vertébrale. »
Athénée. Deipnos. L. I.
6. « Je suis libre aujourd’hui, mais ce n’est pas moi que j’en dois remercier, mais la curiosité qui
a entraîné les importuns à une sphéromacbie. » Sénèque. Épist. LXXX.
7. « Sous Yapodyterium (ou exutorium, lieu où se déshabillaient les baigneurs) est un sphæris-
terium propre à plusieurs genres d’exercices, et offrant plusieurs renfoncements circulaires. »
Pline le jeune. L. V, epist. G.
GYMNASES.
241
7" Un xyste, ^ugto;, portique double et fort large, « construit de telle
sorte que, le long du mur et le long des colonnes, il y avait comme des
chemins élevés larges de dix pieds qui laissaient au milieu un autre
chemin bas , large au moins de douze pieds ; de cette manière, ceux qui
se promenaient habillés sur le chemin haut n’étaient point incommodés
par ceux qui s’exercaient dans le bas^. » C’est là que, pendant l’hiver,
les jeunes gens s’exercaient à couvert 2, sous la direction d’un profes¬
seur nommé ..
8° Des aires pour la lutte, lucta, luctamen, luctatio, xaV/i ou ^aXaicTpa,
le pugilat, pugilatus , -jruyyvi ou xuyyayja, le pancrace, pancratium,
xayjcpaTtov, réunion de la lutte et du pugilat, la lutte des mains,
àxpoy^eiGpç et les autres exercices gymnastiques^.
Aux diverses parties composant la palestre vinrent se joindre des
bains avec leurs parties constitutives^, des exèdres, exedræ, s^é^paq salles
de conversation ordinairement semi- circulaires*^, des portiques, des
allées découvertes appelées xapa^poyoi ou xapà^popti^eç des jardins,
des pièces d’eau, des fontaines, etc.
Presque toutes les villes grecques avaient des gymnases ; Athènes en
comptait plusieurs. Les plus anciens et les plus célèbres, ceux du
1. VlTRUVE, L. V, C. 11.
2. Les Romains donnaient au contraire le nom de xystes à de petits jardins qui accompagnaient
leurs habitations et qu’ils appelaient aussi viridaria. On en trouve plusieurs exemples à
Pompéi.
3. PoLLüx. Onomast. L. III, c. 30, § 5.
4. Solon. « Nous exerçons nos jeunes gens à bien courir, soit en les accoutumant à fournir une
longue carrière, soit en les rendant très-légers et très-lestes dans un espace restreint. La course n’a
pas lieu sur un terrain ferme et résistant, mais dans un sable profond où l’on ne peut marcher ni
se tenir sans que le pied enfonce dans le sol qui cède. En même temps, on leur apprend à franchir
au besoin un fossé ou tout autre obstacle, et ils s’exercent à cela en tenant une masse de plomb dans
chaque main. Ensuite, ils se disputent l’honneur de lancer au loin un javelot. Tu as vu aussi dans
le gymnase une autre masse d’airain circulaire (un disque) semblable à un petit bouclier, sans
poignées et sans courroies. Tu as essayé de le soulever de la place où il est posé ; il t’a paru pesant
et difficile à saisir à cause de la perfection de son poli. Nos jeunes gens cependant le lancent
dans l’air, soit en haut, soit en long, et luttent à qui l’enverra plus loin que les autres. Cet exercice
leur fortifie les épaules et donne de la vigueur à leurs extrémités. »
Lucien. Anacharsis ou les Gymnases.
Cf. PoLLüx. Onomast. L. III, c. 30.
5. E. Breton. Pompéia, 2® édit., p. 141.
G. ViTRUVE. L. V, c. 9; L. VI, c. 3; L. VII, c. 0.
7. ViTRUVE. L. V, c. 11.
242
ATHÈNES.
Lycée du Cynosarges^, de l’Académie^, ne sont point parvenus jus¬
qu’à nous, et les savants ne sont pas même complètement d’accord sur
leur emplacement.
Gymnase d’Adrien. Nous ne sommes guère plus heureux pour le
gymnase d’Adrien, dont nous reconnaissons à peine quelques traces
autour de la curieuse église byzantine , la Panagia Gorgopiko près de
laquelle on achève en ce moment la nouvelle cathédrale d’Athènes con¬
sacrée au Sauveur.
Pausanias , après avoir décrit le portique d’Adrien , ajoute : « Le
gymnase qui porte le nom d’Adrien est dans le même endroit , il est
orné de cent colonnes de marbre de Libye »
De ce vaste et magnifique édifice , il reste seulement épars sur le sol
plusieurs fragments à moitié enterrés, des colonnes de divers marbres et
de diamètres variés, un morceau d’archivolte, un chapiteau ionicj:ue, un
siège de marbre en partie brisé, etc. Nous avons vu quelques sièges du
même genre déposés devant le temple de Thésée et ayant la même origine.
1. « Depuis assez longtemps, nous nous tuons, nous nous éreintons à courir dans le Lycée pour
prendre au sortir de là le bouclier et la lance. » Aristophane. La Paix.
Le Aoxeîov, Lycée, devait son som à Apollon Auxoxtovoç, tueur de loups, ou Auxetoç, Apollon aux
loups, auquel il était consacré (Pi.ütarque. Symp.), et dont la statue ornait son entrée. C’est là
qu’ Aristote enseignait la philosophie en se promenant, ce qui fit donner à ses disciples le nom de
péripatéticiens, TCpntaTTiTixoi, promeneurs.
« Ceux qui suivaient Aristote furent nommés péripatéticiens, parce qu’ils discouraient en se pro¬
menant dans le Lycée; tandis que ceux qui, d’après l’institution de Platon, tenaient leurs assemblées
et dissertaient dans l’Académie, autre gymnase d’Athènes, reçurent de ce lieu même le nom d’acadé¬
miciens. » Cicéron. Acad. IV.
2. KovoaapYeç, de xuwv àçjbç, chien agile, parce qu’un des chiens de Diomus, dans un sacrifice
que son maître faisait à Hercule, avait dérobé une part de la victime et s’était enfui rapidement
(Hesych. Lex.). Le gymnase du Cynosarges était réservé aux étrangers et aux enfants illégitimes,
vô9ot, fort nombreux à Athènes, puisqu’il suffisait, pour être déclaré tel, d’être fils d’une mère ne
jouissant pas du droit de cité (Plutarque. Vie de Thèmistocle), et qu’en outre c’était dans cette
classe qu’étaient rangés les affranchis, àTrsXeûGepot. C’est dans ce gymnase qu’Antisthène fonda la
secte des philosophes cyniques, xuvixoi, qui prirent le nom du lieu de leurs assemblées, et non
point, comme on l’a dit, de leur effronterie et de leur mépris des mœurs et des usages. (Dioo. Laert.
In Antisth.).
3. « L’Académie, qui est tout auprès de la ville, était jadis le domaine d’un simple particulier;
c’est maintenant un gymnase. » Pausanias. Alt. C. XXIX.
C’était dans le jardin d’Académus que Platon donnait ses leçons.
4. C’est cette église qui, dans les Monuments' anciens et modernes, publiés sous la direction de
M. J. Gailhabaud, est décrite par erreur sous le nom de Catholicon, cathédrale d’Athènes. Le Catlio-
licon, qui était situé rue d’Éole, est depuis longtemps démoli et remplacé par la place nommée
7i).aT£Ïa navx£>.eyi(j,ovoç.
5. Att. C. XVIII.
GYMNASliS D’ADRIEN ET DE PÏOLÉMÉE. 243
Gymnase de Ptolémée. Ce qui nous reste du gymnase de Ptolémée
n’est pas beaucoup plus considérable. « Le Ptolemœon, dit Pausanias,
peu distant de la place publique, a pris le nom de son fondateur. On y
trouve [des hermès de marbre qui méritent d’être vus, une statue en
bronze de Ptolémée, celles de Juba le Libyen et de Chrysippe de Soles.
Le temple de Thésée est voisin de ce gymnase^. »
C’est en effet entre l’Agora et le temple de Thésée que nous trouvons
éparses les ruines que l’on s’accorde à regarder comme ayant fait partie
du gymnase élevé à Athènes par Ptolémée Philadelphe, vers le milieu du
IIP siècle avant Jésus- Christ. Il serait aujourd’hui fort difficile de
reconstruire, même par la pensée, cet édifice dont les principaux frag¬
ments sont disséminés sur une place inégale et au milieu de baraques.
Le plus considérable de ces restes, situé au nord-est, est un angle com-
Gymnase de Ptolémée.
posé d’assises ayant alternativement 0'",65 et 0"‘,35 de hauteur et
surmonté d’un reste de corniche. En avant est un pan de mur fort déla¬
bré et d’une construction moins soignée, mais dans laquelle on a fait
entrer plusieurs blocs de marbre blanc ; ce mur paraît appartenir à une
reconstruction postérieure.
Le troisième fragment , situé à cent mètres environ au sud du premier.
I. Pausanias. Att. C. XVIII.
244
ATHÈNES.
est également un angle du bâtiment; il n’a plus de corniche, mais son
pied dégagé laisse voir les grandes dalles sur champ qui formaient le
soubassement.
Muraille antique. Contre le premier fragment à l’est, venait buter
un mur ^ dont on voit des restes assez considérables consistant en plu¬
sieurs assises de gros blocs cubiques assez mal ajustés, et paraissant
remonter à la dernière époque pélasgique. On ignore de quel édifice cette
construction a pu faire partie.
Agora. L’Agora des Grecs, àyopa, comme le Forum romain qui en
dériva, fut dans le principe une place rectangulaire entourée de portiques,
destinée à servir à la fois de marché, de tribunal, et de lieu de réunion
pour les assemblées populaires. Bientôt dans son enceinte la jeunesse
se livra à des jeux gymnastiques, et la tragédie promena son char ou
éleva ses tréteaux ^ ; mais lorsqu’on eut construit des palestres, des stades,
des théâtres, des tribunaux, des Pnyx, l’Agora ne conserva plus guère
que la première de ces destinations
Aidés d’archers, de soldats de police, appelés Scythes, des
magistrats, les agoranomes^, armés de fouets*^, veillaient au maintien de
1 . Voy. la lettre en tête du chapitre.
2. Dicitur et plausiris vexisse poemata Tlicspis
Eschylus etmodicis instravü pulpila lüjms.
Horat. Ars poi'l.
Thespis fut le premier qui, barbouillé de lie,
Promena par les bourgs cette heureuse folie.
Et , d'acteurs mal ornés chargeant un tombereau.
Amusa les passants d'un spectacle nouveau.
Eschyle dans le chœur jeta les personnages.
D'un masque plus honnête habilla les visages.
Sur les ais d'un théâtre en public exhaussé
Fit paraître l'acteur d'un brodequin chaussé.
Boileau. Art poétique.
3. Ce fut alor.^ qu’on donna aussi à l’Agora le nom de irpaxiipiov, qui signifie plus exclusivement
lieu où l’on vend, marché. Le verbe àyopâ^w, après avoir signifié primitivement fréquenter l’Agora,
devint synonyme de trafiquer, faire le commerce.
4. Ils n’étaient pas tous Scythes, de même que les portiers à Paris n’étaient pas tous Suisses.
Il m’avait fait venir d'Amiens pour être suisse.
Racine. Les Plaideurs.
Mais cependant il y en avait un certain nombre de recrutés réellement parmi ces barbares, et,
dans sa comédie des Fêtes de Cérès , Aristophane fait parler à l’un d’eux un grec qui ne le cède en
rien au français des Suisses de M. de Pourceaugnac.
5. (I S’il fait du bruit, j’appelle les agoranomes. » Aristoph.ane. Acharn.
6. « Pour les agoranomes chargés de présider au marché, j’établis trois fouets de cuir lépréen »
( de Lépros, lieu hors la ville où se trouvait le marché au cuir). Aristophane. Ibid.
NOUVELLE AGORA.
245
l’ordre et jugeaient les différends qui survenaient entre les marchands et
les acheteurs. Enfin, des collecteurs étaient chargés de percevoir l’impôt
établi sur chaque denrée
Le moment de la vente était appelé V Agora pleine, àyopà xV/iGouça, à
cause de l’affluence du peuple qui la remplissait à cette heure 2.
Les agoras étaient en grand nombre à Athènes. La plus ancienne, qui,
par la suite, fut appelée àpyata Àyopà, était située, suivant Robinson
dans le Céramiciue intérieur, non loin de la porte Dipyle; suivant Leake'^,
plus au sud et dans le voisinage de l’Aréopage; elle était consacrée à
toute espèce de commerce, mais chacun avait sa place séparée. Il ne
reste plus rien de l’ancienne Agora, non plus que du Ku/cao;, marché
aux esclaves de l’àXcptToTicoT^iç Àyopà, marché aux farines, de la yuvausta
Àyopà, bazar où l’on vendait les parures de femmes; il y avait aussi le
marché au vin, le marché à l’huile, etc., de même qu’à Rome on trouvait
les Forum boariutn, suarium, piscarimii, olitorium, cupedinis argenta-
rium, etc., destinés au commerce des bœufs, des porcs, des poissons,
des légumes, des friandises , des métaux, etc.
Nouvelle Agora. Des diverses agoras d’Athènes, une seule se re¬
trouve en partie dans la ville moderne; l’entrée monumentale de la
nouvelle Agora, vaa Àyopà, s’élève encore sur une place en face de la rue
du Pœcile,^ entre le gymnase de Ptolémée et la tour des Vents, dans
l’ancien quartier d’Érétrie, Êpsxpta. Bien que cette position soit celle
indiquée par Strabon^, bien que le plan et l’orientation du portique
1. Aristote {OEcon. II) parle du produit de cet impôt du marché, y) àyopaiwv t£>.wv TïpoaoSoi;.
« Et que me donneras-tu pour cette anguille? — Je la prends pour mon droit de marché. »
Aristophane. Acharn.
2. C’était à ce moment sans doute que, lorsque les citoyens tardaient à se rendre aux assemblées
publiques, les magistrats faisaient tendre sur l’agora une corde teinte en rouge pour envelopper la
foule et la ramener ainsi au Pnyx. La corde déteignait sur les habits des retardataires qui étaient
reconnus et condamnés à l’amende.
« Le Pnyx est encore désert : ils sont à bavarder dans l’Agora, tout en s’efforçant d’éviter la corde
rouge. » Aristophane. Acharn.
« D’où viens-tu? — De l’assemblée... Par Jupiter! la teinture rouge répandue alentour m’a fait
bien rire. » Aristophane. Les Harangueurs.
3. Antiquités grecques. T. I, L. II, c. 1.
4. Topography of Athens.
5. Hesych. Lex. verb. Kux>,oç.
G. De cupedium, friandises, mets délicats.
7. Ber. Geogr. L. IX.
Varro. De ling. lat. iil.
â46
ATHÈNES.
tourné au nord-ouest démentent toute opinion contraire, les savants n’en
ont pas moins émis sur sa destination les assertions les plus contradic¬
toires. Plusieurs, sans se prononcer, l’ont simplement décrit sous le nom
de portique dorique; d’autres, par une fausse interprétation de l’inscrip¬
tion qu’il porte, en ont fait le fronton d’un temple dédié à Rome et à
Auguste^, ou à Minerve Archégétis, A^yrijériç, conductrice'^; d’autres
enfin un monument honorifique élevé à Lucius César
Stuart^, Leake^, et M. Beulé® ont enfin assigné à cet édifice son vérita¬
ble nom, en y reconnaissant le péristyle ou propylée de la nouvelle Agora.
Toutes ces dénominations, à l’exception toutefois de temple de Rome
et d’Auguste, ont leur raison d’être, et, bien qu’opposées en apparence,
elles peuvent être conciliées jusqu’à un certain point. Suivant un usage
fréquent dans l’antiquité, aussi bien que dans les temps modernes, on
avait fait de cette porte une espèce d’arc de triomphe en l’honneur des
princes bienfaiteurs et de la divinité principale de la ville. C’est ainsi
qu’à Rome le forum de Nerva avait été placé sous la protection de Pallas,
et portait le nom de Forum Palladium, sans avoir perdu pour cela sa
destination purement civile.
Yoici l’inscription qui, gravée sur l’architrave, a donné lieu à ces
diverses suppositions :
O [AHMOS AHO TON AO0EISON AQPEQN TITO EAIOT lOTAIOY
KAISAPOS 0EOT
KAI ATTOKPATOPOS KÂISAPOS 0EOT TIOY SEBAXTOY
A0HNAI APXHrETIAI XT P A T HP O YN T 0 2 EUT TOYX OITAITAX
EYKAEOYX MAPA0QNIOY
TOT KAI AlA AEEAMENO Y THN EITIMEAEIAN YIIEP TOT ITATPOX
HPÜAOY TOT KAI HP E XB E Y X AN T O X
EniAPXONTOX NIKIOY TOT XAPAIIIONOX A0MONEQX
« Le peuple, des dons accordés sous le divin Caïus Julius César, et sous l’empereur Auguste,
fils du divin César, (a dédié) à Minerve Archégétis (ce monument).
Euclès, du bourg de Marathon, étant général des oplites, ayant succédé dans
la surveillance {des travaux) à son père Hérode, et après avoir été ambassadeur;
étant Archonte, Nicias, fils de Sérapion d’Athmone’^. »
1. Spon et Wiieler. — Leroy. — Bloüet. Expédition scientifique de Morée.
2. Chandler. Voyages en Grèce. — Pittakis. L’Ancienne Athènes.
3. L. de Laborde. Athènes aux xv'’, xvY et xviY siècles.
4. Antiquités d’Athènes. T. I.
5. Topography of Athens.
0. Acropole d’Athènes. T. I, p. 187 et 189.
7. Bourg de l’Attique, de la tribu Cécropide.
NOUVELLE AGORA.
247
Minerve Archégétis ou conductrice portait sur le poing une chouette^;
c’est ainsi qu’elle est représentée sur cette ancienne monnaie d’Athènes.
Médaille de Minerve Archégétis.
Sur l’acrotère du fronton qui, d’après sa dimension, dut porter une
statue équestre, on lisait :
0 A H MO s
AOTKION KAISAPA AYTORPATOPOS
0EOY TOr SEBASTOT KAISAPOS YION
« Le peuple ( honore de cette statue) Lucius César, fils du divin empereur César Auguste. »
Lucius César était fils de Marcus Agrippa et de Julie, fille d’Auguste
et de Scribonie, sa première femme; adopté par Auguste, ainsi que son
frère Caïus, en l’an xii avant Jésus-Christ, il mourut à Marseille en
l’an iii de notre ère ; c’est donc à la période qui s’écoula entre son adop¬
tion, qui lui permit de prendre le titre de César, et sa mort, que doit
être rapportée l’érection du portique qui servait d’entrée à l’Agora
d’Athènes. Enfin, sur le piédroit d’une porte qui se trouvait en arrière
du frontispice , piédroit encore debout est gravé un long édit de
de l’empereur Adrien concernant la vente de l’huile et du sel, édit qui
évidemment ne se fût pas trouvé à pareille place si l’édifice "eût été un
temple, tandis qu’au contraire rien n’est plus naturel que de le lire à la
porte d’un marché. *
Le propylée de l’Agora se compose de quatre colonnes doriques sans
1 . « Jupiter est représenté, avec un aigle sur la tête en qualité de roi ; sa fille porte une chouette. »
Aristophane. Les Oiseaux. V. 515.
2. Ce piédroit fut longtemps engagé dans la façade d’une maison , et ce n’est que depuis que
celle-ci a été démolie et que le monument a été isolé, qu’on a pu s’assurer que l’inscription était
bien encore à sa place antique.
248
ATHÈNES.
base, AA A, de 1"’,22 de diamètre et 7‘“, 87 de hauteur^, portant son
entablement et un fronton ; les entre-colonnements de droite et de gauche
n’ont que tandis que celui du milieu, beaucoup plus large,
Propylée de la nouTelle Agora.
comme aux Propylées de l’Acropole, n’a pas moins de 3'", 42. Comme
aux Propylées aussi, le nombre des triglyphes est double à cet entre-
colonnement central. Les métopes n’ont jamais été ornées de sculptures,
Plan du Propylée de l’Agora.
non plus que le tympan du fronton. Celui-ci a perdu son sommet, mais
les deux angles qui existent encore suffisent pour faire reconnaître qu’il
i , Cette hauteur de près de six diamètres et demi est une preuve de plus de la destination pure-
liieht civile du monument. Nous lisons en effet dans Vitruve :
« Columnarutn autem proportiones et symmetriæ non erunt iisdem rationibus, qilibus in œdibiia
NOUVELLE AGORA.
249
était- Lin peu plus élevé qu’il n’était d’usage chez les Grecs, particularité
due à l’influence romaine qui se fait sentir dans plusieurs détails du
monument. A l’extrémité droite du fronton est un autre piédestal ou
acrotère plus petit; on peut donc supposer avec Chandler^ qu’outre la
statue équestre de Lucius César, le fronton portait les statues pédestres
d’Auguste et de César, ou d’Agrippa, le véritable père de Lucius.
En arrière du portic{ue, s’étendait un triple passage, comme à la porte
d’Herculanum à Pompéi^, deux chemins H étant réservés aux piétons,
et un plus large G, au centre, étant destiné aux charrettes et aux bêtes
de somme qui apportaient les denrées au marché.
L’ante B, réunie à la façade par son architrave, et l’un des pié¬
droits D de l’arrière- porte DE, encore debout, un fragment du
piédroit E , encore visible à fleur du sol , ainsi que quelc{ues pierres
du soubassement des murailles^ qui formaient le triple passage, sont des
éléments suffisants pour recomposer le plan du portique
Le passage central G avait 3'”, 50 de large ; les passages latéraux H,
L",50 seulement. La largeur totale du portique est de lL",i/i ; sa pro¬
fondeur était de O"’, iO. Les deux colonnes de gauche du portic[ue étaient,
au temps de Stuart , engagées dans la maison occupée par le consul
de France, et les deux de droite dans une église du Sauveur, xoG ayiou
2wT‘^poç, déjà ruinée alors et aujourd’hui détruite. C’est à cet édifice
chrétien qu’il faut restituer quelques fragments d’architecture et plusieurs
tronçons de colonnes de divers diamètres qui gisent sur le sol ; mais
d’autres fragments ont appartenu au portique de l’Agora. Contre 1 une
des colonnes est déposé un morceau du sommet du fronton, portant
sacris scripsi. Aliam enini in Deorum templis debent habere gravüateni, aliani in potticibus et
cœteris operibus subtil itatem. » L. V, c. 9.
« Les proportions des colonnes (dans les portiques) ne doivent pas être les mêmes que celles que
j’ai prescrites pour les édifices sacrés. Dans ceux-ci, il faut que les colonnes aient surtout de la
majesté, tandis que, dans les portiques et autres monuments du môme genre, elles doivent avoir
de la finesse et de l’élégance. »
1. Voyages en Grèce. T. Il, p. 519.
2. E. Breton. Ponipéia. 2® édit., p. 196.
3. C’est sur ce piédroit qu’est gravé l’édit d’Adrien.
4. Ces murailles étaient probablement percées de baies rectangulaires, peut-être même d’arcades,
ce qui ne serait pas impossible dans un monument d’époque romaine.
5. Sur notre plan, nous avons indiqué en noir les parties existantes du monument, en gris celles
qui n’excèdent pas le niveau du sol, et par des lignes ponctuées celles que nous avons dû suppléer.
250
ATHÈNES.
encore sur son rampant une partie du piédestal de la statue de Lucius ;
un fragmeiU avec des denticules, ornement qui n’existe pas à la façade,
a dû faire partie de la décoration intérieure du Propylée.
Deux segments de cercle en marbre de l’Hymette proviennent d’un
piédestal rond et ont ete laisses à l’endroit où ils furent trouvés. On a
porté au musée du temple de Thésée une base carrée que surmontait une
statue représentant, sous la forme de la Providence, Julie, fille d’Auguste
et mère de Lucius César, ainsi que nous l’indique cette inscription :
10 TA I AN 0EAN SEBAXTHN II PONOIAN
H BOT A H H ES APEIOY IIAPOT K AI H BOT AH
TON ESAKOXIQN KAI 0 AHMOI
ANAOENTOX EK TON lAION
AIONYSIOT TOT ATAOT MAPA
OONIOT APOPANOMOTNTON
ATTOT TE AIONTXIOT MAPA
OONIOT KAI KOINTOT NAIBIOT’
POT<POT MEAITEOS
« Lo conseil de l’Aréopage, le conseil des six cents i et le peuple {honorent) la divine Julie,
Providence auguste {de cette statue) érigée aux frais de Denis, fils d’Aulus,
de Marathon ; étant agoranomes, ce même Denis de Marathon
et Quintus Nævius Rufus de Mélite. »
La présence auprès du portique d’une statue érigée par un agoranome,
OU inspecteur du marché, est une preuve de plus à l’appui de notre
opinion sur la destination du monument.
La TOUR DES Vents 2, ou horloge d’Aiidronicus Cyrrhestes, est un petit
édifice de marbre blanc et de forme octogone , qui s’élève au milieu
d une place à 1 extrémité et dans l’axe de la rue d’Éole , au pied et au
nord de l’Acropole, non loin de la nouvelle Agora. Ce marché étant
le lieu le plus central et le plus fréquenté de la ville, aucune situation
n’était plus convenable que celle-ci pour un monument destiné à donner
aux citoyens des renseignements dont ils pouvaient avoir besoin à chaque
instant.
Entièrement dégagée des décombres dans lesquels, à l’époque de l’ex¬
pédition de Morée, elle était encore à moitié ensevelie, la tour des Vents
se trouve aujourd’hui isolée dans une enceinte en contre-bas de 5 mètres
1. Sur ce conseil des six cents, vo}\ p. 228.
2. Voy. la vignette en tête du chapitre.
TOUR DES VENTS.
251
aa moins au midi , et de 3 mètres seulement au nord , fermée par une
grille, et dans laquelle sont déposés divers fragments antiques.
Ce monument a été décrit par Vitruve^. « Ceux, dit -il, qui ont
recherché avec le plus de soin les différences des vents, en ont compté
huit , et particulièrement Andronicus Cyrrhestes 2 , qui bâtit pour cet
effet à Athènes une tour de marbre de figure octogone, sur chacun des
côtés de laquelle était l’image de l’un des vents à l’opposite du lieu
d’où il souffle. Sur cette tour, qui se terminait en pyramide, il posa
un triton d’airain qui tenait une baguette de la main droite; et la machine
était ajustée de sorte que le triton, en tournant, se tenait toujours opposé
au vent cjui soufflait et l’indiquait avec sa baguetjj-'^. »
11 paraît qu’au moyen d’un mécanisme fort simple, une aiguille sui¬
vait à l’intérieur du monument les évolutions du triton. « Dans le haut
de cette coupole, ditVarron est peinte la rose des huit vents, comme
dans l’horloge que fit Cyrrhestes à Athènes ; et une aiguille supportée
par le tourillon se meut de façon à indiciuer quel vent souffle au dehors. »
Ce curieux édifice a été omis par Pausanias, et pourtant à l’époque
où il visita Athènes il existait depuis longtemps. M. Pittakis croit avec
Stuart qu’il dut être à peu près contemporain de la première horloge
publique, établie à Rome dans un lieu couvert par Scipion Nasica, pour
suppléer à l’insuffisance des cadrans solaires, en l’an 159 avant Jésus-
Christ, l’an de Rome 595 mais d’après certaines imperfections d’archi¬
tecture indiquant un commencement de décadence, M. Reulé ® pense
qu’il ne date que du règne d’Auguste.
Hors œuvre, le diamètre de la tour des Vents est de 7"', 95, ses huit
faces égales entre elles sont larges de 3™, 28 et hautes de 12"’, 20, y com¬
pris les trois degrés du soubassement, et la corniche ornée de têtes
1. L. 1, c. 6.
2. Nous ne trouvons dans les auteurs anciens aucun renseignement sur cet Andronicus Cyrrhestes.
Était-il astronome, sculpteur ou architecte? Était-ce simplement un riche particulier qui dota Athènes
d’un monument utile? C’est ce qu’il est impossible de décider.
3. Telle est à Venise la statue en bronze de la Fortune qui décore la douane de mer ; telle est la
fameuse Giralda de Séville; telle était sans doute aussi la statue colossale de Jupiter, exécutée par
Lysippe, pour la ville de Tarente, « placée tellement en équilibre, dit Pline (L. XXXIV, 18), qu’on
la faisait mouvoir d’un doigt sans qu’aucune tempête pût la renverser. »
4. De Agriculturâ. L. III, c. 5.
5. Pline. L. VII, c. GO.
0. Acropole d’Athènes. T. II, p. 207.
252
ATHÈNES.
de lion servant de gargouilles. Les faces présentent des bas-reliefs hauts
de i"’,90 et larges de 3“, 28, offrant, de proportion colossale, les figures
ailées des huit vents principaux de la rose des vents, des anciens.
Stuart fait observer que parmi elles, Lips et Zéphyre sont les seuls qui
aient les pieds nus, les autres vents étant chaussés d’espèces de bro¬
dequins.
Voici dans quel ordre se présentent les vents, distingués chacun par
quelque attribut, et surmontés de leurs noms gravés en gros caractères :
1° Nord. Bopéaç, Boreus, Septentrio, Aquilo. C’est un vieillard chaude¬
ment vêtu, tenant en main la conque nommée triton, qui servait de
trompe aux dieux nwins.
Borée, vent du nord.
2° Nord-Ouest. Sxeipwv, Caurus ou Corus, Sciron , ainsi nommé parce
C[u il soufflait sur Athènes des roches scironiennes, Sitsipovtal TOxpai, situées
sur le bord septentrional du golfe d’Égine, au delà de Mégare^.
Ce vent étant le plus sec de tous et souvent accompagné d’éclairs,
Stuart suppose ingénieusement que le vase à large panse et richement
décoré que tient cette figure barbue et sévère répand non de l’eau,
mais du feu.
\. C’est avec raison que Spon dit qu’au-dcssus de chaque vent est gravé son nom à l’athénienne -
Sciron est en effet un nom qui ne pouvait avoir de sens qu’à Athènes.
« Cette route {de Crommyon à Mégare)^ presque partout fort étroite, est bordée, d’un côté, par
une haute montagne à pic et offre, de l’autre, des précipices affreux. Là, suivant les mythologues,
se tenaient Sciron et Pityocamptès , brigands qui infestaient les montagnes, mais que Thésée
détruisit. Et comme c’est du somment de ces roches que le vent occidental Argestès, ’Apyéo-Tyiç,
semble se déchaîner, les Athéniens l’appellent le Sciron. » Strabon. Géogr. L. IX, c. 1.
C’est aussi sous le nom d’Argestès qu’Hésiode désigne le vent du nord-ouest.
« C’est Typhon, dit-il, qui produit les vents orageux, excepté Notus, Borée, Argestès et Zéphiro,
que les dieux ont fait naître pour l’utilité des hommes. » Théogonie. V. 870.
Cf. Aülü-Geli.e. L. II, c. 22, et Végèce. Inst. mil. L. V, c. 8.
TOUR DES VENTS.
253
S° Ouest. Zs(pupoç, Zephyrus, Favoniiis^ Zéphyre. Ce vent doux et
chaud est le seul qui soit représenté nu; il n’a qu’un manteau flottant
dans lequel il porte des fleurs.
li° Sud-Ouest, a'i^, Lips, Africus, vent d’Afrique, soufflait de la
Libye ; c’est le vent que les Italiens nomment sirocco. Il est représenté
Lips, vent du sud-ouest.
sous la forme d’un jeune homme tenant en main cet ornement de la
poupe des navires que les Grecs nommaient a(p).acTov et les Romains
aplustrum
5“ Sud. Noto;, Notus^ Auster, Autan, jeune homme renversant une
urne
6“ Sud-Est. Eupo? Euriis. Ce vent, c|ui à Athènes amène un temps
sombre et pluvieux, est personnifié par un vieillard à figure morose et
sévère.
7" Est. l'nryi'Xicor/iç Apéliotès , Solanus ou Siihsolanus, beau jeune
homme tenant dans le pli de son manteau des fruits et des épis, et,
selon Stuart, un rayon de miel que nous avons vainement cherché.
1. « Ce symbole exprime-t-il la facilité avec laquelle les vaisseaux, poussés par le vent de sud-
ouest, entrent dans le Pirée? Ou sert-il à caractériser celui qui le porte comme destructeur des
vaisseaux, parce qu’en effet, lorsque le vent du sud-ouest souffle, cette partie de la côte de l’Attiquo
est d’une navigation dangereuse? C’est ce qu’il n’est pas facile de déterminer. »
Stuaut. Antiquités d’Athènes. T. I, p. 43.
2. « Les Latins l’appellent Auster, et les Grecs Notoç, parce qu’il amène les nuages et la pluie;
car le mot voxiç veut dire humidité. » Auld-Gelle. L. II, c. 22.
3. De àTco TŸi; ’Hoü; péwv, soufflant du côté de l’Aurore. ( Aülu-Geuæ. L. Il, c. 22.)
4. De arro, de, et viXtoç, soleil.
On écrit aussi ’Acp-pXtwxYiç. (Sénèque. Quest. nat. L. V, 16.)
254
ATHÈNES.
8“ Nord-Est. Kau-^aç, Cœcias. Ce vent humide et froid est représenté
par un vieillard versant d’un large bassin des grains ronds qui, selon
toute apparence, représentent des grêlons.
Leroy trouve ces sculptures très-médiocres et Stuart au contraire les
trouve très-belles ; nous y reconnaissons avec le premier un peu de
lourdeur, mais avec le second un grand caractère et une exécution
savante sans être très-finie. Ce sont de belles ébauches, suffisaminent
avancées pour la hauteur où elles étaient placées
Au-dessous des bas-reliefs sont tracés sur la muraille autant de
cadrans solaires ^ auxquels, en 1838, on avait restitué des styles^ de
fer déjà détruits ou forcés aujourd’hui.
Cadran solaire.
« On doit remarquer, dit Stuart^, que ces cadrans indiquent, par
leur projection, non -seulement les heures du jour, mais encore les
solstices et les équinoxes; et que les jours les plus longs sont, comme
les plus courts, partagés en douze heures. »
L’édifice avait deux portes larges de l'N68 et hautes de 3‘",55,
1. Ces bas-reliefs sont bien gravés et sur une très-grande échelle dans les Monuments de la Grèce
de Legrand, et de plus petite proportion dans les Antiquités d’Athènes de Stuart.
2. En latin, solaria, de sol, solei', et hora, heure (Varro, De iing. lat. L. VI, 4); en grec, crxia-
Oi^paç ou crxtaOiqpa, de «rxia, ombre, et ôripaw, chercher.
3. rvwp.Mv, gnomon.
4. Antiquités d’Athènes. T. I, p. 41.
TOUR DES VENTS.
2b5
ouvertes au nord-est et au nord-ouest, et qui facilitaient la circulation
des citoyens qui venaient voir l’heure à la clepsydre. Ces portes étaient
accompagnées chacune d’un petit péristyle A B, soutenu par deux
colonnes qui au nord-ouest sont eilcore en place ; une seule a été relevée
au nord-est. Les frontons des deux portes sont détruits, mais le cham¬
branle très -simple de celle du nord-ouest est intact. Les colonnes,
hautes de A'", 4 5 sur un diamètre de 0'", 496, sont cannelées et sans
base. Le chapiteau n’appartient à aucun ordre déterminé.
7
Chapiteau de la tour des Vents.
Le toit, pyramide à vingt-quatre pans, d’une construction remar¬
quable, est formé de grandes dalles trapézoïdales de marbre, disposées
comme des tuiles, avec des couvre-joints rayonnant autour d’un bloc
central qui porte le triton.
Afin que le monument remplît complètement et en tout temps sa
destination , il fallait remédier à l’absence de soleil qui , à la vérité
moins souvent à Athènes qu’ailleurs, rend les cadrans solaires inutiles.
236
ATHÈNES.
ün avait à cet effet établi dans l’intérieur une horloge d’eau , une
clepsydre, Cette horloge marquait les heures par l’abais¬
sement du niveau de l’eau qu’elle contenait , abaissement que l’on
pouvait constater et mesurer au moyen de divisions, spatia, tracées
sur les parois du vase d’où elle s’échappait ou de celui dans lequel
elle tombait goutte à goutte 2.
L’intérieur de la tour des Vents, large seulement de 6'",90, est un
octogone régulier comme l’extérieur; une corniche fort simple règne
à la hauteur de i"’,80 au-dessus du pavé; plus haut, à ù"%70 environ
du sol, on en voit une autre fort riche et ornée de denticules et de
modillons. Enfin, au-dessus, la muraille devient circulaire et présente
sur un bandeau sans moulure huit petites colonnes doriques cannelées.
Au siècle dernier, cette rotonde servait de salle d’exercices à un
TekkeJi ou couvent de derviches tourneurs. Stuart fit enlever le plancher
établi par eux à environ 2“,30 au-dessus du sol antique, et fit débar¬
rasser celui-ci de l’énorme quantité de décombres qui le recouvraient.
L’ancien pavé de marbre put alors être examiné, et l’archéologue anglais
reconnut au milieu l’emplacement de la clepsydre indiqué par plu¬
sieurs canaux déversant l’eau dans un trou central d’où elle s’écoulait
par un conduit souterrain^. Dans les décombres qu’il enleva, il dit avoir
trouvé une grande quantité d’ossements humains, d’où il conclut avec
vraisemblance qu’à une époque restée inconnue le monument avait pu
être affecté au culte chrétien.
Ce fut aussi aux fouilles faites par Stuart à l’extérieur de la tour des
Vents qu’on dut la découverte d’une construction circulaire C, appliquée
à son côté méridional. Nous devons y reconnaître le réservoir indiqué
par Vitruve comme l’une des parties constitutives d’une clepsydre.
1. 11 en était ainsi au magnifique bain construit par Hippias, habile architecte, contemporain de
Marc-Aurèle, édifice décrit par Lucien.
« On y trouve, dit-il, deux horloges, l’une marquant les heures au moyen de l’eau et d’un bruit,
l’autre par un cadran solaire. » Lucien. Hippias ou le Bain.
2. Cicéron donne à la clepsydre le nom de solarium ex aquâ, tandis qu’il nomme le cadran solaire
solarium descriptum, cadran tracé.
Vitruve (L. I, c. 8 et 9) donne la description des différents genres d’horloges connus des anciens.
Il appelle les clepsydres horloges d’eau, horologia ex aquâ, et horloges d’hiver, horologia hiberna.
3. On ne comprend pas comment Legrand, qui visita Athènes longtemps après Stuart, ose s’attri¬
buer l’honneur de ces fouilles et les observations qui en furent le fruit-
ARCADES PRÈS LA TOUR DES VENTS.
257
« Voici, dit-il, la méthode qu’il faut suivre pour porter l’eau à la ma¬
chine. Derrière le cadran vous construisez un castellum ou réservoir où
l’eau soit portée par un tuyau. Pratiquez au fond du réservoir une cavité
dans laquelle vous souderez un tambour d’airain percé d’un trou; c’est
parce trou que l’eau du réservoir s’écoulera^. »
Arcades. Derrière la tour des Vents se trouvent isolées deux arcades
de marbre du mont Hymette ^ , qui naguère encore étaient enclavées
dans une habitation turque. Stuart^, qui à la vérité n’a pu les examiner
à son aise, n’ose se prononcer sur leur destination; Leake n’est pas
plus explicite et se contente de les désigner comme une ancienne con¬
struction avec arcades, ancient building with arches. La première pensée
que fait naître leur vue est qu’elles ont fait partie de l’aqueduc qui
amenait de l’Acropole à la tour des Vents l’eau de la fontaine Clepsydre;
mais un passage d’Hésychius ^ nous apprend que cette eau était con¬
duite sous terre, et, de plus, nous ne trouvons au sommet de ces ruines
aucun indice du canal qui eût existé si elles eussent appartenu à un
aqueduc. Nous sommes donc forcé de nous renfermer dans la même
réserve que nos prédécesseurs et d’avouer avec eux que l’origine de ces
arcades nous est inconnue, nous contentant de les décrire.
Leur style est loin de la finesse et de la pureté de la belle époque de
l’art grec, qui du reste n’employait ni l’arcade, ni la voûte à claveaux,
et nous y trouvons les traces d’une décadence plus marquée encore que
dans l’architecture de la tour des Vents. Le monument est de petite
dimension; les piédroits ne sont écartés que de 2 mètres et sortent de
terre d’une égale hauteur; les moulures des archivoltes sont fort simples,
et les petites rosaces qui en décorent les tympans sont également d’une
grande simplicité et d’une exécution médiocre. Un seul morceau de la
frise est encore en place ; sur sa face occidentale , il porte ce fragmen
d’inscription :
TOIS XEBASTOI. . . .
ÜAE AHMHTPIOr MAPA .
Les premiers mots, toix xebaxtoix, indiquent que ce fut sous le
1. VlTRDVE. L. IX, C. 9.
2. Voy. la vignette en tète du chapiti-e.
3. Antiquités d’Athènes. T. III, p. 79.
4. Topography of Athens.
5. Il nomme la fontaine Clepsydre xXst^tppuxov, qui coule secrètement.
17
258
ATHÈNES.
règne simultané de deux empereurs que l’édifice fut élevé, peut-être
s’agit-il de Garacalla et Géta, ou des Antonins.
Sur un morceau plus considérable gisant sur le sol, nous retrouvons
le nom de Minerve Archégétis que nous avons déjà vu figurer dans
l’inscription du Propylée de l’Agora :
A0HNAI APXnrETIAl KAI K...
HS EPM... APPHTTIOS TON...
« A Minerve Archégétis et à...
N***, fils d’Hermès de Gargetteh.. »
Prytanée. Le Prytanée, npuTaveîov, était un édifice cjui, fondé primi¬
tivement par Thésée avait un grand nombre de destinations différentes.
C’était comme un vaste phalanstère où étaient logés et nourris les cin¬
quante prytanes, pendant l’exercice de leurs fonctions et où l’on entre¬
tenait également aux frais de l’État les devins , surtout en temps de
guerre''*, ainsi cjue les citoyens qui, ayant bien mérité de la patrie, avaient
reçu cette faveur à titre de récompense nationale, avec le nom àeiGiToi,
nourris à perpétuité^. Quelquefois ces citoyens étaient seulement invités
1. Dème de l’Attique.
2. « Theseus bastit un palais cümun (upuxavsîov) et une sale pour tenir le conseil au lieu où
maintenant est assise la cité. » Pcutauque. Thésée.
« C’est à cette époque que fut établi à Athènes, en l’honneur de Minerve, la fête publique appelée
Xynœcia., Suvoixia {habitation en commun), qui se célèbre encore aujourd’hui. Jusque-là, la ville ne
consistait que dans l’Acropole actuelle et dans la partie située au-dessous tout à fait au midi. »
Thucydide. L. II, §, 15.
3. <! Les magistrats du Prytanée soupaient tous les jours en commun sans commettre aucun excès
et devenaient ainsi le salut de l’État. » Athénée. Deipn. L. V.
Les prytanes avaient droit à la cinquième partie des victimes offertes en sacrifice.
4. « Tu ne souperas plus désormais au Prytanée et tu ne rendras plus d’oracles sur ce qui est
passé. » Aristophane. La Paix.
5. « Tu me reproches des choses pour lesquelles je mériterais, à mon avis, d’être nourri au
Prytanée. » Lucien. Dial. Prométhée.
Cf. Platon. Apologie de Socrate.
(! Celui-ci, nourri par l’État, se rend au Prytanée... » Aristote. Lettre sur le monde.
« Les Athéniens, repentants de leur ingratitude envers Démosthène, décidèrent, après sa mort,
qu’une statue de bronze lui serait élevée et que l’aîné de ses descendants serait à perpétuité
nourri au Prytanée. » Plutarque. Démosthène.
Cette faveur n’était pas, dans le principe, fort enviable, si l’on en croit Athénée. « Solon, dit-il,
prescrit de servir seulement une maze ((j.àÇa, morceau de pâte cuite, pâtisserie grossière) à ceux
qui sont nourris dans le Prytanée, et d’y ajouter un pain les jours de fête, à l’imitation l’Homère. »
Deipnos. L. IV.
PRYÏANÉE.
259
à un repas au Prytanée Des revenus considérables étant assignés
à cet établissement, on leur accordait des pensions 2, et, lorsqu’ils mou¬
raient sans fortune, leurs enfants pouvaient être dotés On recevait aussi
au Prytanée les ambassadeurs étrangers et tous ceux envers lesquels
la république voulait exercer l’hospitalité^. Dans certaines circonstances
on y donnait des festins publics, auxquels tous les citoyens pouvaient
prendre part®; enfin, nous trouvons dans Athénée la mention d’une
sorte de repas sacré qu’on y offrait aux Dioscures^.
« Près de l’enceinte d’Agiaure, dit Pausanias^, est le Prytanée, où
sont écrites les lois de Solon®. On y voit les statues de la Paix, de
1 . « Minerve Poliade, entends mes vœux! Si je suis connu pour celui qui aime le mieux le peuple
athénien, fais que je sois toujours, comme aujourd’hui, nourri au Prytanée sans rien faire. »
Aristophane. Les Chevaliers.
« A notre retour d’ambassade, Démosthène proposa de décerner à chacun de nous une couronne
d’olivier en récompense de notre zèle patriotique, et de nous inviter le lendemain à souper au
Prytanée. » Eschine. Procès de l’ambassade.
2. « Des ambassadeurs de Philippe en est -il un seul, ô juges! à qui vous élèveriez une statue
sur la place publique? Que dis-je! lui assigneriez-vous une pension au Prytanée ou telle autre
récompense dont vous payez vos zélés serviteurs? » Démosthène. Procès de V ambassade.
3. « L’on monstre encore auiourd’hui la sépulture d’Aristides sur le port de Phalerus. qui lui fust
faite aux despens de la chose publique, corne l’on dit, pource qu’il décéda si pauure qu’on ne trouua
pas chez lui de quoi le faire inhumer : et si, dit-on encore plus que, par décret du peuple, scs filles
furent mariées aux despens du public et eurent chacune en mariage 3,000 drachmes d’argent. »
Plutarque. Aristide.
4. « Le sénat invite VOEU du roi (l’ambassadeur du roi de Perse) h se rendre au Prytanée. »
Aristophane. Acharn.
5. Dans le Prytanée brûlait sans cesse un feu dont l’entretien était confié à des veuves qui, ayant
passé l’âge de l’hymen, s’étaient consacrées au culte de la mère des dieux (Plutarque, [n num.). Ce
feu était considéré comme le foyer de la république, et c’est à ce titre que ses hôtes venaient s’y
asseoir.
C. « Moi, j’accuse celui-ci d’entrer au Prytanée le ventre vide et d’en revenir le ventre plein. »
Aristophane. Les Chevaliers.
« Tout endroit où l’on mange sans payer, ne doit-on pas l’appeler Prytanée? »
Timoclès, cité par Athénée, Deipn. L. VL
« Cimon faisait de sa maison un Prytanée commun à tous les citoyens. »
Plutarque. Cimon.
7. « L’auteur de la pièce des ÜTwj^ot, ou Mendiants, que l’on attribue à Chionid'', dit que :
« Quand les Athéniens servent le dîner aux Dioscures dans le Prytanée, on met sur la table un fro¬
mage, une p/ii/sfe (çviaxii, sorte de pâtisserie), des olives drupèpes (opoTOTral, mûries sur l’arbre),
des poireaux, en mémoire de l’ancienne manière de vivre. » Athénée. Deipn. L. IV.
8. AU. C. XVIII.
9. « Apres auoir establi ses loix, il les autorisa toutes pour l’espace de cent ans, et furent escrites
sur des aixieux ou rouleaux de bois (xop^si;), qui se tournoyent dedans les tableaux, plus longs que
larges, où ils estoyent enchâssés, dont il est encore demeuré quelques reliques iusque à nostre temps,
que l’on monstre en l’hostel de ville (c’est ainsi qu’Amyot raduit npoTavetov), à Athènes. »
Plutarque. Vie de Solon.
260
ATHÈNES.
Vesta et de quelques hommes célèbres, entre autres celle d’Autolycus
le Pancratiaste ^ ; Miltiade et Thémistocle y sont aussi, mais on a enlevé
les inscriptions de leurs statues pour y substituer les noms d’un Romain
et d’un Thrace. »
C’est sans doute dans l’enceinte décorée de ces statues cjue siégeait
un tribunal bizarre, l’Èrl Tirpuravetw, composé d’un certain nombre de
prytanes. « Dans le Prytanée, ajoute Pausanias^, est un tribunal où l’on
juge le fer et les autres instruments qui ont servi à commettre un
meurtre. Voici, je crois, quelle en fut l’origine. Érechthée régnait à
Athènes lorsque le Buphone^ tua pour la première fois un bœuf, et,
laissant sa hache là, s’enfuit du pays; sur-le-champ, on fit le procès
à la hache qui fut déclarée innocente ; cette cérémonie se renouvelle
encore tous les ans. »
Dans un chapitre précédent'^, Pausanias a déjà parlé de cette cou¬
tume : « Je vais, a-t-il dit, décrire ce qui se pratique dans les sacrifices
qu’on offre à Jupiter Polieus, mais je ne dirai pas la raison qu’on en
1. Athlète qui avait excellé dans l’exercice mêlé de lutte et de pugilat appelé pancrace. Cette
figure de bronze était l’œuvre de Léocharès (Pline. L. XXXIV, 19). La statue d’un athlète semblerait
assez singulièrement placée auprès de celles de Miltiade et de Thémistocle, si on ne le connaissait que
par ce passage d’Athénée :
« A l’époque de l’archontat d’Aristion (421 ans avant J.-C.), Eupolis, donnant son Autolycus, fit
persifler par Démostrate la victoire de ce pancratiaste. » Deipn. L. V.
Mais nous trouvons dans Plutarque le récit du fait qui avait pu motiver les honneurs rendus à
Autolycus. Lorsqu’on 414 Lysandre établit les trente tyrans à Athènes, il mit une garnison dans
l’Acropole sous les ordres d’un harmoste ( âpjj.ocTx^i;, gouverneur donné par les Spartiates aux
places conquises) nommé Callibius, « lequel haussa vn baston qu’il tenoit en sa main pour en
dOner à Autolycus, homme dispos et roide à la lucte, sur lequel le philosophe Xénophon composa
adis le liure qu’il appella le Conuiue; mais lui, qui entendoit les ruses de la lucte, le saisit soudai¬
nement aux cuisses et, l’enleuant en l’air, le ietta par terre à la renuerse ; de quoi Lysander, non-
seulement ne se courrouça point, mais reprit encore Callibius, disant qu’il se deuoit souvenir, s’il
eut esté sage, qu’il avoit à gouuerner des homes libres et non pas des esclaves. Toutesfois peu de
iours après les trente nouueaux réformateurs firent mourir cestuy Autolycus pour faire plaisir à
Callibius. » Plutarque. Vie de Lysandre.
Diodore de Sicile (L. XIV, § 5) fait d’Autolycus « un orateur remarquable par la liberté de ses
opinions; » enfin Xénophon le présente comme aussi remarquable par sa beauté que par sa force,
et, comme l’a dit Plutarque, suppose qu’on donna en son honneur le banquet qu’il a pris pour sujet
d’un de ses ouvrages.
2. AU. C. XXVIII.
3. Sacrificateur, de jloüç, bœuf, et çovoç, meurtre. Il y avait à Athènes une fête appelée Euphonie,
Boocpovia, parce qu’on y sacrifiait un bœuf; c’était la môme que la Diipolie, Aiï7ro).sia, célébrée
le 14® jour du mois de scirophorion {juin) eu l’honneur de Jupiter Polieus, ou protecteur de la
ville.
4. Alt. C. XXIV.
PRYTANÉE.
261
donne. On met sur son autel de l’orge et du blé mêlés ensemble qu’on
laisse là sans aucune garde ; le bœuf destiné au sacrifice s’approche de
l’autel et mange ces grains; alors un des prêtres, qu’on nomme le Bu-
plionus, lui lance sa hache (ainsi le veut la coutume) , et prend aussitôt
la fuite; les assistants, comme s’ils n’avaient pas vu celui qui a commis
cette action, font faire le procès à la hache. C’est ainsi que cela se passe C «
Les objets qui, dirigés par une main inconnue, ou qui, renversés par
un accident quelconque, avaient occasionné la mort d’un citoyen, étaient
condamnés à l’exil et transportés hors du territoire de la république
par les phyloh asiles , (pulol^aciXeîç 2.
Le Prytanée fut renversé par un tremblement de terre, la sixième an-
Ruines du Prytanée.
née de la guerre du Péloponèse (l’an /i26 avant Jésus-Christ), mais il
fut reconstruit, et Leake regarde comme certain qu’on peut lui attribuer
quelques ruines dont la position est parfaitement d’accord avec le récit
1. « Les Athéniens, dans une certaine fête, immolaient un bœuf; c’était la coutume que tous ceux
qui étaient censés avoir eu part à la mort de l’animal fussent appelés en justice, l’un après l’autre,
et successivement déchargés de l’accusation, jusqu’à ce qu’on fût arrivé au couteau qui était seul
condamné comme ayant réellement tué le bœuf. » Ælien. Ilist. div. L. VIII, c. 3.
Porphyre nous apprend comment se faisait cette procédure. On intentait d’abord l’accusation
contre les filles qui avaient apporté l’eau pour arroser la pierre sur laquelle on aiguisait le couteau;
les filles rejetaient le crime sur celui qui avait aiguisé le couteau; celui-ci sur l’homme qui aval
frappé le bœuf; l’homme sur le couteau, qui, se trouvant ainsi le seul coupable, était jeté dans la mer.
2. Magistrats qui présidaient aux sacrifices offerts par leurs tribus, de cpu).iq, tribu, et paat)v£oç, roi.
ATHÈNES.
de Pausanias. C’est en effet au pied de l’Acropole, à peu de distance
à l’est de la grotte d’Aglaure, et près du lieu où commençait la rue des
Trépieds, que, au fond d’une impasse ouvrant sur la rue d’Adrien, on
trouve un pan de muraille, seul reste du Prytanée.
La partie inférieure de cette muraille formant un angle très-ouvert
est composée de grandes assises régulières de pierre du Pirée. Ce sou¬
bassement avec la plinthe qui le surmonte nous semble seul appartenir
aux beaux temps de l’art grec; le reste date évidemment d’une époque
déjà presque barbare. Les pierres inégales paraissent provenir d’édifices
plus anciens. Au-dessus règne un bandeau de marbre noir d’Eleusis
sur lequel s’élèvent des constructions tout à fait modernes de briques
et de moellons.
Le côté extérieur de la muraille, entièrement défiguré par les bâtisses
turques c{ui y avaient été accolées, donne sur une place nommée place
du Prytanée, TvlaTsîa iip’jTavsîou.
Derrière le Prytanée était un terrain consacré à Apollon, appelé Aip-oO
xe^iov, champ de la Famine, parce que l’oracle avait ordonné aux Athé¬
niens de le dédier au dieu, à l’occasion d’une famine. Leake croit recon¬
naître le Aip.ou dans un petit jardin qui s’étend entre la muraille
antique et le pied du rocher de l’Acropole.
Bains romains. En nous dirigeant du Prytanée vers l’arc d’Adrien,
arrêtons-nous un instant à la charmante église russe récemment restau¬
rée; nous y trouverons, dans sa nef même, une trappe et un escalier
à marches très-élevées et très-étroites par lesquelles nous descendrons
dans un petit bain romain qui mérite de fixer un moment l’attention,
ne fût-ce c|ue par la parfaite conservation de ses trois hypocaustes ^ et
de ses deux petits pavés de mosaïque. On y voit aussi quelques frag¬
ments de sculpture trouvés dans les fouilles.
Arc d’Adrien. Ce monument^ est situé au sud-est de l’Acropole et
à l’angle nord-ouest du péribole du temple de Jupiter Olympien. Ses
deux faces de marbre pentélique étaient absolument semblables, et for¬
mées de blocs de grand appareil réunis par des crampons sans
1. Fourneaux souterrains (uTtoxauffiç ou vuroxaucïTOv, de Oto, sous, et xatw, brûler) qui chauf¬
faient les diverses salles des bains.
2. Voy. la vignette à la fin du chapitre, et la vue du temple de Jupiter Olympien, p. 214.
J
BAINS ROMAINS ET ARC D’ADRIEN.
263
chaux ni ciment. A ce monument avait été adossée une église chrétienne
qui déjà n’existait plus à l’époque du voyage de Ghandler^. L’arc enterré
alors de plus d’un mètre est aujourd’hui dégagé, a II paraît, dit Stuart,
avoir été destiné à rester isolé, et cependant il se trouve placé si près
des restes du péribole de l’Olympium, et en même temps il est dans
une situation si oblique à l’égard de ce mur, qu’il semble difficile de
concilier sa position avec aucune idée de convenance ou de beauté , et
de concevoir pour quelle raison les Athéniens lui assignèrent une pareille
place 2. » Stuart cherche cependant une explication et s’efforce d’établir
qu’en ce lieu existait l’ancien arc d’Égée, et qu’il fut sans doute recon¬
struit religieusement à la même place par Adrien. Ce qui est plus certain,
c’est que le monument n’a jamais pu être une porte de ville, et qu’il
ne se trouve nullement dans l’alignement des anciennes murailles dont
la direction est facile à suivre..
Sur la frise de l’arc, du côté qui regarde l’Acropole, on lit :
AIAEIX3 A0HNAI 0H2EUS H riPINnOAIX
« C’est ici Athènes, l’ancienne ville de Thésée. »
Du côté opposé est cette inscription :
AIAEIS AAPIANOr KAI OÏKI^ OHSEOS IIOAIS
« C’est ici la ville d’Adrien, et non plus celle de Thésée »
Cet arc séparait en effet l’ancienne ville de la nouvelle, qui, construite
en grande partie par Adrien, avait reçu le nom (ï Hadrianopolis. Pau-
sanias ne parle pas de ce monument, mais Leake remarque qu’il y a
1. «Il paraîtrait, d’après les traces de peinture qui restent sur le haut des murailles, qu’on avait
érigé une église contre. Ce monument est enterré. »
Chandler. Voyages en Grèce. T. II, p. 447.
2. Stuart. Antiquités d’Athènes. T. III, p. 57.
3. AIAEI2, contraction de al ôé eial, celles-ci sont... On sait que le nom d’Athènes, A0HNAI,
est pluriel en grec. Chacune des inscriptions est censée faire suite à l’autre ; c’est ce qui motive
l’adverbe conjonctif ôé, mais. « C’est ici la ville de Thésée, » dit une inscription, « mais c’est ici celle
d’Adrien, » dit l’autre, et vice versa.
4. Stuart écrit à tort KOïKI, au lieu de KAI OTKI.
5. Il est évident que cette inscription fut faite à l’imitation de celle qui, suivant Plutarque, avait
été gravée sur la colonne élevée par Thésée sur l’isthme de Corinthe. On y lisait d’un côté :
« Ce n’est pas ici le Péloponèse, mais l’Ionie. » •
Et de l’autre :
« C’est ici le Péloponèse, non l’Ionie, »
264
ATHÈNES.
évidemment une lacune dans la partie du texte qui précède la description
du temple de Jupiter Olympien , et que cette lacune occupe justement
la place qu’eût remplie la mention de l’arc d’Adrien.
Le monument n’avait qu’une seule ouverture accompagnée de deux
colonnes faisant saillie en avant de chaque massif entre les piédroits
portant l’archivolte et les pilastres d’angle. Ces colonnes ont disparu
depuis longtemps, mais leur ancienne existence est révélée par des
architraves saillant de chaque côté, et sous lesquelles on voit encore
le trou cjui recevait le pivot central de la colonne. Au côté nord-ouest,
sont en outre les restes des piédestaux sur lesquels reposaient ces
colonnes. Ces piédestaux, dont le dé a de largeur à toutes ses
faces, sont contre l’usage entièrement isolés du monument. 11 ne reste
plus rien de ceux qui durent exister également au sud-est, et de ce côté
les architraves saillantes sont aussi moins bien conservées.
La profondeur du monument n’est que de 1'", 39; sa largeur est de
dont 6'", 10 pour l’ouverture de l’arc; sa hauteur totale est de
16'", 80. Les pilastres d’angle, larges de 0‘",88, n’ont qu’une simple base;
ils ne sont point cannelés, et leurs chapiteaux, qui continuent en forme
de corniche aux petites faces, sont des espèces de chapiteaux composites.
Les piédroits de l’arc ont seulement 0™,67 de largeur, et leurs chapi¬
teaux sont également composites; mais sous l’arcade, où ils forment im¬
poste, leurs acanthes et leurs volutes sont remplacées par des rinceaux
très-élégants surmontant une ligne d’oves. L’archivolte très-simple n’a
que des moulures sans aucun autre ornement.
L’attique qui surmonte cet ordre inférieur était beaucoup plus élégant ;
il se composait de trois ouvertures carrées, l’une au milieu, flanquée
de deiTx colonnes corinthiennes cannelées portant un fronton, les deux
autres accompagnées de pilastres corinthiens non cannelés, en avant
ARC D’ADRIEN.
265
desquels Stuart suppose, à tort selon nous, que durent exister des
colonnes semblables à celles du milieu.
La baie centrale avait été fermée, sans doute à l’époque de la con¬
struction de l’église, par de minces tables de marbre du mont Hymette
dont trois petites sont restées debout dans le bas, tandis qu’une qua¬
trième occupe encore la partie supérieure de l’ouverture dans toute sa
largeur. Les deux autres baies avaient été remplies par des murs de
maçonnerie grossière de briques et de moellons, dont une partie est
demeurée dans l’une d’elles.
Arc d’Adrien.
Théâtre de Bacchus.
CHAPITRE VII
MONUMENTS CHOR AGIQU ES.
THÉÂTRE DE BACCHUS.
PORTIQUE d’eUMÈNES. ODÉON. FONTAINE CALLIRHOÉ. TEMPLE SUR l’ILISSUS.
STADE. TOMBEAU d’HÉRODE ATTICUS.
TEMPLE DE DIANE AGROTERA.
ANS certaines occasions solennelles, et principalement
aux grandes Dionysiaques^, fêtes c|ui, sous la prési¬
dence du premier archonte, étaient célébrées à Athènes
dans le mois d’élaphébolion (mars), des concours de
chant c{ui ne manquaient pas d’une certaine analogie
avec nos concours modernes d’orphéons avaient lieu
dans rOdéon ou dans le théâtre de Bacchus ^ ; toutes
les tribus de l’Attique étaient appelées à y prendre part
icul
Trépied du monument
de Lysicrate.
en envoyant des chœurs d’hommes ou d’enfants. Chaque tribu choisissait
1. Aioviicia (jLsyâXa (Démosth. Orat. in Sept. Ulpien. In Loc.]. On nommait aussi ces fêtes As¬
tiques, ’Adxtxà, ou xà xax âaxu, les Urbaines, parce qu’on les célébrait dans la cité (Æscu. In Ctesiph ).
2. Il en était de môme aux autres fêtes de Bacchus; ainsi, nous lisons dans Athénée : « Agathon
268
ATHÈNES.
ordinairement, parmi ses membres les plus riches^, un citoyen qui tenait
à honneur de faire tous les frais nécessités par le concours et qui recevait
le nom de chorége
Cette charge, malgré les dépenses considérables qu’elle entraînait ^
n en était pas moins généralement briguée avec ardeur ; une victoire
devenait pour le chorége une sorte de titre de noblesse dont il savait se
prévaloir dans l’occasion
remporta le prix à la fêle des pressoirs^ Ai^vaia, sous l’archonte Euphème (417 ans avant J.-C.). »
Deipnos. L. V,
« Si c étaient des sauvages tels que ceux que Phérécrate a fait représenter aux fêtes des pres¬
soirs... » Platon. Banquet.
La comédie des Sauvages de Phérécrate fut jouée sous l’archontat d’Aristion (421 ans avant J.-C.),
suivant Athénée. L. V.
1. Les AetToupyoî; ils étaient au nombre de douze cents, fournis également par les dix tribus.
Plusieurs autres charges leur étaient imposées, tant en paix qu’en temps de guerre. (Ulpien. In
Olynth. 2, et Aphob. 1).
« Pour ce qui est des charges de chorége, de gymnasiarque et de triérarque, c’est l’usage que les
riches soient choréges et que le peuple ait la jouissance des chœurs; que les riches soient gymna-
siarques et triérarques, et que le peuple ait la jouissance des trirèmes et des gymnases. »
O V ' J '1 .... XÉNOPiioN. Gouvernement des Athéniens,
l. Aopriyo;, de xopoç, chœur, et ayw, je conduis.
Voy. Lysias, de Muneribus, et Plutarque, de Prudentiâ Athen.
« Mais Antisthène, dit Socrate, est passionné pour la gloire, qualité nécessaire à un général. Ne
vois-tu pas que toutes les fois qu’il a été chorége, son chœur l’a emporté sur tous les autres? _ Par
Jupiter! s’écria Nicomachide, autre chose est d’être à la tête d’un chœur ou d’une armée. — Cepen¬
dant, reprit Socrate, Antisthène, qui ne sait pas chanter, qui est incapable d’instruire des chœurs,
a eu malgré cela le talent de choisir les meilleurs artistes. Si donc il sait trouver et choisir les meil¬
leurs soldats, comme il a choisi les meilleurs choristes, il pourrait bien aussi remporter la palme
guerrière. » Xénophon. Mém. sur Socrate. L. III, c. 4.
3. Stuart cite ce curieux fragment de l’un des plaidoyers qui nous restent de Lysias : « Inscrit
dans le catalogue des citoyens sous l’archonte Théopompe (411 ans avant J.-C.), et nommé chorége
poui les tragédies, je tirai 30 mines de ma bourse (2,700 liv.). Trois mois après, pendant les Thar-
géhes*, j’obtins le prix avec un chœur d’hommes faits, et il m’en coûta 2,000 drachmes (1,800 liv.);
plus 800 drachmes (720 liv.) sous l’archonte Glaucippe (410 ans avant J.-C.), pendant les grandes
Panathénées, pour ceux qui exécutèrent la danse pyrrhique; sous le même archonte, dans les fêtes
de Bacchus, je fus encore chorége, et je remportai le prix avec un chœur d’hommes faits, dont les
frais, avec la consécration du trépied, montèrent à 5,000 drachmes (4,500 liv.). »
4. « Quelle charge publique n’a-t-il pas exercée d’une manière distinguée? Quelle contribution
n a-t-il pas acquittée des premiers? Quel devoir a-t-il jamais manqué à remplir? Étant fehorége, il
fournit à la dépense d un chœur de jeunes garçons, remporta le prix et dédia, comme un monument
de sa libéralité, le tréiûed que vous voyez ici. » Isée. Pro hæred. ApoUod.
« Je fus chorége, triérarque; je fournis aux dépenses d’Athènes; jamais je ne manquai l’occasion
d une libéralité publique ou privée. » Démosth. Disc, sur la couronne.
Thémistocle lui-même comptait parmi ses titres de gloire une victoire remportée comme chorége à
1 occasion d un concours tragique. <( Il fit les frais d’vne tragœdie qui fust iouée publiquement, et en
aiant -gaigné le prix , estant desia l’honneur de vaincre en tels ieux fort enuié et chauldement pour-
* Fête on l’honneur d’Apollon, que l’on célébrait le 6 et lo 7 du mois de thargélion (juillet).
MONUMENTS CHORAGIQUES.
269
Quelquefois, à défaut de chorége, c’était la tribu même, le qui
en remplissait les fonctions. Le prix du concours était un trépied de
bronze, le trépied clioragicpie ciue décernaient les magistrats athéniens^.
Le chorége de la tribu qui avait remporté la victoire érigeait ordinaire¬
ment, pour en perpétuer le souvenir, un petit monument sur lequel était
fixé le trépied ^ ; une inscription faisait connaître les noms du chorége ,
de la tribu, du poëte ou du musicien, et du joueur de flûte qui avaient
droit à une part du triomphe, enfin le nom de l’archonte qui avait présidé
au concours. C’étaient ces monuments plus ou moins riches et de formes
variées qui portaient le nom de choragiques On les élevait presque
suiui à Athènes, il fist peindre ceste sienne victoire en vn tableau qu’il dédia et fit atacher en vn
temple avec une telle inscription ; Themistocles Phrearien * en faisoit les frais; Phrynicus l’avoit
composée; Adimanthus estoit préuot**. » Plutarque. Vie de Thémistocle.
1. « Un trépied est le prix du vainqueur dans les fêtes de Bacchus. »
Athénée. Deipnos. L. II.
Ces trépieds furent do tout temps la récompense le plus ordinairement destinée aux vainqueurs
dans toute espèce de jeu ; ainsi, dans ceux qui furent célébrés aux funérailles de Patrocle : « On
apporta, dit Homère, pour être distribués aux vainqueurs, du fer brillant, des bassins, des trépieds,
des chevaux, des mules, des bœufs au front robuste et des captives ornées de belles cebitures. »
Iliade. L. XXIII, v. 264 et suiv.
i( Plus loin, des guerriers combattaient, à cheval et sur des chars, pour le prix de la course...
Au bout de la lice paraissait un grand trépied d’or, fabriqué par Vulcain, qui devait être le prix de la
victoire. » Hésiode. Bouclier d’ Hercule, v. 305.
« J’allai à Chalcis paraître au concours de poésie publié par les ordres d’Ampbidamas, qui avait
proposé des prix considérables. J’y remportai pour prix de ma victoire un trépied magnifique, que j e
consacrai aux muses de l’Hélicon pour les remercier. »
Hésiode. Les Travaux et les Jours, v. 052.
Dans les fêtes offertes aux Troyens par Acestc :
Mwtiera principio anle oculos circoquc locanlur
In medio : sacri tripodes, viridesque coronœ,
El palniœ, pretium victoribus, armaque...
« D'abord on expose au milieu du cirque les prix réservés aux vainqueurs , les Irépicds sacrés , les couronnes
verdoyantes, les armes, etc. » Virgile. Éneide. L. V, v. 209.
2. « Andocides fut chorége de sa tribu dans les jeux dithyrambiques, et, ayant obtenu le prix, il
fit la dédicace de son trépied dans un lieu élevé en face du Silène de Porus. »
Plutarque. Vie des dix orateurs.
« Nos aïeux ont dédié dans le temple de Bacchus les trépieds obtenus par eux sur leurs concurrents
comme cboréges et comme vainqueurs. » Isée. Pro liæred. Dicæog.
Si l’on en croit Théophraste, quelques vainqueurs satisfaisaient à l’usage à meilleur marché : « Si
un tel homme, dit-il, a remporté le prix de la tragédie, il consacre à Bacchus des guirlandes ou des
bandelettes faites d’écorce de bois, et il fait graver son nom sur un présent si magnifique. »
. G. XXII. De l’Avarice.
3. « Héliodore avait écrit un traité sur les trépieds choragiques d’Athènes. »
Harpocration. Lexicon.
* De Phrear, bourg de l’Attiqiie, voisin du Pirée, dans la tribu Léontide.
** Archonte, l’an 477 avant J.-C.
270
ATHÈNES.
tous aux deux côtés d’une rue située au pied et à l’est de l’Acropole et
qui en avait pris le nom de rue des Trépieds, Tpiuor^sç; elle partait du
Prytanée et venait aboutir au théâtre de Bacchus
Monument ciioragique de Lysicrate. C’est en effet sur l’espace au¬
trefois occupé par cette rue que se trouve le plus complet et le plus
charmant monument de ce genre qui soit parvenu jusqu’à nous. Près
de remplacement d’une église aujourd’hui démolie, qui sous l’invocation
de la Panagia Candeli avait, suivant M. Pittakis 2, succédé au temple
d’Apollon et de Diane, sur un sol occupé naguère par le jardin d’un
hospice de capucins français s’élève un petit édifice'^ circulaire vul¬
gairement appelé la Lanterne de Démosthène mais dont le véritable nom
est celui de monument choragique de Lysicrate. C’est une espèce de
temple monoptère, haut de 6”, 33 compris l’amortissement, et large de
1. « Les Trépieds sont une rue qui vient du Prytanée; on lui donne ce nom à cause de quelques
petits temples sur lesquels sont des trépieds de bronze, et qui contiennent des statues d’un très-
grand prix. » Pausanias. Att. C. XX.
Parmi ces statues était le Satyre de Praxitèle, connu chez les Grecs sous le nom de rieptpÔYiToç, le
Célèbre (Hesych-. Lex. V. ”Ovntwp.).
Quelques-uns de ces monuments étalent en effet de petits temples consacrés à Bacchus qui prési¬
dait aux jeux de la scène; mais nous verrons qu’il est impossible de reconnaître un temple dans le
monument de Lysicrate, non plus que dans certains autres monuments choragiques.
2. L’Ancienne Athènes.
3. Quoique le couvent n’existe plus, le terrain qu’il occupait et, par suite, le monument de Lysi¬
crate sont encore la propriété de la France. Buchon. La Grèce continentale et la Morée.
4. Voy. planche VIL
5. To çàvapiov xoù Arjp.o(79£vou;.
L’origine de cette absurde dénomination est dans la croyance que c’était dans ce réduit que
Démosthène se retirait pour étudier. Nous verrons, qu’il n’y avait ni porte ni espace qui rendissent
cette supposition possible. Nous n’accepterons pas davantage l’hypothèse de Spon : « L’ornement qui
MONUMENT GHORAGIQÜE DE LYSICRATE.
n\
2‘",80 de diamètre hors œuvre; il est formé de six colonnes portant un
entablement et une calotte, un tholus, surmonté d’un élégant fleuron.
L’édicule, tout entier de marbre pentélique, repose sur un soubassement
carré à moitié enterré, composé de trois degrés, hauts chacun de 0‘",33,
légèrement en retraite les uns au-dessus des autres et formés de pierres
du Pirée. Les joints du piédestal sont accusés par un léger refend; sa
corniche de marbre de l’Hymette, haute de 0"’,32, est des plus simples.
On a voulu fouiller ce soubassement et on y est entré par une ouverture
pratiquée violemment sur l’une des faces; on n’y a trouvé qu’une cavité
irrégulière, haute de 2'”, 30, large de 0’",70 à 0™,90, et qui évidemment
n’avait été réservée que pour économiser les matériaux. Sur l’architrave du
monument on lit cette inscription :
ArSIKPATHX ArXIOEIAOr KIKYNErX EXOPHTEI
AKAMANTIX IIAIAÜN ENIKA OECIN HTAEI
ArSIAAHX A0HNAIOX EAIAAXKE ETAINETOX HPXE
« Lysicrate de Cicyne, fils de Lysithides, était cliorége.
La tribu Acamantide avait remporté le prix du chœur d’enfants.
Théon avait joué de la flûte ’ ; Lysiade, Athénien, avait composé la musique 2;
Evænète était archonte. »
L’archontat d’Évænète remonte à la seconde année de la 3*^ olym¬
piade (355 avant Jésus-Christ) , époque du passage d’Alexandre en Asie.
est au-dessus, dit-il, est comme une lampe à trois becs, ce qui lui a peut-être fait donner le nom de
lanterne, quoique, apparemment, cela n’ait été mis que pour l’embellissement. » (T. II, p. 172.) On
a parlé aussi quelquefois de Lanterne de Diogène, mais alors ce n’est plus qu’une simple allusion à
la forme du monument et non pas une appellation prétendant pouvoir être justifiée.
1. Le musicien qui accompagnait les chœurs avec la double flûte était nommé choraules ou c/to-
raula, y_opaû),Y);, tandis que celui qui jouait seul de la flûte, le soliste, comme on dirait chez les
modernes, se nommait aulœdus, àoXw86ç.
2. Nous savons que, dans les inscriptions choragiques, on traduit ordinairement le mot èStSàoxe
272
xVTHÈNES.
Nous sommes donc fixés sur la date de l’édifice qui nous occupe, et nous
trouvons en lui le plus ancien exemple que nous possédions d’un monu¬
ment d’ordre corinthien La base est absolument ionique. Le chapiteau,
haut de 0"*,495, est du reste bien différent de celui qui se trouve aux
monuments corinthiens d’époque plus récente. Les six colonnes, auxquelles
deux gradins circulaires formés d’autant d’assises monolithes servent de
stylobate, ont leurs fûts également d’un seul morceau de marbre; elles
ont 3”h55 de hauteur, compris la base et le chapiteau, et leur diamètre est
de 0'",33. Les cannelures descendent très-bas sur le fût et elles se ter¬
minent dans la partie supérieure par une espèce dé feuille d’eau dont on
chercherait vainement un autre exemple dans l’antiquité. Entre les can¬
nelures et le chapiteau est une bande en creux qui paraît avoir dû contenir
un ornement, sans doute de bronze doré, formant collier. Les colonnes
sont presque à moitié engagées dans un mur circulaire formé d’autant de
panneaux de marbre épais de 0"’,i7 dont elles cachent le point de jonction.
De ces panneaux, un seul, celui qui regarde le nord, est intact; celui
qui lui est diamétralement opposé est complet, mais fendu; à deux autres
par fut le poêle, et que, par extension, on disait Stodoxeiv 8pà[j.a, faire jouer une pièce, parce que
l’auteur montrait aux acteurs comment ils devaient jouer (Alexandre. Dict. grec), le véritable sens
du verbe étant apprendre, enseigner. Puisqu’il s’agit ici de musique, il nous semblerait assez
juste que sur l’inscription choragique, à côté du joueur de flûte qui accompagnait les chanteurs et
leur donnait le ton, on eût fait figurer le compositeur, le maestro, qui les avait instruits et dirigés,
plutôt que l’auteur des paroles qui, en réalité, avait peu contribué à la victoire. Nous trouvons une
preuve à l’appui de notre opinion dans une autre inscription choragique que nous aurons bientôt
occasion de citer. Du reste, Chandler (T. II, p. 425) paraît s’en rapprocher également lorsqu’il tra¬
duit èStôdffxe par fut l’instituteur,
i. Voy. p. 209, note 4.
MONUMENT CHÜRAGIQUE DE LYSICRATE.
273
il manque quelques parties , et les deux derniers sont remplacés par des
murs modernes en maçonnerie. En haut de chaque panneau, entre les
chapiteaux, étaient sculptés en bas-relief deux trépieds en forme d’autels
portatifs
L’intérieur du monument, n’étant pas destiné à être vu, n’a jamais été
ravalé, les chapiteaux n’y sont que massés, et les colonnes, ayant tou¬
jours été engagées, ne sont point cannelées en dedans. Le réduit circu¬
laire que contient l’édicule n’avait d’ailleurs que de diamètre, et
aucune entrée n’avait été ménagée 2. Si on y a pénétré autrefois, ce n’a
été qu’en brisant un des panneaux dans l’espoir d’y découvrir un trésor^.
La partie supérieure du monument accuse dans son auteur plus de
goût que de science, plus de tendance à la richesse, à l’élégance, que de
respect pour les règles de l’art; aussi a-t-on pensé, et selon nous avec
raison, que cet édicule est l’œuvre d’un sculpteur plutôt que d’un archi¬
tecte. M. Pittakis ayant trouvé dans le voisinage un fragment de marbre
portant les mots nPASiTEAiis eiioihsen, « Praxitèle a fait, » croit pou¬
voir en conclure que cet illustre sculpteur fut l’auteur ou l’un des auteurs
du monument de Lysicrate ; mais cette conjecture aurait besoin d’être
appuyée sur des preuves plus solides et plus concluantes. M. Pittakis n’a
point indiqué à quelle partie du monument eût dû appartenir l’inscrip¬
tion, c^ui d’ailleurs a pu tout aussi bien faire partie de cjuelque autre
œuvre de Praxitèle, telle par exemple c{ue le Satyre qui se trouvait juste¬
ment dans la rue des Trépieds
L’architrave et la frise du monument de Lysicrate étaient d’un seul
morceau de marbre évidé en forme de couronne, haut de 6"‘,58, sur
1. Voy. la lettre en tète du chapitre.
2. L’inspection du monument ne permet pas d’admettre un seul instant, avec Leroy, que deux
entre-colonnements opposés n’aient point été fermés dans le principe.
3. En examinant le monument, on ne peut comprendre que Leake se soit obstiné à y reconnaître
un temple et à soutenir énergiquement cette opinion dans sa Topographie d’Athènes.
4. « On voit dans la rue des Trépieds le Satyre que Praxitèle regardait comme un de ses meilleurs
ouvrages. Phryné, dont il était l’amant, lui ayant un jour demandé la plus belle de ses statues,
il consentit, dit-on, à la lui donner, mais il ne voulut pas la désigner. Alors Pbryné aposta un do
ses esclaves qui vint en courant dire que le feu, ayant pris à la maison de Praxitèle, avait consumé
la plus grande partie de ses ouvrages, que cependant tout n’avait pas péri. Praxitèle se précipita
aussitôt à la porte en criant que tout le fruit de ses travaux était perdu, si la flamme n’avait pas
épargné son Amour et son Satyi’e. Phryné le rassura en lui disant qu’il n’y avait rien de brûlé ; mais
que, grâce à cette ruse, elle venait d’apprendre de lui-même ce qu’il avait fait de mieux ; et elle choisit
ta statue de l’Amour. » Pausamas. Att. C. XX.
18
274
ATHENES.
environ 7'", 50 de circonférence. Nous avons dit que l’inscription était
gravée sur l’architrave. Sur la frise, haute de règne un charmant
bas-relief, malheureusement fort mutilé, dans lequel on s’accorde aujour¬
d’hui à reconnaître un des traits de l’histoire de Bacchus, qui trouvait
tout naturellement sa place sur le monument d’une victoire remportée aux
fêtes de ce Dieu Peut-être même le sujet du bas-relief était-il celui du
poème chanté par le chœur victorieux 2. Les figures au nombre de trente
représentent la punition des pirates tyrrhéniens ; les uns sont changés en
dauphins par Bacchus les autres sont tués par ses suivants à coup de
thyrses ou de flambeaux.
1. Francis Vernon avait cru voir dans ces bas-reliefs les travaux d’Hercule; aussi , dans une lettre
écrite de Smyrne le 10 janvier 1C7G au rédacteur des Transactions philosophiques, fait-il du monu¬
ment de Lysicrate un temple dédié à cette divinité. Cette opinion fut adoptée encore cent ans plus
tard .par Leroy, dans ses Ruines des plus beaux monuments de la Grèce.
2. Cette frise est gravée tout entière dans les Monuments de la Grèce de Legrand et les Antiquités
d’Athènes de Stuart et Revett.
3. Les fables de Lucien et d’Ovide ne sont d’accord que sur un point, la métamorphose des pirates
en dauphins; mais, suivant le premier, ce châtiment leur fut infligé après un combat naval;
suivant le second, après une trahison tentée contre Bacchus enfant. Dans l’un et l’autre cas, la scène
se passe sur mer; mais il paraît qu’il existait encore une troisième tradition, car, au monument de
Lysicrate, la métamorphose a lieu sur le rivage d’où les pirates se précipitent dans leur nouvel élément.
« Le Dauphin : Ne soyez pas surpris, Neptune, que les dauphins soient bons_ envers les hommes,
puisque nous-mêmes nous sommes des hommes changés en poissons.
« Neptune : Aussi ne suis-je pas content de Bacchus, qui, après vous avoir vaincus dans un combat
naval, vous a métamorphosés de la sorte, lorsqu’il eût suffi de vous avoir soumis comme il en avait
soumis d’autres. » Lucien. 8® Dial. Marin.
« . Primusque Medon nigreseere pinnis
Corpore depresso et spince curvamina flecti
Incipit ; huic Lycabas : in quœ rniracula, dixü,
Vei teris? Et lati rictus et panda loquenti
Naris erat, squamamque cutis durata irahehat.
Al Libys obstantes dum vult obvertere remos
In spatium resilire manus breve vidit; et illas
Jam non esse manus, jarn pinnas passe vocari.
« Médon, le premier, sent naître de sombres nageoires sur ses membres courbés, et son dos s’arrondit en arc.
Quelle étrange métamorphose ! s'écrie Lycabas, et sa bouche s’élargit en parlant, ses narines s'étendent, et sa peau
durcie se couvre d'écailles. Lybis veut retourner la rame qui résiste ; mais il voit ses mains se rétrécir ; déjà elles
ont perdu leur orme première, déjà ce ne sont plus que des nageoires. »
Ovide. Métam. L. III, v. 671 et suiv.
MONUMENT CHORAGïQUE DE LYSICRATE. 275
La cornicliG, orncG cIg dGiiticulGS, Gst fonnéG dG trois blocs do niarbro
unis GnsGmblG Gt maintGiius par la calottG, qui Gst égalGiUGiit dG marbrG,
mais d’un sguI morcGau , coinprGnant mêniG la partiG infériGurG du flGuron
qui SGrvait d’amortissGinGnt. Cgüg couvGrturG était sculptcG avGC 1g plus
grand soin Gt rGvêtuG dG fGuillGS dG lauriGr disposéGS Gii écaillGS. Au
bord règiiG coinniG uno doublo couroniiG forméo GxtériGurGinGnt do
paliuGttGS Gt intériGurGinGiit dG l’ornGmGnt courant que l’on nomme
postes.
Enfin, 1g tout est surmonté d’un grand et riche fleuron haut de
dont la face supérieure, de forme triangulaire, avait reçu le
trépied, prix de la victoire. On y voit encore les trous de scellement
des trois pieds aux extrémités du triangle, et au milieu une cavité
plus grande ayant reçu une tige centrale qui fixait plus solidement le
trépied.
La hauteur totale du monument, compris le soubassement et l’amor¬
tissement, est de 10"’, 45, hauteur qui, au premier coup d’œil, semble
un peu disproportionnée avec la faiblesse de son diamètre ; mais, malgré
ce léger défaut, le monument de Lysicrate n’en est pas moins une des
plus charmantes productions de l’art grec. Tel il avait paru à M. de
Choiseul-Gouffier, qui, lors de son ambassade à Constantinople, l’avait
fait dessiner et mouler par M. Fauvel, alors consul de France à Athènes.
276
ATHÈNES.
En 1801, MM. Trabuchi frères exécutèrent, à l’aide de ces matériaux,
une copie en terre cuite de la grandeur de l’original, ayant seulement
transformé le monument en un véritable temple monoptère, par la sup¬
pression des plaques qui ferment les entre -colonnements. Cette copie,
exposée dans la cour du Louvre, valut à ses auteurs une médaille d’ar¬
gent, et Napoléon I"" fit construire, sur le point le plus élevé du parc
de Saint-Cloud, sous la direction des architectes Legrand et Molinos,
une tour carrée où elle fut placée et se trouve encore aujourd’hui , por¬
tant, comme à Athènes, le nom de lanterne de Démosthène^.
Monument choragique de Tiirasyllus. Dans le flanc méridional du ■
rocher de l’Acropole, taillé verticalement en cet endroit, au-dessous du
mur de Cimon, et au sommet des gradins du théâtre de Bacchus^, s’ouvre
une grotte depuis longtemps convertie en une chapelle sous l’invoca¬
tion de Notre-Dame de la Caverne^. Dans l’antiquité, un chorége vain¬
queur avait fait de cette grotte un sanctuaire consacré à Bacchus et
destiné à éterniser le souvenir de sa victoire choragique. Nous trouvons
ce monument indiqué sur une médaille d’époque romaine qui représente
le théâtre de Bacchus et l’Acropole qui le surmonte.
A .1‘", 60 en avant de la grotte , on avait élevé le frontispice de marbre
1. Un moulage plus exact du monument de Lysicrate se voit maintenant à l’École des Beaux-Arts
de Paris.
2. Voy. la vignette en tête du chapitre et plan de l’Acropole A'.
Leroy, n’aj^ant pas reconnu la présence du théâtre de Bacchus, fait cependant la singulière suppo¬
sition qu’en avant du monument de Thrasyllus « il devait y avoir un espace destiné aux combats
d’athlètes. » N’ayant pas compris l’inscription, il pense qu’elle rappelle une victoire remportée dans
ce genre de combat.
3. Les auteurs de VExpédition scientillque de Morée prennent cette grotte pour celle d’Aglaure, et
les deux colonnes qui la surmontent pour des monuments du Bas-Empire. Il faut dire, pour leur
justification, qu’ils n’ont pu en approcher, non plus que de l’Acropole encore au pouvoir des
Turcs.
4. Uavocyia XuriXiOTtaca de o-uriXaiov, caverne.
MONUMENT CHORAGIQUE DE THRASYLLUS.
277
pentélique, et sur l’architrave aujourd’hui brisée et gisant sur le sol on
avait gravé cette inscription :
OPAErAAOS 0PA2YAAOr AEKEAEETS ANE0HKEN
XOPHPÜN NIKHSAS ANAPASIN innO0OONTIAI «PTARI
EYIOS XAAKIAETi: HYAEI NEAIXMOX HPXEN
KAPXIAAMOS XOTIOS EAIAAXKEN
« Thrasyllus, fils de Thrasyllus de Décéleia i, a dédié (ce monument),
ayant vaincu en qualité de chorége avec les hommes de la tribu Hippothoontide.
Evius de Chalcis jouait de la flûte; Néæchmus était archonte;
Carchidamus, fils de Sotis, avait composé la musique. »
L’archontat de Néæchmus répond à la première année de la 115® olym¬
piade (320 avant Jésus - Christ) . Cette date est donc celle que nous
devons assigner au monument dont nous voyons aujourd’hui les faibles
restes. Le frontispice, élevé de large de 7'", 70, reposait sur
Monument de Thrasyllus restauré d’apr&s Stuart.
deux degrés de marbre, hauts de 0'",31. Deux pilastres, larges de 0'",70
aux extrémités, et un troisième au milieu, large seulement de 0‘", 52 2,
portaient un entablement composé de l’architrave, où se lisait l’inscription,
d’une frise ornée de onze couronnes de laurier et d’une corniche fort
simple. Malgré l’absence de triglyphes et de mutules, le caractère général
du monument était dorique.
1. Bourg de la tribu Hippothoontide.
2. « Entre les pilastres, dit Leroy, sont des marbres qui ont été mis après coup, et qui ne faisaient
pas partie du monument. »
Il reste quelques fragments de ces marbres auprès du pilier central.
278
ATHÈNES.
Au-dessus de la corniche régnait un attique qui, interrompu par trois
degrés, formait aux extrémités de la façade des espèces de piédestaux
qui, portant des trépieds de bronze, avaient reçu sur leur face deux
autres inscriptions choragiques à une époque postérieure. A gauche on
lisait celle-ci :
O AHMOX EXOPHTEI nYGAPATOX HPXEN
ArCîNOOETHS ©PASYRAHS 0PA2YAAOY AEKEAEEYX
iniIOGOQNTIX ITAIAON ENIKA
0EQN 0HBAIOX IIYAEI
nPONOMOX 0HBAIOS EAIAAXKEN
« Le peuple remplissait les fonctions de chorége; Pytharatus était archonte;
Thrasyclès, fils de Thrasyllus de Décéléia, était agonothète *.
La tribu Hippothoontide vainquit dans le concours des enfants.
Théon le Thébain jouait de la flûte.
Pronomus le Thébain avait composé la musique 2. »
L’archontat de Pytharatus date de la deuxième année de la 127® olym¬
piade (271 avant Jésus-Christ). Cette inscription, brisée en deux mor¬
ceaux et renversée, est couchée sur le sol, à gauche de l’entrée de la
grotte. Nous avons vainement cherché cjuelques traces de celle qui se
lisait sur le piédestal de droite, et cjue nous sommes forcé d’emprunter
à Stuart, qui avait vu le monument en assez bon état, avant qu’en 1827
il eût été détruit par les boulets turcs.
O AHMOX EXOPHPEI HYGAPATOS HPXEN '
AEONOGETHS 0PAXYKAHS 0PASYAAOY AEKEAEEY2
IIANAIONIX ANAPÜN ENIKA
NIKOKAHS AMBPAKIOTHS HYAEI
AYXinnOX APXAS EAIAAXKE
U Le peuple a rempli les fonctions de chorége; Pytharatus était archonte;
Thrasyclès, fils de Thrasyllus de Décéléia, était agonothète.
La tribu Pandionide vainquit dans le concours des hommes.
Nicoclès d’Ambracie joua de la flûte; Lysippe l’Arcadien avait composé la musique. »
1. Agonothète, àywvoôéxYii;* (de àywv, jew, combat, et TÎ9yi[jLi, juger, diriger), magistrat qui pré¬
sidait au jeux et à l’observation de leurs règlements, et jugeait les concours. On lui donnait aussi le
nom d’hellanodice, êXXavoStxYi!; (d’"EX),viv, Grec, et Sixt;, jugement), lorsqu’il s’agissait des jeux
Olympiques communs à toute la Grèce.
« Lycinüs : Est-ce que tu t’es assis quelquefois auprès des agonothètes ?
« Hermontimus ; Oui; par Jupiter! dernièrement, aux jeux Olympiques, j’étais à la droite des
hellanodices. » Lucien. Hermotimus.
2. Dans l’inscription choragique de Lysicrate (p. 271), nous avons déjà cru devoir traduire le
* PoLLux. Omni. L. III, c. 30, § I.
MONUMENT CHORAGIQUE DE THRASYLLUS. 279
La présence de ces deux inscriptions, postérieures de cinquante et un
ans à la première, ne doit nullement étonner, puisqu’elles consacrent le
souvenir de victoires remportées sous la direction du fils même de Thra-
syllus , c|ui avait érigé le monument.
Les degrés qui partageaient l’attique servaient de piédestal à une statue
assise cjui, dès 1676, avait perdu la tête et les bras^. Ces parties
n’avaient jamais été sculptées dans le même bloc; elles avaient été ajou-
Monument de Tlivasyllus au xviii® siècle, d'après Stuart.
tées et fixées par des tenons, circonstance c{ui a du contribuer à leur chute
et à leur destruction. Cette figure était, suivant Stuart 2, une personnifi¬
cation de la tribu victorieuse; suivant Chandler'^, une Niobé; suivant
Leake^ et le catalogue du Musée Britannique, c’est un Bacclius, et cette
mot ioioime par : a composé la musique, et non par : fut le poëte. Nous trouvons ici la preuve que,
dans un concours de choeurs, c’était bien en effet au compositeur et non au poëte qu’on rapportait
l’honneur de la victoire, et qu’en outre la musique n’était pas nécessairement nouvelle et composée
pour la circonstance. Pronomus le Thébain était en effet un musicien non moins célèbre par son
talent que par la longueur de sa barbe *, et qui était mort depuis plus de cent ans, quand la tribu
Hippotboontide remporta le prix en exécutant sa musique.
1. Chandi.eu. Voyages en Grèce. T. II, p. 423.
2. Antiquités d'Athènes. T. II, pl. LU.
3. Voyages en Grèce. T. II, p. 426.
4. Topography of Athens.
* « Agyrrhius n’a-t-il pas caché son sexe en prenant la barbe de Pronomus? »
Aristophane. Les Harangueuses. Acte 1, sc. 2.
280
ATHÈNES.
dernière supposition est justifiée par la peau de bête féroce qui fait partie
des ajustements.
Pausanias ne fait pas mention d’une statue, mais bien d’un trépied
qui avait surmonté le monument de Thrasyllus^ ; mais Leake affirme avoir
reconnu sur les genoux de la statue mutilée les traces du trépied qu’elle
aurait été destinée à soutenir. Cette figure, enlevée par lord Elgin, fut
engloutie près de Cérigo^ avec le navire qui la portait; mais elle a été
repêchée avec plusieurs autres antiquités, et elle est aujourd’hui au Musée
Britannique
Nous avons dit c|ue le frontispice élevé par Thrasyllus, en avant de la
grotte, avait été détruit par les boulets turcs. Aujourd’hui, à peine en
reste-t-il quelques débris mutilés qui jonchent le sol.
Monument de Thrasyllus, état actuel.
La grotte est profonde de près de 15 mètres. A gauche, en entrant,
dans une fissure du rocher, on remarque deux belles couches horizontales
de carbonate de chaux cristallisé produites par des infiltrations.
Quelques constructions grossières, quelques peintures byzantines pres-
c^ue effacées datent de l’époque de la conversion de la grotte en chapelle.
A droite se trouve un sarcophage brisé de marbre blanc; mais comme il
ne porte aucune espèce d’ornement, et que ce n’est, à proprement parler,
1. « Vers le sommet du théâtre et dans le rocher, au-dessus de la citadelle, est une grotte sur
laquelle est un trépied où sont représentés Apollon et Diane tuant les enfants de Niobé. »
^ ^ Pausanias. AU. G. XXI.
2. L ancienne Cylhère.
3. Elgin Saloon, n“ 111.
COLONNES CHORAGIQUES. ODÉON DE PÉRICLÈS. m
qu’une auge régulièrement taillée, il ne peut fournir sur sa date aucune
donnée précise.
Le sol de la grotte n’a jamais été aplani , et il monte par degrés
grossièrement taillés, suivant l’inclinaison du rocher, jusque vers le fond
d’où, par un escalier en maçonnerie, on parvient à la partie supérieure
du cul-de-four, où, devant une lUort de la Vierge, peinture moderne de
style byzantin, brûle sans cesse une lampe soigneusement entretenue par
la dévotion des fidèles.
Colonnes ciioragiques. Au-dessus de la grotte, près de la muraille de
l’Acropole, sont restées debout deux colonnes d’une hauteur inégale^,
surmontées de chapiteaux triangulaires d’un travail peu soigné et d’un
dessin médiocre, sur lesquels on peut encore voir des cavités où avaient
été scellés des trépieds. Ce sont donc aussi des monuments chora-
gic|ues. Sur la plinthe de l’un d’eux, Stuart put encore déchiffrer
le mot STPATONEiKO s, probablement nom de celui qui avait érigé la
colonne.
Le rocher entaillé autour des colonnes semble indicper quelles étaient
entourées de quelques autres monuments analogues, probablement des
cippes, des piédestaux portant des inscriptions et des trépieds.
Deux niches, l’une carrée, l’autre en cul-de-four, creusées dans le
rocher à gauche de l’entrée de la grotte, ont pu contenir également quelque
monument des victoires choragiques.
Odéon de PÉRICLÈS. Quand Pausanias place la grotte que nous
venons de décrire au sommet du théâtre de Bacchus 2, on ne peut s’ex¬
pliquer l’erreur de Stuart, qui fait de ce dernier monument l’ Odéon de
Périclès, prenant par contre l’Odéon d’Atticus pour le théâtre de Bac¬
chus. L’indication donnée par le voyageur grec suffisait seule pour
détruire toute incertitude, quand même l’étendue de l’édifice n’eût pas
défendu de le ranger dans la classe des odéons qui, plus petits que les
théâtres, étaient toujours couverts.
« Dans le voisinage du temple de Bacchus, dit ailleurs Pausanias,
est un édifice qui avait été bâti, dit-on, sur le modèle de la tente de
1 . Voy. la vignette en tête du chapitre.
2. Voy. le passage, p. 280, note I .
282
ATHÈNES.
Xerxès; il a été rebâti de nouveau, ayant été brûlé par Sylla^ après la
prise d’Athènes^, »
Pausanias n’indique point ici quel était cet édifice, et comme, dans les
autres passages que nous avons cités, il parle de l’Odéon, on pourrait
croire qu’il s’agit de deux monuments distincts ; il n’en est rien cepen¬
dant, et dans Plutarque nous trouvons la preuve que, dans l’un et l’autre
cas, notre auteur n’a pu désigner qu’un seul et unique édifice, et que cet
édifice est bien l’Odéon de Périclès^.
Son toit, formé des mâts et des antennes des vaisseaux enlevés aux
t
Perses, était soutenu par des colonnes de marbre^. Il ne reste plus
vestige de toute cette magnificence, et le lieu même où s’élevait l’Odéon
1. Aristion (Athénion suiv. Athénée. L. V), sophiste athénien, ayant entraîné sa patrie dans
l’alliance de Mithridate contre les Romains, s’y était fait nommer tyran, et avait défendu la ville
contre Sylla qui, vainqueur, le fit mourir. Ce fut Aristion qui, forcé de se retirer dans la citadelle,
livra aux flammes le toit de l’Odéon, dont la charpente eût fourni aux ennemis des matériaux pour
construire des machines de guerre; la ruine du monument fut ensuite consommée par Sylla. La
précaution prise par Aristion avait eu pour conséquence la destruction des beaux arbres de l’Académie
et du Lycée que Sylla avait été obligé de faire couper pour avoir le bois qui lui manquait (Plutaroue.
Vie de Sylla). Le même historien fait d’ Aristion un fort triste portrait : « L’âme d’Aristion, dit-il,
était un composé de débauche et de cruauté; il avait rassemblé en sa personne tout ce qu’il y avait
de pire et de plus infâme dans les vices et les passions de Mithridate; et la ville d’Athènes, qui avait
échappé à tant de guerres, à tant de tyrannies et de séditions, il la réduisait, comme un fléau
destructeur, aux plus affreuses extrémités. » L’Odéon fut reconstruit, comme l’a dit Pausanias, car
en d’autres endroits il en parle à plusieurs reprises.
H Devant l’entrée de l’Odéon sont les statues des rois d’Egypte , tous connus sous le nom de
Ptolémée, mais distingués par des surnoms, tels que Philométor pour l’un, Philadelphe pour un
autre, etc. » Paüsanias. Alt. C. VIII.
« En entrant dans l’Odéon d’Athènes, vous trouvez plusieurs statues, et entre autres un Bacchus
qui mérite d’être vu. » Id. Alt. C. XIV.
2. Pausanias. AU. C. XX.
3. « Quant au théâtre ou auditoire de musique destiné à ouyr les ieux des musiciens, qui s’appelle
Odéon, il est bien par dedans faict à plusieurs ordres de sièges et plusieurs rangs de colonnes, mais
la couuerture est vn seul comble rond, qui se va tout à l’entour, courbant et couchant en soi-mesme,
aboutissant en pointe; et dit-on qu’il fut faict sur le patron et la semblance du pauillon du roy Xerxès,
et que Périclès en bailla le deuis et l’ordônance : pourquoi Gratinus en vn autre passage de la
comœdie des Thracienes s’en iouë et s’en moque de lui en disant :
Voici venù' Périclès au surnom
De Jupiter d la teste d’oiynon *,
Qui a dedans son large test compris
De l'Odéon la forme et le pourpris,
Depuis qu'il est cschappé au danger
D’aller banni en pays eslranger.
Plutarque. Vie de Périclès.
4. (( Il lui demande combien de colonnes soutiennent le théâtre de la musique. »
Théophraste. Caract. C. III, le Diseur de riens.
SxivoxiçaXoî, à cause de la forme de sa tête allongée comme la bulbe de la sc3’lle marine.
THÉÂTRE DE BAGCHUS.
283
est un problème sur lequel les savants n’ont pas encore pu s’accorder.
Nous savons par Vitruve que l’Odéon était situé à gauche du specta¬
teur, lorsqu’il descendait du théâtre^; Leake^ croit pouvoir en conclure
que l’Odéon était auprès et à l’est du temple de Bacchus; mais d’un
autre côté, Pausanias’dit que près de l’Odéon était la fontaine Enneacm-
nos^. Cette fontaine, fort éloignée du site indiqué par Leake, est au
contraire beaucoup plus voisine de l’hôpital militaire qui, suivant M. Ran-
gabé"^ dont l’opinion nous semble ici préférable, aurait remplacé l’Odéon.
Ce site, bien que plus au sud, n’en remplit pas moins la condition indi¬
quée par Vitruve.
Théâtre de Bacchus. Si l’Odéon de Périclès^ a entièrement disparu,
le théâtre de Bacchus qui avait été construit par l’architecte Philon,
n’a pas laissé beaucoup plus de traces®; on peut cependant reconnaître
encore sa forme sur le flanc méridional du rocher de l’Acropole, car,
suivant l’usage, on avait profité, pour économiser les frais de construction,
de l’inclinaison naturelle du sol Les gradins en partie taillés dans le
roc sont détruits ou ont disparu sous la terre et les décombres amoncelés
depuis des siècles, et, malgré quelques fouilles tentées en 1857, à peine
quelques-uns sont-ils encore visibles dans la partie supérieure, près du mo-
1. « Il faut qu’il y ait au côté gauche du théâtre, en sortant, un Odéon pareil à celui que Périclès
fit construire â Athènes avec des colonnes de pierre , et qu’il couvrit avec les mâts et les antennes
des navires pris sur les Perses, mais cet édifice ayant été brûlé pendant la guerre de Mithridate, il
fut ensuite rebâti par le roi Ariobarzane. » Vitruve. L. V, c. 9,
Cette reconstruction de l’Odéon au V*' siècle avant J.-C., par Ariobarzane H Philopator, roi de
Cappadoce, a été confirmée par une inscription découverte â Athènes en 1743.
2. Topography of Athens.
3. Paüsanias. Att. C. XIV.
4. Antiquités helléniques,
5. Plan de l’Acropole F'.
Le théâtre de Bacchus, Osàxpov Atovucnaxov, portait aussi le nom de théâtre Lenaïque, Ssarpov
Arivàixov, soit parce que Arivaïoç était un des surnoms de Bacchus,'soit à cause du voisinage du temple
appelé Lenœon, Af)vaiov.
C. Voy. la vignette à la tête du chapitre.
Ce théâtre, ainsi que nous le dirons en parlant de l’Odéon, servait parfois, comme tous les édifices
de ce genre, aux délibérations publiques. Nous lisons dans Pollux ; « Autrefois, on s’assemblait dans
le Pnyx, mais maintenant on se réunit dans le théâtre de Bacchus. » Lexic. L. VIII, 132.
7. On sait qu’il en est de môme pour la plupart des théâtres antiques; il suffira de citer ceux
d’Argos, dans le Péloponèse, et de Telmissus en Lycie; ceux de Pompéi et deTusculum, en Italie;
de Syracuse, de Cataneet de Taormina, en Sicile; d’Orange et de Lillebonne, en France, et celui de
Murviedro, l’antique Sagonte, en Espagne. ’
284
ATHÈNES.
nument de Thrasyllus. La base du mur de la scène, composée de grandes
assises de tuf usées et disjointes, existe encore en quelques endroits,
principalement dans le voisinage du Lenæon,' où s’en trouve une por¬
tion assez considérable, qui occupe le premier plan de notre dessin.
11 serait difficile de se faire une idée exacte de la grandeur de ce
théâtre qui, suivant Platon, pouvait contenir 30,000 spectateurs^; tou¬
tefois, son diamètre paraît pouvoir être évalué à 160 mètres environ.
Athènes n’avait eu d’abord, comme toutes les autres villes grecques,
qu’un théâtre de bois 2. Ce théâtre s’écroula pendant cju’on jouait une
pièce d’un ancien auteur nommé Pratinas Ce ne fut toutefois qu’après
la défaite des Perses, et vers la fin de la 75® olympiade'^, que Thémistocle
fit construire le premier théâtre de pierre qui ait existé en Grèce celui-là
même dont nous voyons aujourd’hui les débris. Suivant Ghr. Words-
worth il aurait été complété seulement en l’an SâO avant Jésus-Christ
par l’orateur Lycurgue.
Portique d’Eü.wènes. Près du théâtre, Vitruve recommande d’élever
des édifices couverts qui puissent servir d’abri aux spectateurs s’il survient
de la pluie pendant la représentation. « Tels sont, dit-il, à Athènes le
portique d’Eumènes et le temple de Bacchus^. »
Le portique d’Eumènes ^ existe encore en grande partie; s’étendant
au pied de la pente méridionale de l’Acropole, il réunissait le théâtre
1. Dans le Sympos. 175, Socrate, parlant des succès dramatiques obtenus par Agathon dans ce
théâtre, dit ; « Votre gloire apparut au grand jour on présence de trente mille spectateurs. »
2. Txpià, plancher, estrade, échafaud. Hésych. Lex.
3. (( Pratinas, fils de Pyrrhonidès, Pliliarien, poète tragique, rival d’Eschyle et de Chorille, dans
la 70® olympiade (500 à497 avant J.-G.), écrivit d’aboi’d des satires; et lors de la représentation de
l’une de ses pièces, il arriva que les planches sur lesquelles étaient placés les spectateurs s’enfoncè¬
rent; c’est depuis ce temps que les Athéniens ont érigé un théâtre do pierre. »
Suidas. Lex.
4. 480 à 477 avant J.-G.
5. Les colonies grecques avaient, sous ce rapport, devancé le mouvement de la métropole. A Ségeste,
en Sicile, et dans l’ile de Gysthène, aujourd’hui Castello-Rosso, on voit des théâtres qui remontent
évidemment à une antiquité plus reculée, mais qui étaient bien loin de la grandeur et de la perfec¬
tion de celui de Thémistocle, qui servit de type à tous ceux qu’élevèrent plus tard les Grecs et les
Romains.
0. Athens and Attica.
7. Vitruve. L. V, c. 9.
8. Plan de l’Acropole E'.
Frontispice. Le portique s’y voit au-dessous de la tour de l’Acropole, un peu à gauche.
PORTIQUE D’EUMÈNES.
283
de Bacchus à TOdéoii d’Hérode ou de Régilla. 11 se pourrait cependant
qu’il eut été reconstruit au moins en partie à l’époque de l’érection de
rOdéon, car les deux édifices présentent dans leurs matériaux et leur
appareil un rapport qu’il est impossible de méconnaître. Cette ressem¬
blance n’a pas échappé à M. Pittakis, mais il suppose que l’Odéon a
été bâti à l’imitation du portique^.
Portique d’Eumèups.
Les arcades sont enterrées presque partout jusqu’à l’imposte ; leur
diamètre est de 2'", 65; ainsi que leurs piédroits, elles sont formées
de gros blocs de pierre du Pirée, écrasés en partie par la pression des
pesantes murailles crénelées dont on les a surchargés. Les arcs ont
i"h20 de profondeur, et entre eux et le mur qui formait le fond du
portique le passage n’a que l‘",50 de largeur, ce qui ne répondait guère
à la destination du monument.
Aujourd’hui les arcades sont interrompues, tantôt par un massif de
maçonnerie, tantôt par une brèche, mais vingt-huit sont encore visibles,
r.es plus voisines de l’Odéon sont condamnées. C’est au-dessus de ce
portique que se trouvait, sur te penchant de l’Acropole, le tombeau de
Talus 2, que son oncle Dédale, jaloux de ses découvertes, précipita des
murs de la citadelle, et qui passe pour l’inventeur de la scie, du tour,
du compas, etc. Auprès était le temple d’Esculape^, dominant l’Odéon
de Régilla; il a entièrement disparu.
1. V Antique Athènes.
2. Paüsanias. au. C. XXL
3. « Fils d’une sœur de Dédale, Talus, élevé chez son oncle, en avait reçu des leçons dès sa pre¬
mière enfance. Devenu plus habile que son maître, il inventa la roue du potier, et, ayant trouvé par
hasard la mâchoire d’un serpent, il s’en servit pour scier un morceau de bois; puis, imitant sur du
fer les dents pointues du reptile, il fabriqua, d’après ce modèle, une scie et employa à travailler le
bois ce nouvel outil, qui devint une des inventions les plus utiles en architecture. Talus fut également
l’inventeur du tour, ainsi que d’un grand nombre d’autres instruments; enfin, il s’acquit une si
grande réputation que Dédale, devenu jaloux de son jeune élève, et prévoyant qu’il effacerait la gloire
du maître, le tua en trahison. » Diodore de Sicile. L. IV, § 76.
Cf. Ovide. Métam. L. VIII, v. 242.
4. Palsani.as. au. C. XXL
286
AT MÈNES.
Odéon de Régilla. On sait que, chez les Grecs comme chez les
Romains, on donnait le nom d’Odéon, Odeum^, à un édifice couvert,
destiné aux représentations musicales , * aux répétitions et aux concours
dramatiques, et probablement aussi aux spectacles d’hiver 2.
Pendant plusieurs siècles, l’Odéon d’Athènes avait été méconnu; un
anonyme qui le vit en 1460 l’appela palais de Léonidas et de Miltiade
et école d’Aristote; en 1575, Théodore Zygomalas, écrivant au professeur
Martin Kraus, le nomme école d’Aristote et de Miltiade; en 1665, Simon
Rabin le prenait pour l’Aréopage; l’Anglais Rernhum venu à Athènes
en 1675, peu de temps avant Spon, crut enfin y reconnaître un théâtre,
mais il en fit le théâtre de Bacchus ; Spon etWheler, et après eux Fanelli,
Stuart et Revett, Leroy et Legrand adoptèrent la même erreur. Chandler
le premier nomma cet édifice théâtre d’Hérode Atticus, mais il se trompa
en cela qu’il le crut bâti sur l’emplacement de l’Odéon de Périclès.
L’Odéon d’Athènes^, situé au sud de l’Acropole, au-dessous du temple
de la Yictoire Aptère et des Propylées, avait été construit au milieu du
second siècle de notre ère par Hérode Atticus^, qui, lui donnant le
nom de Régilla, avait ainsi consacré le souvenir d’une épouse chérie
1. De wÔTQ, contraction d’àotSiQ, chant, de ifow, chanter.
2. Ne hieme voluptas impudica frigeret...
« De peur que l’hiver les impudiques plaisirs fussent troublés par le froid. » ^
Tertuluen. Apol. C. VI.
3. Plan de l’Acropole D'.
4. Tibère-Claude-Hérode Atticus, rhéteur grec, naquit à Marathon vers l’an 110 après J.- G., d’une
riche et ancienne famille. Son père avait légué en mourant une mine (86 fr. 94 c.) à chaque citoyen
d’Athènes, et n’en avait pas moins laissé à son fils une fortune considérable, que celui-ci accrut
encore. Voici en quels termes Spon (T. II, p. 215) rend compte de l’origine de ces richesses :
« Atticus, père d’Hérode, vivait en particulier à Athènes dans une fortune très-médiocre; mais,
ayant trouvé un grand trésor dans une maison qu’il possédait proche du théâtre, il devint tout d’un
coup fort riche. Sa prudence ne le céda pas à son bonheur, car, appréhendant que cela ne vînt à être
sceu et que, par l’obligation qu’ou a de rendre les trésors qu’on a découverts aux souverains, il ne
retombât dans sa première nécessité, il écrivit en ces ternies à l’empereur Nerva : « Seigneur, j’ay
« trouvé un trésor dans ma maison. Qu’ordonnes-tu que j’en fasse? » Le prince lui fit réponse en
ces termes : « Use de ce que tu as trouvé. » Néanmoins, Atticus craignant encore qu’on ne lui fist
quelque affaire, veu l’importance de la chose, écrivit une seconde fois à l’empereur et lui avoua que
ce trésor surpassait beaucoup la condition d’un homme privé. Mais l’empereur lui répondit avec la
même générosité : (( Abuse même, si tu veux, du gain inopiné que tu as fait, car il est tien. » De
cette manière, il devint très-puissant et épousa une femme fort riche. »
Loin de s’abandonner au plaisir, à l’oisiveté que lui permettait l’héritage paternel, Hérode Atticus
étudia sous les principaux rhéteurs de son temps, Scopelianus, Favorinus, Secundus et Polémon ;
il fut lui-même précepteur de Marc-Aurèle et de Lucius Vérus. Il avait écrit divers ouvrages qui ne
ODÉON DE IIÈGILLA. 287
dont il déplorait la perte, et qui avait appartenu à l’une des premières
familles de Rome'’^.
Cet édifice, à l’époque des invasions des Barbares, devint une espèce
de forteresse où les habitants se réfugièrent sous la protection de l’Acro¬
pole. Ce fut d’après un ordre de Yalérien que, pour la première fois,
on commença à le transformer en ouvrage de défense 2. Depuis, plusieurs
Vue extérieure de TOdéon.
générations n’avaient cessé de l’habiter, et des ruines entassées sur des
ruines avaient à l’intérieur élevé le terrain à une hauteur de plus de
sont point parvenus jusqu’à nous; quelques fragments qui lui sont attribués ont pourtant été publiés
àLcipsigen 1801.
Aulu- Celle cite un grand nombre de mots et de dissertations qu’il dit avoir recueillis de la
bouche même d’Hérode Atticus, qu’il qualifie toujours d’homme consulaire, vir consularis.
Archonte en 137, consul en 143, il se retira de la vie politique et employa ses immenses richesses
à l’embellissement de la ville d’Athènes. Après avoir vécu sous les règnes de Nerva, Trajan, Adrien,
Antonin le Pieux et Marc-Aurèle, il mourut en 180.
1. « L’Odéon de Fatras est, sous tous les rapports, le plus beau qu’il y ait dans la Grèce, excepté
celui d’Athènes qui est bien au-dessus pour la grandeur et la magnificence; c’est un Athénien nommé
Hérode qui l’a fait ériger pour honorer la mémoire de sa femme que la mort lui avait enlevée. Je n’ai
point parlé de cet Odéon dans ma description de l’Attique, parce qu’elle était terminée avant qu’Hé-
rode eût commencé cet édifice. » Pausanias. Achaïe. G. XX.
« Hérode offrit aux Athéniens le théâtre de Régilla, ayant un plafond de cèdre; ce monument était
enrichi de nombreuses statues. » Phii.ostuate. Vie eVHérode.
« Hérode construisit, pour les Athéniens, un théâtre couvert, Oéavpov uTiw^ôptov. »
Suidas. Lex.
2. ZosiME. L. I, c. 29. — ZoNARAS. L. XII, c. 23.
ATHÈNES.
13 mètres au-dessus du sol antique et jusqu’au niveau du second étage
des arcades visibles cà l’extérieur.
C’est un de ces arcs qui servit de passage au général Fabvier, lors-
qu’en 1825 le célèbre philhellène pénétra dans l’Acropole, bloquée par
les Turcs. L’Odéon était devenu une sorte d’ouvrage avancé dont ses
arcs étaient les créneaux. Il y a peu d’années encore, les ruines de la
fl
scène ^ CABC étaient seules visibles 2, et tout l’intérieur de l’édifice était
encore caché sous des décombres dont la masse était évaluée à plus
de 20,000 mètres cubes
Le 21 janvier 1857, des travaux de déblayement ont été entrepris
par ordre du roi Othon, et conduits activement sous l’intelligente direc¬
tion de M. Pittakis, l’infatigable conservateur des antiquités d’Athènes,
et déjà, en avril 1858, l’intérieur de l’Odéon avait reparu au jour presque
dans son entier, ou au moins dans un état de conservation suffisant
pour qu’on pût parfaitement se rendre compte et de sa disposition et
de sa magnificence.
1. Le théâtre antique se composait de deux parties principales, dont les autres n’étaient que les
subdivisions : la partie semi-circulaire, appelée le xoD.ov, le creux ou l’hémicycle réservé aux spec¬
tateurs, et la partie rectangulaire , o-xrivri , la scène, destinée à la scène proprement dite et à ses
dépendances,
2. En 1848, quelques fouilles y avaient été faites par les soins de M. Pittakis, aux frais de la So¬
ciété archéologique d’Athènes.
3. Dans cette masse figurait pour environ mille mètres cubes une immense quantité de coquillages
dont la présence est bien difficile à expliquer. On ne peut l’attribuer qu’à l’emploi qu’on en fit pour
combler quelque vide.
ODÉON \)\i KÉGILLA.
”289
(( Dans la marche successive des travaux, dit M. Christopoulos l’on
a pu s’assurer d’une manière certaine, aussi bien par la différence des
couches que par la découverte des monnaies appartenant à différentes
époques, cpie cette masse de ruines et de terres est due à cinq différentes
catastrophes arrivées sans doute à de longs intervalles, depuis les siècles
les plus reculés de la période byzantine jusqu’aux temps de la domi¬
nation turque. Mais la forme, la nature et la place de ces ruines témoi¬
gnaient assez clairement de la misérable situation des générations qui
y ont vécu et causaient à tout observateur un sentiment à la fois triste
et consolant, en établissant un contraste frappant entre les jours heureux
où nous vivons, et ces siècles de pleurs et de désespoir, heureusement
bien éloignés de nous, où les hommes étaient forcés de se. cacher dans
les entrailles de la terre, et de changer les chefsrd’ œuvre mêmes de
l’antiquité en moyens de défense contre la férocité de leurs semblables. »
Le même rapport signale une grande cpiantité d’objets trouvés pen¬
dant le cours des travaux ; outre de nombreuses inscriptions qui ont été
publiées dans le Journal archéologique dirigé par M. Pittakis^, les prin¬
cipaux sont de grandes jarres de terre cuite, des dollar et d’autres
vases de diverses époques; d’énormes chevilles de fer longues de 0'“,30,
des anneaux oblongs de même métal, des masses de bois de cèdre
calciné et plusieurs tuiles coloriées et couvertes d’ornements analogues
à ceux des briques de l’ancien Parthénon : tous ces objets doivent avoir
fait partie de la toiture ; une énorme bombe encore pleine de poudre,
probablement l’une de celles que Morosini et Kœnigsmark lancèrent
contre l’Acropole; différentes sculptures, telles qu’une tête de femme
peu remarquable par la beauté du travail, mais dont les cheveux sont
dorés et les sourcils peints, et dont les yeux d’émail ou d’autre matière
avaient été arrachés ; une base portant quelques traces d’une longue
tunique, tunica talaris, indiquant une statue de femme, peut-être celle
1. Exposé succinct présenté au roi en octobre 1857 par M. Christopoulos, ministre de l’instruction
publique, sur l’état des fouilles faites jusqu’à ce jour dans l’intérieur de l’Odéon.
2. ’Ecprijaepi; 'Apyaioloyiv.ri.
3. Plusieurs de ces tuiles portent ce monogramme qui paraît se composer des lettres 0H et P,
probablement initiales du mot ©eaipov et des noms d’Hérode et de Régilla, à moins que l’H et le P
ne soient seulement les deux premières lettres du nom d’Hérode.
4. On pense que ce toit fut incendié lors de la troisième invasion des Goths sous la conduite
d’Alaric, en 402, (Zosime. L. V, c. 5. )
19
290
ATHÈNES.
que surmontait la tête aux cheveux dorés, trouvée non loin de là; une
statue sans tête, renversée, ayant à ses pieds une cassette taillée dans
le même bloc avec sa serrure, ses charnières et la corde croisée qui
paraissait l’attacher; un assez grand nombre de cippes funéraii-es qui,
apportés du cimetière, du 7ro)^uav^piov , avaient servi de matériaux aux
maisonnettes construites dans l’enceinte de l’Odéon; des fragments d’ar¬
chitecture, colonnes, chapiteaux, corniches, etc., dont plusieurs étaient
tombés de l’Acropole, etc. Enfin, vers la partie orientale du monument,
on reconnut les restes d’une petite chapelle chrétienne, à des traces de
peintures représentant des images de saints; on y trouva quelques débris
d’une croix de bronze, un phylactère ou amulette portant l’image de la
Vierge, une médaille de même métal avec une croix, deux monnaies
de Constantin le Grand; enfin, un vase de terre que les ouvriers bri¬
sèrent croyant y trouver un trésor, et qui ne contenait que des ferrailles
agglomérées par la rouille.
Les constructions de la scène avançaient de 22 mètres vers le sud
en avant de ce qui subsiste encore, ainsi que l’indiquent plusieurs
grandes pierres restées en place et qui durent appartenir au soubasse¬
ment de la muraille qui formait la façade. On voit aussi quelques restes
des autres constructions du postscenium B^. Aux extrémités, deux vomi-
toires CG servaient d’entrée aux spectateurs.
La construction de l’Odéon est en belles pierres de taille provenant
des carrières du Pirée, mais plusieurs intervalles avaient été remplis
par des murailles crénelées en blocage, lorsque le monument avait été
transformé en ouvrage de défense.
A l’intérieur, l’hémicycle, le 7.dtlov^, la cavea DD DD, que nous appe¬
lons à tort l’amphithéâtre et qui, destiné au public, est nommé par
Aristophane auvOearp-.a, et par Platon OeaTpoxpaxta, s’appuyait sur la
pente de l’Acropole comme au théâtre de Bacchus; il était garni de
plusieurs rangs de gradins^, séparés en plusieurs ordres ou étages.
1. Le postscenium, ou Ttapacr/tïivia, ôtait composé du deri'ière et des côtés extérieurs de la scène
pi’oprement dite. Derrière lui étaient ordinairement des porticjues, des jardins ou une place
publique.
2. On donne aussi à l’ensemble des gradins le nom d’àvàêaOpov, mais dans un sons moins déter¬
miné, moins spécial, ce mot s’appliquant également à toute réunion de degrés ou de constructions
quelconques étagées en retraite les unes au-dessus des autres.
3. 'ESwXia et parfois aussi àvâpa6p,oi, pàÔpa ou sSpau Por.i.ux. Onom. L. IV, c. 19, §1.
ODÉON DE RÉGILLA.
291
par des passages également semi-circulaires, appelés prœcinc-
liones, ceintures, nom que l’on donne aussi parfois abusivement aux
étages de gradins, appelés plus régulièrement hémicycles, -/îy.uujclia, en
grec, et mæniana en latin.
Le premier hémicycle EEE était composé de dix-huit gradins^ de
marbre gris de l’Hymette, qui ont été protégés par les décombres qui
les recouvraient-; mais dans la partie supérieure de l’édifice, les marbres
avaient disparu depuis longtemps, enlevés et mis en pièces pour faire
de la chaux, ou employés à la construction des murs de l’Acropole au
moyen âge et sous la domination turque.
M. Pittakis^ évalue à .10,000 le nombre des spectateurs qui pouvaient
prendre place sur les gradins de l’Odéon, mais Leake croit que ce
nombre ne pouvait pas dépasser 8,000. Le plus grand diamètre de l’édi¬
fice, suivant Leroy, est, hors œuvre, de2â7 pieds (80'", 235).
Dans les théâtres grecs, chaque classe de citoyens avait ses sièges
distincts. Les premiers rangs étaient occupés par les agonothètes par
les généraux d’armée, par les magistrats et par les prêtres®; les citoyens
aisés occupaient les rangs intermédiaires, et le commun du peuple,
Vignobile vulgiis, était relégué aux places les plus élevées^.
A l’Odéon d’Athènes, l’orchestre F était entouré d’une sorte de banc
1. Legrand ne donne en tout que vingt gradins à l’Odéon; mais, de son temps, cet édifice n’avait
pas encore été fouillé.
2. L’état de conservation de«ces gradins indique qu’ils ont servi peu de temps; les escaliers mômes
sont loin d’être usés comme les degrés des autres édifices antiques d’Athènes.
3. L’Ancienne Athènes.
4. Topographij of Athens.
5. Nous sommes obligé do répéter ici un passage de Lucien que nous avons déjà cité en partie
mais où nous trouvons l’indication de la place occupée par les agonothètes.
« Lycincs : Est-ce que tu t’es assis quelquefois près des agonothètes? »
« Hermotimus : Oui; par Jupiter! dernièrement, aux jeux olympiques, j’étais à la droite des
iiellanodices. »
« Lycinus ; Alors, tu as vu de près plus que personne. » Lcciex. Hermotimus.
0. Pollux (L. IV, c. 19, § I ) donne à ces places privilégiées le nom de partie sénatoriale du théâtre,
p.Éfo; pou),£UT’iy.àv.
« Ci.Éox : J’en jure par la préséance que m’a value l’affaire de Pylos. »
« Le charcutier : Ta préséance? Que j’aurai de joie de te voir déchoir de ta préséance pour passer
aux dernières places du théâtre! » Aristoph. Les Chevaliers.
7. Dans les théâtres romains, les patriciens, les plébéiens, les femmes furent longtemps confondus
sans aucune distinction; ce ne fut que par la loi Roscia, portée l’an de Rome 085 (68 avant J.-C.),
292
xVTHÈNES.
d’honneur a a a, dont le dossier était taillé dans le même bloc^ Derrière
lui régnaient un passage b de 0'",60 de largeur et un degré de 0'",20
de hauteur et 0'",40 de largeur qui servait seulement de marchepied,
ÙTîoTco^iov, scabellum, suppedanewn, aux spectateurs assis sur le premier
rang des gradins qui ne commençaient que là.
Les gradins EEE, élevés de 0'",à3, avaient 0’",75 de profondeur.
Cette surface était divisée en deux parties A et B. La première, large
de 0‘",35, servait de siège; la seconde, plus basse de 0'",03 et large
Coupe des gradins.
de 0‘",à0, recevait les pieds du spectateur assis sur le gradin supérieur.
Les escaliers, •/-liij.a/.e;, itinera ou scalœ ccc, c^ui conduisaient aux divers
gradins, étaient au nombre de six, et deux de leurs marches étaient
taillées dans chaque gradin.
Le premier hémicycle ou mœniariu7n se trouvait ainsi divisé par ces
escaliers rayonnant autour de l’orchestre en cinq parties E, ciue leur
forme avait fait appeler par les Grecs navettes, et par les
Romains cunei, coins.
Le gradin supérieur portait un petit dossier yéservé dans le même
bloc. La largeur de la précinction d qui surmonte le premier hémicycle
est de 2'", 20, et le mur de tuf, balteus, sur lequel repose le premier
gradin du second hémicycle, gradin sur lequel personne ne devait
prendre place, n’a pas moins de i mètre de hauteur 2. Cette surélévation
était nécessaire pour conserver à l’ensemble des gradins, malgré la
largeur de la précinction, une inclinaison uniforme qui permît à tous
que fui commencée la réforme complétée plus tard par Auguste, réforme qui assigna une place spé¬
ciale à chaque classe de spectateurs. (Voy. Pompeia. édit., p. 163.)
Cf. Valère Maxime. L. II, c. 4, p. 3.
1. Dans l’Odéon de Pompéi, au lieu d’un seul banc privilégié, il y avait autour de l’orchestre
quatre gradins dont le dernier était également surmonté d’un dossier.
2. Nous avons constaté la même disposition au théâtre d’Argos, dans le Péloponèse.
ODÉON DE RÉGILLA.
293
de jouir également du spectacle. Sur une pierre dressée à cet étage,
on lit cette inscription :
EKATAPISOH AAIIANHI
BASIAIKHI 1857
« Déblaya aux fraD du roi. :>
1857.
On y voit également rembouchure de plusieurs citernes creusees dans
le roc sous les gradins.
Le second hémicycle D ayant nécessairement un développement beau¬
coup plus grand, cinq escaliers i avaient été ajoutés entre chacun de
ceux qui partaient du gradin inférieur. Les escaliers étaient donc, au-
dessus de la seconde précinction, au nombre de onze, divisant l’hémi¬
cycle en dix portions ou coins D.
Dans cette partie du monument, les gradins ont entièrement disparu ,
mais il est facile de reconnaître qu’on en devait compter neuf portés soit
par le roc , soit par des substructions en blocage.
Enfin , le monument était couronné par une galerie G, fermée par un
gros mur semi-circulaire H, de grand appareil, sur lequel, sans doute,
reposait le toit, dont la charpente était de bois de cèdre
Chez les Grecs, comme chez les modernes, les spectateurs étaient
admis sur la présentation de billets qui indiquaient la place qu ils devaient
occuper, et qui portaient de plus le nom de la pièce que l’on représentait
ou celui de son auteur. Ces billets étaient des espèces de jetons en os, en
en terre cuite ou en bronze, cpie l’on nommait rscr^aps;, tesserœ. Deux des
tessères trouvées à Pompéi représentent d’un côté une espèce d édifice
cjui doit être un théâtre; on lit au revers sur l’une : xii A12XYAOT IB
(xii, d’Eschyle, xii) ; sur l’autre : xi HMIKYKAIA AI (xi, hémicycle,
xi) , le chiftre se trouvant ainsi répété sur chacune en caractères grecs
et romains 2.
Y KÉO^OU SuvôïktYiv ôpoï)f|V. Piin.osTRATE. Vie d’IIérode,
2. IB et IA représentent, en chiffres grecs, la valeur des chiffres romains XII et XI.
294
ATHÈNES.
En Grèce, le spectacle était quelquefois gratuit^, mais, le plus ordi¬
nairement, les spectateurs payaient leurs places ^ , qu’ils pouvaient,
comme chez les modernes, faire retenir d’avance^. Le prix ordinaire
d’entrée au théâtre était d’une drachme (90 c.) ; plus tard, il fut réduit
à deux oboles (30 c.) Périclès, pour se rendre populaire, ordonna
qu’on tirerait de la caisse publique une certaine somme allouée à l’entre¬
preneur pour l’indemniser des places occupées gratuitement par les
citoyens pauvres.
Les cinq ou six rangs inférieurs de l’hémicycle se trouvaient, comme
le parterre chez les modernes, au-dessous du niveau du plancher de la
scène, dont ils étaient séparés par l’orchestre, qui était la partie semi-
circulaire comprise entre le y-oîXov ou cavea et la ligne du proscenium ou
avant-scène. Selon Barthélemy^, il n’était permis à personne de se tenir
dans cet orchestre, V expérience ayant appris que s’il n était pas absolu¬
ment vide, les voix se faisaient moins entendre. Ceci est évidemment
une erreur c|ui a échappé à l’illustre antiquaire ; s’il est vrai qu’aucun
spectateur ne prenait place dans l’orchestre, il ne s’ensuit pas c{ue cette
partie du théâtre restât absolument vide. L’étymologie même de son
nom dement cette assertion. Le mot orchestre^ opy/jarpa, vient du verbe
6py£0[y,at, danser; il est donc positif que dans certains cas des danses
étaient exécutées dans l’orchestre®.
Au milieu de celui-ci était la thymèle'^ , autel ou plate-forme
1. « Il ne va au spectacle avec ses enfants que lorsqu’il y a une représentation gratuite. »
Théophraste. C. XXX. Du Gain sordide.
2. « 11 ne permet pas à ses enfants d’aller à l’amphithéâtre avant que les jeux soient commencés,
et lorsque l’on paye pour être placé; mais seulement sur la fin du spectacle et lorsque l’entrepreneur
-néglige les places et les donne pour rien. » Théophraste. C. XI. De l’Impudent.
3. « Une autre fois, sur l’argent qu’il aura reçu de quelques étrangers pour louer leurs places au
théâtre, il trouve le secret d’avoir sa place franche au spectacle et d’y envoyer le lendemain ses
enfants et leur précepteur. » Théophraste. C. IX. De l’Effronterie causée par l’avarice.
4. Démosth. Olinth. III.
5. Voyage d’Anacharsis. C. LXX.
0. La profession de danseur ne pouvait être exercée que par des citoyens libres et honorables,
uoXTvai ; si un étranger se joignait aux chœurs de danse, le chorége était puni d’une amende de
1,000 drachmes. L’étranger dénoncé pour ce fait par le chorége était condamné par l’archonte à
oO drachmes pour la première fois, et 1,000 drachmes pour une seconde contravention. Nul ne pou¬
vait prendre part à la danse, quoique citoyen, s’il avait été noté d’infamie, àtip-ta. (Démosthène. In
Mid. — Plutarque. Phocion.)
7. 0op.£Xïi, de.Ouw, sacrifier . « Par extension, on a parfois employé ce mot pour Yestrade ou l’or-
chesti e destiné aux évolutions du choeur, et môme pour la scène, le théâtre. » Alexandre. Dict. grec.
« Un danseui dont 1 embonpoint était excessif s’efforçait de faire de grands sauts; de grâce!
s’écrièrent les spectateurs, épargne notre thymèle. « ' Lucien. De la Danse.
ODÉON DE RÉGULA.
295
carrée^ où l’on sacrifiait à Bacchus, au commencement du spectacle-.
C’était le point central autour duquel était tracé l’hémicycle. Cet autel avait
des degrés où se plaçait quelquefois le chœur du chant qui pouvait des¬
cendre de la scène par deux petits escaliers m m, ménagés à cet effet dans
le mur du proscenium^. Alors le coryphée montait sur la partie supé¬
rieure de la thymèle, qui était de niveau avec le plancher de la scène.
Millin ^ pense que la thymèle pouvait servir aussi de tribune aux géné¬
raux, aux magistrats qui haranguaient le peuple assemblé dans le théâtre
pour assister à des délibérations sur les intérêts de l’État®. Nous pouvons
supposer également que les poètes^, les philosophes , les rhéteurs, les
sophistes y prenaient place lorsqu’ils convoquaient le public pour juger
leurs vers, leurs discussions ou leurs discours
1. Bw[x6<;, autel, ou 6ri[j.a, estrade, tribune. Pollox. Onom. L. IV, c. 19, §> 1.
2. La thymèle n’existait pas dans les théâtres romains, dont l’orchestre contenait des sièges pour
les sénateurs, les magistrats, les vestales, etc. ; aussi l’orchestre était-il plus éleve et plus i approche
du niveau de la scène.
3. « Anciennement, les mêmes acteurs chantaient et dansaient à la fois* mais, par la suite, on
s’aperçut que, pour respirer, les danseurs interrompaient leur chant, et 1 on crut qu il valait mieux
que d’autres chantassent pendant qu’on danserait. » Lucien. De la Danse.
Les chanteurs qui prenaient place sur la thymèle étaient appelés thymelici, 6op.£).ixoi, poui les
distinguer de ceux qui occupaient la scène et que l’on nommait scenici, «ntrivtxoï.
4. « La scène est réservée aux acteurs et l’orchestre au chœur..) Pollux. Onom. L. IV, c. 19, § 1.
« Décimus Labérius, chevalier romain, joua ses mimes; il reçut de César un présent de oOO ses¬
terces et un anffeau d’or; et, en sortant de la scène, il passa par l’orchestre pour aller s’asseoir dans
les bancs des chevaliers. » Suétone. Vie de Jules César.
5. Dictionnaire des beaux-arts, au mot Ouchestre.
6. On recevait les ambassadeurs étrangers au théâtre. En l’an de Rome 471, les Tarentins y reçu¬
rent les envoyés du sénat romain, suivant l’usage des Grecs, ut est consuetudo GræcicB, ditValère
Maxime (L. II , c. 2 ).
Parfois aussi les causes importantes étaient jugées par le peuple assemblé dans le théâtre. Cest
là que furent condamnés Phocion et ses compagnons. « Encore fut la façon dont on les mena ignomi¬
nieuse; car on les traîna dessus des charioits tout le long de la grande rue Céramique, iusques au
théâtre, là où Clitus les tint tant que les magistrats eussent fait assembler le peuple, sans forclore
{exclure) de ceste assemblée ni serf, ni estranger, ni homme noté d’infamie, ains laissant le théâtre
ouvert à tous et à toutes de quelque condition qu’ils fussent. » Plutarque. Vie de Phocion.
7. C’était sans doute du haut de la thymèle que le poète Philémon avait commencé la lecture
d’une comédie que la pluie interrompit et que la mort subite, qui le frappa pendant la nuit, ne lui
permit pas d’achever le lendemain. (Apulée. Flor. XVI.)
8. « Les sophistes annonçaient un discours comme aujourd’hui un musicien voyageur annonce un
concert, et les peuples accouraient de toutes parts pour les entendre et leur pajer généreusement le
plaisir qu’ils procuraient. » Boissonade. Biogr. Michaud. Art. Lucien.
C’est en effet à ce métier, dont on retrouverait encore aujourd’hui quelque trace en Aiigleteire,
que Lucien gagna une fortune considérable, en parcourant l’Asie Mineure, la Grèce, 1 Italie et les
Gaules.
« Anaxandride parut un jour à cheval ani théâtre d’Athènes pour y réciter un dithyrambe et une
partie de sa tragédie de Thérée. » Athénée. Deipnos. L. IX.
296
ATHENES.
L’orchestre F de l’Odéon d’Athènes était parfaitement semi- circu¬
laire; il avait 18'", 80 de diamètre. Son dallage est en carreaux de
marbre noir d’Éleusis, de 0'",57 de large. Sous celui-ci s’étendait une
vaste citerne.
Aux côtés du proscenium s’ouvraient deux grands vomitoires GG,
c[ui, faisant coude, débouchaient par huit degrés parfaitement conservés
aux deux extrémités de la façade méridionale du monument. Ils étaient
dallés comme l’orchestre, et, à leur entrée dans celui-ci, étaient décorés
de grands pilastres de marbre c|ui subsistent encore en partie.
La scène, Gxr.vTi, construction rectangulaire, AB, qui faisait face au
xo’Aov, à l’hémicycle, comprenait le proscenium, V hyposcenium, la scène
proprement dite, et le postscenium.
Le proscenium, xpoaxviviov, A, ne correspondait que fort imparfaitement,
malgré son nom, à ce que nous appelons aujourd’hui avant-scène. Au
devant était une plate-forme avançant sur l’orchestre, \e pulpitum, oxpiêaç,
estrade, ou Xoyerov, endroit où l’on parle, et qui serait chez les modernes
l’espace compris entre le rideau et la rampe ; c’était sur le proscenium
et le pulpitum que s-e tenaient les acteurs. Le petit mur qui soutenait le
plancher du pulpitum, du coté de l’orchestre, était revêtu de grandes
dalles de marbre ornées d’élégantes moulures. Dans ce mur, aux extré¬
mités de l’arc de l’orchestre, étaient les deux petits escalier^ de quatre
marches, mm, dont nous avons parlé
L’ hyposcenium, uto(7x.-/]viov ou u7i:oGx//]via, était le dessous du théâtre, qui,
comme chez nous, restait vide pour les apparitions, les descentes sous
terie, etc. On lui donnait aussi le nom de hronteium, Ppovreiov, parce c{ue
c était là qu étaient places les vases d’airain remplis de pierres que l’on
agitait pour imiter le bruit du tonnerre, Ppovxn'. U hyposcenium est encore
parfaitement reconnaissable à l’Odéon d’Athènes.
Le haut de la scène, que nous appelons les frises , était nommé épi-
scenium, eTULG/tviviov, et servait, comme chez nous, aux changements de
décorations, aux descentes de gloires, etc.
1. « On voit, éciivait Cliandler en 17G5, dans la muraille du proscenium, une petite niche ou
cavité dont l’entrée est fort basse. Les derviches ont au-dessous un teckeh, ou lieu d’adoration, et une
chambre dans laquelle tout Turc condamné à être étranglé trouve ordinairement une corde d’arc
pour cet office. » Voyage en Grèce. T. II, p. 430.
ODÉON DE RÉGILLA.
297
La scène, iryz/fwi II, correspondait à notre toile de fond, avec cette dif¬
férence que c’était une construction solide, embellie des plus riches orne¬
ments de l’architecture^. Sa largeur était ici de 75. La distance
qui la séparait du mur du pulpüum était de 8'", 20, mais ses décorations
en saillie réduisaient l’espace réservé aux acteurs à 5 mètres seule¬
ment.
La scène, comme à l’ordinaire, présentait trois portes au fond et une
en retour à chaque bout. La porte du milieu l, plus grande que les
autres, s’appelait la porte royale, tituXvi ^ixaiki'A-/i ^ aida regia, parce qu’elle
était censée conduire au palais du protagoniste, du personnage principal
chez lequel le drame se passait. Les deux portes plus petites nn, qui
accompagnent celle-ci, étaient les ^evixai Tuu^ai, les hospitales, ainsi nom¬
mées parce qu’elles servaient aux hôtes et aux étrangers. Celle de droite
était réservée au second personnage ou deuter agoniste, et celle de gauche
au menu peuple; souvent aussi cette dernière était censée conduire à la
prison 2. Entre ces portes étaient huit niches alternativement rondes et
carrées séparées par des pilastres et des demi-colonnes.
Enfin, les deux portes oo, percées dans les versurœ, murs en retour
qui, aux extrémités de la scène, circonscrivaient l’espace réservé à l’ac¬
tion, étaient supposées conduire l’une au port ou à la ville,’ l’autre à la
campagne^. Entre chacune de ces portes et le vomitoire voisin était une
niche destinée également à recevoir une statue.
Les constructions B, qui s’étendaient derrière la scène, mais dont, ainsi
cjue nous l’avons dit, il reste peu de traces, composaient le postscenium,
T:apac>i-/;via, lieu OÙ les acteurs s’habillaient et où se préparait tout ce c{ui
était nécessaire aux représentations ; c’était aussi ce que les anciens nom-
1. « Dans le principe, la scène n’avait d’autre ornement que ces colonnes, ces bas-reliefs, ces
statues qui étaient établis à demeure. Un artiste, nommé Agatharcus, conçat l’idée des décorations
du temps d’Eschyle, et, dans un savant commentaire, il développa les principes qui avaient dirigé
son travail. Ces premiers essais furent ensuite perfectionnés, soit par les efforts des successeurs
d’Eschyle, soit par les ouvrages qu’Anaxagore et Démocrite publièrent sur les règles de la perspec¬
tive. Les anciens avaient aussi poussé assez loin l’art du machiniste. »
Pompeta. 2® édit., p, 171.
2. PoLLüx. 0mm. L. IV, c. 19, § 1.
3. Six têtes imitant le style égyptien, trouvées dans les fouilles de l’Odéon, ont pu appartenir aux
statues qui ornaient ces niches. On sait que ces imitations avaient été mises à la mode par Adrien
à son retour d’Égypte, témoin les nombreuses figures de ce genre trouvées à sa villa de Tivoli.
4. PoLi.ox. 0mm. L. IV, c. 19, § 1.
298
ATHENES
niaient yop'/iytov, choragîum , et que les modernes appellent le magasin
des accessoires
Ces constructions occupent un espace tellement étendu c^ue nous
sommes porté à croire qu’il pût s’y trouver une cour intérieure, comme
celle qui existe au grand théâtre de Pompéi entre le mur de la scène et
le porticiue qui devait former la façade dé l’Odéon.
Fontaine Calliriioé. En se dirigeant de ce monument vers le Stade
ranathénaïque, et laissant à gauche le temple de Jupiter Olympien, on
se trouve bientôt sur le bord de l’Ilissus, cette rivière qui n’a d’eau que
lorsqu’elle en reçoit de quelque pluie abondante ou de la fonte des neiges
du mont Hymette^. Un peu en amont d’un pont moderne, et au-dessous
de deux rochers qui ne livrent à l’eau qu’un étroit passage, se trouve la
Fontaine Callirhoé.
fontaine Callirhoé si souvent citée par les anciens auteurs. Son nom
fut changé en celui. d'Enneacrunos lorsque Pisistrate, réunissant ses
1. L’ensemble des accessoires était aussi parfois désigné sous le môme nom. Voy. Festus. s. v. —
Capt. Prol. 60.
Pour les détails des accessoires, voy. Pollux. Onorn. L. IV, c. 19, 1.
2. Pompeia, 2*^ édit., p. 181.
3. Ubi per graciles lenis Ilissus,
Ut Mœander, super œquales
Labilur agros, piger, et stériles
Amne maligno radil arenas.
« Dans ces lieux, où, d’un cours égal et paisible, l’Ilissus, semblable au Méandre, promène ses eaux languis¬
santes et mouille à peine un sable aride. » Sénèque. Ilippolyle. V. 13-16.
4. KaX),tppori, de xaXo;, beau, et psw, couler ; fontaine au beau cours, aux belles eaux.
5. ’Evveàxpouvo:, à neuf bouches, à neuf tuyaux, d’èvvéa, neuf, et xpoovoç, tuyau, conduit.
« Vous savez. Timon, qu’un peu de pain me suffit, que mon meilleur repas c’est du thym, du
cresson, assaisonné d’un peu de sel, quand je veux me régaler, et que ma boisson est puisée à la
fontaine aux neuf bouches. » Lucien. Timon le Misanthrope.
TEMPLE SUR L’ILLSSUS
299
eaux, les fit jaillir par neuf tuyaux^, et la décora d’une façade monu¬
mentale et de statues qui ont entièrement disparu. Six des bouches de la
fontaine sont même recouvertes, et trois seulement sont encore visibles.
Temple sur l’Ilissüs. Remontant la rive gauche de l’Ilissus, on laisse
à droite le site d’un petit temple ionique, sans doute celui que Pau-
sanias^ dit avoir existé près de la fontaine Enneacrunos, et avoir été con¬
sacré à Triptolème. Ce temple avait été converti en une église sous
l’invocation de Notre-Dame-sur-le-Roc , llavayia tlç t/iv Tirexpav, mais l’église
elle-même avait été abandonnée avant la fin du xvii* siècle. Stuart a
Temple sur ITUssus,
donné de ce qui subsistait de son temps un dessin que nous reproduisons
ici^, afin de conserver le souvenir d’un édifice dont aujourd’hui toute
trace a disparu.
1. « Près de l’Odéon {celui de Périclès) est la fontaine Enneacrunos, qui a été ainsi décorée par
Pisistrate. » Paüsanias. Ait. C. XIV.
« Près de là est aussi la fontaine appelée Enneacrunos, ou des neuf tuyaux, d’après la manière
dont elle avait été embellie par les tyrans {les Pisistratides); mais auparavant, lorsqu’on voyait
toutes ses sources, elle se nommait Gallirhoé. On se servait de ses eaux pour les usages les plus
solennels; et c’est de l’antiquité que vient la coutume, encore en vigueur aujourd’hui, d’y puiser
pour les cérémonies qui précèdent le mariage et d’autres usages religieux. »
THUCYmuE. L. II, § 15.
2. Att. C. XIV.
3. Nous avons dû faire à ce dessin une correction et substituer un chapiteau ionique au chapiteau
dorique que, par erreur, le graveur a donné à la colonne d’angle du temple. Ce changement est
d’ailleurs complètement justifié par les planches de détails consacrées par Stuart à la description
du temple.
300
ATHÈNES.
Dans rilissus est un îlot sur lequel l.eake croit que s’élevait V Eleusi-
nion, ou temple de Gérés et de Proserpine
Bientôt on arrive aux ruines du Stade, situées, comme le temple de
Triptolème, sur la rive gauche du fleuve.
Stvde. Le Stade, S-ra^iov, était une arène pour la course à pied 2,
ainsi nommée parce que sa longueur était de 600 pie.ds grecs, ou
kOO coudées (185 mètres) . C’était là aussi qu’avaient lieu les divers
exercices des athlètes. Souvent les stades étaient des dépendances des
gymnases, souvent aussi ils étaient isolés.
Dans son ordonnance générale, le stade se rapprochait beaucoup de
l’hippodrome grec, l7r7ro^poy.oç, et du cirque romain, circus, destinés l’un
et l’autre aux courses de chevaux et par conséquent beaucoup plus
vastes'"^. Tous avaient la forme d’un fer à cheval fort allongé, entouré de
toutes parts, excepté du coté rectangulaire, de gradins creusés dans la
montagne ou soutenus soit par une levée de terre, ycôy,a, soit par des
constructions de pierre ou de brique.
L’extrémité semi-circulaire de l’arène, du ^pop;, portait le nom de
Sphendone, Gçev^ovv), commun à tout ce qui, en architecture, avait la
forme semi-circulaire , voûte , arcade , etc. Les gradins étaient, comme
dans les théâtres, divisés par des escaliers permettant d’arriver aux
diverses places, et quelquefois partagés en deux étages, mœniana. par
une précinction. Plusieurs stades existent encore plus ou moins conser¬
vés; on en trouve à Cibyra (aujourd’hui Buraz) en Lycie, à Laodicée
[Eski-Iiissar) en Phrygie, à Alexandria Troas (Eski-Stamboid) dans la
Troade, à-Éphèse en Ionie, à Portas Schœnus [KalamaJa) en Corin-
thie, etc.
Le Stade d’Athènes , situé dans le quartier extra rauros , appelé
Âypai, Agræ, les Chasses, et orienté à peu près du nord au sud, portait
le nom de Panathénéen ou Panatliénaïque, parce que c’était de son
enceinte que partait la grande procession des Panathénées, il fut con-
1. Paus.^nias. Att. C. XIV.
2. « La course du stade était le plus ancien exercice de ceux qui se célébraient à Olympic; ils
furent en partie imités dans différents lieux de la Grèce et particulièrement à Athènes. On faisait
aussi quelquefois dans le stade combattre des animaux. Adrien donna dans celui-ci un combat de
mille bêtes féroces en un jour. » Leroy. Ruines des plus beaux monuments de la Grèce.
3. L’hippodrome le mieux conservé est celui de l’antique Apbrodisias ou Mégalopolis (aujourd’hui
Gueira), dans la Carie, Asie Mineure.
Voy. nos Monuments de tous les peuples. T. I, pl. 49.
STADE.
301
struit pour la première fois au même lieu et dans la même forme vers
l’an 350 avant Jésus-Christ, par l’orateur Lycurgue, fils de Lycophron.
Cin({ cents ans après, il était en très-mauvais état quand Hérode Atticus,
y ayant reçu du peuple une couronne d’or, pron^t , en présence de tous
les spectateurs, que la première réunion aurait lieu dans un nouveau
stade construit en marbre du Pentélique ^ ; quatre ans après, sa promesse
était accomplie
cl 1
Plan du Stade,
Aujourd’hui, les sièges de marbre, qui paraissent avoir été au nombre
de trente et avoir pu contenir environ 25,000 personnes^, ont tous
disparu'^, mais la cavea entière ABC, c’est-à-dire le talus en fer à che¬
val que les gradins recouvraient, existe tout entière. On avait profité
pour l’établir d’un ancien lit de torrent dont les deux berges, fort éle-
1. Nous avons dit que le père d’Hérode avait légué une mine à chaque citoyen d’Athènes. Son
fils, ayant découvert dans sa succession des dettes considérables, les acquitta avec le montant de ce
legs. Aussi, lorsqu’il reconstruisit le Stade, dit-on qu’il était à juste titre nommé Panathénéen, puis¬
que tous les Athéniens en avaient payé leur part.
2. L’embellissement du Stade par Hérode Atticus précéda la construction de son Odéon. En effet,
si, dans sa description de l’Attique, Pausanias n’a point parlé, comme nous l’avons dit, de l’Odéon
qui n’existait pas encore, il a au contraire mentionné le Stade. « Il serait difficile, dit-il, de faire
partager, par une simple description, le plaisir et l’admiration qu’on éprouve à la vue du Stade de
marbre blanc qui est près de là. Voici ce qui peut faire juger de sa grandeur ; sur les bords de l’ilissus,
s’élève un mont qui forme un croissant, dont les deux extrémités vont rejoindre la rive du fleuve.
Un Athénien nommé Hérode en a fait un stade et y a presque épuisé la carrière du mont Penté¬
lique. » Att. C. XIX.
3. D’autres spectateurs plus nombreux encore pouvaient prendi’e place sur les collines qui domi¬
naient le Stade.
4. On voit encore les quatre gradins inférieurs sur le plan d’Athènes dressé en 1670 par les capu¬
cins français et reproduit par M. L. de Laborde, dans son Athènes aux xv**, xvU et xviff siècles.
Mais quand Leroy visita Athènes cent ans plus tard, le Stade était déjà dans l’état où nous le voyons
aujourd’hui.
302
ATHÈNES.
vées, avaient été régularisées pour recevoir les gradins; mais, aux deux
extrémités, on avait dù suppléer à leur absence par des constructions
dont il existe encore des massifs considérables aux deux bouts AG et au
au centre B du fer à (^leval.
Vue du Stade.
La longueur de l’arène est de 2!20 mètres, et par conséquent de
35 mètres environ de plus que la mesure du Stade olympic[ue, mais cette
différence est facile à expliquer. En tête du Stade étaient nécessairement
quelc|ues constructions abritant les concurrents, quelques salles où ils
se frottaient d’huile ou de poussière avant la course ou la lutte ; ces
constructions occupaient déjà un certain espace. Les coureurs rangés
en avant sur une seule ligne devaient tous avoir la même distance à par¬
courir; aussi le but qu’ils devaient atteindre était-il, non pas l’extrémité
B du Stade, mais la corde a b de l’arc formé par sa partie circulaire,
la ccpev^ov/i, dont nous avons parlé. Ce dernier espace devait donc encore
être retranché de la longueur totale, et on arrivait ainsi à ne plus trouver
qu’un stade exact pour la partie de l’arène cpie les coureurs avaient à
franchir.
A l’est, et vers l’extrémité de l’arène, s’ouvre sous les gradins une
sorte de tunnel D E , dont l’entrée était formée de constructions pres¬
que entièrement écroulées. Ce passage, taillé à travers la colline et faisant
un coude, se dirigeait vers le sud et débouchait dans la campagne^.
C’était par là, sans doute, qu’entraient dans l’arène les chevaux et les
chars qui devaient figurer dans la procession des Panathénées.
1. Pausaiiias mentionne un passage scinblal)lo qui existait au Stade d’Olympic.
PONT SUR L’ILISSUS.
303
Pont. Pour faciliter la sortie de cette pompe et aussi pour otfrir un
passage commode à la foule des spectateurs, en avant, du coté ouvert du
Stade, on avait jeté sur l’ilissus, également aux frais d’Hérode Atticus,
un pont de trois arches, large, suivant Stuart, de 22 à 23 mètres, et
construit en blocage revêtu de grosses pierres de taille de grand appa¬
reil. Sur la vaste plate-forme qu’offrait le tablier du pont, des religieuses
avaient élevé un couvent et une église qu’elles abandonnèrent lorsque les
Turcs se furent rendus maîtres d’Athènes i. Le pont lui-même fut détruit
en 177 A par un gouverneur turc qui employa les matériaux à diverses
constructions, et aujourd’hui il ne reste plus que quelques vestiges» des
deux culées. Le pont avec les ruines du couvent se trouve sur le plan des
Capucins, et il était encore presque dans le même état au temps de
Stuart, qui en a donné un dessin que nous reproduisons à la fin de ce
chapitre.
Sur la rive droite de l’ilissus, de l’autre côté du pont, dans le quartier
des jardins, -/.viTroi, s’élevait le temple des Muses Ilûsiades, dont les der¬
niers restes furent encore vus par Spon et Wheler en 167G.
Dans le même quartier se trouvait le temple de Vénus dans les jardins,
qui renfermait une statue de la déesse, œuvre très-estimée d’Alcamène^.
Sur le sommet des deux collines qui, à l’est et à l’ouest, dominaient le
Stade, s’élevaient deux monuments ; le premier était un temple de la For¬
tune dont il ne reste plus de traces ; le second était le tombeau d’Hérode
Atticus
Tombeau d’Hérode. On sait que ce généreux citoyen avait été enterré
en grande pompe près du Stade dont il avait doté Athènes. Le sommet de
la colline où il fut déposé avait été aplani et transformé en un terre-
plein soutenu par une muraille dont on voit encore quelques restes. Au
milieu s’élevait le mausolée dont quelques entailles dans le rocher indi¬
quent seules l’emplacement.
Temple de Diane Agrotera. Descendant la colline du côté oriental,
on traverse un petit ruisseau qui, lorsque par hasard il n’est pas à sec,
va se jeter dans l’Ilissus; c’est l’Éridan, mentionné par Strabon et Pau-
1. De Laiîorde. Athènes aux xv% xvp et xvip siècles. T. I, p. 78.
2. Pausamas. Att. G. XIX.
3. Plan du Stade, G, p. 301.
4. Ibid., 11.
304
AT H fî NES.
sanias^; bientôt, sur une autre colline moins élevée, à 150 mètres du
Stade, on trouve le site qu’occupait un temple consacré à Diane Acjrœa-
ou Agrotera^. « Cet endroit, dit Pausanias, est, suivant la tradition, le pre¬
mier où Diane ait chassé à son arrivée de Délos ; c’est pourquoi sa statue
tient un arc » Le temple avait été remplacé à une époc|ue inconnue par une
petite église sous l’invocation de saint Pierre crucifié, 2Taupou[j.£vo; nerpo;.
L’église est ruinée à son tour et a perdu sa façade entière; elle était
de style ogival et à une seule nef; ses arcs-doubleaux reposaient sur des
tronçons de colonnes de marbre de l’Hymette, provenant sans doute du
temple. Sous les décombres qui remplissent la nef, se trouvent aussi
quelques restes d’un pavé antique en mosaïque. Chandler dit y avoir
trouvé un chapiteau ionique, mais Stuart est plus croyable lorsqu’il
avance que ce chapiteau est dorique, puiscju’il en a donné le dessin.
1. (( Les fleuves qui arrosent l’Attique sont ITlissus et l’Éridan, qui porte le même nom qu’un
fleuve des Gaules * et se jette dans l’Ilissus. » Pausanias. Ait. G. XIX.
« Par exemple, Callimaque, dans son Recensement des fleuves, traite de ridicule ce que dit un
poëte, « que les filles d’Athènes puisaient l’eau pure de l’Éridan, » eau dont les bestiaux mêmes ne
boiraient pas. » Strabon. Géogr. L. IX, c. 1.
2. De ''A'fça.i, nom du quartier.
3. ’AypoTspa, chasseresse.
i. AU. C. XIX.
* Le Pô, anciennement Eridanus, qui coule dans l’Italie septentrionale, autrefois Gaule Cisalpine.
Pont du stade en 1730.
Tribune du Pnyx,
CHAPITRE VIII
COLLINES.
ARÉOPAGE. COLLINE DES NYMPHES.
IIAIUÏATIONS ANTIQUES. TEMPLE d’hERCULE ALEXICACOS. PNYX.
COLLINE DE MUSÉE. TOMBEAU DE CIMON. PRISON UE SOCRATE
TOMBEAU DE MUSÉE. MONUMENT DE PHILOPAPPUS.
CONCLUSION.
Tombeau do Musée.
les plus curieuses traditions des t
glorieuses institutions de l’antiquité
U sud-ouest de l’Acropole s’élè¬
vent dans la plaine quelques col¬
lines dont plusieurs, telles que
celles des Nymphes et de Musée,
peuvent prescjue rivaliser de hau¬
teur avec elle. A ces collines aussi
se rattachent de grands noms, de
grands souvenirs, et la plus petite
de toutes nous rappelle à la fois
ips héroïques, et l’une des plus
recc|ue.
306
ATHÈNES.
Au pied et à l’ouest du rocher de Minerve, se creuse une étroite vallée
qui contenait un bois et un temple consacrés aux Euménides et aux
autres divinités infernales ^ Quand tout autre témoignage nous manque¬
rait, celui de Plutarque ^ suffirait seul pour assigner à ce bois et à ce
temple leur véritable situation. « Des sacrilèges, dit-il, s’étaient réfugiés
dans le Parthénon. L’archonte Mégaclès leur persuada de se soumettre
au jugement de l’Aréopage : ils y consentirent ; mais pour conserver
P jj^ytolabihté que leur assurait 1 asile, ils attacheient un fil a la statue
de la déesse, et se mirent à descendre de l’Acropole, se dirigeant vers
l’Aréopage. Ils étaient arrivés près du temple des Déesses vénérables
(l’un des noms euphémiques des Furies), quand le fil se rompit de lui-
même. Alors Mégaclès et ses collègues se saisirent d’eux sous prétexte
que. la déesse leur refusait sa protection, et plusieurs furent lapidés. »
Aréopage. C’est en effet de l’autre côté de la vallée que s’élève en
pente douce une colline au sommet de laquelle se dresse brusquement
le rocher de l’Aréopage^, ainsi nomme, si Ion en croit Pausanias,
parce que Mars y fut jugé le premier^; mais nous verrons que, suivant
1. « Près de l’Aréopage est le temple des déesses connues à Athènes sous le nom de Semnœ, Sepvaî ,
sévères, et qu’Hésiode, dans sa théogonie, appelle Erinnyes, ’Epivvüç. Eschyle est le premier qui les
ait représentées avec des serpents enlacés dans leurs cheveux; mais leurs statues, ainsi que celles
des autres divinités infernales placées dans le temple, n’ont rien d’effrayant. Ces divinités sont :
Pluton, Mercure et la Terre. Tous ceux qui ont été absous par l’Aréopage, étrangers ou citoyens,
offrent un sacrifice dans ce temple. Le tombeau d’OEdipe est dans son enceinte; mes recherches
m’ont appris que scs os avaient été apportés de Tlièbes. » Pausanias. Att. C. XXVIII.
Dans les Euménides d’Eschyle, ce temple est promis aux Furies comme compensation de l’absolu¬
tion d’Oreste. « Votre temple, leur dit Minerve, sera l’objet de la vénération des enfants d’Érech-
thée, et les honneurs dont vous combleront aux jours de fêtes et les hommes et les femmes, nulle
part dans le monde vous n’en obtiendrez de comparables. »
Les Euménidies, EOixevtSsia, ou fêtes des Semnœ, Sepvwv Èoprat, se célébraient tous les ans. Les
Athéniens n’admettaient à ces cérémonies que les citoyens les plus recommandables par leurs vertus
et leur intégrité , et dix prêtres ou Uçônoioi offraient aux déesses des sacrifices de brebis pleines,
des libations de vin et de miel, et des gâteaux pétris par un jeune homme appartenant â l’une des
premières familles de la ville.
2. Vie de Solon.
3. "ApYii;, Mars; Tràyo;, colline ou rocher.
4. « L’Aréopage est aussi au-dessous de la citadelle; on le nomme ainsi parce que Mars est le
premier qui y ait été jugé. » ^NVIII.
« Dans le temple d’Esculape, Halirrhotius, fils de Neptune, avait, dit-on, fait violence à Alcippe,
fille de Mars, et fut tué par ce dieu, meurtre qui devint le sujet d’un procès, le premier de ce genre.
Ibid. C. XXL
Le sophiste Libanius, qui vivait au iv” siècle de notre ère, avait écrit deux déclamations sur le
jugement d’Halirrhotius.
ARÉOPAGE.
307
une autre tradition, ce fut en faveur d’Oreste que le premier jugement
fut rendu sur cette colline déjà consacrée à Mars et à Minerve
M. Pittakis pense que l’Aréopage dut faire partie de l’Acropole, et
c{ue leur séparation est le résultat de quelque tremblement de terre dont
les hommes n’ont pas conservé la mémoire; s’il est impossible de con¬
stater la vérité de cette conjecture, il est au moins certain que la consti¬
tution des deux rochers est identique, et que tous deux sont formés
d’un même calcaire blanc et rouge d’une grande dureté.
Le rocher de l’Aréopage est peu élevé; long et étroit, il s’étend de
r ouest-nord-ouest à l’est-sud-est; escarpé de toutes parts, il est presque
inaccessible, et on ne pouvait y monter que par des escaliers taillés
dans sa masse même.
Vue (le l’Aréopage,
Avant d’en visiter le plateau qui, du reste, ne nous olfrira guère que
des souvenirs , nous lerons le tour de sa base , en commençant par
l’extrémité nord-est et en suivant le côté septentrional.
Nous trouvons d’abord près de deux gros blocs détachés du rocher,
et au-dessous d’une caverne, la muraille méridionale et les restes de
l’abside d’une église construite en pierres et en briques, et placée autre-
1. On trouve même dans quelques auteurs l’indication de trois jugements qui auraient précédé
celui d Oreste; d abord, celui d Halirrhotius, puis celui de Céphale, accusé d’avoir tué sa femme
Procris, et enfin celui de Dédale qui, jaloux des découvertes de son neveu Talus, l’avait précipité du
haut de l’Acropole.
308
ATHÈNES.
fois sous l’invocation de saint Denis l’Aréopagite Là aussi existait
l’habitation de l’archevêque d’Athènes. L’église, qui n’était déjà qu’un
monceau de ruines au temps de Spon et de Wheler, et l’archevêché
lui-même, furent démolis par les Turcs, qui en employèrent les maté¬
riaux à la constrùction de la mosquée voisine du portique d’Adrien.
Un puits, aujourd’hui comblé, passait pour avoir donné asile à saint
Paul pendant un jour. Du palais archiépiscopal il ne reste, en avant de
l’église et sur le penchant de la colline , que trois petits massifs de
construction en blocage et une dalle de marbre à moitié enterrée 2,
A l’extrémité occidentale du mur de l’église et à droite de l’entrée
de la grotte, on voit une niche ruinée qui avait été creusée dans le roc.
Un peu plus loin, vers le milieu du côté septentrional et de la hauteur
du rocher, on voit entaillé un siège en hémicycle ayant pu recevoir de
huit à dix personnes^. En avant de ce siège, le rocher est coupé à pic,
un gros bloc qui formait esplanade s’étant détaché.
C’est quelques pas plus loin que l’on retrouve assez difficilement de
faibles restes d’un escalier taillé dans le roc, indiqué sur le plan de
Leake. Le rocher à droite de l’escalier avait été coupé verticalement;
à gauche, il présente l’indication d’un renfoncement ayant dû contenir
une grande dalle de marbre portant une inscription. C’est en haut de
cet escalier qui décrivait une courbe serpentine, et par lequel on croit
que montaient les accusés, que l’on pense reconnaître l’emplacement du
célèbre tribunal dans les traces de plusieurs salles entaillées dans le roc.
Continuant le tour de la base de l’Aréopage, on trouve à l’angle nord-
ouest quatre marches parfaitement conservées qui terminaient l’escalier;
elles ont 0"’,80 de long, 0"’,32 de large et de hauteur. Partout
1. Saint Denis l’Aréopagite était l’un des juges de l’Aréopage lorsque saint Paul y parut. Il se
convertit, devint le premier évêque d’Athènes et souffrit le martyre vers l’an 95.
« Paul, se tenant au milieu de l’Aréopage, dit : Je vous vois en tout les plus superstitieux des
hommes.
« En passant, j’ai vu vos idoles, et j’ai trouvé aussi un autel sur lequel était écrit; Au dieu
inconnu. Celui que vous adorez sans le connaître, c’est celui que je vous annonce...
( Et quelques hommes, s’attachant à lui, crurent en sa parole, et, parmi eux, Denis l’Aréopagite,
une femme nommée Damaris et quelques autres. »
Actes des Apôtres. C. XVII, v. 23, 24 et 25.
2. Avant la guerre de l’indépendance, les étudiants d’Athènes se réunissaient dans ces ruines
pour faire des repas; en 1820, ils en furent chassés à coups de pierres par les Turcs; ils jurèrent
de s’en venger, et, en 1821, la révolution commençait.
3. M. Pittakis parle de Irois sièges du même genre; celui-ci seul est reconnaissable.
ARÉOPAGE.
309
le rocher, clans sa partie occidentale, porte les traces du travail humain;
mais il serait bien difficile, pour ne pas dire impossible, d’en comprendre
la destination . De ce coté se trouve une grande caverne , et à droite
de celle-ci le rocher, taillé verticalement sur une large surface , semble
avoir dû recevoir une décoration architecturale. A côté est un second
renfoncement plus profond et moins large, dont la paroi présente les
trous de scellement des poutres qui y avaient été fixées. En avant, la
colline descend par un plan incliné vers la vallée qui la sépare du Pnyx.
Enfin, au sud de l’Aréopage, nous trouvons un escalier assez bien
conservé ^ ; il était composé d’une vingtaine de marches de 2 mètres de
longueur taillées dans le roc, dont la paroi verticale s’élève jusqu’à
l'",30. On croit que cet escalier est celui par lequel descendaient les
accusés absous par les aréopagites. C’est à peu de distance cpie devait
se trouver le temple de Mars, entre l’escalier et l’Odéon.
Le sommet de l’Aréopage présente une esplanade inégale, où l’on
reconnaît partout des espaces creusés et aplanis c{ue durent surmonter
des constructions , dont les derniers restes ont disparu depuis longtemps.
A 1 extrémité du plateau voisin de l’Acropole, un rocher saillant et
grossièrement équarri porte les traces d’un autel, peut-être celui
qu Oieste éleva à Minervè Areia , AO'/fva Apsià, après son absolution.
L esplanade est de peu d’étendue , et on a peine à comprendre que
les Amazones aient pu y asseoir leur camp lorsqu’elles envahirent l’At-
tique au temps de Thésée 2. Ce fut de ce sommet, le plus rapproché de
1 Acropole, que les soldats de Xerxès commencèrent l’attaque de la
citadelle
Le tribunal de l’Aréopage était le plus ancien et le plus célèbre des
tribunaux d’Athènes. La date de son établissement est incertaine ; quel¬
ques auteurs en font honneur à Cécrops ; d’autres ne se reportent qu’aux
temps cpii ont suivi la guerre de Troie; d’autres enfin, tels que Cicéron^,
\. Voy. la vignette, p. 307.
2. « C est sur cette colline que les Amazones, jadis, fixèrent leur séjour et leurs tentes, lorsque,
pleines de courroux contre Thésée, elles attaquèrent la ville, nouvelle encore, et à ses hautes tours
opposèrent des tours ennemies. » Eschyle. Les Euménides.
3. « Les Perses assirent leur camp sur la colline qui est vis-à-vis de la citadelle et que les Athé¬
niens appellent Aréopage, et en firent le siège de cette manière. Ils tirèrent contre les barricades
des flèches garnies d’étoupes auxquelles ils avaient mis le feu. » Héeodote. L. VUI, c. 52.
4. « La gloire de Thémistocle est certes très-légitime ; le nom de ce grand capitaine est môme
plus illustre que celui de Solon. On cite avec éclat la victoire de Salamine, on la met au-dessus de
310 ATHÈNES.
rattribiient à Solon. Ces derniers sont évidemment dans l’erreur, et il
est hors de doute que cette institution est bien antérieure à la législation
de Solon, qui ne fit qu’augmenter son importance en attribuant à l’Aréo¬
page certains pouvoirs judiciaires et politiques qu’il n’avait jamais pos¬
sédés jusque-là^.
L’assertion la plus généralement admise est que l’Aréopage fut établi
pour juger Oreste, qui, non content d’avoir été purifié selon les rites
religieux après le meurtre de sa mère, dut encore, par ordre d’Apollon,
se soumettre à un jugement 2.
C’est ce jugement qui a fourni à Eschyle le sujet des Euménides ,
troisième partie de sa grande trilogie, intitulée VOrestie. Poursuivi par
les Furies, malgré ses expiations, Oreste s’est réfugié sur l’Aréopage,
et, embrassant la statue de Minerve, demande à être jugé"^. La déesse
l’établissement de l’Aréopage, création du sage législateur ; et cependant l’œuvre de Solon n’est pas
moins admirable que l’exploit de Thémistocle. » De Officiis. L. I , § 22.
1. « Si voulut Solon que la cour souueraine de l’Aréopage eust l’auctorité et la charge d’enquérir
de quoi vn chacun des habitants viuoit, et de chastier ceux qu’elle trouueroit oisifs et ne rien fai¬
sans. » Plutarque. Vie de Solon.
Périclès, au contraire, s’efforça d’affaiblir l’autorité de ce tribunal dont il n’était pas membre,
(; pour ce qu’il ne lui estoit onc escheu par le sort d’être ni préuot annuel {archonte)., ni conserva¬
teur des loix ( thesmothète) , ni roi des sacrifices {archonte-roi),’ ni maistre des guerres {polémarque),
qui estoyent offices lesquels de toute ancienneté se créoyent par le sort; et ceux à qui le sort tou-
choit, s’ils s’estoyent bien portés en l’administration de leurs magistrats, montoyent et venoyent à
estre du corps de la cour d’Aréopage. Périclès donc, ayant acquis grand crédit et grande auctorité entre
le menu peuple, embrouilla tellement ce sénat d’Aréopage qu’il lui fist ester la conoissance de plu¬
sieurs matières. » Plutarque. Vie de Périclès.
« Éphialte et Périclès abaissèrent la puissance de l’Aréopage. »
Aristote. Polit. L. II.
A partir de ce moment (149 ans après Solon), l’Aréopage ne fut plus qu’un tribunal chargé exclu¬
sivement de prononcer sur les crimes entraînant la peine de mort.
2. « Apollon : Tu iras dans la ville d’Athènes, ofi tu auras à rendre compte de ton parricide aux
trois Euménides. Les dieux seront juges du procès et rendront leur sentence dans l’Aréopage où tu
dois triompher. » Euripide. Oreste.
3. « Puissante Minerve! c’est l’ordre d’Apollon qui m’amène. Reçois avec bienveillance un mal¬
heureux persécuté qui n’est plus impur, dont les mains ne sont plus souillées. Le meurtre est
expié; bien des temples m’ont déjà reçu; bien des mortels m’ont salué au passage. J’ai traversé et la
terre et les mers, fidèle aux ordres fatidiques de Loxias*, et je viens, ô déesse! vers ton temple; j’y
reste, j’y attends ma sentence. »
* Loxias, qui rend des oracles obscurs, surnom d’Apollon.
Macrobe {Saturn. L. V, c. 23) cite deux passages d’une autre tragédie d’Eschyle, aujourd’hui perdue, les
Prêtres, où se retrouve ce même surnom d’Apollon.
Il II faut partir le plus tôt possible, car voici les oracles que Jupiter dicte à Loxias... n
. TaOxa
Ziùç AoÇla OjantaixaTa.
« Jupiter est le père prophétique de Loxias. »
riaTpôç itçoçTfj'CT); i-îTi Ao;iaç A-.o;.
ARÉOPAGE.
311
apparaît; Oreste expose sa défense, les Furies l’accusent et refusent de
lâcher leur proie. C’est alors que Minerve, ne voulant point prononcer
elle-même, dit : « Je vais prendre des juges du meurtre, les lier par le
serment, fonder un tribunal qui dure à jamais. » Ce tribunal, c’est celui
de l’Aréopage qui « doit être à jamais l’arbitre d’Athènes... Ce tribunal
imprimera toujours aux citoyens le respect et la crainte L’homme
n’osera plus commettre l’injustice, le jour ni la nuit... Ayez donc, ajoute
Minerve, pour ce tribunal une crainte respectueuse. Ce sera le rempart
de votre pays, le salut d’Athènes, une magistrature comme n’en possède
aucun peuple au monde, ni les Scythes ni les habitants de la terre de
Pélops. Incorruptible, vénérable, sévère, sentinelle éveillée même quand
la cité dort : tel sera ce nouveau tribunal. Ce cjue je viens de dire à
mon peuple, c’est ce qui doit être dans l’avenir 2. »
L’absolution d’ Oreste est prononcée, les voix des juges s’étant égale¬
ment partagées^.
« La fin de cette cour de justice , dit Chandler n’est pas moins
obscure que son origine cfui néanmoins remonte bien certainement à
l’antiquité la plus reculée. Ce qu’il y a de sûr à cet égard, c’est que du
temps de Pausanias elle existait encore , ainsi que les autres magistra¬
tures ; mais rieb n’est moins constaté que le terme de sa durée après cette
1. (( Pisistratus garda lui-même inuiolablement et fist garder à ses amis les loix de Solon; telle¬
ment qu’estant appellé en iustice deuant la cour d’Aréopage pour un meurtre, lorsqu’il estoit ia
tyran, il se présenta fort modestement pour respondre aux charges qu’on lui mettoit sus et s’en
iustifier; mais l’accusateur ne poursuiuit pas. » Plutarque. Vie de Solon.
2. Eschyle. Euménides, passim.
3. « Apollon m’envoya à Athènes pour suhir le jugement des déesses que l’on craint de nommer.
Là, en effet, se tient ce tribunal révéré auquel Jupiter soumit jadis le dieu Mars pour avoir souillé
ses mains dans le sang... Quand je fus arrivé sur la colline de Mars, je me plaçai sur un des sièges,
et la plus vieille des Furies prit l’autre. Apollon, écoutant et répondant à l’accusation de parricide,
me sauva par son témoignage; Pallas compta les suffrages recueillis de ses propres mains; ils se
trouvèrent égaux des deux côtés, et je sortis absous de cette accusation capitale. »
Euripide. Iphigénie en Tauride.
(V II est à Athènes une colline qui porte le nom d’Arès, où une première fois les dieux ont pris
place pour donner leur suffrage sur le sang du meurtre, alors que le cruel Arès, irrité de la violence
impie faite à sa fille, tua Halirrhotius, fils du roi de la mer. Depuis ce temps, le jugement de ce
tribunal institué par les dieux est saint et infaillible. C’est là, ô Oreste! que tu dois subir le juge¬
ment du meurtre que tu as commis; mais des suffrages égaux de part et d’autre te sauveront et te
déroberont à l’arrêt de mort; car Apollon, dont l’oracle t’a commandé le meurtre de ta mère, se
chargera lui-même de ton crime, et ce sera dans l’avenir une loi reconnue que l’égalité des suffrages
doit toujours absoudre l’accusé. » léuRiPiDK. Electre.
l. Voyages en Grèce. T. II, p. 433.
312
ATHÈNES.
dernière époque. Cependant, un auteur qui vivait sous les empereurs
Théodose le Grand et son petit-fils (Théodose II) parle de ce tribunal
qui ne subsistait plus alors. »
Ajoutons cju’il fallait que dans la seconde moitié du iii" siècle l’Aréo¬
page eût conservé, au moins en partie, son éclat et sa renommée, pour
que l’empereur Gallien, qui déjà s’était fait recevoir citoyen d’Athènes,
ait tenu à honneur d’obtenir les titres d archonte et d’aréopagite
Le nombre des membres qui composaient l’Aréopage est fort incer¬
tain; si les renseignements que nous fournissent sur ce point les auteurs
anciens sont contradictoires, on doit en conclure seulement que ce nombre
varia et ne fut pas le même à toutes les époques. Nous trouvons en effet
indiqués les nombres de 9, de 31 et même de 51, sans compter les
neuf archontes qui chaque année étaient ajoutés aux aréopagites
Enfin, quelques historiens prétendent même que le nombre des juges
était indéterminé .
On n’appelait à l’honneur de siéger à l’Aréopage que les hommes les
plus recommandables par leurs mœurs et leur intégrité'^; un simple soup-
1. Trebellius Poli.ion. Les Deux GalUens. C. II.
2. Les archontes, àpj^ovxsi;, étaient les principaux magistrats d’Athènes; ils entraient en fonction
au mois A'hécatombéon (juillet). Cette dignité fut d’ahord perpétuelle et concentrée dans la famille
de Godrus, après la mort duquel elle avait été instituée; en 754 avant J.-C., sa durée fut restreinte
à dix années ( Veeleius Paterculus. Hist. rom. L. I, c. 8), et enfin, en 684, elle devint annuelle et
fut partagée entre neuf Athéniens choisis, par l’assemblée du peuple et le conseil des cinq cents,
parmi la noblesse, les Eupatrides, puis, après Solon, parmi les plus riches Athéniens; enfin, une
loi portée par Aristide (Thucydide. L. II, c. 37) permit de les prendre indifféremment dans toutes
les classes de citoyens. Plutarque [Vie d'Aristide C. XXII) nous a conservé le texte même de cette
loi: « Kotvrjv elvftt tyiv TToXiTstav, xal toùç âpj^ovxai; ’AOïjvaiwv Ttàvvwv alpeïaôat. Le gouvernement est
commun et les archontes sont choisis parmi tous les citoyens d’Athènes. » On vit même, à l’époque
de la décadence de la puissance athénienne, des étrangers admis à siéger parmi les archontes. Le
premier archonte était nommé éponyme, £ua)vup.o;, parce qu’il donnait son nom à l’année. « Cette
dignité, dit Plutarque [Vie d’Aristide), était réservée aux familles les plus opulentes et qui compo¬
saient la classe des citojfens appelés pentacosiomedimnes (7t£VTa'/co(nop,£5tp.voi, qui ont un revenu de
500 medimnes). » Le second était V archonte-roi, chargé du soin des sacrifices confiés Jadis
aux rois. Le troisième était le polémarque, nolépaç-ioz, qui avait l’administration militaire; enfin les
six autres portaient le titre de thesmothètes , 6£(Tp.o6£Tai, ou législateurs, parce qu’ils étaient chargés
de la promulgation et de l’exécution des lois (Pouuux. Onomast. L. VIII, c. 8). A l'expiration de leur
charge, les archontes, à moins d’avoir démérité, étaient de.droit membres de l’Aréopage. Leur conduite
ne devait pas être moins irréprochable que celle des aréopagites; il y avait peine de mort contre
celui qui était surpris en état d’ivresse. (Diog. Lvert. In Sal.)
3. PoLi.ux. Onomast. L. VIII, c. 10.
4. « Mais, Périclès, dit Socrate, l’Aréopage ne se compose-t-il pas d’hommes choisis et éprouvés?
— C’est vrai. — Eh bien! connais-tu un tribunal qui soit plus digne, plus honorable, plus équitable
dans ses jugements, plus estimable pour tout le reste? »
XÉNOPHON. Mém. sur Socrate. L. 111, c. 5.
ARÉOPAGE.
.SI 3
çon d’intempérance suffisait pour empêcher l’admission d’un citoyen^,
de même c|ue la moindre tache pouvait motiver son exclusion 2. La tenue
des aréopagites devait toujours être décente et grave ; le rire leur était
interdit comme une marciue de légèreté de caractère^, et la plus grande
discrétion leur était ordonnée ; enfin Plutarque ^ nous apprend qu’il ne
leur était pas même permis de composer des comédies. Il n’était pas
jusciu’à leur cœur qui ne fût soumis à un sévère contrôle, et l’un d’eux
fut exclu pour avoir étouffé un oiseau qui s’était réfugié dans son sein®.
On pensa qu’un homme inaccessible à la pitié ne pouvait sans danger
être appelé à prononcer sur la vie de ses semblables.
C’étaient en effet les accusations capitales qui surtout étaient portées
devant l’Aréopage, et ce tribunal fut le premier à Athènes qui eut le
droit d’appliquer la peine de mort 7. Devant lui comparaissaient les
meurtriers , les empoisonneurs , les incendiaires , les sacrilèges , les
traîtres, les transfuges.
Plus tard, ainsi que nous l’avons dit, Solon étendit les attributions
de l’Aréopage; il fut même, dans certains cas, investi du pouv’oir d’annu¬
ler le jugement rendu par les assemblées du peuple, lorsqu’il lui semblait
qu’un coupable avait été acquitté; il devint de droit le tuteur des orphe¬
lins auxquels il faisait donner une éducation conforme au rang qu’ils
étaient appelés à occuper dans la république ^ ; il fut chargé de punir
l’ivresse^; il exerça une surveillance sur les mœurs du peuple et sur¬
tout de la jeunesse, chacun de ses membres ayant droit d’entrée et de
contrôle dans toute réunion publique et même privée^®. L’Aréopage pro¬
nonçait sur toute contestation religieuse, punissait le blasphème et l’irré-
1. « Les membres de l’Aréopage refusaient d’admettre parmi eux un homme qui avait dîné dans
un cabaret. » Hypéride. C. Patfocle, ap. Athén. Deipnos. L. XIII.
2. Il paraît que, dans les derniers temps de la prospérité d’Athènes, on ne s’était que trop relâché
de cette rigidité, car, dès la fin du iv" avant J.-G., un sénateur de l’Aréopage, nommé Gyllion, ne
rougissait pas d’être le parasite de Phryné. (Voy. Athénée. Deipnos. L. XIII.)
3. Escihne. C. Timarque.
4. Ergo occulta teges, ut curia Martis Athenis. Jiivénai,. Sat. IX.
« Sois donc aussi discret que l’Aréopage à Athènes. »
5. De Gloria Atheniensium.
6. Heli.adius. Chrestomathie, dans Photiüs.
7. Hezychiüs. Lexicon, verb. "Apsio; Ttàyo;.
8. IsocRATE. Aréop. ^
9. Athénée. Deipn. L. IV, c. 19.
10. iD. Ibid. L. VI.
314
ATHÈNES.
vérence envers les dieux ; rarement il intervenait dans les affaires publi¬
ques ; cependant il fut parfois appelé à donner son avis dans des
circonstances difficiles'^.
Dans le principe, l’Aréopage, se réunissait seulement les 27", 28" et
29" jours du mois, mais lorsque plus tard le nombre des causes qui
lui étaient déférées l’exigea , les juges siégèrent tous les jours. Les
séances se tenaient en plein air 2, afin qu’un même toit ne couvrît pas
l’accusateur et l’accusé. « Les deux pierres brutes'^ sur lesquelles, dit
Pausanias, se tiennent l’accusateur et l’accusé, sont nommées l’une la
pierre de l’insulte, q t-Àç liopswç, l’autre la pierre de l’impudence,
ô liGo? T’flç àvat^eiaç^. »
(( Lorsque le tribunal, dit Lucien^, vient s’asseoir sur la colline pour
prononcer sur un meurtre, sur des blessures faites avec préméditation,
ou un incendie, la parole est accordée à chacune des deux parties qui
comparaissent. Le demandeur et le défendeur parlent chacun à leur
tour, soit par eux-mêmes, soit par ministère d’avocats qui prennent la
parole à leHr place. Tant que les orateurs se renferment dans la cause,
le conseil les écoute avec patience et tranquillité, mais s’ils veulent faire
précéder leurs discours d’un exorde afin de se concilier la bienveillance
des juges , s’ils cherchent à exciter la pitié ou l’indignation par des
moyens étrangers à l’affaire, par quelqu’une de ces machines oratoires
que nous voyons employer pour séduire les magistrats, un héraut s’avance
aussitôt, leur impose silence et ne les laisse pas divaguer, ni recouvrir
l’affaire d’une couche de mots. Il faut que l’Aréopage voie les faits
dans toute leur nudité®. »
C’était l’archonte- roi qui portait devant l’Aréopage les accusations
capitales ; avant de remplir ces fonctions redoutables, il déposait la cou¬
ronne de myrte, insigne de sa dignité^.
1. Libamus. Argum. in Demosth.
2. 'TTtaiÔpiot êSixàîJovTo. Pollux. Onom. L. VIII, c. 10.
3. Quelques textes portent àpyupoüç XiOouç, pierres d’argent, quen traduit alors par sièges d'ar¬
gent, comme si le mot >,t9oç avait jamais signifié s/épe,' nous avons préféré la leçon àpyoùç Xi6ouç,
pierres brutes, qui présente un sens plus raisonnable, et qui d’ailleurs est celle adoptée par Clavier
dans son excellente traduction de Pausanias.
4. Pausanias. Att. C. XXVIII.
5. Anacharsis ou les Gymnases.
G. Si pareil usage pouvait être renouvelé des Grecs !
7. Poi.u x. Onom. L. VIIl. r. 0.
COLLINE DES NYMPHES. HABITATIONS. 315
Les juges siégeaient de nuit pour ne pas se laisser influencer par la
vue du coupable, et aussi pour que celui-ci ne pût juger sur leurs visages
de leurs impressions , et ils se servaient pour voter de cailloux , pleins
pour l’acquittement, percés pour la condamnation, afin de les recon¬
naître au toucher Ils votaient en silence ; de là le proverbe : plus
'silencieux quun aréopagite, ÀpsoTcayiTou GiwTrvi'XoTepo; 2. Lorsque les voix
étaient également partagées, un magistrat inférieur était appelé à déposer
dans l’urne de l’absolution un vote qui se nommait le suffrage de Minerve,
parce que ce fut, dit la tradition, le vote de la déesse dans l’assemblée
des dieux qui sauva Mars accusé du meurtre d’Halirrhotius ou celui
qu’elle ajouta après coup qui décida de l’acquittement d’Oreste.
Colline des Nymphes. A l’ouest, l’Aréopage est dominé par la colline
des Nymphes que Leake prend à tort pour le Lycabette, qui s’élève au
contraire au nord-est d’Athènes. Cette colline est surmontée d’un obser¬
vatoire de construction moderne, dû à la générosité du baron Sina,
riche banquier grec de Vienne. Tout son flanc méridional est excavé;
la plus vaste grotte est celle des Nymphes, qui a donné son nom à la
colline, et en avant de laquelle se font les exécutions capitales, assez
fréquentes à Athènes; elle sert d’abri aux troupeaux pendant la chaleur
du jour. Au côté occidental de la colline est une autre grotte taillée
régulièrement et de forme rectangulaire, avec un toit en forme de voûte.
Peut-être celle-ci a-t-elle été creusée pour servir de tombeau.
Habitations. Entre la colline des Nymphes et l’extrémité occidentale
de l’Aréopage, s’étend un rocher en pente douce entièrement couvert
d’entailles faites par la main des hommes et indicjuant l’emplacement
d’habitations antiques, entassées les unes sur les autres, et dont il serait
bien difficile de débrouiller le chaos. Cette entreprise a cependant été
tentée, non sans quelque succès, par M. Émile Burnouf, ancien membre
1 . « Notre juge de tout à l’heure n’a pas encore été de l’avis des autres ; il a probablement l’habi¬
tude, dans toutes les affaires, de déposer un caillou percé, d
Lucien. La Double accusation.
2. Démosthène. C. Aristog.
3. « Varron refuse d’ajouter foi aux fables qui sont au désavantage des dieux, de peur d’avoir
quelque sentiment indigne de leur majesté. C’est pour cela qu’il ne veut pas que l’Aréopage, où
l’apôtre saint Paul disputa avec les Athéniens, ait été ainsi nommé de ce que Mars, que les Grecs
appellent Arès, étant accusé d’homicide devant douze dieux qui le jugèrent en ce lieu, fut renvoyé
absous, ayant eu six voix pour lui, et le partage, parmi eux, étant toujours favorable à l’accusé. »
Saint Aijc.ustin. Cité de Dieu. L. XVTII, c. 70.
316
ATHÈNES.
de l’École de France à Athènes On ne voit partout qu’enceintes apla¬
nies de diverses dimensions; une seule, d’une assez grande étendue, a
pu porter un édifice de quelque importance ; la plupart n’indiquent que
des chambres plus petites encore que celles de Pompéi 2. Quelques
pièces entaillées plus profondément dans le roc conservent leurs parois
naturelles sur une hauteur de plus d’un mètre. Partout on trouve des
citernes, des restes d’escaliers, et, dans les endroits qui semblent le
moins praticables aux chars , des rues étroites avec leurs profondes
ornières. Triste désillusion pour qui chercherait ici les traces de cette
ville qu Homère appelait cupu^yuiav Àô-.^'vviv Athènes aux larges rues^.
Temple d Hercule Alexicacos. Au milieu de ces substructions s’élève,
au-dessus du sol, une espèce de tour percée de fenêtres vitrées; elle
éclaire 1 église Sainte-Marine, creusée dans le sein même du rocher, et
dans laquelle on entre par un bâtiment situé au nord, sur le penchant de
la colline. Cette église a succédé à un petit temple dédié à Hercule tuté-
1. « M. Émile Burnouf, dont le nom nous est sacré, a envoyé à. l’Académie un plan d’Athènes
dressé avec infiniment de soin, sur une échelle plus considéi-able qu’aucun autre, et où il a relevé,
d’après des recherches faites par lui en 1849, toutes les ruines que renferme la partie de la ville
située à l’occident de l’Acropole, sur les collines ou entre elles, et dans laquelle se développait le
faubouig compiis entre les longs murs. Il y marque la trace d’environ huit cents maisons, de plu¬
sieurs rues, de cinquante-huit citernes, de cent onze tombeaux et de beaucoup d’antiquités de diverses
natures. Une notice explicative très-bien faite accompagne le plan, et elle est elle-même accompa¬
gnée de dessins exécutés avec une rare habileté. »
M. Güigniaut. Rapport fait à l’Académie des Inscriptions, /e 12 novembre 1852. Archives des
Missions scientifiques, IIP vol.
2. A cet aspect, on n’est plus étonné de lire dans Xénophon {Économiq.) que le prix d’une maison
ordinaire était de 500 drachmes (450 francs).
"IxîTU S’iç MapaOûva xal EÙfjKYUiav ’a6'^'v()v
Aûv£ Tîuxivov
« Minerve traverse les plaines de Marathon, la ville aux larges rues des Athéniens, et elle se rend dans la
superbe demeure d’Érechthée. » Odyssée. L. VU , v. 80.
4. « Il serait difficile de trouver un seul exemple de l’existence d’un édifice appartenant à un
particulier qui se distinguât des autres par sa construction architectonique, tandis que les exemples
du contraire abondent. Athènes ne fut point une belle ville comme le sont quelques-unes de nos
capitales, qui renferment des rues entières de palais. On pouvait être à Athènes sans se douter qu’on
se trouvait dans la ville qui possédait les plus grands chefs-d’œuvre d’architecture... »
Heeren. De la Politique et du Commerce des peuples de l’antiquité. T. VIL
« Si vous visitez, dit Démosthène, la maison de Thémistocle, de Miltiade ou de quelque grand
personnage, vous n’y trouverez rien qui la distingue des demeures anciennes. Mais, au lieu d’habi¬
tations somptueuses, ces hommes illustres nous ont laissé des édifices magnifiques, des monuments
tellement imposants, que personne depuis eux n’a pu le^ surpasser. Je parle des vestibules, des
ai senaux, des portiques, du Pirée et des constructions qui font d’Athènes la merveille de la Grèce. »
ÏEMPLK D’HERCULE ALEXIGACOS. PNYX.
317
laire, qui éloigne les maux. A Sainte-Marine s’est conservée
jusqu’aujourd’hui une pratique déjà en usage chez les anciens Athé¬
niens; les parents apportent à cette église leurs enfants malades; après
la messe, on retire leurs vêtements qui sont jetés à la porte et on leur en
donne de nouveaux. Souvent le sol, tout autour de l’église, est semé de
ces innombrables lambeaux.
Au sud, vers l’extrémité orientale de la colline, au pied d’un escalier
antique, et non loin d’un autre escalier encore mieux conservé, est un
rocher incliné, haut de 2 à 3 mètres, témoin d’une autre superstition
des modernes Athéniens. Sur ce rocher poli par le frottement,- et que l’on
nomme la pierre glissante, les femmes athéniennes qui veulent devenir
fécondes se laissent glisser accroupies.
Pnyx. Les Athéniens donnaient le nom de Pnyx^ à la place où se
tenaient les assemblées du peuple^, et, par suite, à la colline même sur
le flanc de laquelle cette place avait été ménagée en regard de l’Acropole.
Les assemblées régulières -/.upiai é'/cx.V/iaiai avaient lieu quatre fois
par prytanie les il®, 20% 30® et 33“ jours de leur durée; celles qu’on
réunissait d’autres jours pour alfaires urgentes se nommaient
convoquées .
1. Varro. De ling. lat. L. VII,
Ce surnom était aussi donné à Apollon. « Dans le portique des douze grands dieux, dit Pausanias,
est la statue d’Apollon Alexicacos par Calainis. Ce surnom du dieu vient, disent les Athéniens, de
ce qu’il leur indiqua, par un oracle rendu à Delphes, les moyens de faire cesser la peste dont ils
étaient affligés en même temps que de la guerre du Péloponèse. » Att. C. III.
« On attribue à Apollon le pouvoir de guérir, parce que la chaleur modérée du soleil fait fuir toutes
les maladies. Aussi en est-il qui croient que son nom vient d’aTOXauvovra xàç vôcroo; (détournant les
maladies), dont on aurait fait àTrôXI-wva pour àTrsXXwva. Cette interprétation, qui concorde avec la
signification latine de ce mot , nous a dispensé de traduire du grec le nom du dieu ; en sorte que,
quand nous disons Apollon, il faut entendre Aspellens mala (repoussant les maux), dans le même
sens que les Athéniens appellent ce dieu ’AXeltxa/.oç. » Macrobe. Saturn. L. I, c. 17.
2. IIvù?, de uuxvô;, épais, dru, serré; TTuxvat èxx),r,(7tat, assemblées nombreuses.
3. « Le charcutier : Oui, oui, décide entre nous, pourvu que ce ne soit pas au Pnyx. »
« Le peuple : Je ne saurais siéger ailleurs, ainsi on se rendra au Pnyx comme de coutume. »
Aristoph. Les Chevaliers.
4. i( Jamais, depuis que je me baigne (c’est-à-dire depuis que j’ai atteint l’âge d’admission dans
les bains publics), la poussière ne m’a piqué les yeux autant qu’aujourd’hui, jour de l’assemblée
régulière dans ce Pnyx encore désert. » Aristoph. Les Acharniens.
5. De xopeîv xà ij/riçiajJLaxa, sanctionner les décrets.
6. Nous avons dit, p. 229, que la durée d’une prytanie fut d’abord de trente-cinq jours.
7. De auyxaXéo), convoquer.
318
ATHENES.
Des assemblées régulières, la première était consacrée à la rectification
des décrets du conseil des cinq cents la seconde aux réclamations
d’intérêt public ou particulier ; la troisième à donner audience aux ambas¬
sadeurs étrangers ; la quatrième, enfin , était occupée par les atTaires reli¬
gieuses Dans cette dernière séance, les prytanes qui, pendant la durée
de leurs fonctions, étaient tenus d’otfrir chaque jour un sacrifice pour la
prospérité de l’Etat, venaient rendre compte de l’accomplissement de ce
devoir
Les assemblées extraordinaires, motivées par quelque événement
imprévu , étaient réunies par les archontes , les stratèges , les polémar-
ques, et quelquefois par les prytanes, par le ministère des hérauts,
xvipuxsç
Tous les Athéniens libres étaient admis aux assemblées, à l’exception
des impies, des prodigues, des impurs, des lâches et des débiteurs de
l’État^, qui étaient repoussés par les prytanes, s’ils osaient s’y présenter.
Les esclaves, les étrangers, les femmes et les enfants en étaient exclus.
Si l’on en croit un curieux passage de Varron, que nous a conservé saint
Augustin , les femmes, au temps de Cécrops, prenaient part aux délibé¬
rations
1. « Le législateur a donné aux thesniothètes l’ordre formel de reviser chaque année les lois dans
le lieu public de leur dépôt, de rechercher, d’examiner avec soin s’il en existe de contradictoires ou
d’abrogées parmi celles en vigueur, ou plus d’une sur le môme sujet; s’ils en trouvent, ils les trans¬
criront sur les tables et les afficheront aux statues des Éponymes. Les prytanes convoqueront le
peuple après avoir mis à l’ordre du jour la nomination des nomothètes, et le chef des proèdres fera
voter l’assemblée pour annuler telle loi et maintenir telle autre, en sorte qu’il n’y en ait 'qu’une
seule sur chaque matière. » Eschiive. Sur la Couronne.
2. PoLLüx. Onomast. L. VIII, c. 8.
3. Démosth. Proœm.
4. Chaque tribunal, chaque autorité avait ses hérauts propres. Dans une inscription découverte
en mars 18.58, près de la tour 'des Vents, on trouve mentionnés Démétrius, fils d’Amyntas, héraut
de l’Aréopage, £1 ’Apsioo Ilayou BouXÿ;!;, et Polycharme, fils d’Euclès, héraut des archontes
XT^pu? ’Apj^ôvxwv.
5. Eschine. In Tiin. et Ctesiph. — Dinarch. In Aristog.
6. « Voici , selon Varron , la raison pour laquelle cette ville fut nommée Athènes, qui est un nom
tiré de celui de Minerve, que les Grecs appellent ’AO-nva. Un olivier étant tout à coup sorti de terre en
cet endroit, et une source d’eau en un autre, ces prodiges étonnèrent le roi, qui députa vers Apollon
de Delphes pour savoir ce que cela signifiait et ce qu’il fallait faire. L’oracle répondit que l’olivier
signifiait Minerve et l’eau Neptune, et que c’était aux habitants à savoir de laquelle de ces deux
divinités ils donneraient le nom à leur ville. Cécrops assembla tous les citoyens, tant hommes que
femmes: car les femmes panni eux avaient alors voix dans les délibérations. Lorsqu’il recueillit les
suffrages , tous les hommes furent pour Neptune et toutes les femmes pour Minerve, et, parce qu’il
y avait une femme de plus. Minerve l’emporta. »
Saint Augestin. Cité de Dieu. L. XVIII, c. 1).
l’NVX.
319
Tout citoyen ..qui avait atteint trente ans pouvait prendre la parole,
après toutefois qu’elle avait été accordée à ceux qui avaient accompli leur
dixième lustre^.
Uépistate qui présidait l’assemblée était choisi parmi les proèdres^
ciui avaient pour mission de compter les suffrages exprimés par les
cailloux qui avaient remplacé les fèves, xuapi, employées d’abord à cet
usage
Les citoyens qui assistaient aux assemblées recevaient des mains des
thesmothètes un salaire qui varia de i à 3 oboles Le plus faible salaire,
institué par Périclès^, fut porté au triple par Cléon, qui voulut ainsi se
concilier l’affection du peuple Ceux qui arrivaient trop tard à l’assem¬
blée étaient privés du triobole®.
Les mêmes citoyens ne pouvaient juger deux affaires dans ‘la même
journée
. 1. Le héraut, après avoir indiqué le sujet de la délibération, terminait par ces mots : Quels sont
les citoyens au-dessus de l’âge de cinquante ans qui veulent prendre la parole? (Voy. Eschine. In
Tim. et Ctes.)
2. Aristophane , dans sa comédie des Chevaliers, appelle le peuple athénien mangeur de fèves,
c’est-à-dire vivant du salaire de ses votes.
3. 15 à 45 centimes, qui aujourd’hui représenteraient la valeur de 1 fr. 50 c. à 4 fr. 50 c.
« Autrefois, quand à l’assemblée ils ne recevaient qu’une obole, on pouvait causer assis tout à
l’aise; maintenant on est étouffé par la foule... Aujourd’hui, quand on fait quelque chose pour la
patrie, on demande 3 oboles, comme le maçon mercenaire. »
Aristophane. Les Harangueuses.
Dans un passage de sa comédie des Grenouilles, le même comique fait allusion au salaire de
2 oboles que les citoyens recevaient à l’époque où il fit représenter sa pièce.
« Hercule : Un vieux nautonier te passera dans une petite barque, moyennant un salaire de
2 oboles. »
« Bacchus : Vraiment! Quel pouvoir ont partout 2 oboles! Comment sont-elles venues jus¬
que-là? »
Ce salaire, gagné sans fatigue, avait pour les Athéniens un grand attrait. Aussi Aristophane
raille-t-il souvent leur rage de juger et de prendre part aux délibérations; il leur forge le surnom
de peuple pnycien dans les Chevaliers. C’est contre cette manie qu’est dirigée toute sa comédie des
Guêpes, dont les Plaideurs de Racine sont une si charmante imitation; enfin, dans les Nuées, Strep-
siade, auquel on met sous les yeux une carte de la terre en lui montrant Athènes, s’écrie : « Que
dis-tu là? Je n’en crois rien; je n’y vois pas déjugés en séance. »
4. « Périclès, le premier, salaria les juges, d Aristote. Politique. L. II, c. 10.
5. « Cléon : Quant à moi, je ne cesserai de nourrir le peuple et de le servir, et tous les moyens
me seront bons pour lui faire payer les 3 oboles. « Aristoph. Les Chevaliers.
0. « Allons à l’assemblée, ô hommes! Le thesmothète a menacé de ne pas payer le triobole à
quiconque n’arriverait pas de grand matin. » In. Les Harangueuses.
« S’il t’arrive de te lever à midi, tu n’auras pas à craindre d’être exclu par le thesmothète. »
Id. Les Guêpes.
7. « O peuple! c’est assez d’avoir jugé une affaire; va au bain, prends un morceau, bois, mange,
et reçois les 3 oboles. » lo. Les Chevaliers.
320
ATHÈNES.
C’était au Pnyx seul qu’en vertu de la loi de Solon étaient proclamées
les couronnes décernées par le peuple aux citoyens qui avaient bien
mérité de la patrie. Gtésiphon ayant fait décider que celle accordée à
Démosthène serait proclamée au théâtre et avant même qu’il eût rendu
compte de sa conduite, cette infraction donna lieu au fameux procès sur
la Couronne, intenté par Eschine ^ à Démosthène pour se venger de celui
que l’illustre orateur lui avait suscité autrefois à l’occasion de son ambas¬
sade près de Philippe de Macédoine.
La colline du Pnyx ne fait en quelque sorte qu’une avec celle des
Nymphes; elles n’étaient séparées que par une faible dépression dont on
a profité pour faire passer la route moderne conduisant à l’observatoire.
La face de la colline des Nymphes qui regarde le Pnyx est coupée verti¬
calement ‘dans plusieurs parties; il en est de même de celle du Pnyx,
contre le côté nord duquel ont été évidemment appliquées des habitations
dont on voit encore indiquées les séparations, ainsi que les trous des
chevrons des toits. Près de là, à l’est, sont sur le roc d’autres traces de
maisons et d’escaliers.
II y eut à Athènes deux Pnyx voisins l’un de l’autre, mais qui ne furent
point fréquentés en même temps.
On ignore à quelle époque fut établi l’ancien, mais nous verrons par la
construction de sa muraille de soutènement qu’il devait dater d’un temps
très-reculé On attribue à Thémistocle le nouveau Pnyx; sentant le
besoin d’exalter les sentiments patriotiques et l’énergie des citoyens
d’Athènes, il reporta le lieu de leurs assemblées sur un point plus élevé
d’où leurs yeux pouvaient apercevoir la mer, théâtre de leurs exploits.
Par la raison contraire, en l’an hOk avant Jésus-Christ, les trente tyrans,
1 Le décret portait : « Le héraut proclamera au théâtre, eu présence des Hellènes, que le peuple
athénien couronne Démosthène pour sa vertu, sa loyauté, et parce qu’il ne cesse de procurer, par ses
paroles et par ses actions, le plus grand bien du peuple. »
Cf. Cicéron. Du meilleur genre d'éloquence. VIL
2. <( Vous l’entendez, ô Athéniens! d’après le législateur, on proclamera dans le Pnyx, devant le
peuple convoqué, la couronne donnée par le peuple ; mais ailleurs, jamais ! D’après Ctésiphon, qui
foule aux pieds les lois et change même le lieu, ce sera au théâtre, non à l’assemblée des citoyens,
mais aux nouvelles tragédies; non devant le peuple seul, mais en présence des Hellènes, pour qu’ils
sachent comme nous quels hommes nous décorons. »
Eschine. Discours sur la Couronne.
3. Pollux l’appelle une place arrangée suivant la simplicité antique , y wpiov xaTeuxEuafTp-évov xaxà
vrjv 7ra),aiàv àTiXovrixa. Lexic. L. VHI, 132.
PNYX.
321
qui redoutaient rinfluence de ces souvenirs, rétablirent le Pnyx à sa place
primitive, où les hautes parois des rochers masquaient la mer^.
L’ancien Pnyx, auquel on arrivait par deux pentes latérales assez
douces, était une vaste esplanade semi-circulaire d’environ 150 mètres de
diamètre, taillée a mi-côte et soutenue par, un mur en forme de segment
de cercle, composé de blocs d’une grandeur prodigieuse grossièrement
Vue générale du Pnyx.
é(juaiTis, et disposés par assises irrégulières. Ce mur, de construction
cyclopéenne, est à découvert sur une longueur de 72 mètres, et sa hau¬
teur au centre atteint 5 mètres. Certains blocs ont jusqu’à 3'", 70 de long-
sur 2 50 de haut et autant d’épaisseur. On retrouve encore à la suite
quelcpes autres vestiges de cette muraille.
Formée par un rocher taillé verticalement sur une hauteur d’environ
4 mètres, la corde de l’arc légèrement fléchie, comme pour lancer la
flèche, regarde le nord-est 2. Elle présente au centre où se trouve la tri¬
bune un angle*- très-ouvert, dont la forme semble avoir été calculée pour
concentrer dans l’hémicycle la voix des orateurs.
La tribune^, suggestum. A, d’où retentirent les voix de Démc-
sthène, d’Eschine, de Périclès, de Phocion, est entièrement taillée dans
le roc, ainsi que les trois gradins sur lesquels elle repose. Le degré infé-
\. (( La tribuiTe mesme des harangues, qui estoit sur la place du Pnyx, regardoit vers la mer;
mais les trente tyrans qui furent depuis la remuèrent ailleurs pour la faire tourner deuers la terre,
ayans opinion que l’estre puissans par mer estoit ce qui engendroit et maintenoit l’auctorité du gou-
uernement populaire. » Plutarque. Vie de Thémistocle.
‘2. La corde supposée droite, tirée d’une extrémité à l’autre de la paroi du rocher, aurait encore
112 mètres de longueur.
3. Voy. la vignette en tête de ce chapitre.
322
ATHÈNES.
rieur BCDE, haut, comme les deux autres, de O"', 42, et profond de
0'",32, a 9'“, 65 de longueur à la façade G D, et 6™, 30 aux côtés B G
et ED. A son angle D, est creusé un trou oblong F, qui dut recevoir
une stèle. Au-dessus du 3*" degré s’étend une terrasse G H I, dont le
centre est occupé par un autre gradin KLMN, long de A”? 45 à sa
face LM, qui, haute de 0"‘,45, porte sur sa surface quatre trous de
stèles irrégulièrement disposés. Ge gradin sert de base à la tribune
même A, à laquelle on montait par deux escaliers latéraux O et P, Gette
tribune n’est plus qu’un cube ayant perdu sa partie supérieure, ornée
sans doute d’une moulure quelconque et probablement munie d’un garde-
fou. Malgré cette dégradation, on peut voir encore par les traces restées
sur la paroi du rocher que la hauteur totale du monument était d’environ
3 mètres.
Derrière la tribune, le rocher, sur une certaine largeur au-dessus
de sa partie verticale, était taillé en gradins encore très-visibles, et de là
aussi le peuple pouvait entendre l’orateur. G’était par un large passage
coupé à l’extrémité méridionale de la paroi du rocher auquel était
adossée la tribune que l’on arrivait à ces gradins supérieurs.
La tribune, le Pnyx, ces monuments si intéressants par les grands sou¬
venirs qu’ils rappellent, étaient ensevelis sous la terre et les décombres,
et ils n’ont été dégagés qu’en 1822, aux frais et par les soins de lord
Aberdeen. Jusqu’alors la destination de cet hémicycle, dont la forme
seule se dessinait sur le sol, avait donné lieu aux assertions les plus
diverses; Wheler y avait vu l’Aréopage, Leroy l’Odéon de Périclès,
Stuart celui d’Hérode Atticus ; Ghandler seul y avait reconnu le Pnyx,
l’NYX.
323
et son opinion avait été adoptée par Barthélemy et Barbié du Bocage,
dès la fin du siècle dernier^.
Derrière la tribune, au-dessus et à 30 mètres en arrière, on trouve
un autre rocher taillé aussi verticalement sur une moindre largeur, et sur
une hauteur de 2"', 50 seulement dans la partie la plus élevée; il pré¬
sente au nord un petit escalier, et au sud une niche que M. Pittakis
pense avoir contenu la statue de Jupiter, devant laquelle on sacrifiait,
avant de délibérer de jeunes porcs, dont le sang arrosait le lieu
d’assemblée, cérémonie qu’on nommait xaGap[j(.a, purification^ ou îrepiçia,
lustration La longueur de la partie conservée de cette seconde muraille
de rocher est de 37 mètres.
C’est l’espace oblong compris entre cette paroi et celle de l’ancien
Pnyx qui paraît avoir formé celui de Thémistocle. Cette supposition,
adoptée par Leake, nous semble, malgré le peu de commodité que devait
offrir ce nouveau lieu de réunion, être plus qu’aucune autre d’accord avec
les témoignages de l’histoire.
A l’extrémité occidentale de cette esplanade rectangulaire fort allongée
sont les restes de la tribune, espèce de grand piédestal réservé dans le
roc, long de 3™, 30 et large de 3 mètres, qu’entourait un soubassement
régulier, encore visible, large de 0'", 80. Détruite sans doute par les
trente tyrans plutôt que par les siècles, la tribune ne conserve plus qu’une
hauteur de 0'", 50.
En avant du centre de la paroi du rocher du Pnyx de Thémistocle
1. «Je ne conçois pas, dit Stuart, comment, ainsi que le dit Lucien, la Justice assise sur la colline
de l’Aréopage, en face du Pnyx, aurait pu voir venir Pan qui' sortait de sa grotte, située sous l’Acro¬
pole, puisque, dans l’hypothèse de Chandler, elle aurait tourné le dos à ce dieu. »
Cette objection aurait certainement une grande valeur, si le texte de Lucien disait exactement ce
que Stuart lui fait dire; mais il n’en est rien. Mercure, arrivant dans l’Attique avec la Justice,
s’arrête sur l’Aréopage : « Tu n’as, dit-il à la Justice, qu’à t’asseoir ici quelque part sur cette colline
et regarder du côté du Pnyx, en attendant que j’aie proclamé les ordres de Jupiter. Moi, je vais
monter à l’Acropole pour convoquer le peuple d’un lieu d’où il puisse facilement m’entendre. —
Mercure, répond la Justice, ne t’en va pas avant de m’avoir dit quel est ce personnage qui vient
au-devant de nous; il est cornu, porte une syrinx et a les deux jambes velues. — Mercure: Com¬
ment! tu ne reconnais pas Pan? » Lucien. La Double Accusation.
On voit que dans ce passage rien n’indique que, dans ce moment, la Justice se soit déjà assise,
comme Mercure l’avait invitée à le faire pendant son absence; il est même probable que, dans la
pensée de Lucien, elle reste debout, puisque immédiatement elle entame un dialogue avec Pan qui
se présente devant elle.
2. Aristoph. Les Acharniens et les Harangueuses . — Eschine. In Tirnocr.
ATHENES.
33 4
sont, sur le sol, les traces d’un édifice dont le plan semblerait être celui
d’une sorte de temple, avec son pronaos. Trois trous ronds, de 0'", ih de '
diamètre, creusés dans le rocher,, sur la limite occidentale de son ^
enceinte, paraissent avoir reçu des poteaux dont la destination serait
difficile à déterminer. Je croirais volontiers cette construction posté¬
rieure à l’époque où l’on en revint à l’ancien Pnyx; car sa présence
eût encore diminué l’espace déjà si restreint destiné au peuple dans le
Pnyx de Thémistocle. Les citoyens n’avaient même pas ici, comme à
l’ancien Pnyx, la ressource de prendre place sur le sommet du rocher;
car, à partir de ce sommet, la colline descend vers le sud-ouest, où bientôt
elle est coupée par des restes assez considérables de l’ancienne muraille
de la ville, composée de blocs de grand appareil en pierres du Pirée.
Colline de Musée. Cette colline fait suite à celle du Pnyx, dont elle
était séparée, ainsi que de l’Aréopage, par une vallée qu’occupait un des
quartiers les plus populeux d’^Athènes, celui que sa position avait fait
nommer Cceléj xoi'Xv], le creux. Là, entre le Pnyx et le Musee, se trouvait
la porte Mélitide, dont l’emplacement est indiqué par la petite église de
.S. Diniitri Lombardhari.
La colline doit son nom à un disciple d’Orphée, au poète Musée, fils
d’Antiphème, né à Eleusis, qui vivait au xiib ou au xiv*" siècle avant
Jésus-Christ, et mourut dans une extrême vieillesse en ce lieu où il fut
inhumé^. Ses ouvrages étaient presque tous perdus dès le temps de
Pausanias, et on ne possédait plus de lui qu’un hymne à Cérès^. Nous
avons vu que son portrait était au nombre des peintures que l’on con¬
servait dans la Pinacothèque des Propylées.
Démétrius Poliorcète qui,_ après avoir, délivré Athènes de ses tyrans,
voulut y dominer à son tour, avait fortifié le Musée et n’en fut chassé
1. « Le poëte Musée chantait, dit-on, ses vers sur cette colline, et, quand il mourut de vieillesse,
il y fut enterré. » Pausani.vs. Att. C. XXV.
2. Pausanias. Att. C. XXII.
Cet hymne môme n’est pas parvenu jusqu’à nous, mais nous connaissons les titres de plusieurs
autres ouvrages de Musée, tels que les Préceptes adressés à son fils Eumolpe, une Théogonie, la
Titanographie, des poëmes sarda Sphère et sur les Mystères et Initiations. On a publié sous son
nom un joli poëme à'Héro et Léandre qui, évidemment, appartient à une époque bien moins
reculée. 11 est très-probable qu’il ne fut composé que vers le iv® siècle de l’empire par Musée le
grammairien.
3. « Démétrius, fils d’Antigone, ayant rendu la liberté aux Athéniens, ne leur rendit cependant
pas le Pirée aussitôt après la fuite de Lacharès, et, les ayant vaincus quelque temps après, il mit une
TOMBEAU DE Cl MON.
32o
qu’avec peine par Olympiodore à la tête de c{uelques Athéniens'^.
Cette colline était en grande partie renfermée dans l’enceinte de la
ville, et la muraille antique la coupait par le milieu, suivant à peu près
les irrégularités de son sommet.
Tombeau de Cimon. Au bas du Musée, à son extrémité nord-ouest,
et regardant le nord, se trouve le tombeau attribué à Cimon. Sa posi¬
tion s’accorde en effet très-bien avec ce c|u’ Hérodote nous apprend du
tombeau de Cimon, père de Miltiade.
« Cimon, dit-il, fut enterré devant la citadelle, au delà du chemin qui
traverse le Cœlé, et vis-à-vis de lui sont enterrés ses chevaux, qui
avaient gagné trois fois le prix aux jeux olympiques » Le tombeau
étant double, la tradition veut qu’il ait ausçi reçu le corps du grand
Cimon, fils de Miltiade. Si rien n’est certain dans cette conjecture, nous
devons dire aussi qu’aucun témoignage positif ne vient la contredire.
Nous conserverons donc à ce monument son nom populaire, heureux cfue
nous sommes de la pensée d’avoir peut-être sous les yeux la demeure
dernière d’un des plus nobles fils de l’antique Athènes'’^.
garnison dans leur ville même et fortifia à cet effet te Musée, colline située en face de la citadelle,
dans l’ancienne enceinte de la ville. » Pausanias. Att. G. XXV.
« Adonc voyant Démodés l’orateur que le peuple jettoit de grands cris de joye à la louange de
Démétrius, et que les orateurs, à l’enui l’vn de l’autre, montoyent à la tribune aux harengues pour
lui décerner tous les iours de nouueaux hôneurs à qui surpasseroit son compaignon , il proposa un
décret qu’on mist et livrast entre les mains du roy Démétrius les ports et haures de Pyreus et de
Munychia pour en faire à son bon plaisir. Ce qui lui ayant esté accordé et passé par les voix du
peuple, lui-mesme encore de son a’uctorité priuée mist une grosse et puissante garnison dedans le
fort appelé Musæum, de peur que delà en auant le peuple ne se rebellast contre lui et ne le destour-
nast d’autres entreprises. » Plutarque. Vie de Démétrius.
Cf. Diodore be Sicile. L. XX, § 45.
'] . « Quelques Athéniens, étant venus dans la suite à réfléchir sur la gloire de leurs ancêtres et sur
la prééminence que leur patrie avait perdue, prirent à l’instant même Olympiodore pour général;
comptant beaucoup plus sur leur bonne volonté que sur leurs forces réelles (ils n’étaient que treize
en tout, Ibid. C. XXIX), il les conduisit tous sur-le-champ, jeunes gens et vieillards, contre les
Macédoniens; ces derniers étant venus à sa rencontre, il les défit et prit le Musée où ils s’étalent
réfugiés; c’est ainsi qu’Atliènes fut délivrée du joug des Macédoniens. » . *
Pausanias. Att. C. XXVI.
2. Hérodote. L. VI, c. 103.
3. « Cimon, fils de Miltiade, mourut dans Pile de Chypre, et Phistorien Thucydide fut tué dans la
Thrace; mais les restes de ces deux illustres Athéniens furent transportés dans le lieu destiné à la
sépulture de leur famille. » Ciiaxdler. Voyages en Grèce. T. II, p. 482.
« Les sépultures qu’on appelé iusques auiourdhui Cimonia, tesmoignét que ses cendres et ses os
furet raportez en Attique. » Plutarque. Vie de Cimon.
Ajoutons avec Leakc que ce lieu est contigu au quartier du Pnyx qu’habitait Cimon.
326 ATHÈNES.
Ce tombeau est creusé dans le flanc du rocher naturellement vertical
en cet endroit. Sa façade présente une sorte d’encadrement, haut de
de 1'", 73 et long de 3™, 48, dont la feuillure aurait reçu une décoration
monumentale portant les inscriptions. Au-dessous, le rocher a encore une
Tombeau de Citnon.
hauteur de 0'", 46. L’ouverture du sépulcre a 2'", 55 de longueur et 1'”, 17
de largeur. En arrière du frontispice elle avait reçu une seconde clôture
dont les traces sont surtout visibles sur la paroi de gauche, et qui n’était
formée que d’une dalle de champ, épaisse de 0'", 12. Un trou de scelle¬
ment existe dans l’appui sur lequel elle reposait.
La chambre sépulcrale a 2'”, 45 de profondeur, et c’est au-dessous du
niveau de son ouverture que se trouve, également creusé dans le roc, le
sarcophage, large de l'‘',35 et long de 2‘", 30. C’était, comme nous
l’avons dit, un cercueil double, un hisomum’^, conservant encore une
partie de la cloison qui le divisait. Une saillie qui règne tout autour avait
du recevoir le couvercle, formé de deux ou trois énormes dalles de O*", 33
d’épaisseur, dont on voit encore les traces sur la paroi. Dans sa partie
supérieure, le monument est surmonté d’une espèce de toit en appentis
soigneusement taillé dans le roc, nouvelle preuve de l’ancienne existence
d’une décoration monumentale.
A la droite du tombeau, on voit dans le rocher l’indication d’un escalier
qui conduisait au sommet de la colline entièrement couvert de vestiges
de constructions taillées dans le roc, chambres, escaliers, citernes, 'etc.,
\. Bisomum, mot assez mal composé du latin bis^ deux fois, doublement, et du grec o-wpia,
corps.
PRISON DE SOCRATE.
327
comme à la colline des Nymphes, et où l’on peut suivre facilement le
tracé de l’ancienne muraille d’Athènes, qui conserve encore plusieurs
assises de pierres du Pirée^.
Prison de Socrate.
Prison de Socrate. Au pied de la colline de Musée, à quelques pas
dé l’emplacement de l’ancienne porte Mélitide et en regard de l’Acropole,
sont creusées trois grottes que l’on croit avoir servi de prison à Socrate
et avoir été témoins de sa mort.
Plan de la prison de Socrate.
La façade du rocher, grossièrement aplanie, est percée de trois portes
irrégulières ABC, et couverte de trous carrés c{ui semblent avoir reçu
les poutres d’un toit. Du reste, le rocher D, faisant saillie en équerre, à
droite, semble en effet indiquer la présence d’une construction en avant
des grottes aussi bien que l’escalier E, qui, placé à gauche et dans le
haut du rocher, dut être complété dans sa partie inférieure par un esca¬
lier en maçonnerie ou en bois dépendant de cette construction. Ce bâti¬
ment devait être destiné aux gardiens de la prison.
1. Suivant Pline (L. XXXV, 49), les murs d’Athènes regarJaiit le mont Hymette étaient en liriques.
328
ATHÈNES.
Les deux grottes de gauche communiquent entre elles par une porte.
La première F, selon M. Pittakis, serait la salle où Socrate alla se bai¬
gner avant de boire la ciguë; une trace qui existe de trois côtés sur le
sol, le long des parois, pourrait en effet indiquer l’emplacement de trois
baignoires.
Cette grotte, la plus régulière de toutes , présente un carré de 3™, 35
«
de profondeur sur une largeur égale et 2“, 20 de hauteur ; le plafond est
plat. La porte d’entrée A est haute de 2 mètres et large de j.'",75; la
porte de communication G n’a que 0™,70 de large.
La seconde grotte H est très-petite et fort irrégulière. La manière
dont le fond en cul-de-four est taillé dans le roc avec une espèce d’au¬
tel I, réservé en avant, semblerait indiquer une chapelle, ùpov, proba¬
blement consacrée à Mercure Strophœus, Srpofpaioç sous la protection
duquel étaient les prisons.
Un trou rond K, pratiqué violemment dans la paroi de droite, sans
doute à une époquê comparativement très-moderne, communique avec
la troisième grotte. Celle-ci est double; en avant est une sorte de vesti¬
bule carré L, de grandeur égale à celle de la première grotte F, mais
dont le plafond est à double rampant comme celui des hypogées étrusques
de l’antique Tarquinia. A droite, au fond, une grande ouverture M,
irrégulièrement arquée, communique à une salle circulaire taillée égale¬
ment dans le roc. Cette rotonde, tholus, OoXoç surmontée d’une voûte
elliptique, était' la prison. Sa forme rappelle celle de la Trésorerie
d’Atrée, à Mycènes; son diamètre est de 3'", 25. Les parois sont polies
avec assez de soin. Au centre de la voûte est une ouverture ronde que
fermait une dalle dont il reste encore la moitié.
Tombeau de Musée. Gravissant la colline, un peu au-dessous de son
sommet, on voit sortir de terre la partie supérieure d’un très-ancien tom-
1. StpcçaiO!;, de crxpoçEyç, gond de porte; chez les Romains, les gonds avaient aussi leur divinité
tutélaire, nommée Cardea ou Carna, de Cardo^ gond.
2. On appelait tholus tout édifice rond surmonté d’une coupole, mais il y avait à Athènes un
édifice spécialement nommé le Tholus. « Il se trouve, dit Pausanias {Att. C. V), auprès du sénat des
cinq cents. Les prytanes y ofifrent des sacrifices, et on y voit quelques petites statues d’argent. »
Le Tholus avait été probablement le trésor et le palais des anciens rois d’Athènes, et, « comme
l’autorité de ceux-ci, dit M. Alfred Maury, passa ensuite aux prytanes, on comprend pourquoi ces
magistrats sacrifiaient au Tholus. C’était dans cet édifice que l’on renfermait les clefs de la citadelle
et le trésor public. Les trente tyrans y siégeaient. »
MONUMENT DE PHILOPAPPUS.
329
beau, qu’il serait bien facile de dégager entièrement^. Tourné vers
l’orient, il présente un fronton long de 4'", 20, grossièrement taillé dans
le roc. et à l’intérieur il paraît avoir été divisé par une cloison centrale.
La tradition veut voir dans ce monument le tombeau de Musée, et la
rudesse de son style autorise jusqu’à un certain point cette supposition
dont la réalité n’est, du reste, aucunement prouvée.
Monument de Philopappus. Au point culminant de la colline de Musée
s’élèye une ruine connue sous le nom de monument de Philopappus 2.
Sa façade, tournée à l’est, regarde l’Acropole, et sa hauteur est de
12™, 62. Pausanias s’est contenté de le mentionner en passant, sans
entrer dans aucun détail Stuart pense avec raison qu’il a été élevé en
l’honneur du dernier roi de Comagène et de plusieurs de ses descen¬
dants. La Comagène, qui formait la partie septentrionale de la Syrie,
et fut soumise la dernière par les Romains, ne figure dans l’histoire
comme royaume indépendant que vers l’an 65 avant Jésus-Christ, époque
où le reste de la Syrie fut réduit en province romaine par Pompée.
Antiochus 1®% qui y régnait alors, fit alliance avec les Romains auxquels
il donna plus d’une preuve de fidélité et sut ainsi conserver son trône,
Cfu’il transmit à ses héritiers. La Comagène, devenue à son tour pro¬
vince romaine, à la mort d’ Antiochus ITI, l’an 17 après Jésus-Christ,
fut rendue en l’an 38 à son fils Antiochus IV Épiphane par Caligula,
qui lui adjoignit une partie de la Cilicie. Antiochus lY fut un des
premiers princes qui reconnurent Yespasien comme empereur, et il com¬
manda un corps d’auxiliaires au siège de Jérusalem; mais, en l’an 72,
s’étant compromis par une alliance avec les Parthes, il perdit son
royaume qui fut définitivement réuni à l’empire romain ^ sous le nom
à' Euphmtésie
\. Voy. la lettre en tête du chapitre.
2. Planche VIII.
3. « On a dans la suite érigé sur le Musée un tombeau à un Syrien. » Att. C. XXV.
4. Cicéron étant gouverneur de la Cilicie écrivait aux consuls et au sénat : « Des avis que j’avais
lieu de croire fondés m’avaient annoncé le passage de l’Euphrate par les Parthes avec presque toutes
leurs forces... Les premiers avis me vinrent d’Antiochus, roi de Comagène. »
L. XV, lettre 1.
Cicéron parle aussi de ce service rendu par Antiochus dans. une lettre adressée à Caton.
5. Eütrope. L. VII, c. 19.
Lettres fam. XV, 4.
G. C’est ainsi qu’on le trouve désigné, parmi les dix provinces de l’Orient, par Amniien Marcellin
330
ATHÈNES.
Antiochus passa le reste de sa vie à Rome , où il fut traité avec beau¬
coup d’égards, mais il paraît que sa famille se fixa à Athènes. Ce doivent
être ce prince et quelques-uns de ses descendants qui sont mentionnés
dans les inscriptions ou représentés par les sculptures du monument
que nous décrivons.
Cet édifice présente à sa façade un segment de cercle concave,
G
Plan du monument de Philopappus.
A B C D E , orné autrefois de niches B C D , dont il ne reste que les
deux premières. Quoique ainsi réduite d’un tiers, la façade conserve une
largeur de 7 ‘",60.
Sous la niche B, qui, carrée, haute de 2'", 12 et large de l'",25,
contient une statue assise, sans tête, on lit :
BA SIAETS ANTIOXOX BASIAEOS ANTIOXOT
« Le roi Antiochus, fils du roi Antiochus. »
Sous la figure, plus fruste encore, qui occupe la niche centrale C,
niche en cul-de-four, haute de 2'", 85 et large de 1"’, 85, se trouve cette
inscription : >
d>iAonAnnos EnithANor bhxaieïs
« Pliilopappus de Besa i, fils d’Épiphane (Antiochus IV). »
Les lettres «eiao du premier mot manquent aujourd’hui, mais elles
(L. XIV, 8), et dans le Libellus provinciarum Romanaruni {Class. lat., coll. Nisard ) que l’on croit
avoir été composé au temps de Théodose. Cet État forme aujourd’hui une partie des eyalets de
Marasch et d’Alep.
I. Besa, dème de la tribu Antiochide.
MONUMENT DE PHILOPAPPüS.
331
ont été vues par Spoii et Wheler, et même encore par Stuart et Revett.
La troisième niche contenait sans doute cfuelque autre personnage illustre
de la famille, peut-être son chef, Antiochus PL
Enfin, sur un pilastre F, large de 0'", 55, qui sépare la niche cen¬
trale de celle de gauche, est cette longue inscription latine :
C. IVLIVS G. F.
FAB. ANTIO
CHVS PHILO
PAPPVS COS
FRATER AR
YALIS SVLLE
GTVS INTER
PRAETORI an
OS AB IMP
CAESARE
NERVA T RAI A
NO OPTV
MO AVGVS
TO GERMA
NIGO DAGICO
« Caïus-Julius Antiochus Philopappus, fils de Gains, de la tribu Fabia, consul
frère ArvaU, agrégé aux prétoriens par l’empereur César Nerva Trajan très-bon,
Auguste, Germanique, Dacique. »
Stuart ^ croit trouver dans cette inscription la date de l’érection du
monument; nous pensons qu’il est dans l’erreur. L’inscription latine
nous paraît avoir évidemment été ajoutée après coup et ne désigner
nullement, reléguée qu’elle est au sommet d’un pilastre , le personnage
1. On chercherait vainement le nom de Philopappus dans les fastes consulaires; peut-être ne
fut-il que consul désigné, designatus, sans avoir eu le temps d’entrer en fonction, ou consul subrogé,
suffectus, c’est-à-dire remplaçant un consul mort pendant la durée de sa charge.
2. On nommait fratres arvales des citoyens chargés de sacrifier deux fois par an à Gérés dans
les fêtes nommées Amharvalia ; ils étaient au nombre de douze, appartenant aux familles les plus
distinguées de l’empire. Ils avaient été institués par Romulus qui lui-même fit partie de leur collège.
Cette dignité, très-considérée à Rome, était à vie, et ne pouvait se perdre ni par l'emprisonnement
ni par l’exil.
« Sabinus Massurius, au premier livre de ses Mémoires, prétend, d’après quelques autres histo¬
riens, qu’Acca Larentia fut la nourrice de Romulus. « Cette femme , dit-il , était mère de douze
enfants du sexe masculin : l’un d’eux étant mort, Romulus prit sa place et fut nourri par Acca
Larentia. Il les appela ses frères, dans la suite, fratres arvales, et prit ce nom lui-même.
« Telle est l’origine du collège des douze frères Arvales. Les insignes de ce sacerdoce sont une
couronne d’épis et des bandelettes blanches. » Aülu-Gelle. L. VI, c. 8.
Cf. Varhon. De ling, lat. 83.
3. Antiquités d’Athènes. T. III.
332
ATHÈNES.
auquel fut élevé un mausolée de cette importance. N’est-il pas plus
naturel de le reconnaître dans celui dont la statue occupe la niche prin¬
cipale, entre son père Antioclius IV Épiphane et quelque autre roi
de ses ancêtres, au-dessus d’un bas-relief représentant, non le triomphe
de Trajan, comme on l’a cru^, mais celui de Titus après la prise de
Jérusalem à laquelle An-tiochus IV avait pris une part glorieuse. Ce serait
donc aux règnes de Titus, de Domitien ou de Nerva, c’est-à-dire aux
vingt dernières années du i'' siècle qu’appartiendrait notre monument.
Plus tard, un autre membre de la famille ayant été déposé dans le
mausolée, son nom et ses titres furent gravés sur le pilastre, seule
surface restée lisse. Quant à cette dernière inscription, sa date se trouve
indiquée d’une manière précise. Trajan fut salué du titre à'Optumus
en 109, et il portait déjà celui de Dacicus; dans sa seconde expédition
en Orient , après avoir chassé Chosroès du royaume des Parthes , il
reçut, en 111, le surnom de Parlhicus^ et comme l’inscription ne fait pas
encore mention de celui-ci, il est clair qu’elle dut être tracée entre les
années 109 et 111.
Nous sommes encore obligé de combattre une autre supposition de
Stuart, qui croit que le pilastre qui porte l’inscription était surmonté
d’une statue. Il n’y avait point place pour une statue sur le chapiteau
corinthien sur lequel reposait l’entablement. Le pilastre entier, par un
déplacement qu’un tremblement de terre pourrait seul expliquer , est
sorti pour ainsi dire de son alvéole, et venu en avant, ainsi que le
prouvent son inclinaison hors d’aplomb, sa position par rapport à son
chapiteau resté en arrière à sa place primitive, et l’aspect des surfaces
latérales du pilastre, dont le marbre est poli dans les parties destinées
à être vues et simplement dégrossi dans celles qui devaient être ren¬
fermées dans la muraille.
Le monument, composé de marbre pentélique, reposait sur cinq assises
de pierres du Pirée, surmontées d’un soubassement enrichi de bas-reliefs
malheureusement très-mutilés. Au centre, la composition principale, haute
de 2"', 60, large de 2"’, 80, offre un triomphateur, sans doute Titus, sur
son char attelé de quatre chevaux; derrière lui, au-dessous du pilastre
de droite, est une figure isolée, qui, bien que fruste, peut encore être
1. Au temps de Spon, ce bas-relief avait fait donner au Musée le nom de colline de l’arc de Trajan.
MONUMENT ÜE PHILOPAPPÜS.
333
reconnue pour un prisonnier barbare. Le bas-relief de droite, qui a dis¬
paru , représentait probablement quelques autres prisonniers suivant le
char du vainqueur. Le bas-relief de gauche, haut de 2'", 60 et large de
i'“,90, existe encore, ainsi que celui que surmonte le pilastre F; ces
sculptures réunies offrent quatre fi gures dont les draperies sont assez
bien conservées. Vus de face , ces personnages semblent faire la haie
sur le passage du triomphateur.
Derrière la façade de marbre que nous venons de décrire, existent
les restes de l’enceinte quadrangulaire G, qui complétait le monument
et formait la chambre sépulcrale, depuis longtemps renversée et réduite
à quelques assises de pierres du Pirée.
Nous voici arrivé au terme de notre course à travers les ruines de
la ville de Thésée et de Périclès. Du haut de la colline de Musée donnons
un dernier regard, disons un dernier adieu à ces merveilles de l’art,
que trop souvent, hélas! notre imagination a dû reconstruire. Notre œil
embrasse du pied du monument de Philopappus .un panorama plus com¬
plet encore que celui que nous avons admiré du sommet de l’Acropole.
C’est qu’ici nous avons pour motif principal de notre tableau l’Acropole
elle-même et le Parthénon se détachant sur le Lycabette; à l’ouest, sous
nos pieds, se dressent l’arc d’Adrien et les colonnes du temple de Jupiter
Olympien, et, fraîche oasis au milieu de ces campagnes sèches et pou¬
dreuses, se développe le ravissant jardin de la reine, précédant le Stade
d’IIérode et le mont Hymette aux bruyères parfumées. Au sud, au delà
du golfe Saronique, sur la mer Égée, nous voyons se dessiner à l’horizon
le promontoire de Scylla, extrême pointe de l’Argolide. En allant vers
l’ouest, voici Égine, les ports de Phalère, de Muynchie, du Pirée, et
derrière eux Salamjne; au nord-ouest, l’antique bois d’oliviers consacré
à Minerve est traversé par la voie sacrée d’Éleusis, qui, passant au pied
du mont Saint-Élie, s’enfonce dans le pittoresque défilé de Gaïdarion,
entre les monts Icare et Corydalus; au nord, le Parnès nous étonne par
son immense fissure qui semble produite par la hache de quelque Titan ;
en avant, enfin, s’étend l’Athènes moderne, à laquelle servent de premier
plan le temple de Thésée, le Pnyx et l’Aréopage.
Pourquoi faut-il qu’un regret se mêle aux sentiments d’admiration
qui font ici battre le cœur ? Combien il est triste de penser que c’est
plutôt la main de l’homme que le temps, si peu destructeur sous le beau
334 ATHÈNES.
ciel de la Grèce, qui a fait ruines ces miracles de l’art qu’après vingt -
quatre siècles nous eussions pu contempler encore tout brillants de jeu¬
nesse. Consolons-nous pourtant par la pensée qu’au moins ce qui reste
est sauvé, et remercions la Providence d’avoir confié ces merveilles à
un prince qui, comprenant sa mission, veille avec sollicitude sur ces
inappréciables trésors et conquiert ainsi chaque jour de nouveaux droits
à l’éternelle reconnaissance de tous ceux qui ont conservé dans leur âme
l’amour du beau, le culte des grands souvenirs.
Temple d’Égine.
OUATRE JOURS
PÉLOPONÉSE.
voyage dans rintérieur de la Grèce ne ressemble
guère aux promenades que les touristes peuvent
faire sans danger, sans privations et presque sans
fatigue, dans la plupart des autres contrées de
l’Europe. Rien n’est plus rare, dans cet ancien
berceau de la civilisation, qu’une auberge quel¬
conque, si ce n’est une route, ou même un sentier.
Force est donc d’imiter ce philosophe qui portait
tout avec lui et qui, devançant les siècles, sem¬
blait donner un conseil prophétique aux voyageurs qui plus tard vou¬
draient parcourir sa patrie.
22
LE
Petite porto, à Mycènes.
338 QUATRE JOURS DANS LE PÉLOPONÈSE.
En compagnie d’un ingénieur français que des travaux importants
avaient appelé en Grèce, sous la conduite d’un guide nommé Manuel,
parlant passablement l’italien et même un peu le français, l’anglais et le
russe, je quittai Athènes le 12 mai 1859, à quatre heures et demie du
matin. Notre guide, qui, moyennant quarante francs par jour et par tête,
s’était chargé de toutes les dépenses, emportait avec lui lits de fer,
matelas, batterie de cuisine, comestibles, etc. En trois quarts d’heure
notre calèche franchit la plaine poudreuse qui sépare Athènes du Pyrée,
et nous déposa sur le port où nous attendait VHydra, beau steamer grec,
qui devait partir à cinq heures et demie, mais qui, selon l’usage du
pays, ne manqua pas d’être en retard d’une heure.
A sept heures quarante minutes nous rasions la côte occidentale de
l’île d’Égine, située dans le golfe auquel elle a donné son nom, et qui
portait aussi celui de mer Saronique. Égine fait face à la fois à l’Attique
et à l’ancienne Epidaure qui, fameuse autrefois par la guérison que les
malades y venaient chercher dans le temple d’Elsculape, vient d’acquérir
une nouvelle et bien différente célébrité par la mort du savant et à jamais
regrettable Charles Lenormant, qui, victime de l’amour de l’archéologie,
y contracta la funeste maladie qui, quelques jours plus tard, tranchait à
Athènes cette existence si bien remplie déjà, et pourtant encore si riche
d’avenir. La forme de l’île d’Égine est celle d’un triangle irrégulier dont
les côtés auraient environ 10 kilomètres; son diamètre moyen est d’un
peu plus de 8 kilomètres; son sol, très-inégal, paraît peu cultivé, et
n’otîrait à nos regards que quelques chênes verts, clair-semés et rabou¬
gris. Une sommité domine toutes les autres; c’est le mont Saint-Élie,
qui porte une chapelle construite des débris d‘un monument antique.
■Sur l’une des collines, à l’extrémité orientale de l’île, nous apercevons
très - distinctement le fameux temple de Jupiter Panhellénien. Encore
debout, en grande partie, il conserve de nombreuses colonnes, la plu¬
part surmontées de leurs architraves
On sait que les sculptures de ses frontons, ces sculptures, type le
plus complet de l’art auquel on a donné le nom d’Éginétique, sont le
plus précieux trésor de la glyptothèque de Munich.
Le temple de Jupiter Panhellénien avait été fondé vers la tin du
1. Voy. la vignette en tête du chapitre.
ÉGINE.
339
VI® siècle avant Jésus-Christ, et, ainsi que son nom l’indique, élevé par
tous les peuples de la Grèce au dieu qui les avait délivrés d’une cruelle
famine. Ce temple était, comme les plus anciens édifices sacrés de la
Grèce, d’ordre dorique; il était liexastyle, périptère et hypèthre; ses
côtés avaient douze colonnes, y compris celles des angles ; il était pré¬
cédé d’un pronaos soutenu par deux colonnes entre les antes, et présen¬
tait un posticum semblable à la face opposée, et non un opisthodome,
comme l’ont cru quelques voyageurs. La largeur de la façade est de
Plan du Temple d’Egine,
12‘",66, et la longueur du temple est de 27'", 665. Les colonnes du
péristyle ont 0"’,975 de diamètre à la base, et s’élèvent avec une dimi¬
nution du quart de ce diamètre à la hauteur de 5'", 58, y compris le
chapiteau. La hauteur totale du monument était de jusqu’à
l’angle supérieur du fronton. Le temple s’élevait au milieu d’un vaste
péribole de 70"',72 sur 42'", 56^.
L’île d’Égine renferme d’autres antiquités, telles qu’une chambre
sépulcrale, toute revêtue de peintures, et quelques ruines ejui, pour être
moins importantes, ne sont cependant pas sans intérêt.
A neuf heures et demie, nous arrivons en rade de l’île de Poros.
l’antique Calaurie, qui n’est séparée du continent de la Morée et de
l’ancienne Trézénie que par un canal étroit et peu profond. A notre
droite, dans une gorge bien boisée, s’élève un vaste monastère; à
gauche, un îlot isolé porte le fort Ileijdeck, batterie qui défend l’entrée
du port; du même côté se dresse une colonne, restée seule debout de
1. E. Beulé. L'Architecture au siècle de Pisistrate. In-8”, atl. 1860.
C. Garnier. Revue de l’Orient et Revue archéologique.
340 QUATRE JOURS DANS LE PÉLOPONÈSE.
celles qui décoraient le temple de Vénus. La ville, habitée par environ
/|.,500 Albanais, est bâtie sur un rocher uni à Tîle par une langue de
terre très-basse et très-étroite, qui est couverte par les eaux quand les
vents du nord et du midi soufflent avec violence. Sur la plus haute
montagne, nommée aujourd’hui Palatia, sont les ruines d’un temple de
Neptune, célèbre par la mort de Démosthène, dont on montre, près de
là, le prétendu tombeau. Poros est l’arsenal maritime de la Grèce mo¬
derne ; l’île et la terre ferme forment un grand et beau port à l’abri de
tous les vents, et l’un des meilleurs de ces parages; il a deux entrées,
l’une au nord, l’autre au midi; c’est devant cette dernière que notre
vapeur a stoppé, pour prendre et débarquer les voyageurs. Parmi les
nouveaux venus, nous remarquons un assez grand nombre de femmes
hydriotes, reconnaissables au grand fichu qui leur enveloppe entière¬
ment la tête, se croisant sous le menton et sur la poitrine.
Après un arrêt de dix minutesj le steamer se remet en route pour
s’arrêter, à onze heures, devant la ville d’Hydra, située au côté nord de
l’île du même nom, l’antique Ilydrœa, terre longue et étroite qui s’étend
du sud-ouest au nord-est, parallèlement à l’extrémité sud-est de l’Argo-
lide. L’aspect de l’île est aussi aride de ce côté que de celui du sud,
que j’avais rangé en arrivant à Athènes ; à peine aperçoit-on quelques
traces de végétation; mais l’ensemble est pittoresque et plein de carac¬
tère. La ville, dont l’aspect rappelle Alger à l’époque de la conquête,
s’élève, avec ses maisons blanches et ses moulins à huit ailes, jusqu’à
une grande hauteur sur le penchant d’un amphithéâtre de montagnes
que couronne un vaste couvent. Comme Nice, Hydra tourne autour d’un
rocher qui, s’élevant au bord de la mer, la partage en deux. C’est à
gauche de ce rocher que se creuse un port naturel, dont l’entrée est
défendue par plusieurs batteries élevées par les Turcs.
A l’extrémité occidentale d’Hydra^ nous laissons à droite l’île aride et
déserte de Doko, et un peu plus loin, à gauche, Trikeria, autrefois
Tricruna, îlot pyramidal, accompagné de deux plus petits. Entre Doko
et Trikeria, nous apercevons devant nous Spezzo-Poulo , et l’île plus
grande de Spetzia, jadis Tiparenos, où nous arrivons à une heure, après
avoir doublé le cap Milona, pointe basse qui forme l’extrémité la plus
méridionale de l’Argolide. La ville de Spetzia, troisième station de
l’Hydra, est située sur la côte septentrionale de l’île, sur le bras de mer
HYDRA. NAUPLIE.
341
assez étroit qui la sépare du continent ; son aspect est à peu près le
même que celui d’Hydra, cpe nous avons comparée à Alger; seulement
ses maisons blanches et sans toits s’élèvent en amphithéâtre triangulaire
sur une pente moins abrupte. A gauche est un joli port naturel, formé
par une presqu’île couverte de moulins à huit ailes, aussi bien qhe les
collines auxquelles la ville est adossée.
En quittant Spetzia, nous entrons dans le golfe de Nauplie ou d’Argos;
à droite, par-dessus les terres peu élevées qui forment la côte de l’Ar-
golide, nous apercevons la haute montagne d’Ortholiti , à laquelle sa
double cime avait valu, dans l’antiquité, le nom de Didyme {double ou
jumeau) .
A deux heures un c|uart, nous laissions à droite l’île d’Hypsili, l’an¬
cienne Ephyre, qui ne présente qu’une côte escarpée et aride.
Une heure après, nous apercevons le fort Palamidi qui domine Nauplie,
et la citadelle dont les murailles modernes ont pour base d’antiques
constructions helléniques, et bientôt nous jetons l’ancre devant Nauplie.
Cette ville n’a ni quai ni port, et le débarquement ne peut se faire que
par canots. La mer avait été très-calme pendant toute la journée; mais
quelcjues instants avant notre arrivée, un vent violent s’était élevé, et les
flots étaient devenus tout à coup fort agités. Au moment où notre légère
embarcation passait sous l’avant du steamer, celui-ci, par un mouvement
de tangage, engagea son beaupré dans nos haubans, et nous enleva, en
se redressant, à plus d’un mètre hors de l’eau ; son retour en avant nous
remit à flot, et heureusement nous parvînmes à nous dégager avant une
seconde ascension. Cinq minutes après, nous foulions le sol du Pélopo-
342 QUATRE JOURS DANS LE PÉLOPONÈSE.
nèse, et nous entrions dans la seule auberge de Nauplie, Vhôtel de la
Paix, le bien mal nommé.
Nauplie et le mont Palamidi. qui la domine, ont conservé leurs noms
antiques; cependant on désigne aussi la ville sous ceux d’Anaplie et de
Napoli di Romani.
Outre la citadelle et le fort Palamidi, elle est défendue par le fort
Grec ou Itschkalé, et par le fort Saint-Théodore ou Bourdzy, construit
par les Turcs sur un îlot isolé, en face de la ville. Située dans la partie
orientale du golfe d’Argos, sur une langue de terre très-étroite, Nauplie
s’avance dans la mer dans la direction du sud-est au nord-ouest. L’isthme
de cette petite presqu’île est occupé par un rocher très-haut et très-
escarpé, qui ne laisse qu’un passage étroit pour arriver à la ville. Le
fort Palamidi a été remis en état de défense, en 1687, par les Vénitiens
auxcfuels la ville doit aussi la plupart des bastions qui la protègent. Ces
diverses constructions portent en bas-reliefs des lions de Saint-Marc et
des inscriptions faisant connaître les noms des provéditeurs qui ont pris
part à ces travaux. Nauplie, depuis les premières années du xiiP siècle,
n’a cessé de passer successivement des Turcs aux Vénitiens, des Véni¬
tiens aux Turcs. Enfin, après un siège de trois mois, les Grecs y entrè¬
rent en vainqueurs, le 3 janvier 1823, et, après la proclamation de
l’indépendance, cette ville fut le siège du gouvernement jusqu’au 13 dé¬
cembre 1834 , épocjue où Athènes fut déclarée capitale. Nauplie est
aujourd’hui le chef-lieu de la préfecture de l’Argolide; sa population est
de 6,000 âmes, compris le faubourg de Pronia.
' Les rues sont en général étroites et souvent rétrécies encore par d’an¬
ciennes maisons turques dont les étages s’avancent en encorbellement.
Nous avons été étonnés de la beauté des femmes qui paraissaient aux
fenêtres; on n’est pas habitué en Grèce à de semblables surprises.
Toutes les rues qui ne se trouvent pas dans le voisinage de la mer sont
très-escarpées et ont souvent même des degrés. A chaque pas on y
rencontre des fontaines turques dont quelques-unes sont assez élégantes.
Dans la partie basse de la ville sont deux belles places rectangulaires.
L’une est plantée d’arbres et bordée de cafés des deux longs côtés;
à l’une des extrémités est une caserne, à l’autre sont une ancienne
mosquée convertie en école publique, et le monument funéraire de
Démétrius Ypsilanti, l’un des héros de la guerre de l’indépendance ; ce
NAüPLIE.
343
mausolée est composé-d’un grand dé de marbre surmonté d’un cippe por¬
tant une croix, et rappelant le tombeau de Nœvoleia Tychè, à Pompéi.
Sur l’autre place se trouvent l’arsenal et le palais du gouvernement,
construit par Gapo d’istrias. Ce n’est qu’une grande maison percée d’un
passage public. Le roi Othon y résida depuis son débarquement, le
6 février 1833, jusqu’au 13 décembre 183/|..
Le seul édifice de quelque intérêt que présente Nauplie est l’église de
Saint-Spiridion , et encore seulement par le souvenir qui s’y rattache;
elle n’a qu’une seule nef peu étendue avec une coupole fermée; ses
murailles sont revêtues entièrement de peintures byzantines modernes.
C’est en sortant de Saint-Spiridion, par la porte latérale de droite, que,
le 9 octobre 1831, le président Jean Capo d’istrias, à six heures du
matin, fut assassiné par les frères Constantin et Georges Mavromichalis.
Ce dernier le frappa d’un coup de poignard dans le côté, et Constantin
lui tira à bout portant un coup de pistolet, et on voit encore dans l’un
des piédroits de la porte la trace profonde de la balle. Constantin fut
sur-le-champ massacré par le peuple indigné, et Georges fut condamné
et fusillé peu de temps après.
Hors de Nauplie s’étend le faubourg de Pronia, à l’extrémité duquel,
sur le flanc d’un rocher, on voit un monument exécuté par le sculpteur
allemand Siegel, en l’honneur des soldats bavarois morts en Grèce.
C’est un lion colossal couché, taillé dans le roc, à rimitation du fameux
lion de Lucerne. Au-dessous est gravée cette inscription :
OFFIZIERE UND SOLDAïE
KÔNIGLICH BAYERISCHEN BRIGADE
IHREN KAMERADEN
F 1833 UND 1834
ZUM VOLLENDUNG GEBRACHT
D ü R G H
LUDWIG I KONIG VON BAYERN.
i' Les officiers et les soldats de la royale brigade bavaroise à leurs camarades
morts en 1833 et 1834.
Terminé par Louis P*’, roi de Bavière. » •
A gauche du monument est un grand cimetière moderne, entouré de
murs; à droite, un autre cimetière ne contient qu’un petit nombre de
tombes dont plusieurs portent des noms français. Celui-ci est dominé
par une chapelle en grande partie creusée dans le roc.
344 QUATRE JOURS DANS LE PÉLOPONÈSE.
De ce point assez élevé au-dessus de la plaine, ie regard embrasse à
la fois la rade, la ville et les forts de Nauplie, et sa campagne ver¬
doyante, plantée de vignes, d’oliviers, de mûriers, d’amandiers, de
trembles, de figuiers et de cyprès. Dans le fond, on aperçoit Argos et
le mont Chaon.
Le 13 mai, après une nuit abominable [passée sur d’affreux grabats,
et pendant laquelle une chasse, hélas ! trop fructueuse, les chants des
buveurs séparés de nous par une cloison, des joueurs de billard qui ne
cessèrent de s’escrimer sous notre chambre, les miaulements des chats
amoureux, les aboiements des chiens, les cris des sentinelles, ne nous
ont pas laissé fermer l’œil un instant, et qu’a couronnée, à quatre heures
du matin, une fanfare de trompettes avec accompagnement de tambours,
nous avons quitté avec joie V hôtel de la Paix. A cinq heures, nous
sommes partis de Nauplie dans une calèche antédiluvienne, et, con¬
tournant le golfe d’ Argos , nous sommes arrivés en vingt-cinq minutes
à une ferme -modèle qui avait été créée par Capo d’Istrias, mais qui
depuis a été partagée et affermée à divers cultivateurs. A côté s’élèvent
les ruines de Tirynthe, aujourd’hui Palæo-Anapli.
Tirynthe était située dans une plaine, autour de l’éminence qui por¬
tait son Acropole appelée, selon Strabon, Lycimnœ; cette Acropole est
restée seule, et en vain aujourd’hui chercherait-on d’autres vestiges de
cette antique cité dont les fortes murailles sont vantées par Homère ^ et
par Hésiode 2.
« La forteresse de Tirynthe, dit M. Petit-Radel est un des monu¬
ments les plus remarquables de l’antiquité ; on y a trouvé des construc¬
tions moins irrégulières les unes que les autres; ce sont évidemment
des ouvrages de divers règnes. J’attribue à Prœtus la plus régulière, et
je considère les autres comme devant dater de la fondation de la ville
par Tiryns, fils d’ Argus. »
Suivant Pausanias, et dans le langage des anciennes traditions, une
ville avait toujours été primitivement fondée par le héros le plus ancien¬
nement nommé dans l’histoire de sa ville; mais comme Apollodore,
1. Iliade. C. II, v. 559.
2. Scutum HercuUs, v. 81.
3. Petit-Radel. Recherches stir les monuments cyclopéens.
TIRYNTHE.
345
Pausanias et Strabon ont dit que Tirynthe fut l’ouvrage des Cyclopes
amenés de Lycie par Prœtus, on a le droit d’exiger qu’il soit prouvé que
Tirynthe existait avant le règne de ce prince. Or, Pausanias lui-même
en fournit la preuve.
« Les anciennes traditions, dit-il, portaient que Pirasus avait consacré
à Tirynthe une statue de poirier existant encore de son temps ; elle était
considérée comme la plus ancienne de toutes celles conservées dans
VHœreum d’Argos ; elle représentait Junon. »
La ville existait donc dès lors, et ce fait s’explique par sa fondation
par Tiryns, fils d’ Argus. Si, au contraire, Prœtus en avait été le pre¬
mier fondateur, Tirynthe daterait seulement de l’an 1379 environ ^ avant
Jésus-Christ; mais tout concourt à nous prouver que c’est à l’époque de
Pirasus, roi d’Argos, c’est-à-dire vers l’an 1710 avant Jésus-Christ,
qu’il faut placer la fondation de Tirynthe.
Pausanias nous apprend encore que cette ville fut détruite par les
Argiens, qui en transportèrent les habitants à Argos qui avait besoin
d’être repeuplée. Suivant les traditions mythologiques. Hercule passa
son enfance à Tirynthe, et y fit dans la suite un assez long séjour. C’est
là qu’il amena d’Espagne les troupeaux enlevés à Géryon.
« Les murs de Tirynthe, dit Pausanias, sont construits en pierres
brutes, toutes d’une telle dimension, que deux bœufs attelés au joug
n’ébranleraient pas même la plus petite. Les interstices sont remplis par
de plus petites pierres qui servent de liaison aux grosses. »
Tels Pausanias les vit au second siècle de notre ère, tels ces murs se
présentent encore aujourd’hui à nos regards étonnés ; car il ne paraît
pas que la ville ait été rebâtie ou repeuplée après sa destruction par les
Argiens, environ /|.68 ans avant Jésus-Christ. On ne peut douter que les
ruines actuelles n’appartiennent à la citadelle existant du temps d’Ho¬
mère , et que ces murailles ne soient celles qui firent donner par le poète
à la ville le nom de T'ipuvÔa T^lyl6^c(jlxv, Tirynthe entourée de murs.
Quelque longue que soit une pareille durée, elle ne présente rien d’in¬
croyable, lorsqu’on considère les masses gigantesques dont ces murs
sont composés, et la force invincible de résistance qu’ils opposaient aux
causes ordinaires de destruction.
1. M. Petit-Radel fixe cette première date à l’an 1450 avant l’ère chrétienne.
346 QUATRE JOURS DANS LE PÉLOPONÈSE.
L’Acropole de Tirynthe, dont la « masse indestructible a fatigué le
temps, » est construite sur un rocher oblong qui, dans sa plus grande
hauteur, ne s’élève pas à 10 mètres au-dessus de la plaine, et qui,
dans plusieurs endroits, se confond presque avec elle; sa direction est
du nord au sud. Au nord, elle fait face à Nauplie; au sud, à Mycènes.
Les murs de l’Acropole renferment une superficie d’environ 60 mètres
de longueur sur 18 mètres de largeur; ils sont construits en lignes
droites, mais brisées, a Une forteresse si petite, dit Dodwell^, peut
nous paraître indigne du héros de Tirynthe; mais, malgré le peu d’éten¬
due de terrain qu’elle occupe, son mur d’enceinte nous offre des dimen¬
sions que, sans exagération, on peut nommer herculéennes. Il a, en
général , 6 mètres d’épaisseur, et dans quelques endroits 7"’, 70. Sa
hauteur actuelle, dans les endroits où il est le mieux conservé, est de
13 mètres. »
Les blocs qui les composent semblent avoir été assemblés à peu près
dans 1 état où ils étaient en sortant de la carrière. Les plus volumineux
ont de 3 à A mètres de longueur sur 1"’,33 d’épaisseur ; leur grandeur
ordinaire est de 1 mètre à 2'", 35. La hauteur primitive des murs n’était
probablement pas moindre de 18 mètres. On trouve dans l’intérieur de
l’Acropole un petit nombre de blocs détachés qui ont été taillés et qui
paraissent avoir appartenu aux portes. La citadelle, suivant W. Gell-,
qui en donne une description très-détaillée, avait trois entrées : l’une à
l’est , l’autre à l’ouest, la troisième à l’angle sud-est. L’entrée de l’est
est dans un état passable de conservation ; un chemin . oblique de
5 mètres de large, ou plutôt une rampe soutenue par un mur également
de construction cyclopéenne, monte de la plaine en suivant les murailles
orientale et méridionale d’une forte tour, large d’environ 7 mètres et
haute de 7'", 70, et aboutit à une porte composée d’énormes blocs de
pierres, l‘architrave seule ayant 3'", AO de longueur. La porte a 5 mètres
de hauteur. Elle jouait sur un pivot placé au centre, et qui entrait
dans des tourillons creusés dans l’architrave et dans le seuil, de sorte
qu’un des côtés s’ouvrait en dedans et l’autre en dehors, disposition qui
est une nouvelle preuve de la haute antiquité de cette porte, et de la
\. Dodwell (Edw). Wiews and descriptions of Cyclopian or Pelasgic remains in Greece and Italy.
2. Argolis. The itinerary of Greece with a commenlary on Pausanias and Strabo, etc.
TIRYNTIIE.
347
simplicité des temps où elle a été construite. La porte de l’angle sud-
est est entièrement détruite.
La partie la plus curieuse de l’Acropole se trouve à l’est.
Auprès d’un pan de muraille bien conservé, s’ouvre une galerie ogivale
formée de cinq à six assises, dont les deux supérieures s’avancent en
encorbellement et se réunissent au sommet. Dans sa partie la plus éle¬
vée, la galerie, malgré l’exhaussement du sol, a encore S'", 15 de hau¬
teur; sa largeur est de 1"',80, et la longueur totale de la partie con¬
servée est de 25 mètres. Du coté du levant s’ouvrent cinq fenêtres ou
meurtrières également ogivales, s’élevant jusqu’à la naissance des deux
assises inclinées de la galerie principale. Au tiers de celle-ci, on voit
deux pierres en face l’ime de l’autre, où sont creusés deux trous qui
durent recevoir une barre de porte. Les blocs qui composent cette galerie
sont généralement plus grossiers encore que ceux dont sont formées les
murailles et surtout les portes du reste de l’enceinte. La voûte est pro¬
bablement le plus ancien exemple, en Grèce, de l’emploi de la forme
ogivale. Dans l’intérieur même de l’Acropole, on trouve une porte éga¬
lement surmontée de pierres , se rapprochant par encorbellement , et
formant une sorte d’angle aigu au sommet. On reconnaît encore quel-
c^ues exemples de ce mode de construction à Mycènes, aux environs de
Missolonghi, en Étolie, à Thoricos, dans l’Attique, enfin en Italie, aux
ruines d’Arpino, de Segni et d’Alatri.
348 QUATRE JOURS DANS LE PÉLOPONËSE.
Partis de Tirynthe à six heures et demie, nous traversons la plaine
d’Argos, fertile en orge et en tabac très-renommé. Bientôt nous fran¬
chissons le petit fleuve Inachus, père de la fabuleuse lo 4, et le Xerias,
rancien Charadrus, assez près du point où ces deux maigres cours
d’eau se réunissent pour se jeter à la mer. La partie sud-ouest de
la plaine, sur le bord du golfe et à gauche d’Argos, est le fameux
marais de Lerne, célèbre par la victoire d’Hercule sur l’hydre à sept
têtes 2.
A sept heures nous arrivions à Argos, située à 6 kilomètres environ
de l’extrémité nord-ouest du golfe, dans une plaine, au pied du mont
Chaon, qui porte sa forteresse du moyen âge reposant sur des murailles
cyclopéennes, que, dans la guerre achéenne, Cléomènes essaya vaine¬
ment de renverser. Cette Acropole, qui portait le nom de tarisse , con¬
tient encore quatre belles citernes antiques .
Incendiée trois fois pendant la guerre de l’indépendance, la moderne
Argos a un air de propreté assez rare dans ces contrées ; les rues sont
larges, bien alignées; mais les maisons n’ont, pour la plupart, qu’un
rez-de-chaussée, et quelques-unes seulement ont un étage. Presque
toutes sont bâties en bois avec des boutiques ouvertes au rez-de-chaus¬
sée; aussi Argos ressemble-t-elle moins à une ville qu’à un vaste champ
de foire. De ce mode de construction il résulte que, bien c|u’elle ne
renferme guère plus de 8,000 habitants, la ville moderne a une étendue
presque égale à celle de la ville antique.
Argos a conservé peu de restes de sa splendeur première. Le monu¬
ment le plus important qui s’y trouve encore est le théâtre situé à
l’ouest de la ville et creusé dans le flanc du mont Chaon. Il ne reste
rien des constructions de la scène, mais on voit une grande partie des
gradins taillés dans le roc et partagés en trois précinctions et quatre
cunei. La première précinction se compose de 33 gradins, larges en
1. Ovide. Met. L. I, v. 582.
Inachus, dieu-fleuve et roi d’Argos, était, suivant la fable, fils de l’Océan et de Téthys; mais si l’on
en croit une tradition plus acceptable, c’était un chef autochtbone qui, réfugié sur les montagnes,
avec un corps d’Argiens, lors du déluge de Deucalion, redescendit dans la plaine lorsque les eaux
furent écoulées, fit rentrer dans son lit le fleuve qui inondait le pays, et lui donna son nom.
2. Les marais de Lerne exhalaient des miasmes pestilentiels qui dépeuplaient la contrée; Her¬
cule, en les desséchant, fit cesser la mortalité; de là vint la fable de l’hydre à sept têtes dont il
délivra l’Argolide.
ARGOS.
349
moyenne de 0"‘,70, et hauts de O'", 35 à O'", 38. Le premier deam-
bulacrwn ou passage, large de était surmonté d’un gradin de
hauteur double, sur lequel personne ne prenait place. La deuxième
précinction était formée de 16 gradins, y compris le gradin inférieur;
au-dessus de celle-ci, le passage était beaucoup plus large; il n’avait
pas moins de 2'”, 55, et, pour conserver à l’ensemble des gradins sa
ligne d’inclinaison, le premier gradin de la troisième précinction avait
i'”,30 de hauteur. Dans celui-ci sont entaillés des espèces de sièges
de distance en distance ; ils servaient sans doute de poste aux employés
du théâtre, aux designatores chargés d’indiquer à chacun la place qu’il
devait occuper. La partie du xoilov, de la cavea ou amphithéâtre, con¬
servée dans sa plus grande longueur, se trouve à la deuxième précinc¬
tion ; elle n’a pas moins de mètres.
Au sud et près du grand théâtre sont, suivant l’usage, cjuelques gra¬
dins d’un théâtre plus petit, d’un odéon; des restes de constructions
en blocage doivent avoir appartenu à la scène.
Au pied du grand théâtre, à l’extrémité méridionale de son hémi¬
cycle, est un édifice romain en briques, qui paraît avoir été un temple ;
c’est une vaste salle rectangulaire terminée par un hémicycle en cul-
de-four. Le coté sud, la voûte et une partie du cul-de-four sont écroulés.
Devant le temple est une piscine carrée, un bassin également en briques
et d’époque romaine.
Au nord, et toujours à la base de la montagne qui porte l’Acropole,
est une autre ruine romaine au fond de laquelle est une niche que l’on
reconnaît pour le débouché d’un aqueduc ; elle a pour base un plateau
que soutiennent des murs de construction cyclopéenne, et a dû remplacer
quelqu’un des temples mentionnés par Pausanias.
En ville, sur la place où s’élève en ce moment une grande église, se
trouve la mairie, dont l’une des salles contient un petit musée de vases,
de sculptures et autres fragments recueillis dans les fouilles.
A huit heures un quart nous cjuittons Argos, toujours en voiture, car
la route en plaine est encore assez bonne. A peu de distance de la ville,
près d’un moulin, on nous signale un cimetière des plus primitifs; il
n’a pas d’enceinte, et les tombes ne sont indiciuées que par un amas de
cailloux ou par un simple piquet. A neuf heures nous arrivons à un
khanij, misérable hutte isolée, bâtie au point où la route cesse d’être
350 QUATRE JOURS DANS LE PÉLOPONÈSE.
praticable aux voitures. On nous y fournit en plein air une table boi¬
teuse, des escabeaux, et de l’eau d’une propreté douteuse, et nous
déjeunons des provisions apportées par notre guide. Pendant notre
modeste repas, cinq chevaux que Manuel avait retenus à Argos arrivent
sous la conduite de deux agoyates; c’est le nom que l’on donne en Grèce
aux loueurs de chevaux qui accompagnent les voyageurs auxquels ils
ont fourni des montures. Deux de ces chevaux étaient destinés à porter
les bagages. L’aspect de ces pauvres bêtes n’était pas engageant, mais
leur harnachement l’était moins encore. Pour selle, un large bât de bois
sur lequel Manuel sangle une de ses couvertures; pour étriers, des
cordes doubles; pour bride, une corde simple attachée à un anneau,
sous la ganache du cheval : tout cela ne composait pas un ensemble
bien satisfaisant, et cependant nous vîmes le moment où même ces tristes
moyens de transport allaient nous manquer. Tout paraissait prêt pour
le départ, quand une querelle violente s’éleva entre Manuel et les deux
agoyates que paraissaient soutenir les habitants du khani, comme eux
porteurs de poignards et de figures peu rassurantes. Déjà les agoyates
commençaient à décharger les chevaux, c{uand nous parvînmes à com¬
prendre c|ue cette querelle, qui semblait menacer de devenir sanglante,
avait pour cause 5 drachmes (à fr. 50 c.) c{ue les agoyates exigeaient
au delà du prix convenu pour nous laisser passer par Némée, ce qui
allongeait le chemin de deux ou trois heures. On conçoit qu’alors l’affaire
fut bientôt arrangée, et, à dix heures un quart, nous pûmes monter à
cheval et nous diriger vers Mycènes, pendant que les agoyates, avec
les chevaux de somme, se rendaient directement à Corinthe. En dix
minutes nous étions au village de Kharvati, et un quart d’heure après
nous mettions pied à terre devant la Trésorerie d’Atrée, l’un des monu¬
ments les plus intéressants de l’antique Mycènes. On lui donne commu¬
nément ici le nom de Tombeau d’Agamemnon.
Pausanias cite, parmi les édifices qu’il vit à Mycènes, des chambres
souterraines où l’on dit qu’Atrée et ses enfants cachaient leurs trésors.
Il ne donne pas la description de ces chambres souterraines , mais ce
c[u il dit ailleurs du trésor de Minyas à Orchomène s’applique si parfai¬
tement à l’édifice de Mycènes , qu’il est impossible de méconnaître
l’identité de leur destination. Nous croyons, du reste, c[u’il est plus que
probable que le monument qui nous occupe fut à la fois un trésor , et un
MYCÈNES.
351
tombeau. A l’exception de sa façade, il est entièrement souterrain, et
son aspect extérieur était celui d’un tumulus.
plan de la Trésorerie d’Atrée.
Un corridor ou passage à ciel ouvert A, de 6"“,25 de largeur et 19'", 50
de longueur, formé par deux murailles de construction cyclopéenne, à
assises régulières, conduit à la porte B, large de 3'", 17 à la base et de
2"b32 au sommet; sa hauteur est de 6'", 30.
Porte de la Trésorerie d’Alrée.
La partie la plus remarquable de cette porte est le linteau, qui est
formé de deux énormes pierres juxtaposées ; la plus grande a 8"*, 15 de
long sur 6'", 50 de profondeur, et l''*,22 d’épaisseur; ce qui donne un
cube de OA"', 63, dont on peut évaluer le poids à 168,68A kilogrammes.
Au-dessus du linteau est une ouverture triangulaire qui put contenir
ciuelque bas-relief ou qui, plus probablement, ne fut qu’une sorte de sou¬
pirail destiné à donner de l’air et de la lumière. Lorsqu’on a franchi la
352
QUATRE JOURS DANS LE PÉLOPONÈSE.
porte, on est étonné de l’énorme épaisseur des murailles, formées d’une
brèche grossière provenant des rochers du voisinage. Ces murailles n’ont
pas moins de 6 mètres, et forment un corridor C par lequel on pénètre
dans l’intérieur de l’édifice.
Intérieur de la Trésorerie d’Atrée.
On se trouve alors dans une grande salle circulaire D, de l/i"',3ü de
diamètre, surmontée d’une voûte de forme parabolique, dont la con¬
struction dénoté la haute antiquité. Les voussoirs qui la composent sont
simplement des assises horizontales, taillées circulairement à l’intérieur
et posées en encorbellement les unes sur les autres. La hauteur de ces
assises est partout d’environ 0"’,66. Des travaux que l’on exécutait ont
dû mettre à découvert le sol antique qui se trouve à 1"',40 au-dessous
du sol actuel, et en même temps un soubassement formé d’assises plus
hautes que les autres. L’élévation de la voûte sera de i3"h80. Cette
salle était entièrement revêtue de lames de bronze, retenues par des
clous de même métal longs de 0‘“, 11 et fichés dans les interstices
des pierres. Nous possédons un de ces clous, qui en fut détaché
par M. Raoul Rochette; il en reste encore en place un certain nombi’e
dans la partie la plus élevée de la voûte, où l’on ne peut atteindre ; ils
sont peu visibles, la voûte étant tout enfumée par les feux de bruyères
sèches que les paysans allument pour éclairer les voyageurs. A droite
de la rotonde est une salle plus petite E, creusée dans le roc, qui put
être une sépulture ; la hauteur de sa porte est de 2'", 90, et sa largeur
de L",50 à la base et au sommet. Au-dessus du linteau est une
MYCENES.
353
cavité triangulaire, comme à la grande porte; le caveau, entièrement
creusé dans la brèche, est de forme rectangulaire, long de 8'”, 60, large
de 6'",25. Sa hauteur sera de 6 mètres lorsque le sol sera entièrement
déblayé
En quittant la Trésorerie d’Atrée , nous sommes passés près d’un
autre édifice du mçme genre entièrement enterré, et un quart d’heure de
marche nous a conduits devant l’Acropole de Mycènes et la fameuse
Porte des Lions.
Mycènes passe pour avoir été fondée par Mycénée dix-sept cents ans
environ avant Jésus-Christ, puis, plus tard, considérablement augmentée
et en quelque sorte fondée de nouveau par Persée, frère de Prœtus, vers
l’an 1390. Le nom pluriel de Mycènes, Mu5v?ivai, serait lui-même une
preuve de cette double fondation, quand Apollodore ^ ne la confirmerait
pas encore plus positivement en disant que Persée éleva des fortifications
en avant de Mycènes et de Midéa. Plusieurs passages de Thucydide pour¬
raient encore venir à f’ appui de cette assertion.
On fait dériver le nom de Mycènes, soit de celui de son premier
fondateur, soit du mot yu/v/iç qui signifie en même temps garde d’épée et
champignon. Selon plusieurs auteurs, ce serait à cette dernière signifi¬
cation qu’il faudrait s’arrêter, une source qui désaltéra Persée ayant été
découverte sous un champignon. Dodwell ^ propose une étymologie
moins admissible selon nous, quand il croit en avoir trouvé l’origine
dans l’aspect de l’Acropole, qui rappellerait un peu, dit-il, la forme
d’un champignon. Je préférerais sans doute, et comme plus vraie et
comme plus poétique, la pensée de Nonnus qui compare l’Acropole de
Mycènes à une couronne murale.
Mycènes était une des plus belles villes du Péloponèse; Homère parle
de la largeur de ses rues et lui donne l’épithète de bien bâtie, eùx.Tiyevov
TTTo'XieGpov. L’histoire nous apprend qu’elle commença à perdre sa célé¬
brité, sa puissance et sa population, dès l’époque de la destruction de
la famille d'Agamemnon et le retour des Iléraclides dans le Péloponèse,
1. Voir, pour plus de détails, notre notice dans les Monuments anciens et modernes de J. Gailha-
baud.
2. BiBUOxn. L. II, c. 4, § 4.
3. Dodwell (Edvv). Views and descriptions of cyclopian or pelasgic remains in Greece and Italy.
4. Dionys. L. XLI.
23
354
QUATRE JOURS DANS LE PÉLOPONÈSE.
environ quatre-vingts ans après la ruine de Troie Les Argiens, jaloux
d’avoir vu quatre-vingts de ses habitants partager la gloire des Spartiates
au combat des Thermopyles, mirent fin à l’existence de cette malheu¬
reuse ville, peu de temps après l’invasion des Perses, c’est-à-dire dans
la VS*" olympiade (à68 avant Jésus-Christ). La place ayant été complète¬
ment détruite, une partie de ses habitants se réfugia à Cléonée, d’autres
en plus grand nombre se retirèrent en Macédoine, et le reste vint s’éta¬
blir àCerynée, dans l’Achaïe^, Mycènes avait existé neuf cent vingt-deux
ans depuis sa seconde fondation par Persée.
Elle ne fut jamais repeuplée , et il paraît que ses vestiges mêmes
restèrent presque ignorés. Il est singulier cependant que Strabon, qui
alla à Corinthe, à très-peu de distance de Mycènes, ait pu avancer
qu’il n’en restait plus aucune trace. Du reste, ce n’est pas la seule fois
que ce géographe ait ainsi effacé de la carte des villes qui, aujourd’hui
encore, offrent des ruines considérables. Pausanias , qui écrivit cent
cinquante ans après Strabon, indique plusieurs des édifices que l’on
voit encore aujourd’hui à Mycènes. Il est fâcheux toutefois que ce voya¬
geur, qui décrit avec tant de soin la royale Argos, ne soit pas entré
dans quelques détails sur les monuments de sa malheureuse rivale qui,
étant une ville toute militaire , nous eût présenté des notions du plus
haut intérêt. Les constructions nombreuses qui existent encore sur le sol
de cette antique cité méritaient plus qu’une simple mention.
L’Acropole de Mycènes s’élevait sur une colline située entre deux
hautes montagnes coniques qui la commandaient entièrement ; selon
Plutarque, le premier nom de cette colline était Argion. La colline
est séparée du côté du nord de la montagne voisine par un vallon pro¬
fond et rocailleux; sur tous les autres côtés, ses flancs sont plus ou
moins escarpés ; à l’est cependant, elle est attachée à la montagne par
une étroite langue de terre.
L’Acropole de Mycènes est un long triangle irrégulier, s’étendant à
peu près de l’est à l’ouest. La muraille qui l’entoure suit les sinuosités
du roc; elle n’est point flanquée de tours, quoi qu’en ait dit M. de
Stackelberg qui prétend que, de distance en distance, il en a vu quel-
1. Strabon. Géogr. L. VIII.
2. Hérod. L. IX. — Dioü. L. II. — Pausan. L. VIL
3. La Grèce. Vues pittoresques et topographiques.
MYCÈNES.
3o5
ques-mies dépassant encore un peu le sommet du mur. M. Blouet^ fait
remarquer avec raison qu’à cette époque on ignorait ce système de
défense. W. GelP toutefois signale aussi une espèce de tour ou bastion;
mais il en reste trop peu, de chose pour pouvoir apprécier complètement
sa forme et sa destination primitives. Les murailles présentent trois
appareils différents de construction cyclopéenne : les unes sont formées
de polygones irréguliers; les autres, de blocs grossièrement équarris,
rangés par assises horizontales, de hauteurs inégales et dont les joints
tombent indifféremment sur des pleins ou sur d’autres joints; enfin le
troisième appareil ne diffère du second que par la taille plus soignée des
blocs qui le composent
Trois portes donnaient accès dans la citadelle : la principale, située à
l’ouest, est la célèbre Por^e des Lions; la seconde, plus petite, située au
nord est formée de deux montants carrés supportant deux gros blocs
servant de linteaux. On voit encore dans les jambages les trous qui
reçurent les gonds. Enfin, Dodvvell® signale une porte plus petite encore,
de forme aiguë au sommet; mais elle est à peine visible, ensevelie
qu’elle est sous les décombres et les broussailles.
La Porte des Lions paraît dater de l’époque de la seconde fondation
de la ville par Persée. On y arrivait par un passage long de 17 mètres
sur une largeur de 10 mètres, qui la mettait en communication avec la
ville, disposition analogue à celle que nous avons signalée à la Tréso¬
rerie d’Atrée. Les murs qui forment ce passage sont composés de grands
blocs de pierres rectangulaires, posés par assises horizontales, joints sur
joints. Cette porte est probablement encore dans le même état où elle se
trouvait lorscpe Pausànias parcourut la Grèce. Le sol, très-exhaussé et
couvert de broussailles, empêche d’en saisir l’ensemble et les propor¬
tions; cependant, selon Dodwell, sa hauteur totale dut être de 5'", 35
environ ; la largeur, dans la partie supérieure , est de 3 mètres ; la
longueur du seuil devait être un peu plus considérable. Le linteau con-
1. Expédition scientifique de Morée.
2. Probestücke von Stadt-Mauern des alten Griechenlands.
3. Nous avons dit, p. 18, note 2, quelles inductions historiques on pouvait tirer de cette variécé
d’appareil.
4. Voy. la lettre en tête du chapitre.
5. Views and descriptions of cyclopian or pelasgic remains in Greece and Italy.
356
QUATRE JOURS DANS LE PÉLOPONÈSE.
siste eji une seule pierre de 4'", 80 de longueur, 2 mètres de hauteur et
l'",20 d’épaisseur. Les portes pliantes, et qu’on assujettissait par des
barres, jouaient sur des pivots dont les tourillons, d’environ 0"’,08 de
profondeur, sont encore visibles sur la surface intérieure du linteau. Cette
porte doit surtout sa célébrité au bas-relief qui la surmonte et qui lui a
donné son nom.
Ce bas-relief, sans doute le plus ancien exemple que nous possédions
de l’art des âges héroïques qui ont précédé la guerre de Troie, est sculpté
dans une pierre triangulaire, encastrée au-dessus de l’architrave, large
de 3'", 20 à la base, haute de 2'",90 et épaisse de i"\70
Au centre du bas-relief s’élève une sorte de pilier semi-circulaire,
L Ce bloc a été pris tour à tour pour un marbre ou pour un basalte vert. « C’est une erreur,
dit M. Blouet, aussi bien dans un cas que dans l’autre. C’est un calcaire très-fin et semblable à ceux
qu’on trouve encore en Messénie et en Arcadie. »
MYCÈNES.
357 ■
qui offrirait quelque analogie avec l’ordre dorique, n’était que, à l’inverse
de l’usage, il diminue sensiblement de haut en bas. Le chapiteau est
composé de trois annelets , à quelque distance les uns des autres ;
l’abaque est celui de l’ordre dorique; il supporte quatre corps ronds,
qui sont à leur tour surmontés d’un second abaque semblable au pre¬
mier. La base consiste en un simple tore reposant sur un soubassement
composé de deux plinthes séparées par une scotie. Aux côtés du pilier
se dressent deux animaux qui semblent servir de supports, et qu’en
terme de blason on désignerait par l’épithète de rampants. Les pattes
de devant s’appuient sur le soubassement du pilier, tandis que les pattes
de derrière reposent sur l’architrave de la porte. Les queues, à la vérité,
ressemblent peu à celles des lions; les têtes manquent et ont, sans
doute, été brisées à l’époque de la destruction de Mycènes par les
Argiens, de sorte qu’on ne peut connaître si elles étaient tournées d’un
côté ou de l’autre, ou si elles étaient de face. Cependant il serait impos¬
sible d’adopter l’opinion de Clarke, qui croit y voir des tigres ou des
panthères^. Quand même les preuves tirées du symbolisme, que nous
donnerons plus loin , ne sembleraient pas satisfaisantes , les restes de
crinière que l’on reconnaît encore à l’animal de gauche, les pattes qui
sont parfaitement accusées , suffiraient pour détruire toute espèce de
doute. D’ailleurs Pausanias dit en termes précis, et c’est Clarke lui-
même qui le cite : « Il reste encore une partie de l’enceinte et une porte
sur laquelle sont placés des lions »
Quoique cet antique bas-relief ait été fait au marteau et paraisse un
peu roide et lourd de forme, il n’en a pas moins un caractère sévère qui
produit une vive impression. Il paraît difficile d’indiquer d’une manière
certaine la pensée qui a présidé à cette singulière composition ; mais ,
en examinant les restes de sculptures mithriaques de la Perse, tels
que nous les connaissons par les ouvrages de Tavernier, Chardin, Thé-
venot, Ker-Porter, etc., on trouve dans quelques-uns de leurs symboles
tant de ressemblance avec ceux représentés à Mycènes, qu’il est impos¬
sible de ne pas reconnaître une donnée unique, une origine commune.
Partout on retrouve ce même pilier, qui évidemment n’est autre chose
1 . Travels in varions countries of Europa, Asia, and Africa,
2. Corinth. C. XVI.
338
QUATRE JOURS DANS LE PÉLOPONÈSE.
que l’autel du feu, le TrupaiÔeîov, Vatschdcm qu’on retrouve sur les médailles
des rois perses de la dynastie des Sassanides, médailles si connues par
l’excellent ouvrage de notre savant ami Adrien de Longpérier^.
On sait que c’était sous une forme analogue que les Perses repré¬
sentaient souvent le soleil comme emblème du principe générateur.
A Amyclée, un pilier était de même l’image symbolique d’Apollon. Le
lion est bien connu pour être l’emblème de Mitlira 2, et il est sans cesse
répété dans les sculptures persanes. Les prêtres de ce dieu, selon Por¬
phyre, portaient même le nom de lions. Ces divers symboles, dit Dio-
dore, avaient été empruntés à l’Égypte.
Des relations intimes existèrent longtemps entre les Spartiates et les
Argiens, et il est avéré que les rites religieux des premiers, en ce qui
touchait le culte du soleil, étaient les mêmes que ceux des Perses ; car les
Spartiates sacrifiaient à ce dieu des chevaux sur le Taygète, Gomme c’était
aussi la coutume des Perses 'L Ce culte fut probablement introduit dans
la Grèce lors des premiers rapports qui existèrent entre les deux pays,
suivant Hérodote et Xénophon, ou par les premières colonies égyptiennes.
Dodwell suppose même que le bas-relief qui nous occupe pourrait avoir
été apporté par elles des bords du Nil, comme une sorte de palla¬
dium. Cette conjecture nous paraît démentie par le style même de la
sculpture, qui diffère très -notablement de l’ancien style égyptien.
Resterait à expliquer les quatre boules ou plutôt les quatre disques
qui surmontent le pilier; car, ainsi que le fait remarquer Dodwell, ces
objets présentent une surface plane et non sphérique. On a voulu y voir
1. Essai sur les médailles des rois perses de la dynastie Sassanide. In-4®, 1840.
2. Voy. le torse de Mithra du musée d’Arles.
E. Breton et de Jouffroy. Introduction à l’Histoire de France. PI. VII.
3. Paüsanias. Laoon.
MYGÈNES.
359
le symbole des révolutions de la lune, des quatre saisons, des quatre
yeux qui, suivant Meursius, se voyaient au simulacre d’Apollon à
Amyclée. Peut-être ces quatre disciues ne sont-ils simplement que l’ex¬
trémité des bûches placées sur l’autel, et ce qu’on a pris pour un second
abaque n’est-il que le profil d’autres pièces de bois placées en travers.
Cette hypothèse, toute prosaïque qu’elle est, ne me paraît pas dénuée
de vraisemblance, d’autant plus que le tout était surmonté d’une flamme,
ainsi cpe l’indique la forme même du bas-relief, cjui se terminait en
pointe, et comme ne permettent pas d’en douter les divers exemples
cpe nous avons cités.
Dans l’intérieur de la citadelle se trouvent plusieurs citernes de diffé¬
rentes formes : telle a paru à Dodwell avoir dû être la destination d’une
chambre circulaire creusée dans le roc, et d’une forme analogue à celle
de la Trésorerie d’Atrée. Une autre citerne taillée dans un rocher de
brèche est revêtue de stuc. Les Romains ne paraissent pas avoir eu
d’établissement à Mycènes, et cependant, tel est l’état de conservation
de ce revêtement, qu’on ne sait comment l’expliquer après tant de siècles.
« Une semblable excavation, dit Clarke, s’observe à l’Acropole d’Argos;
la nature poreuse de la brèche rendait l’emploi du stuc indispensable ;
ainsi se trouve expliquée la fable des Danaïdes, forcées sans doute de
remplir la citerne d’Argos. » Dans l’Acropole de Mycènes, on recon¬
naît, en quelques endroits, des fondements d’habitations. A l’extrémité
orientale sont des murs qui ont dû former l’enceinte d’un édifice irré¬
gulier; ce sont sans doute les restes du palais des Atrides. Au point le
plus élevé de la colline, quelques substructions paraissent appartenir à
un âge moins reculé; on y a trouvé des monnaies romaines. Tite-Live^
nous apprend que le général Quintius et le roi Attale eurent une entrevue
avec Nabis, sur le site de Mycènes, avant la réduction d’Argos.
De la seconde porte dont j’ai parlé part encore l’ancien chemin qui
descendait rapidement dans la ville. D’un côté, un parapet de pierres
taillées et parementées en dedans garantit des précipices; de l’autre,
s’élèvent les murs de l’Acropole. Dodwell remarque, comme une excep¬
tion, qu’en entrant on avait à gauche les murailles, et il en conclut que
•
1. Il Non loin d’Argos est un endroit appelé Mycénique, Mycenica; on convint de s’y réunir. »
L. NXXII, §39.
360 QUATRE JOURS DANS LE PÉLOPONÈSE.
le bouclier attaché au bras gauche pouvait protéger l’assiégeant; mais
que, d’un autre côté, les assiégés, dans leurs sorties, trouvaient le même
avantage pour se défendre des attaques de l’ennemi.
Indiquons encore, parmi les antiquités de Mycènes, la culée d’un
pont jeté sur le torrent qui contournait au sud la base de l’Acropole, et
à dix minutes au nord-ouest de celle-ci, au milieu d’un champ , une
espèce d'allée couverte, composée de quelques assises pélasgiques, sup¬
portant trois énormes pierres plates. Ce passage, qui aujourd’hui sert
d’abri aux troupeaux, a encore 4 mètres de profondeur, 2 mètres de
largeur et i'",30 de hauteur; il paraît avoir été l’entrée d’un troisième
édifice souterrain, dans le genre de la Trésorerie d’Atrée.
A onze heures un quart nous quittons Mycènes, au bas de laquelle se
trouve la plaine d’Argos ; nous traversons celle-ci à son extrémité, et,
laissant à droite le sentier qui conduit à Corinthe, nous entrons dans un
long défilé, arrosé par une petite rivière qu’à chaque instant nous sommes
forcés de franchir à gué pour chercher la rive la moins impraticable,
et dont souvent le lit même nous sert de route. Nous remontons son
cours ombragé de lauriers-roses, de myrthes, d’arbousiers, d’agnus-
castus, etc. L’étroite vallée est formée par deux chaînes de montagnes
assez hautes, toutes hérissées de rochers. Des animaux de toutes sortes
animent ce beau paysage; des chèvres bondissent sur les hauteurs-; de
nombreuses colombes voltigent d’arbre en arbre, des serpents fuient sous
les pieds de nos chevaux, faisant frémir les broussailles ; de grosses tor¬
tues traînent péniblement leur lourde carapace brune, luisante et très-
bombée, et un gypaète, posé à quelques pas, nous regarde tranquil¬
lement passer en fixant sur nous son œil tricolore.
A une heure et demie nous faisons halte un moment, auprès d’un
moulin à eau entouré de noyers, de peupliers, de mûriers, d’oliviers;
nous nous croirions dans l’une des plus riantes vallées de la Provence.
Après vingt minutes de repos, nous gravissons le mont Tritos; nous en
descendons le versant septentrional au milieu des rochers et par une
gorge presque impraticable ; nous sommes dans la plaine de Némée.
Cette plaine, de peu d’étendue, est entourée de montagnes d’une mé¬
diocre élévation ; elle est fraîche, fertile et couverte de nombreux trou¬
peaux; le paysan y pousse encore devant lui l’araire primitif, sans
roues et à un seul manche. Nous passons près des ruines d’une chapelle
NÉMÉE.
361
chrétienne, construite des fragments d’un monument antique, fragments
dont la proportion est trop petite pour faire supposer qu ils aient pu ap¬
partenir au temple de Jupiter Néméen, auprès duquel, à deux heures qua¬
rante minutes, nous mettons pied à terre. Pausanias parle de ce temple
comme d’un édifice remarquable, bien que déjà, de son temps, il n eût plus
ni toit ni statue. Ce monument, qui date de la fin du iv® siècle avant Jésus-
Christ, est bouleversé d’une manière incroyable ; il n’en reste debout que
trois colonnes, une seule de la façade et deux plus petites du pronaos.
Temple de Jupiter Néméen.
La première avait 1"‘,60 de diamètre à la base; sa hauteur était de
10"', 20 ou six diamètres. Les colonnes du pronaos n’ont que 9'", 10 de
hauteur. Toutes trois conservent leurs chapiteaux doriques, mais celui de
la colonne du frontispice est brisé en partie. La colonne elle-même ne se
soutient que par un miracle d’équilibre, un tiers du dé sur lequel elle
pose étant détruit. Le temple était hexastyle et périptère ; le mur de la
cella se terminait par deux antes, entre lesquelles s’élevaient les deux
colonnes restées debout. Les assises de la cella existent encore sur plu¬
sieurs rangs, ainsi qu’une partie du pave et de la muraille qui séparait
le sanctuaire de l’opisthodome.
Sur une montagne qui fait face au temple, on aperçoit à une assez
grande hauteur une grotte qui paraît être celle que Pausanias désigne
comme ayant été le repaire du lion de Nemée, tue par Hercule. Il n est
guère admissible qu’il ait jamais existé de lions en Grèce, mais enfin la
distance de la grotte au temple est de 15 stades , nombre indiqué par
Pausanias, et il est évident que la grotte que nous voyons aujourd hui
est bien celle qui, dès l’antiquité, était consacrée par la tradition.
QUATRE JOURS DANS LE PÉLOPONÈSE.
En quittant le temple et nous dirigeant vers l’est, nous marchons en
plaine pendant un quart d’heure, puis nous commençons à gravir la
montagne par un sentier étroit et difficile. Bientôt nous trouvons la fon¬
taine Adrastée, mentionnée par Pausanias ; elle est entourée d’une foule
de femmes albanaises, au teint halé, au costume pittoresque, composé
d’une longue chemise en grosse toile brodée en vert ou en rouge au bas et
au col , et dune sorte de paletot de grosse bure blanche, généralement
brodé en noir; elles conduisent de longues files de mulets, seul moyen
de transport possible en ce pays. Nous avons encore, dans le reste de
la journée, rencontré plusieurs de ces caravanes, guidées par des femmes.
Rarement nous voyons des hommes ; quelques-uns sont armés de fusils ;
tous ont le couteau à la ceinture. Nous traversons de longs plateaux
raboteux, inégaux et sans routes, laissant à droite une colline portant
des traces de fondations, quelques pans de murailles, quelques fragments
de colonnes cannelees, seuls restes de la ville de Gléones, célèbre par
son temple de Minerve et les tombeaux d’Euryte et de Ctéate, tués par
Hercule. Eue pente de rochers abrupts, que force est de descendre à
pied en abandonnant nos montures à leur instinct, nous conduit à un
torrent assez large, dont le lit, presque à sec, nous offre le chemin le
plus praticable que nous ayons encore rencontré depuis Mycènes ; bien¬
tôt, contournant une montagne, nous nous trouvons sur un plateau d’où
nos yeux embrassent un admirable tableau. A nos pieds, sur la gauche,
la plaine de Sicyone s’étend jusqu’au golfe de Lépante ou de Corinthe;
en face, au delà du golfe, s’élèvent les montagnes de la Phocide et de
la Béotie que domine la cime neigeuse du Parnasse; à notre droite enfin
se dresse 1 Acro-Corinthe dont, depuis longtemps, nous apercevions le
sommet. La nuit était venue quand nous atteignîmes la plaine , dans
laquelle il nous fallut encore marcher une heure sur une assez bonne
loute, bordée de lauriers-roses en fleurs. Enfin, après avoir répété et
commenté vingt fois le proverbe que nous trouvions trop vrai : Non licet
omnibus adiré Corinthum, nous nous trouvons au milieu de ruines amon¬
celées; nous sommes à Corinthe, dont le tremblement de terre du
2i février 1858 n a pas épargné une seule maison. A huit heures
et demie, après dix mortelles heures de fatigue, nous mettons pied à
terre sur une espèce de place, au delà de laquelle des baraques éclairées
semblent annoncer une loire; c’est là que campent les habitants depuis
CORINTHE.
363
la destruction de la ville. Quant à nous, on nous assigne pour demeure
une maison que les rats mêmes ont abandonnée, et qui ne se soutient
c^u’en s’appuyant sur ses voisines qui lui demandent le même secours.
Nos agoyates et leurs chevaux sont déjà installés dans le rez-de-chaus¬
sée; un escalier de bois, auquel manquent la rampe et la moitié des
marches, conduit extérieurement à l’unique étage. Charitablement nous
le laissons essayer par les porteurs de bagages, puis nous nous hasar¬
dons à notre tour. Dans une grande salle délabrée, sans porte ni fenê¬
tres, Manuel dresse nos lits de fer et nous sert le souper qu’il vient de
préparer à la hâte, et auquel il a pu joindre un lièvre acheté en route à
un berger albanais. Nous soupons vite et de bon appétit, et nous nous
jetons sur nos lits, à la grâce de Dieu. Manuel s’étend dehors, sur l’es¬
calier, et nous sert de porte.
Le i/i, nous nous éveillons de grand matin; la maison ne s’est pas
écroulée sur nous, et nous avons passé une assez bonne nuit; cependant,
nous nous ressentons encore de la rude journée de la veille, et on nous
en promet une plus longue et plus pénible encore pour gagner Mégare
par la route de Kakiscala (mauvaise échelle), dont le nom seul n’est
guère encourageant. On nous dit bien que dans ce défilé des Roches sci-
roniennes, si tristement célèbre dans l’anticiuité, nous ne trouverons plus
ce fameux brigand cjui précipitait les voyageurs à la mer après les avoir
dépouillés, et que depuis longtemps Thésée a fait subir à Sciron la
peine du talion; cela est rassurant, sans doute, mais ne suffit pas pour
nous décider à faire seize heures de marche sur des montures si piètre¬
ment harnachées. Nous faisons partir sur l’une d’elles Manuel, qui,
traversant l’isthme, doit nous préparer à Kalamaki, sur le golfe d’Egine,
un mode de transport moins fatigant.
A cinq heures du matin, accompagnés d’un guide du pays, nous
commençons, à pied, l’ascension de l’antique Acropole de Corinthe,
citadelle formidable dont Aratus ne put s’emparer que par trahison, de
l’Acro-Corinthe, montagne élevée de 575 mètres, en partie calcaire, en
partie volcanique, car sur ses flancs j’ai trouvé des laves et des frag¬
ments de basaltes prismatiques. Le chemin est assez facile, et souvent
on trouve des parties de chaussées pavées , remontant sans doute à
répoc{ue de la domination vénitienne. A six heures un quart nous étions
à l’entrée de la citadelle, aujourd’hui entièrement abandonnée; nous
364 QUATRE JOURS DANS LE PÉLOPONÈSE.
franchissons trois portes, encore munies de leurs herses; le linteau de
la troisième est formé de deux colonnes antiques, juxtaposées horizonta¬
lement. L’enceinte franque s’élève en partie sur des constructions hellé¬
niques; la partie la mieux conservée de celles-ci accompagne la troi¬
sième porte ; ce sont deux tours carrées , de la dernière époque pélas-
gique, composées d'assises en bossage bien appareillées et souvent à
joints obliques. La conservation de la tour de droite est surtout com¬
plète. Deux sommets sont renfermés dans l’enceinte de l’Acro-Corinthe ;
le moins élevé se trouve à l’ouest, et ses fortifications sont vénitiennes;
le plus haut que nous gravissons, et qui se dresse à l’est, n’est plus
qu’un rocher couvert de plantes aromatiques et terminé par un plateau
portant une enceinte carrée, de construction hellénique, en grande partie
détruite. Une chapelle turque, ruinée, y a remplacé le temple de Vénus,
au pied duquel^ dit M. Beulé, jaillissait et jaillit encore la fontaine
Pirène, célèbre parmi les poètes par le volume et la fraîcheur de ses
eaux, où le cheval Pégase se désaltérait quand il fut saisi par Belléro-
phon L De ce point élevé et par un temps clair, l’œil embrasse à la fois
cet isthme célèbre par ses jeux en l’honneur de Neptune, pont gigan¬
tesque jeté entre le Péloponèse et le continent de la Grèce, les côtes de
l’Argolide, de la Béotie et de l’Attique, que dominent les sommets du
Parnasse, de l’Hélicon et du Cithéron. A l’ouest se déploie le golfe de
Corinthe ou de Lépante, dont le nom moderne rappelle la victoire rem¬
portée en 157.1, par don Juan d’Autriche, sur les Turcs, dont elle arrêta
les envahissements, tandis qu’à l’est, dans le golfe d’Égine, la vue de
Salamine fait battre le cœur au souvenir de cette autre victoire qui sauva
la Grèce du joug des Perses. Malheureusement nous ne pouvons jouir
que séparément de chacun des traits de ce merveilleux tableau; d’épais
nuages nous environnent, mais de temps en temps le vent les écarte,
les déchire, et une partie du panorama nous apparaît.
L’intérieur de l’Acro-Gorinthe contient les ruines d’une véritable ville
où la population entière pouvait chercher un refuge ; aussi y trouve-t-on,
pêle-mêle, des constructions de tous les siècles, de nombreuses citer¬
nes de diverses époques , d’anciennes colonnes de vert et de rouge
antiques, de cijoollino, de granit, etc., les unes couchées, les autres de-
•1. L’Architecture au siècle de Pisistrate, 18G0,
CORINTHE
365
bout, mais toutes hors de leur place primitive, deux bains turcs, une
petite mosquée dont le vestibule est rempli de boulets et de bombes,
une église grecque consacrée à saint Dimitri, plusieurs fontaines tur¬
ques, etc.
A l’ouest de l’ Acro-Corinthe , sur une pointe un peu moins élevée,
est une petite forteresse construite par le prince Guillaume Geoffroy,
qui l’appela Montesquiou, MouvTeo'/toGês; elle est nommée aujourd’hui news
îLxuçfa, les Cinq-Coupes.
En descendant de la citadelle, nous trouvons, au pied de la monta¬
gne, une fontaine turque construite de débris plus anciens; les piédroits
ont pour impostes deux marbres byzantins , portant chacun un mono¬
gramme du Christ que les musulmans avaient respecté faute, sans doute,
d’en comprendre la signification. Du reste, j’ai reconnu aussi plusieurs
croix et monogrammes sur les murailles intérieures du fameux château
des Sept-Tours, à Constantinople, occupé cependant par les Turcs depuis
le XV® siècle.
A peu de distance de la fontaine, en allant vers la ville, on voit s’éle¬
ver sur une sorte d’esplanade les ruines d’un temple ciui fut consacré,
soit à Minerve Chalinilis (Minerve au frein), soit à Junon Bunéenne;
ces deux attributions pouvant être suggérées par la lecture de Pausanias.
Ce temple, le plus ancien de la Grèce remonte aux dernières années
1 . Belle. Études sur le Péloponèse.
366 QUATRE JOURS DANS LE PÉLOPONÈSE.
du VH ou clux pi Giiiioi Gs (HiiiGGS du VI* sIgcIg ctVcint lîotrG èi’G. i)oric[UG,
hGxastylG 6t périptèrG, il avait 20 mètrGS de largGur, six coloniiGs à la
façadG et tiGizG aux aÜGS, gu comptant dGux fois Igs coIouhgs d'anglo.
SGpt colomiGS, disposéGs gu équGiTG , sont Gneoro clGbout; cinq regar¬
dant 1 occident ont appartenu a la façade postérieure, au posticum ‘ trois,
en comptant de nouveau la colonne d’angle, firent partie de l’aile méri¬
dionale. Idles sont d’un seul morceau de tuf grossier, autrefois revêtu
de stuc colorié, et portent de nombreuses cavités creusées par les Turcs
qui en avaient fait 1 appui de quelques misérables demeures. Leur dia-
mètie, à la base, est de 1"’,70, et leur hauteur de 6"', 50 ou cincj dia¬
mètres et demi seulement, proportion la plus courte dont on connaisse
un exemple dans 1 antiquité greccjue. Les cannelures sont déjà au
nombre de vingt, particularité remarquable, car le plus ancien dorique
n en a ordinairement que seize. Les colonnes, à l’exception d’une seule,
conservent leurs larges et pesants chapiteaux ; deux sont isolées, mais
les autres portent encore une partie de leur architrave, un peu déran¬
gée seulement par le dernier tremblement de terre Ces ruines, ron¬
gées à la base, déjetée^, brisées, hors d’aplomb, ne semblent se soutenir
que par un miracle d’équilibre, et cependant elles ont échappé à la
catastrophe qui vient de renverser la ville entière , dont les maisons
étaient, à la vérité, fort légèrement et fort mal bâties. On a renoncé à
relever Corinthe, et on bâtit une nouvelle ville sur le bord du golfe, à
deux milles de l’emplacement de la ville antique, et à peu près au lieu
où existait le Léchée y l’ancien port de Corinthe.
Dans le bas de Corinthe, qui s’étendait sur un sol légèrement incliné,
sont les restes assez considérables d un édifice romain de la décadence,
des thermes sans doute. Plus bas encore on voit les ruines d’un petit
bain turc, où l’on retrouve toutes les divisions des bains antiques,
hypocauste, apoditenum, caldarium, balneiim, etc. Non loin de là, une
église renversée par le tremblement de terre nous présente encore son
porche, soutenu par deux colonnes antiques de marbre blanc.
A onze heures et demie. Manuel est de retour de sa course à- Kalamaki ;
à midi nous cjuittons Corinthe sur une longue charrette à quatre roues,
traînée par deux chevaux vigoureux, et chargée de nos bagages sur
1. Pour plus amples détails, voir l’Architecture au siècle de Périclès, par E. Beulé, 1860.
HliXAMILI. KALAMAK[.
367
lesquels nous nous installons tant bien que mal. A dix minutes à l’est
de la ville, nous nous arrêtons un instant pour visiter un amphithéâtre
antique; creusé dans le roc par les Romains, il est peu profond et assez
étendu. Quelques gradins existent encore , mais sous la couche de
pierre peu épaisse dans laciuelle ils sont taillés se trouvait la terre qui,
en beaucoup d’endroits, s’est éboulée, formant des grottes et laissant
les gradins suspendus. Dans cette partie inférieure durent exister des
gradins construits, mais ils ont disparu. Pausanias n’ayant point parlé
de ce monument, M. Beulé suppose, avec toute vraisemblance, qu’il
n’existait pas encore à l’époque de son voyage.
Nous remontons dans notre char ; la route est fort médiocre et très-
inégale; une beaucoup meilleure traverse l’isthme, au nord; elle a été
tracée par le Lloyd autrichien , dont les bateaux déposent les voya¬
geurs à Loutraki, sur le golfe de Lépante, pour les rembarquer à
Kalamaki, sur le golfe d’Égine, évitant ainsi de faire le tour de la
Morée. Bien entendu qu’en mai 1859 la guerre de la France contre
l’Autriche avait interrompu ce service.
A 3 kilomètres environ de Corinthe se trouve le village d’Hexamili,
qui doit son nom à la muraille, longue d’environ six milles, qui tra¬
versait l’isthmé, boulevard bien souvent démoli et reconstruit, et qui
avait été élevé une première fois après la mort de Léonidas aux Ther-
mopyles; il fut rétabli en dernier lieu par les Vénitiens, en 1696; il n’en
est pas moins entièrement démantelé aujourd’hui. En approchant de
Kalamaki, nous voyons des restes de cette muraille, les vestiges d’un
canal commencé par les Romains pour réunir les deux golfes, l’empla¬
cement bien indiqué d’un stade , et l’enceinte d’une vaste acropole de
construction hellénique.
A une heure quarante minutes nous mettions pied à terre à Kalamaki,
l’anticiue porlus Schœnus, situé au fond du golfe d’Egine. Ce n’est ([u’un
village s’étendant sur une plage sablonneuse, et plus ruiné encore que
Corinthe par le dernier tremblement de terre. A trois heures, nous
nous embarquons sur une sorte de goélette montée par un matelot ,
deux mousses et un patron qui parle italien et prend le titre pompeux
de capitaine. La mer est très-calme, mais le vent, lorscju’il souffle,
nous est contraire. Bientôt il tombe tout à fait; aussi notre navigation
de Kalamaki à Mégare, qui , avec un bon vent, s’accomplit en deux
368
QUATRE JOURS DANS LE PÉLOPONÈSE.
heures, semble-t-elle devoir se prolonger indéfiniment. Heureusement
nous avons des provisions, nous dînons de bon appétit, et, quand la nuit
est venue, nous nous couchons sur le pont, enveloppés dans des cou¬
vertures; la lune brille du plus vif éclat, les flots nous bercent molle¬
ment, et, malgré la dureté de notre couche, nous ne tardons pas à nous
endormir.
A trois heures du matin , je suis réveillé par le froissement de la
chaîne que l’ancre entraîne à travers l’écubier. « Nous sommes arrivés, »
dit le capitaine. Je ne vois qu’une plage déserte, celle de Tripa, qui
sert de port à Mégare ; la ville est à 3 kilomètres dans les terres. Manuel
part et va y chercher un cheval pour le bagage. A cinq heures et
demie nous débarquons, et en cinquante minutes nous arrivons à pied
à Mégare.
Cette ville, autrefois célèbre et puissante, n’est aujourd'hui qu’un
bourg de Z|.j000 âmes; ses maisons en terrasse s’étendent sur deux
collines inégales, et dans l’intervalle qui les sépare; sur la colline la
plus haute, située au nord-ouest, s’élèvent les ruines d’une tour véni¬
tienne à voûtes ogivales. Un peu plus bas est une église dans la muraille
de laquelle sont employées quelques pierres antiques. Une inscription
chrétienne est accompagnée d’une colombe et de l’A et de l’n.
Sur la place, une masure contient un petit musée d’antiquités locales
qui n’offre rien de bien remarquable.
On ne trouve à Mégare aucun reste de sa splendeur passée ; on ne
s’en étonnera pas lorsqu’on saura que tous ses monuments étaient con¬
struits d’une pierre tendre coquillière, pierre porique ou >toy/ÎTviç, sans
aucune consistance et s’écrasant dans la main.
MÉGARE. ÉLEUSIS.
369
La coiffure des femmes est ici fort singulière ; elles portent sur le
front une sorte de bandeau, de demi -calotte composée de pièces de
monnaie, drachmes, demi-drachmes, francs, demi-francs, pièces tur¬
ques, etc., en argent, disposées en écailles de poisson; en avant du
bandeau pendent sur le front quelques monnaies turques en or. Dans
leur costume, les hommes remplacent la large fustanelle par une jupe
blanche non plissée.
Une calèche était venue d’Athènes au-devant de nous : au moment
où nous allions y mettre le pied, au milieu de la place publique, un
boucher est arrivé avec un pauvre agneau qu’il a égorgé devant la por¬
tière, et il nous a fallu attendre, pour monter dans notre voiture, la fin
de son odieuse opération.
A huit heures et demie nous quittons Mégare; nous traversons d’abord
une plaine assez bien cultivée et plantée d’oliviers, laissant à gauche
la chaîne des monts Kerata, ainsi nommée des deux pointes ou cornes,
xspava, qui la dominent; bientôt nous nous rapprochons du bras de mer
qui sépare l’Attique de l’île de Salamine que nous ne cessons d’avoir en
vue. A onze heures nous arrivons au pied de la colline qui portait
l’Acropole d’ Eleusis, et nous la gravissons pendant que notre voiture,
contournant sa base, va nous attendre dans la ville.
L’Acropole a deux sommets, dont le plus élevé porte les ruines d’une
tour vénitienne. Dans V intermontium ^ nous avons remarqué les embou¬
chures de plusieurs citernes , et un grand pavé antique composé de
petites briques sur champ. En descendant au sud de la colline, vers
la ville, nous trouvons à mi-côte quelques restes du temple de Gérés,
si fameux dans l’antiquité par ses processions et ses mystères; on n’y
voit plus guère que deux assises de pierres de taille fondées sur le roc,
et un fragment de stylobate de marbre blanc, où l’on reconnaît encore
le trou carré qui recevait le pivot central d’une colonne, ainsi que le
petit canal qui y conduisait le plomb de scellement.
Descendus de l’Acropole dans Lepsina, la moderne Eleusis, nous
avons fait à la hâte un frugal repas dans un bakal, sorte de boutique
qui tient à la fois du cabaret et du magasin d’épiceries, et sommes
allés donner un rapide coup d’œil aux autres antiquités de la ville. La
jetée de l’ancien port existe encore presque intacte ; elle est en forme
de faucille et composée de blocs de pierre , de marbre blanc et de
24
370 OUATRK JOURS DANS LE ['ÉLOPONÈSE.
marbre noir d’Eleusis, et même de tronçons de colonnes. Non loin de
là, sur le revers occidental de l’Acropole, sont plusieurs citernes et
silos; l’un de ceux-ci, dans lequel on entre de plain-pied, offre beau¬
coup d’analogie avec la prison de Socrate, le tholus d’Athènes. La petite
église Saint-Georges a remplacé le temple de Diane Propylée; on y
voit encore un grand mur de soutènement de construction hellénique,
et, dans la cour qui entoure l’église, divers tronçons de colonnes non
cannelées de marbre de l’Hymette, un chapiteau dorique de marbre
pentélique, trop fort pour avoir appartenu à ces colonnes, enfin divers
autres fragments.
Les Propylées d’Eleusis avaient été, dit -on, copiés sur ceux
d’Athènes ; ce n’est plus qu’un immense monceau de ruines de marbre
blanc, parmi lesquelles j’ai reconnu un chapiteau ionique provenant
du portique intérieur, et des triglyphes ayant appartenu au portique
extérieur qui, comme à Athènes, était d’ordre dorique. En avant des
ruines est un énorme bloc de marbre que l’on croit avoir occupé le
tympan du fronton ; on y voit, au centre d’un médaillon entouré de
rinceaux, un buste colossal cuirassé, dont la tête, qui faisait saillie en
ronde bosse, est brisée. Cette sculpture me paraît évidemment romaine,
et me confirme dans l’opinion que les Propylées d’Éleusis, dont Pau-
sanias ne parle pas, n’ont du être élevés que vers la fin du second
siècle de notre ère, peut-être sous Septime Sévère.
A peu de distance des Propylées, sur la route d’Athènes, est une
ancienne chapelle en ruines, autrefois dédiée à saint Zacharie, et dont
on a fait un petit musée. Cette chapelle rectangulaire se termine par un
hémicycle dont l’entrée était soutenue par deux singulières colonnes de
style égyptien, dont le chapiteau manque malheureusement, mais dont
la base s’élargit comme le pied d’un palmier. Parmi les antiquités con¬
servées dans la chapelle, je remarquai un autel rond, un chapiteau
corinthien de la meilleure époque grecque, deux grands candélabres de
marbre provenant du temple de Gérés, un fût de colonne ou cippe rond
avec un bas-relief très-peu saillant, représentant une femme assise te¬
nant une feuille de lotus, et accompagné de cette inscription : isiaota
ixiAOTOï MI AH s IA; enfin plusieurs statues romaines drapées et quel¬
ques fragments.
En avant de cette chapelle, les fouilles faites pour la construction
É LE U SIS.
371
d’une école communale venaient de mettre au jour divers fragments
d’architecture provenant d’un temple que l’on supposa tout d’abord
avoir été celui de Triptolème 'i. Quelques jours après notre passage,
cette hypothèse s’est trouvée confirmée par la découverte d’un grand
bas-relief dont le moulage, exécuté par les soins de M. Charles Lenor-
mant, a été oflért par son fils à l’École des Beaux-Arts de Paris. Ce
bas-relief, que j’ai vu à un second voyage que je fis exprès à Éleusis,
le 28 mai est brisé en quatre morceaux; il représente Triptolème entre
Cérès et Proserpine
1. En 1860, des fouilles importantes ont été exécutées à Éleusis aux frais du gouvernement fran¬
çais, sous la direction intelligente de M. François Lenormant, digne héritier de son illustre père;
elles ont facilité l’intelligence des ruines des Propylées et rendu à la lumière une grande partie des
éléments constitutifs du temple de Triptolème.
2. MM. Lenormant n’ont visité Éleusis que le 23 octobre. Nous avons donc le droit de revendi¬
quer, pour M. Pittakis et pour nous, la priorité, malgré l’assertion de M. François Lenormant
{Gazette des Beaux-Arts, 15 avril 1860) : « Nous étions, dit-il, sinon les auteurs de la découverte,
du moins les premiers étrangers, et peut-être les premiers archéologues, qui eussent eu l’occasion de
voir ce bas-relief et d’en constater l’importance. »
Au même lieu, on a trouvé presque en même temps une tête colossale de Neptune, que M. Ch.
Lenormant a fait mouler également, et qui est encastrée dans la muraille, au-dessus de la porte de
la nouvelle école communale d’Éleusis.
3. Voy. le savant mémoire de M. François Lenormand, Gazette des Beaux-Arts , 15 avril 1860.
Tri QUATRE JOURS DANS LE PÉLOPONÈSE.
On a beaucoup exagéré sa valeur, sans cloute; mais il n’en est pas
moins très-intéressant pour l’iiistoire de l’art, ne fut-ce c|ue par l’inéga¬
lité même du mérite de ses diverses parties. Il nous semble évident, et
en cela nous sommes heureux que notre opinion se soit rencontrée avec
celle de notre savant ami, M. Beulé, il nous semble que ce monument
appartient à une époque de transition, de transformation de l’art, et
qu’on doit y reconnaître l’œuvre d’un sculpteur qui, sans abandonner
entièrement le style de l’ancienne école archaïque dans laquelle il a été
élevé, subit cependant déjà l’influence de celle de Phidias qui com¬
mence à dominer et va bientôt porter l’art grec à son apogée. Ce bas-
relief est aujourd’hui le plus précieux monument conservé dans la petite
chapelle d’Eleusis, à laquellej en son honneur, on s’est décidé à donner
une porte et des fenêtres.
Partis d’Eleusis à une heure et demie, nous suivons à peu près la
voie sacrée que parcourait la grande procession qui se rendait, chaque
année, d’Athènes au temple de Cérès. A peu de distance, à droite de la
route, sont quelques assises helléniques d’un des nombreux tombeaux
qui bordaient cette voie. Plus loin, à gauche, nous voyons les restes
d’un mausolée plus important, dont la masse quadrangulaire est formée
d’assises régulières de marbre blanc. A l’intérieur, un sarcophage ren¬
versé porte une longue épitaphe dont les premiers mots, stpaïon
ixiAOTOY, nous font connaître le nom du personnage en l’honneur
duquel le monument avait été érigé. Je crois ce tombeau d’époque
romaine, d’autant plus que parmi ses ruines se trouve un grand mé¬
daillon très-mutilé, de même style que celui que nous avons vu aux
Propylées d’Eleusis.
Avant de quitter les bords du golfe d’Eleusis, nous apercevons sur
une colline, à quarante pas de la route, une bande nombreuse de vau¬
tours fauves que le bruit même de notre voiture ne fait pas enlever ; sur
le rocher, nous reconnaissons les traces qu’ont laissées les roues des
chars qui suivaient la voie sacrée, et nous nous engageons dans le pit¬
toresque défilé de Gaïdarion, qui, séparant les monts Icare et Corydalus,
réunit les plaines d’Eleusis et d’Athènes. Vers le tiers de ce passage, on
trouve, à gauche de la route, un monceau de ruines informes, et des
traces d’ex-voto taillées dans le rocher ; c’est tout ce qui reste du temple
de Vénus Philœ.
DAPHNÉ.
373
Au point le plus élevé du défilé est le monastère de Daphné, qui a
remplacé un temple d’Apollon dont les deux dernières colonnes ioniques
ont été enlevées par lord Elgin^, et dont il ne reste visible que les sub-
structions parallèles à l’église. Du côté de la route, le monastère était
défendu par un grand mur crénelé, aujourd’hui en ruine; le rempart,
flanqué de tours, est probablement de construction vénitienne. L’église,
en fort mauvais état, est un curieux spécimen de l’architecture byzan¬
tine. En y entrant par la façade, on se trouve dans une sorte de vesti¬
bule, de nartheæ, formé par l’ancien porche dont on a muré les entre-
colonnements. Trois des quatre colonnes qui formaient ce portique sont
de marbre et antiques. Un sarcophage de marbre y est déposé. La
muraille qui forme le fond du vestibule est percée de cinq portes; les
deux plus petites , aux extrémités , ouvrent sur deux petites chapelles
voûtées, dont une contient un énorme sarcophage de marbre. Les trois
portes du milieu donnent dans un étroit vestibule communiquant à
l’église par une porte très-élevée à chaque bout, et au milieu par une
très-petite porte ogivale. Dans des culs-de-four, aux extrémités de ce
vestibule, sont les têtes en mosaïque de deux saints; sur les arcs exis¬
tent encore quelques autres restes de mosaïques. L’église même est en
forme de croix grecque avec dôme au centre et deux étroites chapelles
aux côtés du chœur. Toute la partie supérieure du monument était re¬
vêtue de mosaïques. A la coupole est une tête colossale du Christ, et
au-dessous, entre les fenêtres, sont seize figures de saints; aux pen¬
dentifs sont représentés le Baptême de Jésus-Christ , la Transfiguration.,
V Annonciation et la Nativité. Dans la croisée de gauche sont peints en
grisaille le Christ sur la croix et les saintes femmes, en face de V Entrée
à Jérusalem; à la croisée de droite, nous voyons la Résurrection de
Lazare et V Incrédulité de saint Thomas. A la tribune est en mosaïque la
Vierge entre deux anges. Dans les chapelles latérales sont deux têtes de
saints, et dans cehe de droite on remarque quelques restes de peintures
byzantines représentant la Vierge, des anges et des saints. Au nord de
l’église se trouve, comme je l’ai dit, l’emplacement du temple d’Apollon ;
au sud est un cloître ruiné, soutenu d’un côté par des tronçons de co¬
lonnes antiques. Sur un mur, à hauteur d’appui , est déposé un beau
1. British Muséum, Elgin Saloon, n"* 231 et ‘2(U.
374
QUATRE JOURS DANS LE PÉLOPONESE.
chapiteau ionique ayant dû appartenir au temple'. Sur le sol sont cou¬
chées plusieurs autres colonnes antiques de granit, et d’autres marbres
provenant, sans doute, du côté méridional du cloître qui manque entiè¬
rement.
Continuant à parcourir la voie sacrée, nous reconnaissons sur ses
bords les restes de nombreux tombeaux antiques. En sortant du défilé,
nous laissons à gauche le mont Saint-Élie, dont le sommet porte un petit
monastère, et bientôt devant nous se déploie la plaine d’Athènes ; en face
se dressent l’Acropole et le mont Hymette; à droite s’étendent les ports
et la mer ; à gauche, notre œil plane sur Céphissia et le Pentélique, et un
peu en arrière, du même côté, il admire les profils heurtés et sévères du
Parnès. A six heures nous étions à Athènes, que nous n’avions quittée
que depuis quatre jours; et pourtant, pendant ces quelques heures,
quels souvenirs nous avions évoqués! Hercule, Persée, Thyeste, Atrée,
Agamemnon, Tyrinthe, Argos, Mycènes, Némée, Corinthe, Mégare,
Eleusis, Salamine, Lépante! Ces grands noms qui, dans notre jeunesse,
ont tant de fois fait battre nos cœurs, ont pris pour nous un corps, une
réalité. Avec quel bonheur nous relirons ces drames saisissants d’Homère,
d’Hérodote, de Thucydide, de Diodore, dont maintenant la scène se
déroulera sous nos yeux! Voir, c’est avoir, a-t-on dit; mais aussi, lire,
c’est acquérir. Puissent mes lecteurs avoir eu quelque plaisir à partager
mes richesses !
TABLE DES CHAPITRES
Pages.
Avant-propos . 3
Chapitre I. Acropole. Murailles.
Entrée.' . 9
Chapitre II. Propylées. Piédestal
d’Agrippa. Temple de la Victoire
Aptère. Piédestaux. Autels. En¬
ceintes de Diane Brauronia et
de Minerve Ergané . 33
Chapitre III. Parthénon. Partie
orientale de l’Acropole. Temple
de Rome et d’Auguste. Musée de
l’Acropole . 83
Chapitre IY. Éreclithéion. Grotte
d’Aglaure. Piédestal de Minerve
Promachos. Fontaine Clepsydre.
Grotte de Pan . . . 153
Chapitre V. Temple de Thésée. Mo¬
nument de Chalcodon. Métroun.
Temple de Cérès. Temple de Ju¬
piter Olympien. Temple de Ju-
non et de Jupiter Panhellénien.
Temple de Bacchus ou Lénæon.
Colonne au sud de l’Acropole. . . 187
Pages.
Chapitre VI. Pœcile. Sénat. Por¬
tique des Éponymes. Portique
d’Adrien. Gymnases d’Adrien et
de Ptolémée. Agora. Tour des
Vents. Arcades. Prytanée. Bain
romain. Arc d’Adrien . 221
Chapitre VII. Monuments choragi-
ques. Théâtre de Bacchus. Por¬
tique d’Eumènes. Odéon. Fon¬
taine Callirhoé. Temple sur l’Ilis-
sus. Stade. Tombeau d’Hérode
Atticus. Temple de Diane Agro-
tera . 267
Chapitre VIH. Collines. Aréopage.
Colline des Nymphes. Habita¬
tions antiques. Temple d’Hér-
cule Alexicacos. Pnyx. Colline
de Musée. Tombeau de Cimon,
Prison de Socrate. Tombeau de
Musée. Monument de Philopap-
pus. Conclusion . 305
Quatre jours dans le Pélo-
PONÈSE . 335
TABLE GENERALE
ATHÈNES
Acropole . 9
Histoire . 9
Enceinte pélasgique . 12
Enceinte de Thérnistocle et de
Cinion . ilx
Mar ailles de Conon . 16. 20
Enceinte au moyen ûye . 16
Mar de Ciinon . 17
Mar de Thëniistocle . 17
Entrée . 21
Intérieur . 30
Agora, . 2/iA
Agora (nouvelle) . 2/i5
Arc d’Adrien . 262
Arcades près la tour des Vents . 257
Aréopage . 306
Avant-propos . 3
Avenue du Parthénon . 7A
Pains romains . 262
Belvédère de l’Acropole . 1^9
Colline de Musée . 32Zi
— des Nymphes . 315
Colonne au sud de l’Acropole . 218
Colonnes clioragiques . 281
— d’Éortios et de Timothée. . 80
Dédicace . 1
Pages.
Double niche . 3/i
Édicule d’Égée... . . 5A
Église des saints Apôtres . 182
Enceinte de Minerve Ergané . 78
Ennéapyle . 33
Érechthéion . 153
Portique oriental . 159
Sanctuaire de Minerve Poliade. 161
Portique septentrional . 163
Trous du trident de Neptune.. . 16Z|
Porte septentrionale . 166
Pandrosion . 167
Mur occidental . 170
Tribune des Caryatides . 171
Fontaine Callirhoé . 298
— Clepsydre . 180
Grotte d’Aglaure . 175
— de Pan . 183
Gymnases . 238
Gymnase d’ Adrien . 2/i2
— de Ptolémée . 2/(3
Habitations antiques . 315. 320. 326
Lénæon . 217
Métroun . 205
Mois athéniens . 119
Monument de Chalcodon. . 205
378
ATHÈNES. - TABLE GÉNÉRALE.
Monuments choragiques .
Monument choragique de Lysicrate ,
— de Thrasyllus .
Monument de Philopappus .... -
Muraille antique .
Murailles d’Athènes . 32/i. 325.
Musée de l’Acropole .
Odéon de Périclès .
— de Régilla .
Parthénon (ancien). .
Parthénon (nouveau) .
Destruction . .
Extérieur .
Intérieur .
Opisthodonie . .
Sculptures . , .
Frontons .
Fronton oriental .
Fronton occidental .
Métopes .
Frise .
Minerve . ' .
État actuel .
Inscriptions chrétiennes .
Sculptures dans l’Opisthodorne.
Autel des sacrifices .
Piédestal d’Agrippa .
— du cheval Durien .
— de Minerve Hygiée .
— de Minerve Promachos. . . .
— de Nésiotès .
— près le Parthénon .
— près les Propylées .
— de Vénus .
Pnyx .
Portiques .
Portique d’Adrien . .
Portique des Éponymes . 231
— d’Eumènes. . . . 28/i
Prison de Socrate . 327
Propylées . 36. Zil
Escalier . 37
Vestibule . Uk
Pinacothèque . *..... . hQ
Aile droite . 52
Mur cyclopéen . 53
Passage central . 5Z(
Portique oriental... . . . 56
Prytanée . 258
Sanctuaire de Diane Brauronia . 75
Sénat . 228
Siège de Butés . 175
Stade . 300
Temple d’Auguste et de Rome. . . . l/i7
— de Bacchus . 217
— de Gérés . 200
— de Diane Agrotera . 303
— d’Hercule Alexicacos . 316
— de Junon et de Jupiter Pan-
hellénien . 217
— de Jupiter Olympien . 206
— de Thésée . 186
Extérieur . 190
Métopes . 196
Frises . 198
Intérieur. . 200
Musée . 202
— de la Victoire Aptère . 65
— sur rilissus . 299
Théâtre de Bacchus . 283
Tombeau de Cimon . 325
— d’Hérode . 303
— de Musée . 328
Tour des Vents' . 250
Pages.
267
, 270
276
329
^Ulx
327
lâ9
281
286
83
8â
85
87
97
99
103
lOâ
106
109
113
118
127
132
136
lZi2
l/l6
61
77
59
178
59
lâ8
llx
58
317
221
233
QUATRE JOURS
DANS LE PÉLOPONÈSE
Pages.
Acro-Corinthe . 363
Argos . 3/i8
Cléones . 362
Corinthe.. . 362
Daphné . 373
Doko . 3A0
Égine . 338
Éleusis . . ■ . 369
Hexamili . 367
Hydra . 3/i0
Hypsili . 3A1
Pages.
Kalamaki. . . 367
Lepsina . 369
Mégare. . . 368
Mycènes . . . • • 350
Nauplie . 3Ai
Némée . 360
Poros . 339
Spetzia . 3/i0
Tirynthe . 3Zi4
Trikéria . 3A0
Tripa . 368
i»lA ittWi-ilWlf ^